13. La route d’Agdz à M’Hamid

MARRAKECH ET LA VALLÉE DU DRAA

 

La route construite un peu en hauteur au dessus de la palmeraie domine les jardins, paysage verdoyant. Nous jetons un air un peu blasé aux casbahs et aux ksour sans nous y arrêter. La kasbah Oulad Othman est vraiment impressionnante, nous marquons l’arrêt sans la visiter. La route s’élève dans le défilé de l’Azlag . La falaise brune éclipse le soleil pendant un petit moment et c’est bien reposant. Beau panorama sur la palmeraie. J’essaie de repérer les strates épaisses qui coiffent la montagne. Géologie à la jumelle, évidente pour qui possède les repères que j’ignore. Jusqu’à Zagora, la palmeraie reste proche même si la route s’éloigne parfois. Zagora est une ville avec des bâtiments officiels, des grands carrefours, des banques, de nombreux hôtels. Nous nous félicitons de lui avoir choisi Agdz pour étape.

Entre Zagora et Tamgroute nous rencontrons les premiers amas de sable. Peut –on les appeler des dunes ?

les portes du désert
les portes du désert

Tamgroute s’est développée depuis  notre premier passage il y a 12 ans. C’était un petite bourgade dans mon souvenir, notre guide nous avait cueillie à l’entrée de la ville. C’était un homme charmant, artiste, cultivé qui nous avait fait une longue visite et offert une esquisse calligraphiant nos prénoms avec les troncs des palmiers. Je garde un très bon souvenir.

Aujourd’hui nous traversons des faubourgs avant de trouver la Mosquée où se trouve la bibliothèque fameuse. Un homme en djellaba nous fait garer la voiture dans l’ombre du minaret et propose ses services. Pas question d’y couper, guide ou faux guide, autant prendre celui-là ! A la bibliothèque, il cède le guidage à un très vieil homme tout ratatiné dans une chaise roulante qui récite plus qu’il n’explique. La bibliothèque date donc de 1600 et contient 4000 manuscrits. Le plus ancien est un Coran sur peau de gazelle de 1063/483. D’autres ouvrages enluminés et calligraphiés sont des commentaires du coran, du Droit coranique, des ouvrages de grammaire, d’astronomie, de mathématiques, il y a même une histoire de l’Egypte,  un dictionnaire turc/arabe et des poésies berbères transcrites phonétiquement en alphabet arabe. Tout ceci est présenté dans des vitrines. Précieux pour des érudits, émouvant pour qui sait lire l’arabe, les manuscrits anciens me plaisent. J’avais passé une matinée passionnante au matanadaran à Erevan. Malheureusement l’interdit religieux des images limite l’enluminure à de la calligraphie ce qui est plus difficile à apprécier.

A grands pas, mon guide en djellaba rayée traverse la cour de la zaouïa pour me montrer le mausolée du fondateur de la bibliothèque Sidi Mohamed Bennacer. On n’entre pas, je ne peux qu’admirer les plafonds peints en bois de cèdre de l’Atlas à l’extérieur. Sous les arcades de la zaouïa vivent des pèlerins des indigents et surtout des malades qui espèrent recouvrer la santé à proximité du mausolée. Ils sont nourris par la communauté. Les femmes sont hébergées à part dans une salle.

Le complexe religieux comporte une université coranique où 120 étudiants étudient pendant 3 ans. Tout est gratuit pour eux, logement et nourriture mais ils ramassent les dattes et les vendent ; la ville de Tamgroute possède 7 mosquées correspondant aux 7 familles ; chaque famille peut avoir un effectif de 500 personnes. Venues avec les caravanes elles ont des origines lointaines au Mali même au Sénégal. Chaque famille occupe un quartier de la ville et se consacre à un métier. Nous nous engageons dans le couloir qui reste frais même dans la chaleur écrasante de l’été.

Les potiers de Tamgroute

poterie de Tamgroute
poterie de Tamgroute

Les potiers sont originaires du Mali. 460 membres font partie de la coopérative, dans chaque atelier les familles se relaient  à tour de rôle pour que chacun trouve du travail. La glaise est prélevée à trois kilomètres dans le lit du Draa étalée puis pétrie 4 à 5 semaines dans la cour. La couche prête à l’emploi est épaisse de 2 ou 3 cm et bien humide. Un homme travaille au tour, il est installé dans un creux seul émergent du sol de l’atelier, son buste et le pot en train de grandir. On fabrique toutes sortes de poteries : des grandes jarres émaillées de vert, des tuiles vertes ; des gobelets, des plats, des carreaux. La couleur verte(oxyde de cuivre) est la spécialité de Tamgroute mais on produit aussi des plats à tagine bruns (hématite). Aux oxydes minéraux on mélange aussi des pigments végétaux comme le henné ou le safran. Une autre technique plus délicate appelée « peinture au henné » est le travail des femmes. Les motifs sont marron et noirs sur un fond clair et ressemblent aux tatouages.  Evidemment la visite se termine à la boutique. Le potier a fait une visite vraiment intéressante, impossible de partir les mains vides. Je jette mon dévolu sur un brûle-parfum en forme de plat à tagine a joué de motifs de croissant de lune et d’étoiles. Le jaune que j’ai choisi est plus cher parce qu’il est au safran.(50dh). Le guide propose d’aller voir els forgerons, j’écourte redoutant un nouveau traquenard.

