Incendies – film de Denis Villeneuve, d’après la pièce de Wadji Mouawad

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Les guerres civiles sont les plus cruelles. Chrétiens, Palestiniens, musulmans se déchirent. Les vendettas, les représailles s’additionnent et seuls les chefs de guerres en tiennent un compte exact pendant des décénnies, remarque un personnage du film.

Quête des racines, quête d’identité …. les deux jumeaux canadiens sont projetés dans le Liban déchiré.

Thriller? On ne s’ennuie pas un instant pendant les 2h10 du film, les surprises et rebondissements  sont haletants.

Comment le cinéaste a-t il filmé ces décors de destructions absolues? Reconstitutions ou ruines encore visibles. La violence est extrême on n’en ressort pas indemne.

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La ressemblance entre les deux actrices qui jouent  Lubna Azabal (Nawal Marwan, la mère). la mère et Jeanne, Mélissa Désormeaux-Poulin,la fille et les nombreux flash- back, exigent du spectateur une attention redoublée aux décors. Un téléphone portable, un 4×4 nous permettent de nous situer dans le temps.

Tragédie, tragédie des origines, j’aurais aimé voir la pièce de Wadji Mouawad dans la suite du théâtre antique.

Tariq Ali – La Femme de Pierre

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 1899, dans un palais d’été sur les bords de la mer de Marmara une famille d’aristocrates ottomans se réunit. Parmi eux, un ancien diplomate, un officier, un armateur, un homme d’affaire, un baron prussien, mais aussi leurs épouses, sœurs, serviteurs, le barbier convié pour la circoncision d’un enfant….La  construction du roman est habile : chaque personnage raconte son histoire au cours d’un chapitre  imbriqué dans la progression. Le pivot : la Femme de Pierre,( une sculpture, un rocher ? une statue antique ? ) à qui traditionnellement les femmes se confient. La narratrice Nilofer : la plus jeune sœur de la fratrie a quitté son mari, un maître d’école grec, et vient avec son fils faire le point de son mariage raté.

Au début du roman, Iskander Pacha, le patriarche, est victime d’une attaque d’apoplexie : toute la famille accourt à son chevet.  Il apparaît comme une figure autoritaire gardien de l’ordre établi. L’arrivée de Memed son frère et de son amant prussien, le Baron, introduit comme une faille dans la famille traditionnelle. On apprend aussi rapidement que la mère de Nilofer est juive.  Toute la variété ethnique d’Istanbul, la cosmopolite,  est représentée. Petrossian, le fidèle serviteur est arménien. Le barbier est soufi. L’épouse de Salman est une copte d’Alexandrie. Si bien qu’on s’attend à voir apparaître un Kurde, une servante, un eunuque : un général, Catherine, la peintre est lesbienne,….le catalogue est complet, presque trop. Tariq Ali n’a oublié personne !

1899 , l’empire ottoman est sur le déclin qui préoccupe nos personnages dont ils discutent sans fin les causes. Ce sont des personnes éclairées qui lisent Machiavel dans le texte ainsi que Hegel ou Auguste Comte. Parmi eux des officiers trament une conjuration destinée à renverser Abdul Hamid. Je crois reconnaître en l’un d’eux le future Atatürk. On débat des réformes nécessaires, on se rend compte que la modernité n’ira pas sans sacrifice. Les assassins du père d’Orhan, grec , seraient-ils punis par le nouveau régime ? Les hésitations entre une identité ottomane cosmopolite et une identité turque sont intéressantes. On voit s’installer les prémisses de la purification ethnique dont les Arméniens seront les premières victimes, les Grecs suivront…

Le débat est passionnant. L’auteur par ses histoires centrées autour des personnages divers en livre toute la complexité. Cependant cet ouvrage est tellement politiquement correct que c’en est presque trop.   On a l’impression que Tariq Ali a voulu trop bien faire, que ce livre, quatrième volet du quintet de l’Islam est plutôt un manifeste qu’un ouvrage littéraire. J’avais eu la même impression à la lecture du premier roman : Un sultan à Palerme un beau sujet, une documentation intéressante, des idées généreuses mais un grand roman ?

Tariq ALI : La Femme de Pierre – Sabine Wespeiser Editeur – 392p

Fix me de Raed Andoni film palestinien

Toiles Nomades

Une migraine tenace harcèle Raed Andoni. Son médecin de famille ne trouve aucune explication physiologique « migraine due au stress » et lui conseille d’aller « voir en face » , qui? l’Autorité Palestinienne? l’occupant?  « Yaani, » La situation à Ramallah est en soit une prise de tête!

