coucher de soleil sur Alaverdi , vue de chez Gayané à Haghapat
Le Monastère d’Haghpat est le jumeau de celui de Sanahine. Même époque, même basalte gris, mêmes commanditaires : la reine Khosrovanouche et les princes Kyourikian- Kyourike et Sembat- représentés tenant la maquette de l’église.
les princes Sembat et Kiouryke
Des nuages ont envahi le ciel. Le basalte se confond avec eux sur fond gris ; les photos seront ratées. Nous reviendrons les faire avec le soleil matinal. Nous ne faisons qu’un parcours rapide et superficiel sans ouvrir le Kaplanian. Néanmoins je découvre des merveilles : les fresques de l’église Saint Signe et les jarres enfouies dans la bibliothèque. Sur le coup j’imagine qu’on y a rangé des livres et des manuscrits. Mais c’est peu pratique, comment les récupérer ensuite ? Kaplanian suggère qu’on y aurait mis des braises pour chauffer. Hypothèse encore plus hasardeuse. Pourquoi tant de jarres ? Devait-on zigzaguer entre les trous ? Y avait-il un plancher ? sans parler du risque d’incendie.
Sophik, prévenue par Jack, rencontrée à la buvette nous conduit à notre gîte « chez Gayané » bien signalé comme hôtel dans tout le village. Une grande maison crépie et quatre petites en pierre claire, encadrent le jardin. Des tables de bois sot protégées par des auvents. C’est là que nous dînerons. Notre chambre est simple mais avec tout le nécessaire (TV-satellite) climatisation inutile au mois de mai, une salle d’eau avec eau froide et eau chaude. En été la piscine doit être très agréable.
Trois femmes font la cuisine dans une pièce ouverte sur l’extérieur. Je pensais me joindre à elles puisqu’un cours de cuisine est au programme de la soirée. Elles ne l’entendent pas ainsi et m’invitent à boire un verre dans le jardin. J’ai tout de même l’occasion de les voir hacher les orties pour la soupe à mains nues. Je demande à l’une d’elles si cela pique. Elle me tape le bras avec une poignée d’orties. Oui ! Elles sont bien urticantes comme les nôtres ! Le bœuf mijote pour le dîner. Problème de communication : elles sont bien trop occupées pour essayer les gestes et les dessins.
Le dîner est servi à 19h30(après il ferait nuit et trop froid). Sur la table deux salades : une verte et concombre malossol accompagné d’une herbe dans la saumure, fenouil peut être. La soupe aux orties est servi avec de l’œuf battu et des pommes de terre. La viande est servie sans sauce juste avec les pommes de terre. Viande et patates sont fondantes imprégnée de paprika et parsemées de coriandre hachée très parfumé. Tisane mais pas de dessert !
Juste derrière l’église, un chantier gâche un peu la photo avec une grue. Quand nous nous approchons nous constatons que le projet d’hôtel ou de résidence a été abandonné depuis longtemps, la grue est rouillée et les panneaux muraux se dégradent. Un peu plus loin, un autre chantier beaucoup plus avancé, une sorte de pyramide dans le style Grande Motte, est aussi à l’abandon. La passerelle d’accès enjambant la grande route était précédée d’une statue géante. Des installations balnéaires plus rustiques, bungalows et même baraques de chantier métalliques, peintes de couleurs criardes sembles elles aussi désaffectées. Paradis communiste balayé par l’indépendance, le séisme ou les guerres.A l’entrée de Sevan la route littorale, une grande avenue à chaussées séparées, court entre des installations balnéaires plus récentes qui ont l’air d’être fonctionnelles mais rien de bien intéressant.
Dernier arrêt : la presqu’île de Sevan du parking des escaliers conduisent aux deux églises (874) commandées par Mariam, princesse bagratide. Après la conquête arabe deux siècles ont passé pendant lesquels les techniques sophistiquées de Hripsimé et de Gaiané se sont perdues (Kaplanian p.153). Ces églises de Sevan sont très dépouillées. De l’arrière des églises un sentier botanique s’avance jusqu’à la pointe de la presqu’ile. Courte promenade dans le soir, très agréable avec une vue magnifique sur le lac.