Je resterai sur mon ancien souvenir de Tamgroute. A la sortie nous voyons les premières dunes et la ville ensablée. Des constructions émergent à peine du sable.

la ville ensablée au sud de Tamgroute
la ville ensablée au sud de Tamgroute

La route est en chantier, une piste caillouteuse la double. Comme il y a pas mal de circulation on avale de la poussière. Le désert est plat, pierreux sans rien qui n’accroche le regard. Passé un autre col nous retrouvons le Draa dont l’eau est particulièrement limpide ce qui me paraît étrange. Des écriteaux préviennent :

          «  vous entrez dans le désert ! milieu fragile, économisez l’eau qui est précieuse ! emportez vos ordures ! »

un acacia, un puits...bel endroit pour un piquenique!
un acacia, un puits…bel endroit pour un piquenique!

Il est près de 2h, le pique-nique est minimaliste : une orange, une mandarine et une banane mais l’endroit choisi est rêvé : un acacia au feuillage léger et un  peu plus loin un puits. Des dromadaires ont laissé l’empreinte de leurs pas.

Tagounite

Tagounite est une ville de garnison. Une base militaire occupe l’entrée de la ville de ciment poussiéreux envahie par une horde de cyclistes : les lycéens qui retournent au lycée.

M’Hamid

M’Hamid est la fin de la route. Après, c’est le désert, la piste. En dehors du tourisme, il n’y a pas grand-chose. Le tourisme est agressif. Par trois fois des rabatteurs nous arrêtent.

12.jeudi, souk à Agdz

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Jeudi, jour de marché à Agdz. Le souk est aux portes de la ville. On arrive de partout, en grand taxi Peugeot ou en carriole à âne. La marchandise est déballée par terre légumes et quincaillerie ou outils, sur des tréteaux pour les épices. Les mandarines remplissent out l’arrière d’un petit camion, les tas d’oignons sont gigantesques, les pommes de terres monstrueuses. Tous les légumes d’été chez nous sont ici en décembre : petits pois, haricots verts, aubergines, courgettes, poivrons…Aucune femme : les hommes font les courses.  Des antiquaires ont suspendu des kilims colorés. Je demande le prix d’une théière décorée d’os 250dirhams (trop cher !) Le marchand nous rappelle. Elle ne me tente pas assez pour engager un marchandage. Un autre article me touche plus : un soufflet orné d’une étoile de David, d’une ménorah et une main de Fatima. Le marchand insiste, il est encore en état de marche. Après la visite du mellah abandonné, cet objet est émouvant. Pas question de le mettre dans la valise, il est trop encombrant. Je le quitte à regret.

11. Agdz promenade dans la palmeraie, Tannougalt

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la montagne Kissane, mon cap
la montagne Kissane, mon cap

Gaëlle nous a dessiné deux plans : un itinéraire-piéton, pour moi et un auto pour DT qui me rejoint.

La montagne Kissane dont le sommet semble coiffé d’un plat à tagine, est mon cap, elle doit être droit devant moi. A droite ou à gauche, j’aurais dévié. La palmeraie est tranquille et très vivante. Des hommes conduisent des charrettes tirées par des ânes, des femmes portent des sacs de luzerne (la femme porte, comme l’âne, l’homme conduit !). Des hommes travaillent avec la houe. Dans les rigoles coule de l’eau fraîche. Amandiers, figuiers et grenadiers ont leur feuillage roussi. Je remarque quelques oliviers et quelques goyaviers. Les choux poussent au milieu des luzernes ou des fèves. Il y a eu de légumes surtout du fourrage. Tout le monde est aimable et confirme la direction de Taliouine (Gaëlle m’a dit de ne pas pointer moi-même la direction, c’est impoli de contredire le visiteur). Je suis tout d’abord une route poudreuse puis une petite levée de terre le long d’une rigole, traverse le lit asséché du fleuve. Il faut alors monter sur la berge.

Le Draa et la Casbah de Taliouine
Le Draa et la Casbah de Taliouine

Une piste va à Taliouine que je quitte pour rester sur les bords du Draa sur le ciment d’un canal d’irrigation qui surplombe le fleuve dans lequel maintenant il y a de l’eau. Des femmes y lavent leur linge. Vue de loin la casbah de Taliouine est très belle, de près elle est très ruinée, tout le village de terre est en ruine, le village en ciment est situé plus haut.

les petits jardins de la palmeraie
les petits jardins de la palmeraie

De Taliouine à Tafergalt s’étend une belle palmeraie, mais Gaëlle m’a déconseillé de m’y hasarder, elle serait « labyrinthique » je marche sur le goudron sous le soleil pour ne pas m’égarer. La route court à flanc de montagne et domine les jardins dont je regrette la douce ombre.

Dominique me rejoint avant Tafergalt qui est composée comme Taliouine d’un village de terre quasi-abandonné et d’un village moderne de ciment et parpaing. Un petit garçon à vélo nous accompagne. Un peu plus loin en bordure de palmeraie on avise une jolie casbah que je dessine assise sur un muret.

casbah
casbah

Tannougalt

Tannougalt se trouve entre la route d’Agdz à Zagora et le Draa. Nous dépassons des casbahs aménagées en hôtel sans trouver le village ancien. Sur la route, nous prenons en stop un homme qui connait le restaurant Chez Yacoub recommandé par Gaëlle et nous pilote jusqu’à la place du village. On laisse la voiture en face du hammam. La visite du Ksar ne coûte que 20dirhams  plus 100dirhams pour le  guide.

Les portes du ksar de Tannougalt
Les portes du ksar de Tannougalt

Celui qui se présente a belle allure avec sa djellaba blanche, son turban violet et ses 1.98m. Le village fortifié a 4 entrées. La porte hispano-mauresque est celle des cavaliers et donne sur la place où se déroulaient autrefois des fantasias. Les trois autres portes sont celles des Juifs du côté du mellah, celle des paysans vers la palmeraie et celle des caravanes près du souk. Tannougalt était une étape sur la route de Tombouctou. Le nom de la ville vient d’un mot signifiant « carrefour ». Les dernières caravanes sont passées en 1968, juste après le départ des Juifs du Mellah.

