
Après la saline, nous bifurquons à gauche et arrivons rapidement au village d’Aghia Paraskevi (encore une confusion ! Aghia m’avait fait penser à une église – c’est le nom du village). Le monument historique est bien indiqué, pavoisé aux couleurs de la Grèce et de l’Europe. C’est le Musée de l’Huilerie Industrielle de Lesbos installé dans un groupe de bâtiments en pierre de lave et briques mêlées. Rien à voir avec les pressoirs à huile artisanaux traditionnels.
Toutes les machines se tenaient dans le bâtiment principal. L’énergie employée pendant la première partie du 20ème siècle fut la vapeur. La grande cheminée est maintenant coiffée d’un nid de cigogne. La chaudière destinée à fournir la vapeur occupait une grande pièce. On nous montre le sifflet qui réveillait les habitants d’Aghia Paraskevi, également la courroie traversant toute la salle des machines actionnant pistons et engrenages. Les techniques sont expliquées sur des panneaux bilingues grec/anglais et par des animations numériques très détaillées. Je n’accroche pas à toutes les finesses de la machine à vapeur. En revanche, on se régale à photographier ces grosses machines toutes astiquées, peintes de rouge et de vert avec leurs belles courroies jaunes. Dans une autre pièce il y a deux moulins à farine.
Le travail de l’huilerie était installé dans la plus grande salle.

Tout d’abord les sacs étaient pesés à l’entrée. Les olives étaient ensuite versées par une porte en hauteur dominant le moulin dans d’énormes entonnoirs. Les meules transformaient les fruits en pulpe épaisse. .
La troisième étape était le remplissage des sacs de toile très grossière (ressemblant à du jute mais en poil de chèvre). Ces sacs étaient alors empilés dan s les cuves rectangulaires des presses (elles aussi reliée la fameuse courroie). Dans une exploitation industrielle on fait plusieurs pressages. Le premier pressage à froid donne l’hile de table vierge. Un second pressage se fait par addition d’eau chaude. On obtient une huile de moindre qualité pouvant servir à l’alimentation comme à l’éclairage. Les chapelles et églises grecques consomment beaucoup de cette huile. Enfin le troisième pressage donne l’huile destinée à la savonnerie.
La dernière opération consiste à séparer l’huile de l’eau dans le jus obtenu. Le principe est simple. L’huile, plus légère remonte. Il suffit d’un récipient à deux robinets pour séparer les phases liquides. Un Allemand, Gustav de Laval, au 19ème siècle perfectionna ce dispositif en lui adjoignant une centrifugeuse tournant à 6000trs/min à l’origine pour séparer la crème du lait.
Rien n’est dit sur le conditionnement. De très belles jarres, les mêmes que celles de Cnossos aux temps minoens sont installées dans la cour. Sont-elles d’époque ? Ont-elles servi ?
la récolte des olives à Lesvos
La visite se poursuit dans une série de bâtiments bas où l’on stockait autrefois les olives et le sel ajouté comme conservateur. Dans ces petites pièces sont exposées de grandes photos anciennes illustrant la culture de l’olivier à Lesbos.
le calendrier des travaux
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On récoltait les olives en hiver, décembre et janvier pour la meilleure partie de la récolte. Dès octobre, certaines olives déjà noires tombaient mais de qualité moindre. Le calendrier grec préfère faire référence aux fêtes Ag. Démétrios (26 octobre) marque le début de la saison et Ag. Nikolaos (6 Déc) celui de la véritable récolte.
costumes anciens
Les femmes vers 1920-930 portaient des pantalons bouffants. Les femmes ramassaient, les hommes gaulaient avec des perches de châtaignier. Ce n’est que tardivement, vers 1950 qu’on eut l’idée de disposer des toiles sous les arbres et vers 1970 des filets.

Les costumes, les visages de ces paysans grecs avant 1912 – sous le règne Ottoman – ressemblent énormément aux costumes turcs : mêmes fez mêmes voiles, mêmes pantalons bouffants. La photographie de classe de l’école des filles d’Aghia Paraskevi en 1920 doit ressembler à celles des écolières de Brousse !
Comme à Chios, l’Asie Mineure est très présente. Sur les machines je lis en grec Smyrne. C’est à Smyrne que sont allés les fondateurs de l’huilerie communale pour acheter les machines et apprendre les technologies les plus avancées de l’époque. C’est aussi l’afflux des réfugiés après la Catastrophe de 1922 qui a permis l’extension des oliveraies sur Lesbos. De même, les routes maritimes de l’huile de Lesbos, autrefois, allaient plus à l’est vers Smyrne ou au sud vers Alexandrie et pas spécialement vers Athènes.
Une histoire exemplaire de solidarité: l’huilerie communale
Le second film retrace l’histoire de l’Huilerie Communale d’Aghia Paraskevi. C’est une histoire exemplaire.
Curieusement, le point de départ (en 1910) de l’histoire est éloigné des préoccupations industrielles. Sous l’hégémonie turque, les écoles grecques tombent en ruine. Au lieu de lever des fonds pour réparer l’école, la communauté villageoise a une autre idée : monter une huilerie communale qui enrichira tout le village. Les bénéfices seront utilisés pour les écoles.
Il existait déjà des huileries privées mais le projet communautaire enrôla non seulement tout le village mais également les expatriés dans le monde entier. La Diaspora grecque était très étendue : aux Etats Unis de Boston au Texas, au Mexique mais aussi à Calais, à Londres et à Moscou mais encore en Egypte et même au Soudan. Les émigrés envoyèrent les fonds nécessaires à l’achat des machines tandis que tout le village s’enrôla dans la construction.
Dès 1912, l’usine était en action et rapidement dégagea des bénéfices. Cette entreprise communautaire profita au village pendant des décennies. Les innovations techniques suivirent, à la fin l’usine fonctionnait au diesel. Les colonels mirent fin à cette magnifique aventure : la solidarité ouvrière et paysanne leur était intolérable. Ce n’est pas pour rien que les arbres d’Eresos sont décorés par des affiches fêtant les 90 ans du KKE avec faucille et marteau.