Au désespoir de sa famille et de ses amis, Raed ne veut pas faire un film militant. Il filme sa thérapie dans un centre de santé magnifique établissement, qui domine la ville,  un miroir sans tain destiné aux étudiants, permettra à l’équipe de filmer. Equipe qui ne parle pas l’Arabe et qui laisse donc l’analyse se dérouler sans comprendre ce qui se dira. Il nous fait aussi entrer dans l’intimité de sa famille.

Raed Andoni se met en scène avec humour. C’est à Woody Allen qu’on pense!

Il filme avec une incroyable liberté d’esprit. D’ailleurs  c’est sa liberté individuelle qu’il affirme: ne pas se laisser enfermer dans une case! Alors qu’on le voudrait résistant, porte-parole de la Palestine, il prend  la liberté de ne rien faire, de s’occuper à des jeux aussi puérils  qu’inutiles, pianoter sans fin sur ses deux ordinateurs allumés en même temps…Il n’a pas de complexe vis à vis de ses amis militants. Comme eux, il a fait de la prison. Mais il revendique le droit du « peut être » et du doute. Il n’a pas peur du ridicule quand il se dépeint, regardant le monde de haut, comme sur un chameau.

D’ailleurs un magnifique chameau harnaché attend au croisement sur la route qui va vers la Mer Morte….

Jason Goodwin – Le Trésor d’Istanbul

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Un roman policier à lire avant un voyage à Istanbul, ou encore mieux au retour!  En revenant d’un été grec, ce n’est pas mal non plus…

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1838, le sultan Mahmoud se meurt dans son palais de Besiktas, la Validé est restée dans le Harem de Topkapi, Hachim, notre détective, eunuque libre, qui a donc ses entrées au Palais, enquête sur une série de meurtres qui le touchent de près ou de loin. Attaque d’un marchand de légume grec, assassinat d’un libraire grec du Grand Bazar, disparition d’un Fontainier albanais, d’un archéologue français…

Hachim pense au début qu’il doit y avoir un lien entre ces faits divers. On lui suggère qu’une société secrète grecque serait probablement à l’instigation des meurtres des grecs, nous sommes proches des guerres de l’Indépendance Grecque et on parle ici de la Grande Idée. Hachim nous entraîne à Fener au siège du Patriarcat.

On parle de Byron et de Missolonghi où le poète est décédé, le médecin personnel du sultan est celui qui a soigné Byron !

Les identités successives Byzance, Constantinople, Istanbul s’emmêlent comme les serpents de la colonne serpentine de l’Hippodrome…

Mais je ne veux pas déflorer le mystère !

L’auteur entraine le lecteur dans tous les recoins les plus pittoresques de la Ville, nous fait connaître toutes les communautés qui vivaient à l’époque, Juifs, Arméniens, Italiens, Anglais, il y a même un  ambassadeur polonais alors que la Pologne a été démembrée depuis longtemps.  Courts chapitres : ce roman ressemble à un kaléidoscope, où tous les monuments servent de décor  des Sainte Sophie aux citernes, du Grand Bazar au bazar aux épices….Longues digressions aussi sur l’histoire aussi bien contemporaine (XIXème siècle, bien sûr) que très ancienne.

Jason GOODWIN – Le Trésor d’Istanbul – Grands  Détectives 10 /18 – 376p.

Amin Maalouf :Le dérèglement du monde

COMPRENDRE LE MONDE QUI CHANGE

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Sommaire : I. les victoires trompeuses

                II. les légitimité égarées,

               III. les certitudes imaginaires

   conclusion : Une trop longue Préhistoire. 

Dans les victoires trompeuses  l’auteur fait l’état des lieux après la chute du mur de Berlin. La Guerre Froide  terminée, c’est la victoire du libéralisme et de la démocratie, croit-on. « L’Occident a gagné, il a imposé son modèle, mais par sa victoire-même, il a perdu ». L’hégémonie américaine, l’extension de l’Europe aux pays de l’Est ont eut être conféré un certain optimisme mais l’auteur montre  que la supériorité militaire de Washington, n’a pas été contrebalancée par une autorité morale. Passant d’un conflit à un autre, du Panama à l’Irak puis à la Somalie, Haïti, la Bosnie… »cette répétition est préoccupante » note Maalouf. Plus loin il écrit « si l’Occident n’a pas pu profiter pleinement de sa victoire sur le communisme, c’est aussi parce qu’il n’a pas su étendre sa prospérité au-delà de ses frontières culturelles » et il analyse les prémices de la deuxième guerre d’Irak.