Mellah de Tannougalt
Mellah de Tannougalt

Le ksar de Tannougalt date du 16ème siècle. C’est le plus ancien de la région. C’était aussi le siège du tribunal où le Caïd rendait la justice. Avant de parvenir au cœur de la casbah on passe par des couloirs très frais et très noirs. A l’entrée se trouvait une salle d’attente pour les plaignants. Dans un renfoncement, Abdel nous montre une grande jarre en terre cuite destinée à la conservation des dattes. Dans la palmeraie on distingue 24 variétés de dattes pour 4 usages : la consommation des dattes fraîches pour les humains, la nourriture des animaux, la conservation des dattes plusieurs années, et la fabrication par les Juifs du Mellah d’eau de vie de dattes.  Une première petite cour est éclairée par un puits de lumière.

la cour principale
la cour principale

La cour principale est carrée 8 colonnes portent les arcades en fer à cheval revêtues de tadelakht et décorées de motifs géométriques.  Au centre, des tapis et coussins figurent la vie dans cette cour. Un côté est occupé par les greniers (agadir), un autre par le tribunal. Le caïd siégeait à une extrémité, les plaignants à l’autre bout ; un grand espace les séparait. En face se trouve le hammam. L’étage st réservé aux femmes. Au plafond sont dessinés les motifs des tapis qu’elles tissaient sur la galerie. Autour de cette galerie se répartissent les chambres. Celle de la favorite est située au dessus du tribunal. On monte enfin sur la terrasse.

Le Mellah a été abandonné à la fin des années 60. La synagogue et le cimetière sont restaurés par la fondation Attal Habib. Les Juifs étaient des artisans confectionnaient des bijoux et des sandales. Ils étaient aussi commerçants. Après leur départ les caravanes cessèrent de s’arrêter à Tannougalt.

Il ne reste plus que 28 familles au village plus 5 étrangers qui reviennent régulièrement en vacances au village.

De la terrasse on voit la palmeraie. L’eau se trouve proche de la surface, puits profonds de 10m. le barrage sur el Draa près de Ouarzazate effectue des lâchers d’eau trois ou quatre fois par an.

Déjeuner chez Yacoub sur la belle terrasse. Omelette berbère et salade marocaine. L’omelette chez Gaëlle était meilleure

10. Agdz – visite de la casbah du Caïd Ali – Hammam

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la casbah du Caïd Ali
la casbah du Caïd Ali

 

Visite de la Casbah du Caïd Ali

Gaëlle est l’épouse du plus jeune petit-fils du Caïd Ali, seigneur de la tribu vivant dans la vallée du Draa. Il possédait plusieurs casbahs dans la région, certaines beaucoup plus anciennes. Celle où nous logeons est vieille de 140ans, édifice de prestige vouée aux réceptions. De l’autre côté de la ruelle, une autre Casbah lui appartenait, plus grande et plus vieille d’un siècle. Non loin de là le Glaoui a construit la sienne dans le but de surveiller le Caïd qui déménagea à Tannougalt.

Notre chambre est située dans le riad, la cour d’honneur destinée aux invités, bordée d’arcades. Le jardin autrefois était planté de 32 orangers et 3 fontaines bruissaient. Les 4 derniers orangers sont morts au cours de la dernière sécheresse il reste une seule vasque. Hélas il est impossible d’envisager de replanter les arbres sans mettre en danger la casbah de terre déjà fragilisée par l’alternance des pluies et des sécheresses ainsi que par les séismes. Il faut imaginer la réception des invités : sous les arcades on étalait tapis et coussins ou dans les pièces si le froid était trop intense ou la canicule brûlante.  Ces pièces étaient conçues pour les températures extrêmes : de jour on ouvrait grand les vantaux pour laisser entrer la chaleur et la lumière tandis que les petites portes en arcade dans les portes monumentales étaient utilisées la nuit pour éviter de perdre la chaleur, les grincements des gonds de ferraille et aussi pour le respect dû aux invités, en effet l’ouverture était trop petite pour un adulte qui devait s’incliner. Pas de meubles au Maroc, seulement des tapis, des coussins, des nattes et des tables basses. Les plafonds peints imitent la tente caïdale. Ils étaient suspendus. Des petits trous jouaient le rôle de soupape pour évacuer l’air mis sous pression par le piétinement sur la terrasse. Du fait de la grande amplitude thermique, la seule dilatation serait dommageable aux murs de terre et aux plafonds sans cette astuce. En 1995, à la suite de pluies, une partie des arcades s’écroula.

 

Par chance, un architecte allemand, spécialiste de l’architecture de terre crue s’est intéressé à la casbah. Avec ses étudiants il collabore à sa restauration. La façade nord fragilisée par une fissure causée par un séisme est consolidée par un bâtiment qui l’étaie, une sorte d’entrée. Un des problèmes de la casbah est causé par un socle hétérogène, mi-roche mi-terre qui ne réagit pas de la même manière selon le substrat. La restauration pose évidemment des soucis financiers, les plafonds de palmier ont été refaits en eucalyptus et roseaux, meilleur marché.

Derrière le moucharabieh; la cour d'honneur des invités
Derrière le moucharabieh; la cour d’honneur des invités

A cour des communs possède un puits proche de la cuisine du hammam. Les deux grands côtés du rectangle sont occupés par les étables des animaux et en face par les greniers. Vaches et moutons vivent enfermés à l’étage ce qui ne pose pas de soucis puisqu’ils ne la quittent pas : on leur apporte du fourrage stocké en face. En hiver, sur les parcelles irriguées, on peut récolter la luzerne chaque semaine. La cour est à l’ombre presque toute la journée tant les murs sont hauts. Une heure quand le soleil est au zénith le soleil darde amis c’est l’heure de la sieste et personne ne sort.

