De Cotonou à Pobé, lundi de Pâques

JUMELAGE CRETEIL/ POBE

sur la route : le carburant

J’attends cette journée depuis plus de six mois, depuis que le projet de Jumelage de nos collèges a été mis en route. La rencontre avec l’équipe de Pobé à l’aéroport me laisse deviner que nous sommes attendus.

Le petit déjeuner à 7h est un peu bousculé. Nous ne partons qu’avec 10 minutes de retard. Mais il y a un problème : la vitre arrière droite du taxi est coincée. Thierry a convoqué un garagiste de ses amis au bout de la piste à l’entrée de Cotonou pour redresser la tôle. La cabine téléphonique vient d’ouvrir (il est déjà 8H). Le commerçant recharge mon mobile par SMS. Miracle, aujourd’hui cela marche !

pendant qu'on répare le taxi je vais à la cabine

Un match de foot tout à fait officiel avec maillots, chaussures et arbitre se déroule sur la chaussée bloquée par des parpaings. Le taxi force la voie au mécontentement des sportifs. Nous arrivons à 8h30 à l’Etoile Rouge et trouvons Thimoléon à la station service Sonacop. Il est accompagné de Clotaire,Responsable de la Com, dont j’ai vu le nom sur les courriels.  Invitation informelle, il m’appellera sur mon portable puisque maintenant il fonctionne.

Lundi de Pâques, le matin, Cotonou se traverse rapidement. La pollution, absente samedi sous la pluie, est étouffante ce matin malgré une circulation modérée. Les mobylettes disparaissent derrière un  nuage bleu. J’interroge Thimoléon :

–    « La lutte contre la pollution n’est-elle pas un des chantiers du Président ? »
Yayi Boni a bien essayé d’empêcher le trafic de l’essence frelatée.On incite les zemidjans à abandonner les mobylettes 2T pour des motos à 4T moins polluantes.L’huile, en excès dans le mélange, fume. Il y a tellement de zemidjans ! Impossible d’appliquer la mesure par la contrainte. Des contrôles « anti-fumée » ont pourtant été mis en place par la gendarmerie.

Je relance Thimoléon :

–    « le Président a été élu avec le slogan « tout va changer ». Où en est le changement ? «
Ce dernier prend à témoin Thierry. On ne voit guère de changement.

J’insiste : Yayi Boni est un banquier, c’était le Président de la Banque de l’Afrique de l’Ouest. Il a peut être les moyens d’un changement. Je pense à l’Etau, livre d’Aminata Traoré. Les tenants du Néolibéralisme appliquent des recettes anticorruption et d’économie du train de vie de l’Etat pour faire plaisir au FMI  et à la Banque Mondiale. Mais les gouvernements sont impuissants. Le Président est il un adepte du néolibéralisme?Je tente d’orienter la conversation sur le thème de l’économie, Thimoléon est un homme instruit. Mais l’économie n’est peut être pas son centre d’intérêt préféré.

Sur le pont, qui partage le grand marché Datokpa, la route est bouchée par un attroupement : un zemidjan a eu un accident. Le spectacle doit être horrible. Il se reflète sur la physionomie des badauds. Thierry déclare :

–    « il y a des morts ! »

Le taxi roule maintenant sur la voie payante de Porto Novo. Tandis que je bombarde Thimoléon de questions, nous avançons vite. Sur la lagune de Porto Novo, les pirogues des pêcheurs se dessinent, noires et fines sur l’eau opaline. Les barrages de l’akadja piègent le poisson comme à Ganvié. L’entrée de Porto Novo est encombrée d’un marché. Je reconnais l’institut Songhaï au passage.

Une forêt négligée

Je suis agréablement surprise : la route de Porto Novo à Pobé est goudronnée impeccablement. Nous traversons des forêts. Peu de grands arbres, beaucoup de taillis, de fouillis et lianes.
« c’est une forêt négligée » remarque Thimoléon.
Je lui demande pourquoi il n’y a pas de grands et  beaux arbres.
–    « Ils sont dans le nord, ils correspondent au climat du nord »
–    Peut être la forêt a fait l’objet de surexploitation ?
–    Oui, mais le gouvernement essaie de protéger les forêts subsistantes.

J’ai même trouvé sur INTERNET des éco-stagesdans la forêt de Bohicon qui ont tentépour la naturaliste que je suis. On a replanté des tecks, reconnaissables à leurs grosses feuilles. Ils sont plantés très serrés. Va t  on les dépresser ?

Je suis toujours étonnée par l’enchevêtrement des parcelles cultivées et la jungle qui semble les envahir. La culture dominante est le manioc. Thimoléon est très étonné que nous ne le connaissions pas.

-« Si, chez nous on vend du tapioca ! »

Thimoléon est plus intéressé par la cuisine que par l’économie. Je confonds tapioca et maïzena et lui donne par erreur une recette de sauce blanche au tapioca. Stéphanie corrige ma bourde. On met du tapioca dans la soupe. Quand j’étais petite j’avais horreur de cela. Cela me faisait penser à des pontes de grenouille.

La station service :

Thierry gare la voiture à la « station service » : deux dames Jeanne et quelques bouteilles posées sur une planche soutenue par des tréteaux. Nous en profitons pour nous dégourdir les jambes. Thimoléon occupe le siège du passager à l’avant. Stéphanie et Laures sont emboîtées l’une sur les genoux de l’autre, moi au milieu. Damien allume une cigarette. Bizarrement, rien ne se passe.

–    « Pourquoi ne nous sert on pas ? » demande Stéphanie.
–    « Trop cher ! Ils vous ont vus. On en achètera plus loin. »

La Toyota Corolla donne des inquiétudes. La troisième ne passe plus de tout. Thierry soulève le capot. Une petite angoisse me pince au niveau de l’estomac.

Nous croisons des motos cachées sous de nombreux bidons cubiques.
–    « Ils portent leur mort ! » remarque Thimoléon.
Les contrebandiers de l’essence viennent du Nigeria tout proche.

Nous passons Sakété sans traverser la ville. Des processions viennent à notre rencontre, tous habillés de blanc avec tamtam et trompettes. Ce sont les Célestes, des Évangélistes ou des Pentecôtistes, je ne sais pas bien. Un service d’ordre avec pancarte et bâton de circulation est organisé. Le Lundi, de Pâques est le jour de fête des Célestes.

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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