Dominique a remarqué dans le Petit Futé l’église de Hayravank au bord du lac une dizaine de kilomètres au nord de Gavar. Au pied de l’église, un berger à cheval rassemble son troupeau, des chevaux galopent. Charmant spectacle agreste. L’église est perchée sur un rocher qui surplombe le lac, précédée par des khatchkars. Cubique, en beau basalte gris finement appareillé, surmonté de deux coupoles pointues, l’une plus haute, l’autre plus large, elle est toute simple et ravissante dans ce cadre. Nous restons un bon moment et j’essaie de la dessiner.
Le petit déjeuner est copieux : feuilletés au fromage, yaourt, saucisses, gâteau au chocolat et pommes. Nous allons à l’hôtel Aviatrans où se trouve le bureau de Vacances Arménie pour prendre notre voiture, une Kia Rio noire, impeccable, qu’il va falloir soigner et laver avant de la rendre, le GPS est ventousé au pare-brise.
Juste après la Place de la République, je détache le GPS, erreur à ne pas commettre, je perds la bonne échelle. Nous sortons trop tôt après les usines Cognac et nous retrouvons dans les quartiers résidentiels de Yerevan. On s’égare dans un marché (tapis beiges et marron moches) puis dans les barres et les tours au parement de tuf rose, aussi des maisons basses précédées de tonnelles.
dimanche matin à Gayané
11heures, le GPS nous annonce que nous sommes arrivées. Bizarre, nous sommes dans une impasse aboutissant dans les champs. Campagne qui embaume le fumier. Jardins de lilas fleuris sous les neiges du Mont Ararat. Une cloche aigrelette tinte. L’église est derrière un grand mur de pierre ? Très jolie églises toute simple et vraiment très petite. L’assistance arrive pour la messe. Toute une compagnie de soldats en tenue de camouflage et en casquette, des gens endimanchés mais aussi des femmes en pantalon. Celles qui portent des mantilles sont les choristes. Quand on arrive, les prêtres en chasuble brodée promènent un étendard, les gens achètent ou tendent des sachets (hosties ?). Le prêtre qui dirige l’office est en bleu, les autres en violet. L’un d’eux agite l’encensoir d’où sort un nuage impressionnant. Je filme pour enregistre les chants, il me semble que mon appareil-photo est détraqué, tout est flou. Toute l’assistance suit le cortège derrière la bannière. L’église est très petite 2x5bancs. Sommes-nous dans la cathédrale la plus importante d’Arménie ? La messe se poursuit, les prêtres tournent le dos aux fidèles. Les femmes s’installent sur les bancs. Grands renforts de signes de croix (sens catholique), certaines s’agenouillent, d’autres se penchent touchant le sol de la main (nous avons vu faire cela en Roumanie). Avant de quitter l’église je découvre une borne multi-langue avec les explications touristiques. Nous ne sommes pas du tout dans la cathédrale d’Etchmiadzine mais dans la petite église Saint Gayané (630) martyre massacrée par Tiridate du temps de Dioclétien.
la cathédrale d’Etchmiadzine
Pour rejoindre la Cathédrale d’Etchmiadzine (malheureusement derrière un échafaudage) il suffit de suivre la foule qui chemine entre palissades et bâtiments. On arrive dans une véritable cité ecclésiastique avec de nombreuses constructions de pierres de plusieurs étages et de toutes les époques y compris contemporaine : les logements des ecclésiastiques, la bibliothèque, le séminaire et toutes sortes de dépendances. La messe est diffusée dans les environs : nous nous guidons au son d’une cloche aigrelette.
La cathédrale est beaucoup plus grande que Gayané. La cérémonie se déroule avec beaucoup plus d’apparat. La musique est magnifique. La foule se presse. Comme ils ne veulent pas tourner le dos à l’autel, ceux qui sortent vont à reculons et manque de se cogner dans ceux qui entrent. Je filme la haute coupole décorée de fresques. Les décorations m’étonnent par la sobriété des motifs très orientaux – des cyprès rythment les frises – pas un personnage – on se croirait dans un édifice turc.
Nous nous asseyons sur un banc de la cour plantée de grands arbres. Deux vieilles femmes se sont poussé pour nous faire de la place. Je sors mon cahier. Une vieille chante (faux). Je comprends assez vite qu’elle entend la messe dehors, qu’elle prie. Nous cessons toute conversation pour ne pas la déranger . Nous avons déjà assisté à une telle scène de gens assistant à la messe à l’extérieur en Bulgarie et en Roumanie où les églises sont exigües. Soudain le téléphone arménien sonne dans ma poche : Jacques situé de l’autre côté de la cour nous appelle. Le groupe de pèlerins qu’il accompagne est à l’intérieur de l’église, il peut donc nous donner des explications bienvenues.