Les chambres sont à l’étage dans le « château ». Comme dans les pièces de réception, le mobilier était  sommaire. Parents et enfants dormaient dans des pièces dont la taille variait en fonction du nombre des enfants. Quand la famille s’agrandissait on déménageait à côté dans plus grand ! Le décor était réchauffé par des tapis colorés. Au mur la décoration était minimale puisqu’on déménageait, les suivants n’auraient peut être pas apprécié

Gaëlle et sa famille on collecté dans les autres casbahs les éléments de décor et les plans.

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Tout en haut, encore une terrasse de réception. Cinq fenêtres à grillage de bois (genre moucharabiehs primitifs) permettaient aux femmes de voir ce qui se passait dans le Riad. Les 5 fenêtres symbolisent les 5 piliers de l’Islam ou les 5 prières.

Au sommet de la tour se trouvait le bureau du Caïd, carrelé d’Azulejos venant d’Espagne ou du Portugal et des plafonds peints de manière à impressionner les visiteurs.

Le Hammam

Soit brûlantes, soit froides, les douches communes de la casbah ne soulèvent pas mon enthousiasme. Anouar suggère le hammam situé juste à côté de la réception dans un bâtiment qui ne paie pas de mine derrière un grand tas de bois destiné au chauffage. Une petite fille me fait entrer par une porte dérobée derrière un rideau fait par un sac de riz ou d’engrais  en plastique. Elle tient la caisse : entrée 10dh+1dh pour le savon noir dans du plastique. Déshabillage dans la première pièce. Je laisse mes habits en tas sur un banc. Le seul banc existant,  parce qu’à l’intérieur il n’y a qu’un carrelage douteux et quelques robinets. Les femmes apportent tout leur équipement dans une corbeille en plastique : le tapis de sol, un petit banc en plastique, un seau personnel, une écuelle, le gant rugueux pour se frotter, la pierre ponce, le shampoing….Je n’ai rien de tout cela et je dois m’asseoir par terre pour me frotter avec les doigts. Celles qui se rasent laissent trainer les poils par terre (pas de poubelle). Je ne m’attarde pas. Je me frotte, me récure, me rince, me sèche et m’habille. Le temps d’une douche. Rien pour le keif !

Diner : couscous avec beaucoup de légumes, carottes, navets courgette, une sorte de potiron à chair rose, très doux. La viande, du bœuf confit et tendre se cache sous la pyramide de légume. La sauce est servie dans un bol, on peut diluer la harissa.

9. Agdz : la cascade de Tizgui

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La cascade de Tizgui

La cascade de Tizgui
La cascade de Tizgui

Sur la route de Ouarzazate, une dizaine de km d’Agdz, après une grande côte, la piste de Tizgui est bien indiquée. Des murets de pierre et des cairns la bordent. Pas trop pierreuse, un peu sableuse, elle est bien roulante pour les véhicules légers. Dans les épingles à cheveux de la descente elle est même cimentée. On prend à bord un homme en djellaba noir et blanche rayée qui transporte la planchette des colporteurs. On croit d’abord qu’il vend de la camelote pour les touristes. En route, il me montre une bague en or. C’est le bijoutier ! La planchette est vitrée, tous les bijoux sont en or pour les villageoises. A une fourchette il descend à pied vers le village, le parking de la cascade surplombe un petit canyon.

cascade de Tizgui
canyon de Tizgui

L’accès à la cascade est facile : un bon sentier puis des marches cimentées protégées par un  parapet. La cascade est un mince filet d’eau glissant sur le rocher usé et tombant dans une véritable piscine naturelle. Un figuier s’accroche au rocher recouvert de végétaux aquatiques très verts. Dans le canyon poussent des palmiers. Omar se lève, vient à ma rencontre. Il m’offre du thé et me tend un cahier : son livre d’or, et un livre-photos montrant la cascade dans sa splendeur. Depuis deux ans il n’a pas plu. Omar a préparé le thé, il faut prendre son temps pour bavarder. Des plats à tagine sont alignés, il me montre son four pour un méchoui. Si un groupe s’annonce il peut servir le déjeuner.

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Je vais au village par le canyon, dix minutes à peine marchant le long de la rigole soigneusement cimentée. Les gros tamaris sont pleins d’oiseaux noirs à calotte blanche (traquet noir ou traquet à capuchon ? ) . Trois jeunes femmes lavent dans des bassines une abondante lessive dans un petit filet d’eau.  Elles l’étalent sur le versant d’en face sur des pierres. Elles m’accueillent avec des sourires mais ne parlent pas français. Une gamine marchant à peine quémande « bonbon, stylo ! » « oualou stylo » mon arabe basique les fait rire et la petite n’insiste pas.

Le village est construit de maisons modernes en parpaing gris dominé par un minaret jaune. La piste traverse l’oued devenu très large. On cultive la luzerne et les légumes de chaque côté d’une rigole. On s’arrête devant l’école primaire en ciment peinte en rose. Je continue la piste dans le lit du Draa sur des galets roses et verts. La granulométrie indique un courant impétueux. Quand le Draa a-t-il été ce torrent impétueux capable de rouler ces gros galets ? Il y a quelques mois, quelques siècles, quelques milliers d’années ? Quand le lit a-t-été plein d’eau ? Ici et là, de grandes flaques témoignent de la présence d’eau.

le village-fantôme sur les bords du Draa asséchés
le village-fantôme sur les bords du Draa asséchés

Un village-fantôme se fond dans la colline rouge. Les murs s’écroulent. Il n’est pas complètement abandonné : un gros bâtiment en ciment vert est construit à son sommet.

