CARNET SÉNÉGALAIS

Les cris affreux des vanneaux m’ont réveillée. Le muezzin a chanté. Dans l’obscurité j’ai entendu les chiens, le coq. L’électricité est revenue, hoquets puis les pales du ventilo se sont emballées. Je me suis installée sur la table au bout du ponton pour écrire et dessiner. 7h20, le soleil s’est levé derrière le rideau d’arbres. L’eau du Saloum a pris des teintes dorées. Deux pélicans se sont posés. Vol de cormorans. Une agréable brise prolonge la fraîcheur de la nuit. Une pirogue à moteur passe. Des panaches de fumée s’élèvent des villages à l’Ouest. Une journée nouvelle commence !
MarLodj
Nous partons sur une charrette (très haute) vers le village de MarLodj, traversant une étendue sableuse très plate. Il y a une trentaine d’années quand la pluviométrie était satisfaisante, on y cultivait le riz. Un vaste grenier sur pilotis avait été construit à l’écart du village par crainte des incendies. Il reste encore la trace des piquets mais dans un véritable désert. Une homme avec une pelle charge une charrette de sable, 1000CFA le chargement explique le charretier.
Une femme nous propose des souvenirs, on ne peut pas y couper. Nous choisissons un mortier de bois et son pilon, qui nous rappellera les exploits de la veille chez les Sérères.
A l’entrée de MarLodj, dans une niche, une madone, plus loin dans une autre Saint François. Je visite l’église très vaste, en forme de coquille retournée avec des vitraux ; les bancs sont en amphithéâtre autour de l’autel. On me conduit à la Vierge noire.

A la sortie 6 minuscules porcelets trottinent dans la rue. Je les suis jusqu’à leur mère attachée dans une concession. Un peu plus loin, au fond d’une ruelle, des femmes préparent le couscous de mil, l’une d’elle tamise la farine dans une vraie calebasse végétale, les autres roulent la farine. Les calebasses ont été rapetassées, recousues (souvenir d’une expo au quai Branly sur les objets réparés).
La charrette m’attend devant l’atelier des peintres en sable ? Un guide local me raconte d’où proviennent les sables colorés : celui-ci, jaune d’une termitière, l’ocre de la latérite de la route, le noir, d’un feu, le blanc de la plage. La colle : de la sève de baobab. Le travail est minutieux. Un petit tableau a nécessité une journée de travail et se vend à 15000CFA.

La charrette s’arrête ensuite devant un étrange végétal hybride : trois grands arbres, un rônier, un et un fromager se sont associés. Le fromagé a « avalé » une grosse branche du caïlcédrats qui semble greffé en travers du tronc. Les animistes apportent des offrandes aux esprits de ces trois arbres. Chrétiens et Musulmans respectent ces arbres sacrés, croyance de leurs ancêtres. On débouche sur la place où se trouve le « tamtam téléphonique », grand tambour cylindrique qui sert à annoncer les nouvelles du village. Une grande mosquée borde l’un des côtés de la grande place, en face un dispensaire, au fond un petit marché de légumes. Dans une cour, une dispute conjugale attire les voisins et les passants qui tentent de séparer Monsieur et Madame. Nous quittons le village à travers les fumées des tas de saletés qu’on brûle.