Concernant la décoration intérieure, sous la domination persane, les décors ne devaient pas provoquer le pouvoir. Des fresques avec des représentations humaines auraient été détruites et auraient mis en péril l’église. Autour du tambour de la coupole, les médaillons des apôtres furent remplacés par les portraits des généraux persans et sur la clé de voûte on plaça la tête du Shah Abass (1587-1628). Quel soldat persan aurait osé mettre à bas l’effigie du Roi des Rois ? Cette ruse a donc préservé la cathédrale jusqu’à ce qu’elle passe sous contrôle russe. On a donc pu replacer les médaillons des apôtres, l’histoire ne dit pas de ce qu’il est advenu de la tête du Shah !
le khatchtkar l’Etchmiadzine avec une crucifixion
Jacques attire aussi notre attention sur les khatchkars, ces fameuses stèles portant des croix si finement décorées. L’un d’eux porte une scène de crucifixion ce qui est très rare en Arménie. On n’en connaît que trois exemplaire dans l’Arménie actuelle. Les khatchkars sont élevés en commémoration d’un évènement. Les trois crucifixions sont le signe d’une très grande souffrance. Après l’explication, je remarque que chaque croix porte une date.
Une église moderne très dépouillée en basalte gris est précédée d’un monument au Génocide de 1915.
Comme nous sommes à la campagne et qu’il fait un temps magnifique, nous regrettons de ne pas avoir emporté de pique-nique. Nous arrêtons la voiture devant un fast-food oriental avec pizzas et shwarma. A la descente de voiture, les patrons d’un restaurant se présentent. Pas facile de leur explique que nous cherchons des plats à emporter. Je hasarde le mot « pique-nique ». la dame m’entraîne dans le jardin intérieur très frais, très vert. Elle appelle sur son téléphone mobile quelqu’un qui parle anglais pour la commande. Affaire conclue !La dame m’entraine en parlant russe vers une table dans un coin derrière un muret sous une tonnelle, met la table.
Kebab et herbes
« vodka ? – niet ?- pivo ? niet pivo ! » Je ne sais pas comment dire « vin blanc ». Elle revient avec une bouteille d’eau pétillante, de beaux verres à pied à bord doré et une bouteille de vin de grenade qui fait plutôt penser à du Porto. Sur la table il y a deux sortes de pains, du fromage (pas coupé), un grand plat de salade de tomates et concombres très parfumé à la coriandre, et un plat en forme de poisson contenant toutes sortes d’herbes, coriandre, ciboulette, un genre de roquette et des feuilles violettes au parfum de menthe ainsi que d’autres indéfinissables et très gouteuses. Deux grandes brochettes arrivent, de la viande hachée (porc ?) très parfumées, torsadées présentées sur le pain arménien accompagnées d’un poivron rouge grillé, allongé que j’aurais dû goûter avec plus de prudence – véritable piment. Nous nous sommes bien régalées avec les brochettes, nous avons fait honneur à la salade et voici que la dame revient chargée d’un poulet découpé. Il y a erreur ! Nous renvoyons le poulet sans savoir si on nous le fera payer. L’addition s’élève à 4600 dram (9 €). On laisse 5000dram et la dame a l’air contente (malgré le poulet). Nous emportons l’addition pour nous la faire traduire quand nous rentrerons chez Hasmik.En prime, elle nous offre la boite de kleenex imprimée avec les photos du jardin et leur numéro de téléphone.
on vend des colombes sur le parvis de l’église, pour le plaisir de les libérer?
Nous poursuivons la route à la recherche de l’église de Sainte Hripsimé qui devrait se situer à l’entrée d’Etchmiadzine sur la route de Yerevan. Les mariages se succèdent dans la jolie petite église. Les gros 4×4 noirs aux vitres noires nous avaient fait penser à un enterrement ! Cette petite église du 7ème siècle a servi de modèle architectural aux églises arméniennes. Nous n’osons pas trop faire du tourisme au milieu de la bénédiction nuptiale.