Des femmes marchent dans le lit de l’oued portant des fagots, des palmes sur la tête ou des sacs blancs remplis de fourrage, ou une coupe de roseaux. Plus loin, j’entends le bruit d’une pompe et vois de beaux champs de luzerne très verte et des épouvantails. La rigole est bien maçonnée, des cailloux plats sont cimentés. Il y a aussi un sentier bien marqué (au cas où l’oued serait en crue ?). Sur un rocher se prélassent des écureuils gris à la queue rayée et aplatie. Ils s’enfuient à mon approche.

Déjeuner au bord de la piscine chez Gaëlle. Par une autre température j’aurais bien nagé. L’omelette est servie dans un plat à tagine rempli jusqu’au bord. Elle est fourrée aux tomates, poivrons et oignons, des olives et même du citron décorent la surface. Gaëlle vient nous tenir compagnie.

 

8. Agdz – arrivée à la casbah du Caïd

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la casbah du Caïd Ali
la casbah du Caïd Ali

 

On croyait qu’on reconnaîtrait la Casbah du Caïd, notre hôtel, où nous étions passées en 2001. On se perd. Les passants interrogés ne nous aident pas beaucoup et nous orientent sur Tannougalt où il y a une belle casbah et de nombreuses maisons d’hôtes. On galère dans Agdz la nuit.

Riad : cour d'honneur nos chambres s'ouvrent là
Riad : cour d’honneur nos chambres s’ouvrent là

Gaëlle nous attendait plus tôt.Elle nous propose deux chambres : une belle ou une chaude, situées dans le patio d’honneur de la casbah, les chambres des hôtes de marque du Caïd. Nous logeons dans un  monument historique classé.

Évidemment, je choisis la « belle » qui a un plafond peint comme au riad Jenaï. Beau plafond, mais électricité défaillante. De plus elle s’ouvre directement sur le patio et est glaciale. On se replie sur la « chaude » dans un recoin isolé du froid, qui a un plafond bas de roseaux et palmiers bien éclairée. Pas de toilettes dans le monument historique, ni de douches. Les sanitaires sont à l’écart, ils sont communs à toutes les chambres, comme au camping. Nous avons fait du camping et devrions retrouver nos réflexes. Dîner excellent dans une salle grande et déserte qui fait plutôt cantine. Harira, tagine et clémentines.

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7. De Marrakech à Agdz par le Tichka

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Riad Laarous
Riad Laarous

Yannick a bu son café avec nous et nous a accompagnées à la place triangulaire où Moued nous attend dans un petit taxi jaune Dacia. A 8h30 on peut conduire dans la médina sans déranger les étals. Près de Riad Laarouss le téléphone sonne : on a oublié le sac à dos dans le salon, nous attendons Yannick devant la pharmacie et la Poste. A cette heure matinale, en face de la station pour les carrioles à ânes, les maçons sont assis avec truelles et outils pour l’embauche journalière.Le Guéliz est le quartier européen chic avec des banques, de beaux cafés, des boutiques de marques et les journaux français dans les kiosques. Impression de ne pas avoir quitté la France.

La route du Tichka

premiers villages sur al route du Tichka
premiers villages sur al route du Tichka

Quitter Marrakech est facile, c’est tout droit ! On longe les remparts. Par la route de Fès, nous traversons la palmeraie, ses hôtels-clubs, ses golfs et ses lotissements, quelle tristesse, je ne vois même pas les palmiers. Les eucalyptus sont plus prospères. Plus loi, des olivaies, quand récolte-t-on les olives au Maroc ? Sans prévenir, une cité champignon aux immeubles rouges tous identiques, aux boutiques vides, qui semble surgir de nulle part, banlieue satellite ?Le ciel se voile, le paysage est hivernal, les arbres défeuillé. Ait Ourir : marché, des bestiaux, vaches et veaux noirs sont hissés sur des pickups. Le piémont de l’Atlas est verdi par une herbe fine qui s’avère être des brins d’orge ou de blé, au dessus de l’Oued Zat on cultive la luzerne dans de petits champs.  A chaque virage on a installé des étals de cristaux et fossiles de l’Atlas. Plus haut, une forêt de pin enclose, c’est la Réserve de chasse royale. Dans la montée, nous suivons une caravane dont la tête est une camionnette de bestiaux puis une citerne de carburants Afrikia et de nombreux pickups. Les villages de terre sont comme incrustés, adossés au flanc de la montagne. La route suit le ruisseau qui a creusé tantôt un canyon tantôt une vallée cultivée en terrasses. Le paysage devient plus minéral. Des touffes de genêts et parfois des palmiers doums tellement trapus qu’ils n’ont pas de troncs,  s’accrochent à la roche. On passe de marnes gris-vert à l’ocre et au rouge. Les neiges s’approchent. Dans l’Oued Ameskar un attelage d’un cheval blanc et d’un âne laboure.

Midi, arrêt à Taddert

les petits restaurants de Taddert
les petits restaurants de Taddert

Des réchauds de braises fument. Côtelettes d’agneau sur la terrasse du Jardin, brochettes à « La Belle Vue », tagines de l’autre côté de la rue. Je commande des brochettes. La carcasse est suspendue dans la cabine carrelée comme l’échoppe d’un boucher. Le boucher ou restaurateur, découpe un bon morceau qu’il pèse et découpe. Il cuira 10  brochettes mais il faudra attendre un bon moment. La terrasse justifie le nom du restaurant.

Le col Tizn Tichka

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Plus loin, après la barrière de neige, il y a encore des baraques de jus d’orange et au col, une grande boutique. Le col est situé à l’exacte moitié du trajet Marrakech-Ouarzazate (190 km). Plaques de neiges, vent glacial, on n’a pas envie de s’y attarder.

