
Pour aller à la forêt pétrifiée de Sigri il faut passer par Eresos et prendre la route que nous connaissons bien jusqu’à Andisa, où plutôt, tourner juste après l’arête où tournent deux séries de huit éoliennes.
La route court à mi-versant dans une vallée où pointent des chicots de lave, des rochers aux formes tourmentées, des plateaux soutenus par des orgues …toute la panoplie du volcanisme. De temps en temps, un panneau du Géoparc explique une formation particulière. Hier j’avais vu le vaste cratère de 6km de diamètre du volcan Vatoussa. Ce volcanisme Miocène de 20 à 16 MA est déjà ancien. Les séismes, l’érosion, d’autres éruptions ont rendu méconnaissable l’ancien volcan. Déjà le Plomb du Cantal, beaucoup plus récent,et le Sancy présentent une morphologie difficile à mettre en évidence pour le profane.

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A l’embranchement de la route pour Sigri, le Mont Ordymnos est surmonté d’un monastère. D’après les explications, le matériel pyroclastique a été lessivé par l’érosion et il ne reste plus que le dôme sur lequel on peut observer des prismes de refroidissements.
On peut accéder au Monastère Upsilon par une route en ciment qui dessert aussi des installations militaires. Défense de photographier. Au sommet de la colline le panorama est exceptionnel. Encore une fois, le monastère a une allure de forteresse. Souvent en Grèce, les monastères sont construits sur des positions stratégiques. Mentalement, je passe en revue les monastères perchés, à Samos surtout. Est-ce par goût de l’isolement ou pour des considérations stratégiques ?

Le portail est ouvert. Nous entrons dans une première cour fleurie d’hortensias roses. L’entrée du monastère est décorée d’un mélange de basalte et de briques. L’église, elle, est décorée par endroits de carreaux de céramiques d’Iznik collés de place en place, contrastant avec la roche grise.
Un escalier conduit à un petit musée : belles broderies, icônes mais aussi parures sacerdotales, chasubles et croix ornées de pierres précieuse. Le cloître est entouré de deux niveaux d’arcades. Le mélange pierre et brique permet des motifs simples, des frises de brique allégeant la sévérité de la lave. En observant en détail on découvre des blocs de marbre sculptés provenant d’édifices antiques. L’antique Eresos, ville de Théophraste et de Sappho n’est pas loin. Deux moines arrosent les hortensias et ne prêtent pas attention à nous. Nous sommes transparentes. A l’extérieur du monastère : des bergeries basses. Les moutons s’enfuient à notre approche.

Lesvos : route de Sigri — Epineux et vent
Le paysage est austère. Pas un arbuste, pas un arbre. Les épineux forment des coussins arrondis qui empiètent sur la route donnant une impression de douceur fallacieuse. Camaïeu de beige à roux. Seuls, les chardons ont encore un peu de vigueur. Ils sont vert tendre presque jaune citron, grosses boules évoquant les oursins aux pointes acérées ou les radiolaires. Seules les murettes rompent la monotonie de cette lande venteuse. Certaines ont été construites dans le sens de la plus grande pente. D’autres suivent les arêtes des sommets. Un carré délimite un parc à moutons. Les bergers qui les ont édifiées n’ont pas eu de mal à trouver les pierres ou à les tailler. Les bombes volcaniques jonchent la montagne. Les murettes nous font penser à l’Irlande. Murette, moutons, mer… Le vent fait oublier le soleil implacable. Je remplace mon chapeau par le foulard turc que j’attache fermement. Il faut être vigilante parce qu’il ne fait pas chaud. J‘aurais vite fait d’attraper un coup de soleil.