Météores – Randonnées et monastères – Christ est ressuscité

Pâques aux Météores et une semaine au Pélion

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Les cloches me réveillent à 6H30. Elles sonnent à toute volée. Ce n’est pas aux enfants grecs qu’on va raconter qu’elles sont parties à Rome ! Alors qu’en pays catholique, elles se taisent, ici, elles n’arrêtent pas !

Le petit déjeuner de la Taverne Gardénia s’est amélioré. A la place de la fine tranche de fromage jaune, du fromage frais et de la brioche avec un léger goût d’anis. Le village est debout à 8H. Des familles sortent de l’église avec de gros morceaux de pain (celui de la communion ?). Deux messieurs bien habillés, costume sombre et chaussures cirées, s’attablent à la table voisine. Chacun occupe deux chaises – à la grecque – et égrène son chapelet d’ambre.

Hagios Nikolaos

Le parking situé en dessous d’Hagios Nikolaos est déjà occupé par plusieurs voitures. Nous gravissons les marches dans un frais sous-bois de chênes – 3 sortes de chênes : chêne vert, rouvre et à grandes feuilles vert tendre – fleuri de muscaris géants (peut-être de l’ail ? de pervenches et de campanules bleues.

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les icones du crétois Théophane Strelitzas 

Au monastère, peu de visiteurs. Nous pouvons admirer les fresques du peintre crétois Théophane Strelitzas. Les fresques sont disposées dans tous les monastères selon un plan prédéfini : face à l’entrée du narthex, encadrant la porte de l’église, le même Jugement dernier avec le fleuve rouge qui aboutit ici à la gueule d’un dragon, les mêmes monstres marins qui engloutissent des membres humains, des têtes ou des bébés. De l’autre côté, la même porte au motif des quatre ailes d’archange, ouverte par Saint-Pierre, la file des saints qui font la queue, le même jardin d’Eden avec ses fruits et ses oiseaux. On reconnaît aussi les scènes des martyres quoique moins détaillées qu’à Rossanou. Chaque fois le peintre a ajouté une scène originale. Ici, la Genèse, avec des animaux exotiques : éléphants, lions, dromadaires ou fantastiques ? Dans l’église, les anges Gabriel et Michel, les Saints, Hélène  et Constantin, debout, de taille humaine, comme à la parade. Nous connaissons bien ces représentations conventionnelles et je peux même expliquer à un couple italien la Dormition de la Vierge (très belle).

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Nous montons au clocher au sommet du rocher : quatre petites cloches et une grosse. Je pense aux cinq notes du glas.

montée à Varlam

La montée à Varlam me tente : le chemin est bien tracé. Il quitte la chênaie, s’enfonce dans un vallon humide où poussent d’énormes platanes, certains sont creux.

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Varlam est réparti sur plusieurs niveaux. C’est une sorte de labyrinthe. Après avoir monté 195 marches, j’en redescends une dizaine pour arriver au musée installé dans la salle commune ou le réfectoire. Ici, sont présentés des objets de culte, beaux mais convenus, chasubles brodées, étoles, encensoirs et croix sculptées. Les icônes, magnifiques doivent être très précieuses, on les a protégées sous verre. On a reconstitué une cave à vin contenant une barrique de 1600 litres. Est-elle montée avec le filet ? Cela fait beaucoup de vin pour une dizaine de moines ! Le Katholikon est de grande taille et entièrement couvert de fresques. Pas un centimètre à nu ! Toujours les mêmes sujets disposés de la même manière. L’effet de surprise ne jouant plus, je m’attache à regarder le style avec plus d’attention. Les fresques des Météores sont beaucoup plus récentes que celles de Chypre ou de Mistra. Elles sont contemporaines de la Renaissance et de celles que nous avons vues en Toscane. Il faudrait donc les comparer à celles de Fra Angelico ou même à celles de Signorelli. Si les saints montant la garde debout ont tout à fait la raideur byzantine et la sévérité dans leur visage, les personnages des scènes plus compliquées sont tout à fait expressifs et en mouvement. Ils annoncent presque l’art baroque avec les visages apparaissant dans les nuages et les rocailles rococo.
A Chypre, les Romains étaient habillés en Croisés. Ici, les Romains sont en Romains ou habillés à la manière des personnages de la Renaissance. Il faudrait pour faire des comparaisons, faire des retours en arrière.

Je suis toujours ravie quand nos voyages se complètent et se répondent, ouvrant de nouvelles comparaisons, battant en brèche les idées préconçues, toutes faites. Le monde méditerranéen était un monde d’échanges multiples. Les Vénitiens et les Génois avaient des comptoirs de Constantinople à la Crète. Le Gréco avait quitté la Crète. Aucun doute que les peintres italiens n’aient influencé les peintures grecques.

Touristes et pélerins

Les touristes et les pèlerins sont différents des visiteurs des sites archéologiques. Une bande de jeunes filles en jeans prétend passer sans revêtir les jupes-portefeuilles. Le Grec qui vend les tickets s’adresse à elles en anglais. Visiblement elles ne comprennent ni le grec, ni l’anglais. Brusquement, il dit « foutza », cela doit vouloir dire jupe en roumain. Elles se prêtent de bonne grâce au déguisement. Je regarde l’immatriculation des cars et des voitures. Les Italiens et les Français sont en minorité, dépassés par les Roumains, Bulgares, Hongrois, Slovènes, Polonais. C’est la première fois que je me rends compte que nous sommes en Europe Orientale. A Athènes, on achète dans les Agences de Voyages des billets pour Kiev ou Kichenev. Kichenev, quelle idée? qui voudrait y aller ? Dans le monastère et aux alentours, les gens parlent des langues que je ne peux pas identifier. De très gros 4X4  sont immatriculés en Roumanie. Il existe donc des Roumains riches ! Cette évidence paraît une incongruité. J’aimerais calculer sur une carte les distances entre Kalambaka, Sofia, Bucarest, ou Budapest. Pour les pays orthodoxes, le long week-end de quatre jours permet tout à fait le déplacement.