Descente sur Ouarzazate

Sur le versant sud, le paysage change radicalement. La neige a fondu. Les roches sont plus rouges. Le ravinement impressionnant. Le premier gros village Aguelmous a de grande maison en ciment mais aussi de vieilles constructions de pierre aux fenêtres bordées ans large tour blanc.

premières casbahs
premières casbahs

La descente est plus facile que la montée. Le relief paraît plus tabulaire, plus aride aussi. Autour des villages on cultive des vergers, au dessus la montagne est désertique. Montagne en technicolor avec des passages bruns, d’autres verts presque turquoise, des pierres violettes, des collines rouges et orange. La barre qui coiffe le relief, parfois s’effondre. Les gros blocs glissent sur la pente en un monstrueux chaos.Amezgane : de petits champs sont soigneusement préparés, rectangles délimités par des levées de terre. Rien ne pousse en ce moment, hiver ou sécheresse ?

casbah de Tifoultoue
casbah de Tifoultoue

La route contourne Ouarzazate. Arrêt-photo à la casbah de Tifoultoute : au premier plan des palmiers, à l’horizon des crêtes blanches de neige. La casbah est mal entourée : un minaret tout neuf en ciment et des antennes-relais rouges et blanches. Nous l’avions visitée autrefois.

La RN9 vers Agdz, Zagora et MHmid

Agdz la montagne Kissane et la palmeraie au coucher du soleil
Agdz la montagne Kissane et la palmeraie au coucher du soleil

La RN9 traverse un désert de pierre – plaisir de la géologue qui est perplexe. Le volcanisme a troublé les séries sédimentaires. On devine un oued asséché par la présence de lauriers-roses et de palmiers. De temps à autres, des rangées d’oliviers et d’amandiers arrosés en goutte à goutte . Cultive-t-on le désert comme en Egypte ?

Le soleil baisse, la lumière se fait rasante, flatteuse par ses couleurs chaudes et les ombres profondes qui accentuent le relief. Les strates lus dures ressortent dans les pentes. Une montagne toute en pointe s’impose : Kissane, la montagne d’Agdz rose, mauve pâle dans un ensemble tabulaire brun et noir. A ses pieds : la palmeraie, merveilleux contraste !

Le soleil baisse encore. Les conducteurs, pressés d’arriver avant la nuit deviennent nerveux. Une file de 24 pickups nous double, rallye ou tourisme de masse dans le désert ?

6. Marrakech : Musée de Marrakech et Musée de la Photographie

MARRAKECH ET LA VALLÉE DU DRAA

Musée de Marrakech

le grand salon sous le velum et son lustre
le grand salon sous le velum et son lustre

Le palais qui héberge le musée est aussi intéressant que les expositions. . La cour intérieure est recouverte d’un velum et transformée en un immense salon éclairé par un lustre monumental en forme de cône renversé. Le sol est tapissé de zelliges. Les salles contiennent des collections de broderies, de bijoux et les souvenirs de la communauté juive. Les commentaires sont bien fait et complètent nos visites précédentes au Musée Berbère du Jardin Majorelle et de Dar si Saïd.

J’apprends donc que la broderie est réservée à quelques centres urbains ayant accueilli l’émigration andalouse : Fès, Tétouan et Rabat. Une petite exposition sur le thème du thé présente des théières. Le thé fut introduit au Maroc au 17ème siècle sous le règne de Moulay Ismaïl (1672-1727). L’Angleterre se réservait le monopole de l’importation par Mogador.

soupière pour la harira
soupière pour la harira

L’exposition la plus belle est celle des céramiques de Fès dans le grand salon aux beaux plafonds. J’aime beaucoup les motifs bleus, jaunes sur fond blanc et je remarque les soupières à harira : jobbarna.

Dans le hammam, exposition de peintures contemporaines naïves très colorées.

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Une exposition de peinture est celle de Mehdi de Graincourt, un Français résident au Maroc depuis 20ans. Il y a surtout des reproductions sur vinyle de grande taille : hommages à Matisse et à Majorelle, paysages du Maroc ou des ports de Tanger. Mehdi de Graincourt a également publié des livres dont une biographie d’Ibn Battûta (1304-1369).

Essaouira
Essaouira

La cafétéria installée dans la cour, très agréable pour boire un thé, sert également des sandwiches.

Musée de la Photographie

étonnants voyageurs

Non loin du Musée de Marrakech, on y parvient par des rues très tranquilles, sans circulation, occupées de peu de boutiques. Dans des fondouks – anciennes auberges, maintenant ateliers d’artisans menuisiers qui travaillent dans les cours dans les parfums de sciure de bois. On est surpris d’apercevoir derrière les outils et tout le déballage la belle vasque ancienne qui ornait un ancien palais.

Des musiciens percussionnistes sont installés devant le Musée de la Photographie. L’exposition Etonnants Voyageurs (décembre 2013-juin2014) présente une collection de  photographies anciennes de grand format : portraits de Berbères, d’un Juif, de Hamidou. La présentation chronologique débute en 1875 à Tanger d’abord où une école photographique  prospéra. Des photo autochromes apportèrent la couleur. Malheureusement je ne connais rien à la technique photographique : autochrome, tirages à l’albumine…Incapable d’admirer la photographie pour la technique, je découvre le Maroc d’avant l’automobile, avant le tourisme et l’occidentalisation. Turbans blancs et djellabas remplissent les ruelles, enfants en haillons, costumes traditionnels et bijoux berbères ; Beauté des souks dans la lumière tamisée par les ombrages ajourés des souks. De nombreuses explications littéraires font référence à Delacroix, Baudelaire, Pierre Loti, jusqu’à Bowles…

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Sur la terrasse, le restaurant,  nous sommes éblouies par la vue sur l’Atlas enneigé : minarets, hauts palmiers dépassent de la mosaïque des toits gris et rouge. Les paraboles occupent de nombreuses terrasses mais ne choquent pas. Le menu est à 80dirhams : salade d’aubergine ou harira, tagine yaourt. Nous commandons deux salades, des desserts et du kerkadé (62dh). Je dessine enthousiasmée.Il est presque 4h lorsque nous quittons la terrasse. Nous faisons un petit tour dans la direction des tanneurs par un souk où l’on vend surtout des produits alimentaires, boucheries et grillades. Le ballet des scooters et des mobylettes nous dissuade de continuer.