Une autre conséquence de la fin de la Guerre Froide est la fin du débat d’idées entre communisme et capitalisme et le retour de l’orthodoxie et de l’Islam, retour des clivages identitaires. Il voit  en « Internet un accélérateur et un amplificateur, a pris son essor à un moment de l’Histoire où les identités se déchainaient  et où « l’affrontement des civilisations » s’installait et où l’universalisme s’effritait … » En tant que Libanais, Maalouf connait les limites et les dangers du communautarisme qui a détruit la démocratie libanaise.

Le point de vue de Maalouf, libanais exilé est précieux. Se réclamant d’une double culture, occidentale et orientale, il possède aussi une connaissance détaillée de l’histoire du Proche Orient. C’est aussi un conteur formidable. Il analyse les conflits et la colonisation d’un regard non pas neutre mais doublement éclairé. Sans jamais tomber dans l’anti-américanisme primaire il comprend les rancœurs des opprimés et spécialement du monde arabo-musulman.

La deuxième partie : les légitimités égarées  est absolument passionnante. Je ne suis pas juriste et je ne sais pas ce que vaut ce concept de légitimité, dans cet essai il est particulièrement fécond. « La légitimité, c’est ce qui permet aux peuples et aux individus d’accepter sans contrainte excessive l’autorité d’une institution personnifiée par des hommes et considérée comme porteuse de valeurs partagées »

Commentant par l’élection en Floride de Bush, il écrit « je le pressentais un peu, aujourd’hui je le sais avec certitude, ce vote en Floride allait changer le cours de l’Histoire dans mon propre pays natal, le Liban ». Et avec son  talent d’auteur de romans historiques il narre deux contre-exemples, de légitimité portée par deux leaders Atatürk et Nasser, et dans la foulée c’est toute une fresque historique qui se déroule, de la Première Guerre mondiale avec la défaite de l’Empire Ottoman et les promesses de Lawrence d’Arabie jusqu’à la guerre d’Irak aujourd’hui. Ce concept de légitimité est porteur aussi dans le cas du Liban qui a refusé de faire la guerre à Israël, craignant d’entrainer son armée dans la défaite et qui, en ayant raison, contre son peuple a eu tort. Raisonnablement il aurait été insensé de faire la guerre, et pourtant ne pas l’avoir faite a eu des conséquences encore plus désastreuses.

Bien qu’alarmiste, ce constat n’est pas dénué d’espoir. Maalouf place la solution dans la culture et aussi dans les différentes diasporas qui possèdent une double culture et pourront servir de trait d’union entre leur pays d’origine dans le tiers monde et la culture occidentale.

Amine MAALOUF – Le dérèglement du monde – GRASSET 314p.

Lire ausssi

le site de Maalouf


Le Voyage en Grèce – H. Duchêne – Bouquins (iles ioniennes)

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Lectures ioniennes

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Le gros « Bouquins » m’a déjà accompagnée pendant de longues semaines au cours de nos vacances en Grèce continentale, dans le Dodécanèse et dans la Mer Egée. Pour un livre broché, sa couverture a drôlement bien résisté aux épreuves de l’empaquetage des valises, de la plage et de divers mauvais traitements. Lourd à emporter en voyage? Ses 1140 pages promettent de belles lectures, son index géographique, ses cartes, ses biographies et son glossaires sont tout aussi utiles!Le Voyage en Grèce et l’Odyssée ont presque suffi pour un mois!

Céphalonie, Ithaque, Corfou après Venise, j’étais partie avec des a-priori vénitiens, je pensais trouver des chevaliers, des Croisés, des Capitaines, la Bataille de Lépante….j’imaginais aussi des images antiques. Et bien pas du tout! la bibliographie m’a réservé une surprise : je me suis trouvée propulsée au début du 19ème siècle avec Chateaubriand, Lord Byron avec son Journal de Céphalonie et de fil en aiguille j’ai lu des auteurs que je ne connaissais pas comme Trelawny dans les Derniers jours de Shelley et Byron, Emerson…Et voilà que je découvre les guerres d’indépendance grecque dans un contexte géopolitique que j’ignorais. Je savais les îles ioniennes vénitiennes mais j’ignorais que cette domination ait pris fin avec l’épopèe napoléonienne et qu’ensuite elles furent l’enjeu de l’équilibre des puissances françaises, britanniques  mais aussi russe et turques… et cet éclairage m’a offert d’autres prespectives de lectures!

