Céphalonie : histoire des îles ioniennes

Céphalonie nous est devenue familière.

Ne pas chercher dans les Iles ioniennes une « Grèce standard » popularisée par les catalogues des agences de voyage et la publicité ! Les maisons blanches cubiques ne sont pas typiquement « grecques » elles sont cycladiques, les tavernes aux tables bleues aussi. A Céphalonie, on peint les maisons de ce rouge que les Italiens utilisent aussi pour les bâtiments des cantonniers, ou en rose « à l’italienne », orange, ocre ou jaune et même parfois en vert tendre ou bleu violent.

Pas non plus d’église à coupoles bleues ou rouges. Les séismes ont abattu les églises byzantines, ou les pirates, les normands ou les chevaliers francs qui auraient voulu imposer le catholicisme ? Les campaniles sont en ciment et datent des années 50  le modèle est  vénitien. Les deux grosses forteresses Saint George et d’Assos sont des souvenirs vénitiens. Il faut chercher dans la végétation les ruines des anciennes églises de pierre finement sculptées, classiques ou baroques ? Quand j’ai cessé de demander à Céphalonie une grécité touristique et simplificatrice j’ai découvert une île aux paysages variés, verts ou arides, des lauriers-roses fleuris et une profusion de bougainvillées. Si les séismes ont effacé de nombreuses traces de l’histoire j’ai quand même fini par en apprendre plus sur l’histoire de l’île grâce au petit livre pour touristes très bien documenté.

Histoire d’un peuplement très ancien: Homérique ou mycénien ? Quatre royaumes se partageaient l’île qui participa aux conflits entre Athènes et Sparte. L’île résista aux rois macédoniens puis aux romains avant de leur céder. Comme partout dans le monde grec on adorait Zeus (2 sanctuaires, Poséidon, Artémis… Jusque là, rien d’étonnant.

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L’histoire des Iles Ioniennes est également très liée à celle de l’Italie. Les Normands s’y fixèrent ; le nom de Fiscardo dérive de celui de Robert Guiscard, mort des fièvres en face d’Atheras en 1085 suivi par Bohémond et Roger . En 1185, les Iles Ioniennes furent détachées de l’empire byzantin. Vint ensuite une période trouble sous le pouvoir d’Orsini, tantôt vassal de Venise ou allié des Génois, jouant double jeu avec le Pape, s’opposant à Frédéric II de Sicile. Le livre Cephalonia a journey without end donne le détail des alliances entre le Francs et les familles royales byzantines, des hésitations entre catholicisme et orthodoxie. Les Turcs ne dominèrent l’Ile que deux ans de 1479 à 1481 et furent chassés par les Vénitiens aidés de l’Espagne. En 1538 cependant 13000 Céphaloniens furent réduits en esclavage. L’autorité vénitienne reposait sur un conseil Communautaire où la noblesse locale était enregistrée dans le Libro d’Oro. Les deux forteresses de St George et d’Assos  furent fortifiées par les Vénitiens. En 1757 Argostoli devint la capitale de Céphalonie.

En 1797, la population accueillit avec enthousiasme les troupes napoléoniennes entrées dans Venise. On brûla le Livre d’Or, planta un arbre de la Liberté à Argostoli: Céphalonie devint  française. Pas pour longtemps ! Avec la défaite d’Aboukir, une intervention russo-turque en connivence avec l’Angleterre amenait les Iles Ioniennes sous domination turque : une république de Sept Iles (Eptanisia) fut proclamée. 807, par le traité de Tilsit elles redevinrent françaises. Le sort des Iles Ioniennes dépendait directement des guerres napoléoniennes et passèrent sous l’administration britannique  de 1809 à 1864. Les évènements de 1848 eurent des échos à Céphalonie, des élections se tinrent en 1850 pour élire un Parlement. L’unification avec la Grèce ne se fit qu’en 1864. L’histoire contemporaine fut marquée par des épisodes d’occupation pendant les deux guerres mondiales et le massacre de troupes italiennes par les nazis en 1943.

Vue par le petit bout de la lorgnette, on repasse l’histoire européenne pendant un millénaire alors que je n’imaginais que les rivalités entre Venise et les Ottomans je vois s’inviter les Normands (entrevus dans nos voyages en Sicile et dans les Pouilles), Frédéric II,  les Croisés…. Je ne soupçonnais pas que les rivalités franco-britanniques présideraient taux destinées d’une si petite île. Je comprends mieux les interventions des romantiques, de Lord Byron et Chateaubriand, Lamartine et Emerson. Les soutiens enflammés à l’Indépendance de la Grèce devaient alors se lire dans ce contexte géopolitique.

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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