5. Marrakech : medersa Ben Youssef

MARRAKECH ET LA VALLÉE DU DRAA

La cour de la médernsa et son bassin
La cour de la médersa et son bassin

Du  Riad,  on passe devant le Hammam du quartier, sous une arche, l’entrée se trouve dans un passage.

La Medersa Ben Youssef est une sorte d’université qui hébergeait des étudiants il n’y a pas si longtemps – on voit les boutons électriques – dans les chambres des étudiants.

la cité universitaire?
la cité universitaire?

Nous commençons la visite par celle des quartiers des étudiants. Les chambres font plutôt penser à des cellules de prisonniers tant elles sont exigües : la solide porte est percée d’un guichet. Murs et sol sont nus, sauf un renfoncement (pour ranger les livres ?) une natte est repliée le jour, une écritoire bas est le seul meuble. Dans un angle, des barreaux font une échelle rudimentaire vers une trappe carrée, un autre étudiant occupait- il le grenier ou rangeait on les affaires au dessus ? Il y a 132 chambres mais ans doute le double ou le triple d’étudiants se partageaient les logements.

une chambre- une cellule?
une chambre- une cellule?

La cour de marbre est occupée par un bassin rectangulaire où se reflètent les décors. Du bas vers le haut, les murs sont recouverts de zelliges surmontées de bandeaux où des lettres arabes sont été calligraphiées sur l’émail noirs puis on a gratté pour faire apparaître la terre cuite rose ce qui donne une grande liberté pour le tracé des lettres et des motifs végétaux en relief. Des linteaux de cèdre ciselé supportent l’étage des chambres des étudiants privilégiés. Le mur est revêtu de stucs. Les décors de cèdre sont un peu effacés. Les motifs décoratifs sont variés. On reconnait – entre autres arabesques – des pommes de pin et des coquilles saint Jacques.

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Dans la salle de prière, les Saadiens ont fait venir du marbre de Carrare d’une finesse extraordinaire qu’on a envie de caresser. A l’époque on payait un kilo de marbre, un kilo de sucre. Le sucre était la richesse du Maroc. On l’échangeait contre le marbre en Italie, le bronze en Espagne et même contre de l’or en Afrique. Le cours du sucre s’est effondré avec la découverte de l’Amérique et les plantations des Antilles. Le plafond de la salle des prières est en cèdre, le mihrab, très creux est décoré de motifs de stucs et de stalactites.

calligraphie
calligraphie

Kuba

De l’autre coté de la mosquée ; derrière un parking à vélos et motos, en contrebas – le niveau du sol était  alors plus bas – se trouve la kuba, vestige de la mosquée almoravide qu’on ne visite pas en ce moment.

 

4. Marrakech – le Mellah le Palais Badi, la Bahia, musée Dar si Said

 

MARRAKECH ET LA VALLÉE DU DRAA

place des Ferblantiers luminaires
place des Ferblantiers luminaires

 

Il faut contourner la mosquée pour parvenir au Palais Badi. Mais de quel côté ? Les avis des passants sont contradictoires. Un homme nous montre un raccourci : une porte qui semble entrer dans une maison. Les ruelles conduisent à une boutique  nommée justement « le Palais El Badi ». C’est le traquenard ! L’homme nous barre le passage étroit et tend la main :

           « j’ai deux garçons ! »

Je sors un euro pour pouvoir passer. En revanche, le propriétaire de la boutique, habitué sans doute au passage, n’insiste pas pour nous faire admirer sa marchandise (beaux cuivres : plateaux, aiguières, bassins, menorah(on est dans le mellah). De l’autre côté, une rue passante avec des herboristeries.

place des ferblantiers pigments
place des ferblantiers pigments

La place des Ferblantiers m’avait laissé un souvenir très net. Il y a une douzaine d’années, on voyait travailler les artisans et tout un déballage hétéroclite. Elle a été modernisée, équipée de bancs. Les boutiques pour touristes sont amusantes avec des cônes de pigments multicolores imitant un cône de glace fondante. A peine assises, nous sommes la proie des vendeuses de bracelets, djellaba, voile, bouche masquée mais très insistantes.

          «  il ne faut pas casser la baraka ! »

Le Palais Badi est énorme. Les cigognes sont bien présentes. Nous ne trouvons pas l’entrée.

          «  C’est fermé ! » dit un vieux monsieur qui propose de nous conduire dans le mellah

          « c’est samedi, vous verrez le marché aux épices. Encore 500 juifs vivent ici il reste une synagogue, voyez la maison du rabbin ! »

marché aux épices, herboriste
marché aux épices, herboriste

« La maison du rabbin »  ce sont des chambres d’hôtes. Chabbat, cela devrait être fermé ! Je pense à Canetti sachant que je ne verrai plus rien de ce qu’il a décrit dans les années 50. 500, ce n’est pas beaucoup à côté des 16.000 juifs qui peuplaient le mellah. Des maisons juives, il reste les fenêtres grillagées avec un  petit auvent de bois.  Nous ne chercherons pas la synagogue aujourd’hui samedi.

Les épices embaument. Je confonds les fines feuilles vertes du henné avec de la verveine. Dans les allées des ânes tirent des charrettes. De mystérieux filaments pendent, des courges séchées tordues et géantes, des peaux de bêtes, même panthère mitée et zèbre.

