MARRAKECH ET LA VALLÉE DU DRAA
La route construite un peu en hauteur au dessus de la palmeraie domine les jardins, paysage verdoyant. Nous jetons un air un peu blasé aux casbahs et aux ksour sans nous y arrêter. La kasbah Oulad Othman est vraiment impressionnante, nous marquons l’arrêt sans la visiter. La route s’élève dans le défilé de l’Azlag . La falaise brune éclipse le soleil pendant un petit moment et c’est bien reposant. Beau panorama sur la palmeraie. J’essaie de repérer les strates épaisses qui coiffent la montagne. Géologie à la jumelle, évidente pour qui possède les repères que j’ignore. Jusqu’à Zagora, la palmeraie reste proche même si la route s’éloigne parfois. Zagora est une ville avec des bâtiments officiels, des grands carrefours, des banques, de nombreux hôtels. Nous nous félicitons de lui avoir choisi Agdz pour étape.
Entre Zagora et Tamgroute nous rencontrons les premiers amas de sable. Peut –on les appeler des dunes ?

Tamgroute s’est développée depuis notre premier passage il y a 12 ans. C’était un petite bourgade dans mon souvenir, notre guide nous avait cueillie à l’entrée de la ville. C’était un homme charmant, artiste, cultivé qui nous avait fait une longue visite et offert une esquisse calligraphiant nos prénoms avec les troncs des palmiers. Je garde un très bon souvenir.
Aujourd’hui nous traversons des faubourgs avant de trouver la Mosquée où se trouve la bibliothèque fameuse. Un homme en djellaba nous fait garer la voiture dans l’ombre du minaret et propose ses services. Pas question d’y couper, guide ou faux guide, autant prendre celui-là ! A la bibliothèque, il cède le guidage à un très vieil homme tout ratatiné dans une chaise roulante qui récite plus qu’il n’explique. La bibliothèque date donc de 1600 et contient 4000 manuscrits. Le plus ancien est un Coran sur peau de gazelle de 1063/483. D’autres ouvrages enluminés et calligraphiés sont des commentaires du coran, du Droit coranique, des ouvrages de grammaire, d’astronomie, de mathématiques, il y a même une histoire de l’Egypte, un dictionnaire turc/arabe et des poésies berbères transcrites phonétiquement en alphabet arabe. Tout ceci est présenté dans des vitrines. Précieux pour des érudits, émouvant pour qui sait lire l’arabe, les manuscrits anciens me plaisent. J’avais passé une matinée passionnante au matanadaran à Erevan. Malheureusement l’interdit religieux des images limite l’enluminure à de la calligraphie ce qui est plus difficile à apprécier.
A grands pas, mon guide en djellaba rayée traverse la cour de la zaouïa pour me montrer le mausolée du fondateur de la bibliothèque Sidi Mohamed Bennacer. On n’entre pas, je ne peux qu’admirer les plafonds peints en bois de cèdre de l’Atlas à l’extérieur. Sous les arcades de la zaouïa vivent des pèlerins des indigents et surtout des malades qui espèrent recouvrer la santé à proximité du mausolée. Ils sont nourris par la communauté. Les femmes sont hébergées à part dans une salle.
Le complexe religieux comporte une université coranique où 120 étudiants étudient pendant 3 ans. Tout est gratuit pour eux, logement et nourriture mais ils ramassent les dattes et les vendent ; la ville de Tamgroute possède 7 mosquées correspondant aux 7 familles ; chaque famille peut avoir un effectif de 500 personnes. Venues avec les caravanes elles ont des origines lointaines au Mali même au Sénégal. Chaque famille occupe un quartier de la ville et se consacre à un métier. Nous nous engageons dans le couloir qui reste frais même dans la chaleur écrasante de l’été.
Les potiers de Tamgroute

Les potiers sont originaires du Mali. 460 membres font partie de la coopérative, dans chaque atelier les familles se relaient à tour de rôle pour que chacun trouve du travail. La glaise est prélevée à trois kilomètres dans le lit du Draa étalée puis pétrie 4 à 5 semaines dans la cour. La couche prête à l’emploi est épaisse de 2 ou 3 cm et bien humide. Un homme travaille au tour, il est installé dans un creux seul émergent du sol de l’atelier, son buste et le pot en train de grandir. On fabrique toutes sortes de poteries : des grandes jarres émaillées de vert, des tuiles vertes ; des gobelets, des plats, des carreaux. La couleur verte(oxyde de cuivre) est la spécialité de Tamgroute mais on produit aussi des plats à tagine bruns (hématite). Aux oxydes minéraux on mélange aussi des pigments végétaux comme le henné ou le safran. Une autre technique plus délicate appelée « peinture au henné » est le travail des femmes. Les motifs sont marron et noirs sur un fond clair et ressemblent aux tatouages. Evidemment la visite se termine à la boutique. Le potier a fait une visite vraiment intéressante, impossible de partir les mains vides. Je jette mon dévolu sur un brûle-parfum en forme de plat à tagine a joué de motifs de croissant de lune et d’étoiles. Le jaune que j’ai choisi est plus cher parce qu’il est au safran.(50dh). Le guide propose d’aller voir els forgerons, j’écourte redoutant un nouveau traquenard.
Je resterai sur mon ancien souvenir de Tamgroute. A la sortie nous voyons les premières dunes et la ville ensablée. Des constructions émergent à peine du sable.

La route est en chantier, une piste caillouteuse la double. Comme il y a pas mal de circulation on avale de la poussière. Le désert est plat, pierreux sans rien qui n’accroche le regard. Passé un autre col nous retrouvons le Draa dont l’eau est particulièrement limpide ce qui me paraît étrange. Des écriteaux préviennent :
– « vous entrez dans le désert ! milieu fragile, économisez l’eau qui est précieuse ! emportez vos ordures ! »

Il est près de 2h, le pique-nique est minimaliste : une orange, une mandarine et une banane mais l’endroit choisi est rêvé : un acacia au feuillage léger et un peu plus loin un puits. Des dromadaires ont laissé l’empreinte de leurs pas.
Tagounite
Tagounite est une ville de garnison. Une base militaire occupe l’entrée de la ville de ciment poussiéreux envahie par une horde de cyclistes : les lycéens qui retournent au lycée.
M’Hamid
M’Hamid est la fin de la route. Après, c’est le désert, la piste. En dehors du tourisme, il n’y a pas grand-chose. Le tourisme est agressif. Par trois fois des rabatteurs nous arrêtent.









































