Lire pour voyager/Voyager pour Lire

Je n’avais lu que des oeuvres autobiographiques de Hampaté Bâ : l’enfant Peul et Oui mon Commandant.
Hampaté Bâ assure que Wangrin a bien existé, qu’il l’a rencontré, qu’il ne fait que transcrire la vie qu’il lui a contée. Pourtant quoi de plus romanesque que la destinée de cet homme ? Voué au dieu Gongoloma Soké, le dieu des contraires de la ruse, il « fait Salam » (pratique l’Islam) et parle le français avec assez d’aisance pour commencer comme maître d’école « Moussé lékol », et rapidement devient interprète du commandant.
De cette position il tire profit de la guerre de 14, devient un escroc de haut vol, bâtit une fortune qui le hausse au dessus de pauvres colons blancs.
Wangrin a-t-il oublié sa prudence légendaire par orgueil ? A-t-il négligé le dieu Gongoloma, et le culte des ancêtres ? La femme blanche l’entraînera dans la déchéance, jetant par ignorance son gris gris, et lui faisant connaître l’alcool…
Hampaté Bâ est un conteur merveilleux, enrichissant le récit par les expressions glanées aux griots, proverbes maliens, français pittoresque des tirailleurs… j’ai goûté aux trouvailles langagières en ne négligeant aucune note, en fin d’ouvrage. Cette lecture hachée d’allers et retours, aux notes ralentit à plaisir, le récit que je n’ai pas hâte de terminer.
Carrefour entre les civilisations de tradition orale et la pénétration de la colonisation française. Rencontre des traditions animistes, de l’islam, et de l’occident chrétien. Wangrin maîtrise tous les codes, il peut flouer les rois et les chefs peuls comme les militaires français et même les juges à Dakar, il a aussi assimilé les mécanismes de l’enrichissement, du profit de guerre comme de la simple escroquerie…
Et pourtant le personnage a de la grandeur, une générosité immense qui lui vaut l’estime de tous ou presque, ses ennemis personnels lui livrent des guerres mythiques et pittoresques.
Hampaté Bâ : l’étrange destin de Wangrin (10/18)