Palais de la Bahia

palais de la Bahia portes
palais de la Bahia portes

Caché de la rue par un jardin arboré, ce palais est récent (fin 19ème début 20ème). On entre par un patio chaulé. Le parcours fléché nous balade de cours en pièces d’apparat, montant, descendant des marches, sans logique apparente. La première cour est découpée de 4 carrés plantés d’orangers et de bananiers séparés par des allées de zelliges aux cinq couleurs blanc- noir-vert-jaune- bleu, les plus grands carrés sont pris dans une sorte de résille formée par des rectangles. Au centre, une vasque de marbre. Les pièces sont vides, leurs plafonds mobilisent toute notre attention, peints de motifs traditionnels géométriques mais aussi de bouquets de fleurs rappelant l’Art Nouveau. La fraîcheur de leurs coloris est étonnante. Dans une pièce, des parterres fleuris entourent  des entrelacs orientaux bleus. Dans l’appartement de la Noble  Épouse, minarets et coupoles stylisé. On s’arrête souffler dans une cour carrelée, avec le torticolis d’avoir contemplé ces plafonds merveilleux.

palais de la Bahia : plafond peint
palais de la Bahia : plafond peint

Dar si Saïd

Deux rues plus loin, le Musée ethnographique berbère Dar si Saïd présente des collections analogues à celles du Musée Majorelle. Avantage : on peut prendre toutes les photos qu’on veut. Le palais vaut aussi la visite. Mais c’est moins bien présenté qu’à Majorelle, les vitrines sont vieillottes. C’est un havre de paix après la foule touristique de la Bahia.

Je passe assez vite devant les portes sculptées des greniers collectifs (agadir) en bois d’amendier (sic). La cuve monolithe de marbre sculpté a une longue histoire : elle vient d’Espagne, datée 1002-1007, elle a été transportée à Marrakech au temps des Almoravides. Les planchettes de bois pour els inscriptions coranique, les pièces de maroquinerie, les broderies (le plus souvent au point de croix) ne me retiennent pas longtemps.

Dar Si saïd : jardin
Dar Si saïd : jardin

Je découvre un jardin tranquille occupé en son centre par un kiosque octogonal abritant une fontaine. Les allées carrelées en zigzags verts et blancs rappellent le motif de l’eau. Les rectangles sont plantés d’agrumes, de bananiers mais aussi d’hibiscus encore fleuris, qui s’adossent à un haut cyprès. Ce jardin enchanté est un coup de cœur !

Dans les salles entourant le jardin on a présenté des céramiques et des poteries. Les plus belles sont de Fès et de Safi. Je photographie un enfumoir (moins beau que ceux de Majorelle). A l’étage sont exposés les tapis et une curieuse balançoire de bois travaillé.

Retour au riad

Comment rentrer ? Les taxis ne passent pas dans les ruelles. Il faut donc rentrer à pied en suivant les panneaux  Jamaa el Fna. Nous passons ensuite dans des souks qui vendent des vêtements. Tant que les articles n’intéressent pas les touristes on nous laisse une paix royale. Nous n’allons pas acheter une robe de chambre fuchsia ni un épais pyjama de peluche rose ! (je découvrirai plus tard que Beija, la cuisinière porte le même dans sa cuisine, pour sortir elle). Plus on s’approche de Jema el Fna, plus il y a de boutiques pour touristes.

La Place Jemaa el Fna est occupée par des barraques de jus d’orange. Nous ne verrons ni montreur de serpent, ni conteurs. Trois acrobates font une pyramide rapide On se serait bien attablées en terrasse pour manger un morceau mais les supporters de Foot drapeaux, écharpes et même haut de forme occupent toutes les tables. On trouve une table libre dans un boi-boui, menu unique : tagine de poulet (c’est prévu pour ce soir).

La faim au ventre et bien fourbues nous continuons le chemin vers le riad. Quel chemin ? Les policiers sont incapables de nous orienter. Ils s’y mettent à 8 ou 10. Peut être ne sont-ils pas de Marrakech, appelés en renfort à cause du match ? Sans un arrêt ni un regard sur les étals nous nous traversons le souk des maroquiniers, le souk des babouches. Nous acceptons avec répugnance l’aide de jeunes hommes qui n’est pas forcément désintéressée. Nous n’avons pas le choix, nous sommes perdues.

          «  la Medersa, c’est tout droit ! »

Enfin, nous apercevons l’enceinte de la mosquée Ben Youssef, le Riad est tout près ! Des brochettes sont bien appétissantes et bon marché 2dirhams l’une. Malentendu sur la monnaie, rendue, on les laisse. Le jeune qui nous accompagnait nous laisse aussi. Nous sommes trop mauvaises clientes !

Tout proche du but, mais perdues ! On entre dans des impasses. Enfin un homme en djellaba nous dépanne, il connait le Riad Esprit du Maroc, nos voisins. Le temps de redescendre, les boutiques ont fermé. Je retrouve devant la gargote des brochettes le même jeune homme, pas rancunier.

Nous passons l’après midi au soleil sur la terrasse à côté de la piscine ; les heures s’égrènent tranquillement. Les clameurs du stade pourtant lointain nous parviennent. Ahmed  des billets pour le match. Beija, la cuisinière, charmante et toute en rondeurs,  assure le service. Hier, sa harira avait fait un repas complet. Aujourd’hui, le menu est plus étoffé : velouté de carottes, légèrement épicé. Arrivent ensuite trois plats à tagine : deux poulets-citron et dans le 3ème les légumes qui ont mijoté à l’étouffé : minces bandes de courgettes et de carottes, lanières de poivron, aubergines, fèves, navet et pois frais. Pour finir oranges à la cannelle et cornes de gazelles. Yannick nous tient compagnie. Ahmed, Beija et Yannick savent recevoir non pas comme des clients mais comme de la famille.