Un mois autour de la Roumanie en Logan chez l’habitant

Crit est un village à l’écart de la grande route. Dès qu’on arrive un sentiment d’étrangeté et d’abandon nous étreint. Les façades sont colorées, bien peintes mais aucun numéro n’est apparent. Nous suivons les indications de notre feuille de route. J’aborde un groupe de femmes assises sur un perron. Elles regardent mon papier
– « c’est dans le centre !
– « le centre ?? »
Ces larges rues gravillonnées et herbues ne semble mener nulle part. Y-a-t-il un centre ? On sonne à une porte. Un homme parlant allemand saute dans sa voiture et nous conduit dans une autre rue en terre aux belles façades trop tranquilles.

Adrian nous accueille. Il déclare que nous mangerons chez lui mais nous installe dans une autre maison à l’écart. Beau portail, façade jaune repeinte à neuf. La cour n’est pas pimpante, toute couverte d’herbes. Les briques de la maison sont à nu. La cuisine est meublée d’éléments modernes sauf qu’il manque le principal : la cuisinière ! La grande salle a trois lits modernes anachroniques dans un décor ancien : tapis anciens, tissus brodés, ancienne suspension poutres soutenant des planches à peine équarries. On se croirait dans un éco-musée. Pour ajouter à la bizarrerie, il y a des prises électriques partout, un frigo et même une bouilloire électrique mais pas de courant.
Après notre séjour chez Ana nous sommes devenues difficiles. Après tout, nous n’étions pas partie en Roumanie pour des vacances de luxe ! Voici la version spartiate « chez l’habitant ». Notre moral en prend un coup. Imaginions-nous que nos allions faire des découvertes gastronomiques dans une cour bordée de géraniums pendant tout le mois de Juillet ?
Nous avons visité quatre citadelles aujourd’hui et nous avons besoin d’une pause au calme pour feuilleter la documentation, trouver des repères historiques. Depuis notre arrivée en Roumanie les visites s’enchaînent sans que j’aie le temps de lire les guides. L’absence d’électricité est un peu déprimante. Ce défi à la modernité m’amuserait plutôt, n’était-ce le chargement des appareils-photos !
Je retourne chez Adrian porter de la lessive. En route j’observe les façades. Certaines sont lézardées. Un séisme a-t-il chassé les habitants ? Le village paraît vide, l’est-il vraiment ? Les électriciens s’affairent sur les câbles en plusieurs endroits : que s’est-il passé ?
Au dîner, Elena apporte un bouillon très léger dans lequel trempe une quenelle mousseuse, légère, délicieuse et où flottent des oignons finement ciselés. Je la complimente et lui demande la recette de la quenelle. Elle revient avec de la semoule fine (gries) qu’elle bat avec un œuf. La salade de chou vert est accompagnée de beignets de courgettes et de soja ainsi que de riz mélangé avec des carottes et des poivrons. Dîner végétarien ? Elena revient avec un délicieux gâteau aux noix et me tient compagnie. Son plus jeune fils (7 ans) va à l’école dans un village des environs. Nous connaissons déjà son aîné Alex qui conduit le tracteur et qui aide son père à faucher les herbes, il est scolarisé à Brasov à plus de 50 km.
je demande ce qui est arrivé au village :
-« y a-t-il eu un séisme ? »
Elle me regarde étonnée.
– « C’est un village saxon. Après la chute de Ceausescu tous sont partis en Allemagne. Il ne reste plus que cinq familles allemandes. Les Roms se sont installés dans les maisons vides. »
Le village n’est donc pas désert. Mais les Roms l’occupent à leur manière.
– « Ils n’aiment pas travailler », se plaint-elle.
Elle embaucherait volontiers du personnel.
– « Ils ont beaucoup d’enfants et vivent de l’aide sociale. »
Elle m’apprend aussi que le Prince Charles s’occupe du village. Sa fondation a permis de restaurer les façades. Certaines, bien peintes ressemblent à un décor de cinéma. Derrière les fenêtres ouvertes pousse la végétation.
Entretemps, Adrian a rétabli chez nous l’électricité en touchant au disjoncteur.
Quelques gouttes tombent. Nous rapprochons les chaises de la maison. Ce n’est que plus tard quand nous serons couchées que l’orage éclatera faisant à nouveau disjoncter le courant. Ironie des vacances ; c’est justement aujourd’hui que nous avons trouvé la multiprise égarée au fond du sac. Les dynamos éclairent bien quand on les remonte, le téléphone Samsung peut s’y recharger. Le Sony Ericsson se branche sur l’allume-cigare de la voiture. Au gîte, il y a un magnifique chandelier. Il faut se doucher à l’eau froide – pas grave par 32°C – restent les appareils photos numériques !
Puisque nous voilà plongées dans l‘obscurité j’arrête là mon compte-rendu et m’endors immediat.