Ithaque avec Homère, certes mais aussi avec Schliemann , les passages de son journal sont extrêment pittoresques. Chance ou bluff? A sa descente de barque, Schliemann trouve un meunier qui lui loue son âne et qui lui raconte l’Odyssée à sa manière. Avec l’aide du meunier et d’autres habitants l’archéologue trouve le palais d’Ulysse, identifie le port de Phorkys et les divers lieux homérique. qaund on pense qu’un siècle et demi plus tard les spécialistes discutent encore pour identifier l’île actuelle d’Ithaque et l’Ithaque homérique?

Moins de surprise au 20ème siècle : Durrell, bien sûr, Lacarrière, Kazantzaki.

C’est l’Ithaque de Cavafy qui conclue le volume : ce poème m’a poursuivie, je le cherchais depuis si longtemps et il arrive juste à point, à Ithaque!

Scènes de vie villageoise d’Amos

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De ce roman – ou recueil de 8 nouvelles – se dégage un sentiment de nostalgie.

Tchékov? La Cerisaie, pourquoi pas?

Tel-Ilan, village fondé par des pionniers a perdu son dynamisme, ses habitants ont vieilli, les fermes sont délaissées et seule paraît active la spéculation immobilière, les magasins de bibelots, de meubles asiatiques destinés aux résidences secondaires des citadins. »La Provence en Israël!…la Toscane » s’enthousiasme l’homme d’affaire dans la nouvelle « les héritiers« .les enfants de spionniers ont bien vieilli, ils n’ont plus d’illusions. L’esprit pionnier s’est dilué. Seules restent les récriminations de Pessah, octogénaire,ex-député ; qui se souvient des querelles entre les différentes tendances du sionisme socialiste et marxiste? Amertume du vieil homme. Fatigue des femme. Pas d’enfants, seul l’agent immobilier a deux filles, mais elles sont en colonie de vacances. Kolbi, adolescent,est amoureux de la bibliothécaire qui accuse le double de son âge – amour sans espoir.

Qui est-ce qui sape les fondations de la vieille ferme, dans la nouvelle Creuser? Autre maison promise à la démolition dans Perdre

De l’esprit des pionniers il ne reste que les chansons anciennes qui réunissent périodiquement une trentaine de villageois…

Constat  de la fin d’un monde. Israël , que nous voyions comme le pays du kibboutz, du socialisme, a perdu son rêve, s’est urbanisé, le solcialisme s’est dissous, perdues les illusions et l’enthousiasme? La dernière nouvelle Ailleurs, dans un autre temps parle de moustiques, de marais à assécher comme dans les anciens temps, ailleurs? ou peut être du temps des premiers villageois.

La Femme à sa fenêtre d’Amos oz

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Invitation au Voyage et à la Lecture

Ce n’est pas le titre d’un livre. C’est un discours prononcé par l’auteur Israélien à la réception d’un prix littéraire à Madrid. Ce texte a circulé , à propos de la polémique autour du boycott des auteurs israéliens au salon du livre, il y a quelques mois.A propos d’un autre boycott, au cinéma cette fois-ci, je me suis souvenue de ce texte. Coïncidence je viens de lire les Scènes de vie villageoise qui est sorti récemment

Par ailleurs, je suis une fidèle lectrice d’Amos Oz.

