Alexandre le Grand (DVD) Théo Angelopoulos

TOILES NOMADES

On vient de m’offrir le coffret de 7 DVD de Théo Angelopoulos (sans Le Regard d’Ulysse, ni l’Apiculteur, ni le Pas suspendu de la Cigogne).- Ils sont joliment présentés comme 7 poèmes filmés–  J’explore donc son œuvre et je vais de surprises en surprises. Comment ai-je pu passer à côté d’Alexandre le Grand à sa sortie en 1980, pourtant primé à Venise?

Après Le Regard d’Ulysse et Le Voyage à Cythère qui m’ont laissé l’impression de films bleus très poétiques, Alexandre le Grand de semble un film sépia, presque rosé au lever du soleil, hivernal, brun avec juste un peu d’herbe sale. L’emploi de la couleur rouge ressort d’autant plus qu’elle est rare sauf  la couverture de selle d’Alexandre, pourpre aussi  sa couche,  rouge vif  du drapeau brandi par les Anarchistes italiens, et finalement rouge du sang.

Alexandre et bucephale

 

Film en costumes, à l’orée du 20ème siècle : des touristes anglais veulent voir le soleil se lever sur le 1er jour du siècle au Cap Sounion. Ils sont enlevés par le bandit Alexandre tout juste évadé de prison. Dans les luttes d’Indépendance grecque, les bandits, Pallikares, Armatoles, Kapétans crétois, sont plutôt des personnages positifs dans l’imaginaire grec. Cet Alexandre affublé de son casque antique fait-il partie de cette tradition?  D’autant plus que le rôle de la Flotte anglaise prête à attaquer la Grèce pour récupérer ses otages est bien dans son rôle de gendarme des mers.

Bande armée et otages arrivent au village d’Alexandre convertie en commune révolutionnaire, en même temps que des réfugiés anarchistes italiens. Une grande fête est organisée en leur honneur. Utopie! Même les femmes ont les mêmes droits que les hommes et participent à la gestion du villages et dansent avec les hommes. Ils ont aboli la propriété privée et travaillent en coopérative. Alexandre et ses hommes qui ont été emprisonnés 5 ans ne reconnaissent plus leur village et veulent retrouver leurs terres et leurs bêtes. Dès le lendemain ils entrent en rébellion, des moutons sont égorgés. Le « libérateur » adulé par ses troupes, chaleureusement accueilli par les villageois apparaît très vite comme un tyran. D’autre part, les autorités gouvernementales veulent récupérer les otages même au prix de compromis et de soumissions aux caprices d’Alexandre. Les premiers à analyser la situation sont les anarchistes qui préviennent l’instituteur : Alexandre n’est-il pas utilisé par un complot contre le village révolutionnaire? Les atermoiements de la commune permettent à Alexandre de s’imposer par violence et barbarie, simulacres d’exécutions puis exécutions, massacres des bêtes, terreur. Le village si joyeux est réduit au silence. On le croirait déserté si les villageois ne ressortaient pas lyncher le tyran  blessé.

Film en costume donc, à fortes intentions politiques, film théâtral, presque chorégraphique. Chorégraphie que ces mouvements de foule qui convergent vers la place du village. Chorégraphie que ces rondes de soldats armés autour du chef à cheval, levant leur pétoire, la posant, s’abreuvant, chacun à son tour,  à une très belle fontaine et reprenant leur cercle infiniment. Danses des villageois. Danse extraordinaire de cette femme qui joue de son mouchoir puis tournoie à la manière des derviches turcs – je pense alors à Zorba, à cours de mots, qui dansait ses histoires.

Et toujours cette beauté des images. Longs plans fixes qui permettent de contempler le paysage sauvage, austère. Un pont extraordinaire, arqué à la manière des ponts vénitiens mais très fin, enjambe un torrent.

Symboles inexpliqués, comme la mort du temps voulue par les briseurs d’horloges : donquichottesque? Et cette fin, le marbre d’Alexandre…

En bonus au coffret, le réalisateur explique ses intentions : c’est un  film contre le Stalinisme. Comment d’une idée libératrice, un dictateur arrive à l’horreur. Le Mur de Berlin n’était pas encore tombé à la sortie du film en 1980, il fit alors polémique.

lire aussi ICI

Écouter Théo Angelopoulos  sur le blog de parole citoyenne

http://parolecitoyenne.org/sites/all/modules/meidia/players/flvplayer.swf<br /><a href= »http://parolecitoyenne.org/node/741″>En voir plus</a>

Avatar de Inconnu

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

10 réflexions sur « Alexandre le Grand (DVD) Théo Angelopoulos »

  1. Parole citoyenne :
    – « «On est arrivé à la fin du siècle avec un goût amer», regrette le cinéaste. «Un siècle qui a pourtant commencé avec quelques promesses». En 1980, Angelopoulos tourne Alexandre le Grand, réflexion sur le pouvoir à travers le destin d’un libérateur devenu tyran… »
    Pour répondre à votre question, ces citations proviennent des pages consacrées à Angelopoulos sur mes blogs, sans autre prétention, juste à titre de références.

    J’aime

  2. J’ai quelques films de retard on dirait, tu es amateur de ce cinéaste à ce que je vois et c’est bien car du coup tu me donnes envie de revoir pas mal de films et d’en découvrir de nouveaux

    Alexande est aussi à mon programme, je viens d’acheter Alexandre de Klaus Mann ma petite réserve pour l’été

    J’aime

  3. Bonjour,
    je peux enfin lire tes billets sur les 3 films d’Angelopoulos. Après Zorba (prévu la semaine prochaine), ce cinéaste est à mon programme. J’ignore ce que possède ma bibliothèque mais ce que tu dis d’Alexandre le grand me fait très envie, tu en parles très bien. J’espère que je pourrai les trouver ! Merci.

    J’aime

Répondre à miriampanigel Annuler la réponse.