Pique-nique

D rapporte de Kalambaka du tyropita, des galettes végétariennes avec de la salade. C’est très facile de composer un pique-nique de fête pour des prix inférieurs à ceux pratiqués en France (5€) mais la Grèce n’est plus le pays de cocagne où on pouvait se goberger dans les tavernes sans compter. Le prix moyen des plats est autour de 5€ et le demi litre de retsina 2€.

Nous nous installons sur les rochers dominant Hagios Nikolaos. De notre perchoir nous voyons quatre monastères. L’endroit est trop fréquenté pour envisager une sieste. Electre, chevelure  très noire, coiffée en pétard, arpente à grands pas le rocher, le téléphone mobile vissé à l’oreille, un caméscope à la main…Trois jeunes s’interpellent dans un très mauvais américain. Stéphanie est moulée dans une sorte de survêtement en satin blanc et bleu, son nom collé sur le cul. Son compagnon la prend en photo – caricature de séance de pose de photos de mode. Au début je supposais qu’il s’agissait d’un Grec draguant une Américaine. L’américain de la fille est aussi abâtardi d’accent ignoble. D’où viennent-ils? Des Russes ?

A pied vers Hagia Trada

Les Français rencontrés hier nous ont parlé d’un circuit à pied partant de l’hôtel Divani, à la sortie de Kalambaka, allant autour de Hagia Triada et Hagia Stephanos.A la réception de l’hôtel Divani, ils ne connaissent pas cette promenade.Un  chemin monte. Dominique gare la voiture le plus haut possible dans  un quartier très paisible et fleuri aux maisons blanches. Les barbecues pour demain sont sortis et chargés de bois.

Le chemin est empierré de gros galets variés provenant du poudingue constituant les Météores. Il passe dans une garrigue de chênes verts, cistes fleuris. Je n’ai pas peur de me perdre sur ce chemin cimenté. Dominique retourne à la voiture, nous nous retrouverons au monastère de Hagia Triada (la sainte Trinité). Presque arrivée, j’ai la surprise de voir une sorte de téléphérique primitif courir sur un câble, benne rudimentaire réservée aux moines. Les visiteurs doivent se contenter de l’escalier.

Café frappé et ouzo à Kalambaka

Kalambaka, décriée par le Petit Futé, ignorée des autres guides, est un centre touristique très actif et gai. Elle est accueillante avec ses belles terrasses de café sur les places ornées de fontaines. Le café frappé et l’ouzo sont servis avec une coupelle de fruits secs, amandes et noix de cajou. Paresser à la terrasse d’un café est un plaisir méditerranéen qui était réservé aux hommes jusqu’à une époque encore récente  S’imposer aux regards masculins réprobateurs était une épreuve désagréable. Maintenant ce droit semble acquis en Grèce, tout au moins pour les touristes. Avoir 54 ans et des cheveux blancs confère aussi le privilège du calme.

coucher de soleil 

Le meilleur endroit pour voir le soleil se coucher est sans doute le rocher au-dessus de Roussanou. Mais nous n’y sommes pas seules. Tout un rassemblement de Grecs, Roumains et un camping car allemand sont installés avant nous, même des Chinois, l’appareil photo prêt pour le coucher du soleil. Mais ce dernier se cache derrière un banc de nuages qui diffuse des rayons divergents comme sur les chromos anciens. L’éclairage passe du jaune à l’orange. Les nuages gris se frangent d’or.

Christ est ressuscité !
De retour sur notre balcon, nous sommes étonnées par le silence. Nous nous étions habituées à une activité débordante de l’autre côté du mur, aux chants graves des hommes, aux tintements variés des cloches. L’église est fermée en ce Samedi Saint. Ce soir l’église est morte comme le Christ.
En revanche, dans notre courette, toutes les générations sont réunies avant la fête, des grands parents impotents aux tout petits sur la balançoire. Nikos et Dimitri sont très affairés auprès des clients, d’autant plus qu’à l’hôtel, sont arrivées des clientes râleuses qui se plaignent abondamment. Le ton monte. J’ai commandé deux moussakas. Nikos a oublié la nappe et les parts sont petites.
Nous attendons avec impatience les festivités de minuit. En prévision, nous nous couchons tout habillées. Difficile de dormir, la cour est éclairée et les enfants bruyants, excités par la fête. Les motos vrombissent. A 11H, les cloches, à toute volée appellent à la messe. Chacun se presse à l’église, cierge ou bougie enrubannée à la main. A minuit, cloches et feu d’artifice. Je me précipite sur la place – bondée. Chacun porte sa bougie allumée. Le pope et le chantre sont en dehors de l’église, entourés par les enfants de chœur. Tous se congratulent : « Christ est ressuscité ! » Impossible de faire deux pas sans se brûler à la flamme de ses voisins. Les mobiles entrent en action «Christ est ressuscité ! ». Debout, immobile, je me sens mal habillée au milieu de cette foule en tenue de fête. Femmes et jeunes filles sont allées chez le coiffeur, brushing et laque ont alourdi les épaisses chevelures. Les femmes sont juchées sur des talons aiguilles, elles portent des étoles. Même les petits garçons sont en costume et cravate. Les petites filles avec des volants.
Au bout d’un quart d’heure, je rentre me coucher et me laisse bercer par les chants de l’église qui continuent bien après que la foule de la place ne se s’est dispersée.

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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