Un parallélépipède gris très sobre rappelle un hangar industriel sur une plateforme dallée. Une grue de levage soulève éternellement un bloc de marbre blanc.
Plutôt que musée du marbre, c’est le Musée de la Marbrerie.
Musée technologique, moins à la gloire du matériau précieux et noble de l’île qu’à celle des techniques d’extraction, d’équarrissage et de transport. Évidemment toute une partie de l’exposition est consacrée à la sculpture.
le marbre
La définition du « marbre » est celle des marbriers différente de celle des géologues plus restrictive. Le géologue nomme « marbre » une roche métamorphique calcique ou magnésienne, calcite ou dolomite métamorphisée. Ici, on considère comme du « marbre » n’importe quelle roche qu’on peut polir et travailler comme le marbre – marbre, gneiss ou brèche. Le » marbre vert de Tinos »est du gneiss.
La carte de Tinos et la carte de la Grèce situent les principales carrières avec les variétés et les couleurs. Les échantillons polis de différentes teintes forment une sorte de damier.
A Tinos, on exploite le marbre blanc, le marbre gris, blanc veiné de gris, et le « marbre vert » gneiss à séricite et chlorite. Point de grosses carrières industrielles défigurant l’île. Les exploitations sont de petite taille, familiales pour le marbre blanc ou gris, un peu plus importantes pour le marbre vert du Nord-ouest de l’île.
Représentation d’une carrière :

Une grande photo du front de taille avec les ouvriers au travail couvre tout un mur. Sur une estrade, devant la photo, sont disposés des blocs à diverses étapes de transformation et les outils des carriers, burins, coins métalliques, plaques qui permettent de fendre le bloc, ciseaux crantés… les noms des outils sont en Grec et en Anglais (ce qui ne facilite pas mon compte-rendu). Dans un coin un film montre le travail des carriers, le « fendage », l’équarrissage, le transport. La vidéo est sonore si bien qu’on croit entendre travailler pendant la visite.
Le transport, surtout, est impressionnant ; les carrières sont situées dans des montagnes au relief abrupt. Le poids d’un bloc est considérable. Sur place, peu d’engins de levage. Tout se fait à la force humaine avec des cordes comme dans l’Antiquité. Le bloc est glissé sur un traineau puis hissé sur un wagonnet sur rail. Une croix, taillée sur place est transportée à dos de mulet. J’avais déjà remarqué dans la campagne un âne portant ubn harnais de cuir dur renforcé avec des anneaux. La mule du film porte le même. Elle est capable de porter une charge de 300kg sur les sentiers de montagne. Un homme la guide, un autre retient avec des cordes le précieux, fragile et dangereux chargement.
Des hommes au travail
La grand force de ce musée est qu’il ne présente pas des techniques abstraite. Il montre des hommes au travail. L’entreprise filmée est celle des Karageorgis. Les ouvriers ont des noms, des visages. On imagine leur caractère, leur personnalité. L’un d’eux a même perdu un bras. Tinos se peuple ainsi d’ouvriers rudes à la tâche, habiles de leurs mains et ingénieux. Je pense à Zorba qui a, lui aussi travaillé dans une mine. Je pense aux affichettes du KKE collées dans la campagne, aux soleils du Pasok (sans aucune preuve, c’est mon imagination). Je pense aussi à Michel ange qui a fait le voyage à Carrare pour choisir lui-même les blocs de marbre qu’il voulait sculpter.
Le bloc qui glisse le long de la montagne est infiniment précieux pas tant de la pureté de son grain que du travail des hommes. La rampe est vertigineuse jusqu’au port où l’attend la grue qui la montera sur un bateau ou la machine à découper les plaques.

La sculpture
La sculpture du marbre est aussi l’affaire de Tinos ; Le savoir-faire se transmet de père en fils. L’arbre généalogique de la famille Philippotis montre sept générations de sculpteurs de 1760 à nos jours .Dans mon ignorance, j’imaginais l’artiste improvisant devant son bloc. La réalité est tout autre.
La réalisation de la tête d’Hygéia montre le moulage, la maquette de plâtre et tout le système de guidage avec des compas articulés permettant de reproduire à l’identique la tête antique.
Ici aussi, une vidéo montre le travail du sculpteur qui cisèle une plaque en demi-lune à poser au dessus d’une fenêtre. Le bruit régulier du marteau et du ciseau résonne dans tout le musée pendant la visite.
L’histoire de l’île de Tinos
L’histoire de la marbrerie raconte aussi toute l’histoire de Tinos de l’Antiquité à nos jours. Le marbre de Tinos a été retrouvé à Délos et à Kionia dans le sanctuaire de Poséidon et d’Amphitrite.
L’occupation vénitienne fut marquée par la construction d’églises, de campaniles…
Après le retrait des Vénitiens en 1715, le rattachement à l’empire ottoman fut plutôt bénéfique aux sculpteurs qui virent leur horizon s’élargir et partir travailler au Mont Athos, à Constantinople, dans les Balkans en Russie et à Alexandrie. Dans une vitrine on voit le Brevet roumain de Karageorgis et ses dessins pour une iconostase à Clucs.
On remarque les dessins pour la façade de l’église de Pyrgos. Le dessin joue un rôle majeur dans le travail du sculpteur : projets montrés au client, mais aussi stencils et patrons reportés sur le marbre.
Attention! Le Musée du Marbre de Pyrgos est fermé le mardi
