1. Orly-Fès – arrivée à l’hôtel Batha

 

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

Fès, vu des Tombeaux mérinide
Fès, vu des Tombeaux mérinide

Orly, une file de cars de CRS attend, en prévision de la manifestation des salariés d’Air Liberté, en liquidation. – jugement est attendu aujourd’hui au tribunal de Créteil.

Fès n’est pas une destination touristique, nous sommes les seules touristes. Des familles attendent. L’Aïd tombe dans les vacances scolaires. Des adolescents voyagent seuls. On fait embarquer en priorité les enfants. La manifestation d’Air Lib se déroule sous nos yeux et bloque les cars qui nous conduisent à l’avion. Le vol est retardé d’une heure.

En vol

L’épaisse couche de nuages ne se déchire qu’à Toulouse, les Pyrénées enneigées sont magnifiques, à nouveau les nuages cachent l’Espagne. Éclaircie au dessus de la Méditerranée, de courte durée, par moment les villages blancs du Rif apparaissen

 

Arrivée à Fès
Descente sur Fès:  la campagne est verdoyante, piquetée de vergers géométriques.

fes medina - Copie
la médina

16h45, 12°C, temps couvert. L’aéroport, décoré de mosaïques, est situé à 15 km de la ville. On nous conseille de négocier le prix de la course en grand taxi autour de 100 Dirhams, pas plus. A la sortie, les chauffeurs se jettent sur nous: 120DH .Nous nous dirigeons vers l’arrêt du bus où attendent deux femmes, la mère en djellaba jaune et sa fille. Nous partageons le grand taxi, une Mercedes grise, pour 50 DH chacune (la mère dit 5000francs). Nous avons fait une bonne affaire !

La ville s’approche. Des immeubles modernes bordent une avenue plantée d’orangers, très vite nous nous trouvons sous les remparts

Hôtel Batha
L’hôtel Batha est construit autour d’un patio très agréable décoré de fontaines en mosaïque, . Le  bassin rectangulaire, long et étroit,  évoque l’Alhambra de Grenade. A l’écart, une piscine bleue.

Notre chambre est toute bleue : la porte-fenêtre donnant sur un petit balcon est drapée d’un lourd tissu aux plis compliqués. Un carrelage bleu foncé aux petits pavés carrés orne les marches, une banquette et la tablette sous le miroir. Ce carrelage fait tout le charme de cette décoration marocaine. Au mur, une belle photo de la ville, un minaret carré se détache sur un ciel nuageux tourmenté.

 

Méharées – Théodore Monod

LIRE POUR LE MAROC

sénégalmp 030 - Copie« La géologie sans marteau….Très âge de pierre, mais comme cela fait apprécier celui du métal!

Des champs de marbre à Amasine, blanc éclatant,  veiné de rose ou de vert très pâle, ou de mauve, puis bleu foncé, vert, lie-de-vin, carminé. De la neige, du savon, des bords de bassin à Trianon, des sucres glacés des confiseurs, des bougies d’arbre de Noël…. »

Comment suis-je passée tant d’années sans lire un tel texte! Incontournable! (je déteste cet adjectif). Pourtant j’ai abordé à plusieurs reprises le désert, au Maroc, en Égypte, au Sénégal…peut être la figure impressionnante de Théodore Monod m’avait intimidée?

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C’est avec un plaisir sans mélange que je goûte cette lecture.
Si la monotonie du désert effraie certains, ce livre est tout sauf monotone! Chaque chapitre est écrit sur un ton, un style différent. Tour à tour,  le naturaliste, en mission de biologie marine, choisit le désert et fait une comparaison hardie entre l’océan et les étendues désertiques.

« ici comme là, vivre c’est avancer sans cesse à travers un décor à la fois immuable et changeant, identique à l’œil que l’on ne saurait différent sans le témoignage du sextant, de la montre et de la boussole, s’aventurer comme à tâtons sous les plus éclatants soleils »

Le géologue prend la parole et jamais de façon pédante, toujours accessible et souvent drôle.  Il convoque parfois la Bible, dans ce qu’elle livre de plus documentaire sur la vie des nomades qui n’a pas tellement changé.  Ensuite l’ethnologue cherche les pétroglyphes parfois des graffitis modernes, interroge des touaregs sur des langues en voie d’extinction. Tantôt il raconte un service militaire comme méhariste avec l’absurdité militaire sous la plume d’un pacifiste. Roman d’aventures, ce celui qui rencontre des crocodiles, collectionne leurs crottes fossilisées, prend un bout de bois pour une vipère mais se fait piquer par un scorpion.
que d’aventures divertissantes!

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Initiant un jeune méhariste, il raconte l’histoire géologique du Sahara, cherchant sous les comblements d’alluvions et les dunes le substrat cristallin, ou la couche d’argile à graptolithes qui fera la liaison entre l’Algérie et le Mali….Quête scientifique, mais aussi chasse au trésor quand il a la chance de trouver un fossile humain vieux de 6000ans, ou la météorite….
Il va bien falloir que je rende le bouquin à la bibliothèque, mais je crois que je vais l’acheter!

Les voix de Marrakech – Elias Canetti

canettiLIRE POUR LE MAROC

Les voix de Marrakech est sous-titré JOURNAL D’UN VOYAGE. J’ai lu plusieurs fois La langue sauvée. Ce récit de voyage de Canetti 

Les premières rencontres sont celles des chameaux, cris angoissés d’un méhari enragé qu’on conduit à l’abattoir, arrivée d’une caravane de 700 bêtes, à la tombée de la nuit,  sous les murailles de la ville, conduite par des hommes « bleus » .