La femme à sa fenêtre
Amos Oz
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant

« Si vous vous payez un billet d¹avion et vous rendez dans un autre pays, vous pourrez voir les montagnes, les palais et les places, les musées, les paysages et les sites historiques. Si la chance est de votre côté, vous aurez peut-être l¹occasion de discuter avec quelques habitants de là-bas.
Après quoi, vous rentrerez chez vous, avec une collection de photographies et cartes postales.
Mais si vous lisez un roman, vous vous payez en réalité un billet d¹entrée dans les labyrinthes les plus secrets d¹un autre pays et d¹un autre peuple.
Lire un roman, c’est s’inviter au domicile d¹autres gens et visiter tous ses recoins.
Touriste, peut-être aurez-vous l¹occasion de vous trouver dans une rue quelconque, de contempler une maison du vieux quartier de la ville et d¹apercevoir une femme qui regarde par la fenêtre. Puis, vous tournerez les talons et poursuivrez ton chemin.Lecteur, vous ne contemplerez pas seulement cette femme à sa fenêtre, vous serez avec elle, dans sa chambre, voire dans sa tête.Quand on lit un roman d¹un autre pays, on se trouve en réalité invité dans le salon d¹autres gens, dans la chambre de leurs enfants, dans la pièce où ils travaillent, et même dans leur chambre à coucher. On visite leurs douleurs secrètes, leurs réjouissances familiales, leurs rêves.C¹est pourquoi je crois que la littérature peut jouer le rôle de pont entre les peuples. Je crois que la curiosité est une valeur morale. Je crois que la capacité de se représenter l¹autre est un vaccin contre le fanatisme. La capacité de se représenter l¹autre ne fait pas seulement de vous un meilleur homme d¹affaires, un meilleur amant ; elle fait de vous un être humain encore plus humain.La tragédie israélo-palestinienne est, en partie, l¹incapacité de nombreux d¹entre nous, juifs comme arabes, de nous représenter l¹un l¹autre. Se le représenter vraiment : avec ses amours, ses angoisses, sa colère, ses passions. Il y a entre nous trop d¹hostilité et pas assez de curiosité.Les Juifs et les Arabes ont quelque chose en commun : tous deux, dans le passé, ont subi la violence de l¹Europe. Les Arabes ont été victimes de l¹impérialisme, du colonialisme, de l¹exploitation, de l¹humiliation. Les Juifs ont été victimes de la persécution, de la ségrégation, de l¹exil, et pour finir, de l¹assassinat d¹un tiers du peuple juif.On aurait pu se dire que deux victimes, de surcroît deux victimes du même persécuteur, auraient développé entre elles une sorte de solidarité. A notre grand regret, les choses ne se passent pas ainsi, ni dans les romans, ni dans la vie. Au contraire : les conflits les plus durs sont souvent ceux qui opposent deux victimes d¹un même persécuteur. Deux enfants d¹un père violent ne s¹aiment pas obligatoirement. Souvent, chacun voit en l¹autre l¹image du parent tortionnaire.Telle est la situation entre les Juifs et les Arabes au Proche-Orient. Les Arabes voient en les Juifs les nouveaux Croisés, un nouvel avatar de l¹Europe colonialiste. Les Juifs voient en les Arabes une réincarnation de leurs persécuteurs d¹hier : les auteurs des pogroms nazis.Cette situation fait porter à l¹Europe une responsabilité particulière dans la solution du conflit israélo-arabe. Au lieu de pointer un doigt accusateur en direction de l¹un ou l¹autre des côtés, les Européens feraient mieux d¹apporter sympathie, compréhension et aide à ces deux côtés. Vous n¹avez plus à choisir entre être pro-palestiniens ou pro-israéliens. Vous devez être pour la paix. La femme à sa fenêtre pourrait être une Palestinienne à Naplouse ou une Israélienne à Tel Aviv. Si vous souhaitez contribuer à faire advenir la paix entre ces deux femmes à leur fenêtre, vous feriez bien de lire davantage sur elles. Lisez des romans, mes amis. A travers eux, vous en apprendrez beaucoup. Il serait bien aussi que ces deux femmes se lisent l¹une l¹autre. Ne serait-ce que pour savoir ce qui, chez l¹autre femme à sa fenêtre, fait naître la peur, la colère ou l¹espoir.Je ne suis pas venu ici ce soir pour vous dire que la lecture des livres changera le monde. Mais je vous dis, et j¹y crois vraiment, que la littérature est l¹un des meilleurs moyens de comprendre qu¹au bout du compte, toutes les femmes à toutes les fenêtres ont un besoin urgent de paix.Je voudrais remercier les membres du jury qui m¹ont décerné ce magnifique Prix du Prince des Asturies. Merci, et que la paix soit sur vous. »Amos OzPar delà la dimension politique, je trouve que c’est une des plus belles invitations à la lecture pour les voyageurs.

