Pâques aux Météores et une semaine au Pélion
9 heures, le village est encore endormi ; à l’église, ce matin, seulement les voix des femmes. La dame de la taverne arrose sa terrasse plus tard que d’habitude. Les gros nuages menaçants d’hier soir ont disparu. Il fait déjà chaud.
La dame nous a fait cadeau de deux œufs rouges décorés avec un motif blanc au pochoir: une feuille d’arbre, ainsi que de 2 sablés qu’elle a préparés elle-même.
Virée dans la campagne
Nous en avons assez des bondieuseries et des visites de monastère !
But de la journée : la campagne environnante.
But inavoué : se faire inviter dans un village à partager l’agneau pascal rôti.
Réserve naturelle
Au dessus des Météores, la montagne a été classée Réserve Natura 2000. De là, la vue est magnifique : à l’est la plaine de Thessalie, Trikala toute blanche, au sud les monastères et les rochers, au-delà les sommets enneigés. Des panneaux avec des cartes de randonnées sont installés au col mais tout est en grec, sans échelle, pas trop lisible.
Un affût en bois a été construit sans doute pour l’observation des rapaces, aigles et percnoptères. Malheureusement, il est fermé. Nous nous consolons vite en herborisant : les anémones sauvages sont merveilleuses, roses, mauves et rouges. Il y a également de toutes petites fleurs jaunes avec des taches noires sur le cœur « Gaille midi », trois belles orchidées roses. Je suis comblée.
Les troupeaux et les chiens
La promenade commencée sur un chemin de crête, tourne court : un chien blanc nous dissuade énergiquement de poursuivre plus avant. Au tournant suivant de la petite route, la vue est encore plus belle. Je commence un dessin. Au-dessus de nous, les vaches paissent, surveillées par six chiens bien trop occupés par leur travail de berger pour venir vers nous. Dominique reste prudemment près de la voiture, en cas d’attaque. Elle lance du pain à une jolie chienne brungé très efflanquée et craintive. Les cloches du village se mêlent à celles des vaches qui remontent. Je viens à peine de terminer mon dessin qu’un autre troupeau surgit, accompagné de cinq ou six molosses.
Eskopi, le jour de Pâques
L’agneau à la broche dans chaque cour
Les étables sont de basses cabanes bricolées de bric et de broc, recouvertes de tôle ondulée. Le village de Vlachava s’étage sur la colline, la route ne le traverse pas. Eskopi correspond exactement au stéréotype de « village-grec-le-jour-de-Pâques » : maisons basses blanches, tonnelles de vigne et buissons de lilas en bouquets violets. Dans les cours, tournent des agneaux embrochés. Je demande la permission de photographier un vieux monsieur. En face, une vieille dame en noir surveille la cuisson de ses deux agneaux. Des hauts-parleurs diffusent de la musique grecque. Nous traverserons plus tard d’autres villages, mais aucun ne nous paraîtra aussi festif.
Au bord du ruisseau
Quand les chênes sont remplacés par les platanes, un ruisseau coule toput près. La pause-apéro est très réussie, dans le creux du ruisseau coulant sur du grès gris. Les têtards s’agglutinent sur les bords sableux du lit peu profond, là où il n’y a pas de courant. Deux sortes de vasques sont creusées dans les rochers ; celle du bas est profonde et très peuplée : grenouilles énormes qui coassent, notonectes, nèpes que j’observe avec curiosité ; la vasque du haut ressemble à une coquille d’où s’échappe une petite cascade sous un jeune platane aux feuilles encore duveteuses. D me fait la surprise de servir les pistaches et noix de cajou de Kalambaka qui accompagnent le jus de cerise. Je ne résiste pas à la tentation de tremper mes pieds dans l’eau fraîche, attention cela glisse !
Nous poursuivons la virée au hasard. Traversons des villages, certains décevants : pas d’agneau à la broche. Dans d’autres, les gens sont attablés dehors sur de longues tables.
Nous cherchons notre coin pique-nique avec beaucoup de soin et poursuivons un chemin de terre qui traverse une chênaie coiffant une montagne. A un tournant : deux belles tortues, la toute petite que Dominique avait trouvée hier était plus craquante, mais celles-ci me plaisent bien. Notre emplacement est ombragé : une belle pelouse sous des amandiers avec vue sur la plaine et les crêtes au loin.
Un panneau signale une église, toute petite, basse, endommagée par le tremblement de terre de 1995. On a reconstruit un porche moderne ouvert. Les fresques du narthex (fleuve rouge qui descend vers l’enfer à droite, porte du paradis à gauche), tout est visible de l’extérieur. Les fresques sont récentes, 18ème, un peu décolorées, oranges et bleues, mais soignées pour une église aussi perdue.
perdues en forêt
Comment retrouver la route ? Revenir en arrière par le mauvais chemin ou chercher la sortie vers une autre route ? J’ai entrevu des maisons plus loin. J’en conclus que le village suivant ne doit pas être bien loin. C’est une grave erreur : les maisons sont en ruine, abandonnées. Le chemin se creuse d’ornières de plus en plus profondes. Nous arrivons à une étable vide. Les animaux ont effacé la piste avec leurs sabots. Un pauvre renard mort gît, c’est le troisième que nous voyons. Il faut rebrousser chemin. Je me repens amèrement d’avoir conseillé cette direction. Dominique a l’air de bien s’amuser dans son rôle de pilote de rallye. Elle me propose de marcher. Elle m’attendra plus loin pour faire refroidir le moteur. Cette forêt est peuplée, les buissons bruissent de toutes sortes de passages d’animaux : tortues, lézards, oiseaux, geais, pies et corbeaux. Dominique déniche un petit caméléon. Finalement elle parvient au bout de la piste, mais voici que nous avons raté la petite route d’Eskopi. Nous rentrons par la route de la plaine, large et droite qui rejoint Kalambaka. La mauvaise humeur et la fatigue gagnent.
Nous terminons la balade où nous l’avions commencée, sur le petit col au-dessous de Vachlava, au-dessus des troupeaux de vaches, sur une pelouse rase, sous les amandiers, fleurie de magnifiques asphodèles. Je ne résiste pas au plaisir de dessiner les asphodèles. J’envoie mon SMS « entre amandiers et asphodèles… ! » Nous attendons le coucher du soleil pour rentrer à Kastraki.
La fête au village
C’est la fête sur la place : les femmes chantent. Les hommes dansent en ligne, costume sombre, chemise blanche et cravate. Malheureusement, c’est la fin, nous avons raté les danses. Notre courette est remplie de très vieilles, toutes de noir vêtues. La femme de Nikos leur apporte un gâteau qu’elle vient de sortir du four. Elle nous offre deux parts brûlantes dans une assiette d’un feuilleté à l’omelette sucrée chaude. Ce n’est pas franchement l’heure des sucreries, mais l’attention nous touche beaucoup. Elle nous a déjà fait des cadeaux ce matin. De plus c’est délicieux. Je me contenterai d’une salade grecque pour dîner.
A la télévision, très belle émission musicale, il me semble reconnaître Theodorakis.