« Baraqués en cercle autour d’une montagne de fourrages [….]ils rappelaient une assemblée de très dignes vieilles dames anglaises en train de prendre le thé, s’ennuyant ferme mais avec tout de même, au coin de l’œil, une lueur de méchanceté mal dissimulées.  « 

Les voix humaines sont souvent celles des mendiants, aveugles, seuls ou en groupe, que Canetti écoute sans comprendre l’arabe

« Je ne voulais rien perdre de la puissance exotique des cris. je voulais être touché par les voix telles qu’elles sont par elles même et n’en rien affaiblir par un savoir artificiel et insuffisant. »

Ce texte m’a rappelé celui de Salomon Malka, dans Tinghir

« ….L’inépuisable gamme. L’infini répertoire[….]il y a le « solo » cas de figure prosaïque. C’est la détresse à l’état pur[….]il y a la figure à deux voix, le vieil homme aveugle et le jeune voyant[….]et puis il y a la symphonie, le choeur à plusieurs voix…. »

Sensibilité de voyageurs, loin du clinquant pour touristes…Le Journal de voyage ne s’attarde jamais sur les curiosités dont se délectent les vacanciers. Si ce livre nous ramène en conclusion place Jamaa El Fna c’est pour un « invisible » mendiant « amas d’étoffes brunes » ayant réduit sa mélopée à une seule voyelle ä-ä-ä-ä.

maisons silencieuses et terrasses désertes, sous les sommets enneigés de l’Atlas, Canetti ne pourra pénétrer dans l’intimité de ces murs aveugles, une image furtive, une femme derrière une grille, quelques enfants….la ville garde jalousement ses secrets.

Les conteurs et les écrivains publics ne sont pas oubliés. Pouvoir des mots prononcés, pouvoir des mots écrits…

J’attendais Canetti dans le Mellah. Natif de Roustchouk en Bulgarie, séfarade ayant encore gardé les traditions espagnoles, j’imaginais sa rencontre avec les Juifs du Mellah. 1954, le Mellah est encore habité par ses Juifs. Quand je l’a visité en 2001 pour la première fois, il était déjà vidé de sa substance. Magasins de soieries, marchés de légumes, école encore plus misérables, Canetti remarque la diversité des visages qu’il scrute. Avec humour, il remarque même un Juif lui rappelant Goebbels, parmi les Juifs de Rembrandt, ou les Berbères portant la calotte juive… Il découvre une fontaine, des artisans…. Ce n’est qu’à la seconde visite qu’il s’enhardit à entrer dans une cour. Le prétexte? la présence d’enfants lui suggère une école. On l’invite : « – Êtes vous israélite? Je lui confirmais avec enthousiasme. C’était si agréable de pouvoir répondre affirmativement…. » le voilà invité par toute la famille Dahan. Invitations chaleureuses, mais pas dénuées d’intérêt : les chômeurs de la familles espèrent obtenir une recommandation de ce Juif anglais riche auprès du commandant américain de la base militaire. Un emploi de plongeur, ou de tailleur conviendrait très bien.  Canetti nous fait rencontrer les membres de cette famille dont le père, figure impressionnante….

Dans le Maroc de 1954, les Américains ont encore des bases militaires, le souvenir de la Seconde Guerre mondiale est encore présent, le Glaoui est une figure importante. ….Le tourisme n’a pas encore envahi les souks. Époque révolue.

Ce journal de voyage,  d’une grande sensibilité , est aussi empreint d’une réflexion sur les mots, leur musique, ce qui ne m’étonne pas de la part de l’auteur de la Langue sauvée.

 

 

 

Tinghir de Salomon Malka

Salomon malkaLIRE POUR LE MAROC

C’est un mince livre (150pages) à glisser dans le sac de voyage, en partance pour le Sud Marocain – ou à télécharger (il y a une version Kindle), à lire dans l’avion ou ailleurs…

Attention! ce n’est pas un guide , vous n’aurez aucun détail pratique, même pas une description de la ville, aucune anecdote touristique, et il n’est même pas récent (2 000) et pourtant il nourrira votre imaginaire, peuplera ces mellahs abandonnés…. Livre mémoire pour ces Juifs marocains qui ont quitté le pays sans l’oublier, qui retournent retrouver le goût du Maroc. qui retournent prier aussi. Très beau Kaddish. Chapitre amusant racontant les mendiants.
Léger mais émouvant.

En attendant le très gros:

Histoire des relations entre juifs et musulmans des origines à nos jours de Abdelwahab Meddeb et Benjamin Stora

 

 

Tinghir-Jerusalem, film de Kamal Hachkar

TOILES NOMADES

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J’ai raté la sortie du film Tinghir/Jerusalem. Vendredi dernier, il se jouait encore à l’Entrepot, mais une seule séance. Il reste la VOD et Youtube.

Retrouvailles combien émouvantes entre Kamal Hachkar, marocain, français, natif de Tinghir qui a fait l’effort d’apprendre l’Hébreu et d’aller chercher en Israël ces Juifs marocains, « Berbères judaïsants » comme je l’ai lu quelque part, natifs aussi de Tinghir ou des environs. En VO on entend du Français, bien sûr, de l’Hébreu, de l’Arabe et du Berbère que certains pratiquent encore. Étonnant d’entendre que c’est l’Arabe marocain qui leur est naturel de parler. Mélange de Berbère et d’Hébreu pour les femmes.

Par de-là les relations judéo-musulmanes, la construction de l’identité dans l’exil est primordiale pour le cinéaste.

« C’est dans l’exil que je me suis construit… » [….] « c’est lorsqu’il y a un autre qu’on peut savoir qui on est »