Lecture pour Venise -Jean DIWO : Les chevaux de Saint Marc, Une épopée romanesque entre Orient et Occident

Lire pour voyager, voyager pour lire : préparer un voyage à Venise

 

Une semaine avant le départ pour  Venise, ce livre, soldé à  Intermarché, me faisait un clin d’œil. De lecture facile, il a occupé les deux siestes du week-end sous le lilas.

Je n’ai pourtant aucune sympathie pour les Croisés. Les  Francs de la 4ème Croisade  guerroyèrent à Zara (Zadar)  pour le compte du Doge de Venise Enrico Dandolo, prirent Constantinople d’abord pour y installer un empereur légitime  acquis à la cause de Venise et du Pape. Les exploits des chevaliers en tournoi ou au combat m’ennuient, leurs amours ne me touchent que moyennement.

 Geoffroy de Villehardouin échappe à cette règle, en tant que chroniqueur. Je l’ai déjà « rencontré » plusieurs fois au cours de nos voyages, à Monemvassia ou à Githyo dans de petits musées où ses écrits étaient cités. J’aimerais pouvoir le lire.

L’histoire commence à Lagny, à quelques kilomètres d’ici. Le tournoyeur Guillaume d’Amiens rencontre Marie, la fille d’un drapier. Ensemble, ils entendent le prédicateur Foulques qui prêche la croisade. Pour l’amour de sa dame, Guillaume se croise,  part à Venise, de là en Dalmatie puis à Corfou. C’est notre voyage ! Je supporterai donc les récits chevaleresques ! A proximité de Corfou, sur un ilot le « vaisseau d’Ulysse » il fait la connaissance d’Angelo, le neveu du Doge, architecte que le Doge Dandolo vieux et aveugle emmène pour emporter les trésors de Byzance à Venise. Le trésor convoité, justement les chevaux de l’Hippodrome qui deviendront les chevaux de Saint Marc. Les nefs feront escale à Ithaque où nous irons,  et à Andros que nous avons longée au mois de mai. J’ai toujours du plaisir à peupler en imagination des lieux connus. Au retour, Guillaume se mariera à Chios – au monastère que nous avons visité peut- être ?

L’armée croisée se disloquera dans d’interminables batailles et intrigues à Constantinople. Luttes de l’Empereur latin pour gouverner un territoire grec hostile, rivalité entre les barons pour des fiefs orientaux…Je suis un peu déçue, l’auteur s’attache à ses héros et nous fait bien peu de description de la ville, de ses palais et de ses magnificences. Il ne suffit pas d’écrire que la ville recèle des trésors, il aurait fallu nous les montrer mieux ! S’attacher avec plus de pittoresque à l’étiquette byzantine…Je me suis ennuyée à Constantinople dans le roman alors que les fresques roumaines racontant le siège de la ville m’avaient bien amusée.

une semaine plus tard, sur la place Saint Marc je n’ai d’yeux que pour eux, ils sont encore plus beaux que je ne l’imaginais. Au Palais Ducal  d’immenses ttableaux racontent la bataille de Zarra, le siège de Constantinople et je remrcie l’auteur de m’avoir servi de guide!

les Citronniers Film d’Eran Riklis

Destins de femmes dans un contexte dramatique.

 

Les larmes de Salma (Hiam Abbas, remarquable) qui pleure ses arbres,sa dignité bafouée quand le ministre de la Défense installe sa villa à quelques mètres de son verger…

Les larmes de Mira, la femme du ministre, devant un tel gâchis. Elle qui s’extasiait devant la vue paradisiaque sur les agrumes , délaissée et prisonnière de ses gardiens de l’armée et des services secrets.Pleure-t elle ses illusions? le massacre du paysage? l’hypocrisie de son mari?

Les miennes enfin, larmes de honte, de regrets. Absurdes. Je m’apitoye sur les citronniers! Arbres merveilleux qui déperissent, sans soin. Je ne sais pas pourquoi les arbres coupés me mettent dans une telle rage surtout quand il s’agit d’oliviers centenaires…Je ferais mieux de m’indigner quand on installe des barrages, quand on affamme Gaza. Et je pleure des citronniers!

Salma, figure admirable de dignité et de courage, qui défie l’armée israélienne, défi pacifique utilisant tous les recours juridiques pour sauver ses citronniers.

Eran Riklis est le réalisateur de la Fiancée syrienne, tragédie que javais aussi aimé.