4. Fès : Medina-Fès el Djedid

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

Toutes seules dans la médina!

Fès : ruelles tranquilles dans la médina
Fès : ruelles tranquilles dans la médina


F
ortes de notre équipée guidée d’hier, avoir étudié le plan, nous nous lançons à l’aventure. Nos repères seront les deux Talaats, axes principaux orientés SE/NO et le but à atteindre : la place Nejjarine qui se trouve au milieu de tout ce que nous voulons voir.
Première étape Bâb Boujeloud, la porte bleue, puis le marché aux victuailles. Hier, des chats se partageant des restes de viande sous l’étal d’un boucher. Un autre chat, perché sur la cage d’un pigeon auraient été des sujets de photos auxquelles  j’avais renoncé à cause du guide. Les chats traînent toujours, mais plus la mise en scène !

La clepsydre de Maïmonides

La clepsydre
La clepsydre

La clepsydre  me plaît de plus en plus depuis que j’ai lu que des cymbales sonnaient les heures et que des oiseaux mécaniques surgissaient des petites fenêtres. Le « juif astucieux »  dont parlait le guide, n’est autre que Maïmonides (pas seulement astucieux, l’auteur du guide aurait pu se renseigner !) Il aurait trouvé le mécanisme hydraulique de cette horloge monumentale qui occupe tout un bâtiment en face de la Medersa Bou Inania (visitable selon les livres mais fermée pour cause de travaux).

Nous aventurons dans les ruelles des quartiers d’habitations pas plus larges que des couloirs, tombons dans des culs de sac et chaque fois retrouvons les artères commerçantes. Nous nous débrouillons très bien sans guide.

Premier but de promenade : le souk des luthiers (le Routard). Nous tournons dans le quartier, demandons aux habitants. Introuvable ! Les boutiques vendant des tambourins et de flûtes ne manquent pas mais nous ne nous attardons pas de peur de nous faire piéger par les vendeurs.

fes medina portes4 - Copie

Les enfants deviennent insistants. Seul avantage de la visite accompagnée d’hier, ils ne se manifestaient pas. Pour  les décourager j’explique inlassablement que nous ne cherchons qu’à faire des photos tranquilles. Cela marche à peu près. Pour les photos, un nouveau problème surgit : l’étroitesse des rues. Sans recul, il faudrait un plus grand angle pour capter la porte, l’auvent et un coin de ciel bleu. Il faut aussi être rapide, à peine ai-je trouvé le cadrage satisfaisant qu’un mulet chargé me déloge « Balek !». Les mulets – photogéniques- disparaissent avant que l’objectif ne soit sorti.

Fès caravansérail
Fès caravansérail

Maristan

Une enseigne peinte nous indique le souk au henné –  placette bien agréable – ombragée (en été) par deux gros platanes, défeuillés en ce mois de février, entourée de petites boutiques de bois  .Les vendeurs sont bien aimables et ne cherchent pas à nous vendre quoi que ce soit. le marchand nous installe un sac de jute pour que sur la margelle d’une fontaine désaffectée, nous soit plus confortable . Nous avons tout le loisir de lire nos guides et de nous reposer. En face, des ouvriers restaurent une tour carrée, le Maristan, hôpital ou a officié Léon l’Africain (j’ai dans les bagages sa biographie par Maalouf).

Le Musée du bois de la Place Nejjarine

la fontaine de la place Nejjarine
la fontaine de la place Nejjarine

Nous traversons les souks couverts pour trouver la place Nejjarine avec sa belle fontaine polychrome et le Musée du Bois. C’est un havre de paix. Pour 20 DH nous payons la visite mais aussi le repos dans un cadre merveilleux. L’ancien fondouk a été récemment rénové. Les boiseries embaument le bois de cèdre, les sculptures de stuc sont comme neuves, merveilleusement ouvragées. Les toilettes sont luxueuses, les banquettes ont des coussins. Encore une fois, nous sommes les seules visiteuses.

Nous prenons tout notre temps pour examiner le contenu des vitrines, des dizaines de rabots, de ciseaux et d’outils n’offrent que peu d’intérêt, mais les portes ciselées, les étagères peintes, les vieux panneaux sont de toute beauté. Ici aussi, je m’amuse à détailler les constructions géométriques, à chercher des symétries;  Pas étonnant que tant de profs de maths soient arabes, la géométrie et la symétrie sont élevées au rang d’arts majeurs.

fes terrasses - Copie

La terrasse du quatrième niveau offre un beau panorama sur la Mausolée de Moulay Idriss avec sa pyramide verte et le minaret vert brillant. Une petite coupole blanche dont la cheminée fume très noir est sans doute un hammam. Vers le nord les collines verdoyantes et les tombeaux mérinides. Il faut se gendarmer pour ne pas gâcher la pellicule. Tout attire l’œil : le linge qui sèche, les petits auvents de tuiles vernissées, un vénérable platane …

Les tanneurs

Fès tanneurs
Fès tanneurs

Plutôt que de gaspiller notre énergie à chasser les enfants entreprenants et très collants, autant en choisir un sympathique qui nous guidera vers les tanneurs. Nos candidats sont vite trouvés : deux minuscules Mohamed et Smaïn en beaux pulls jacquards, le cheveu ras, l’air intelligent qui nous présentent la carte d’une boutique qui a une terrasse surplombant les tanneries. Les deux gamins filent, nous marchons sans nous presser, ils nous attendront plus loin. D’autres gosses tentent l’aventure mais les petits font bien leur travail. Ils nous disent que les guides officiels prennent des commissions sur les achats des touristes (ça on le savait !) mais pas eux, ce sera plus avantageux pour nous.

les cuves des tanneurs
les cuves des tanneurs

La terrasse des tanneurs est décevante, beaucoup trop haute, beaucoup trop loin. Cela ne vaut pas la visite à Marrakech. 200DH, pour des babouches, beaucoup trop cher!D’ailleurs nous n’avons presque plus d’argent et il n’y a pas de guichet automatique dans la médina. Les petits nous conduisent vers la porte de la ville où nous trouvons un petit taxi pour l’hôtel.

Déjeuner sur le pouce : sandwichs au poisson frit très épicé : sardines pour moi, congre plein d’arêtes pour D .Nous trouvons un avocat à la crémerie  – drôle d’endroit!  La raison est simple, : avec une centrifugeuse on fait du jus d’avocat avec du lait, plus classique, le milk-shake aux amandes, à la vanille ou à la banane.

Le réceptionniste de l’hôtel a invité une loueuse de voitures qui vient avec sa fille mais sans ltarifs ni  contrats. Elle ne connaît pas la carte VISA Premier et les assurances qui vont avec. Cela ne nous inspire pas confiance. Elle propose une Fiat UNO pour 450 DH, nous ne concluons rien avec elle. Nous verrons demain les enseignes mondialement connues.
Sieste écriture et café près de la piscine.

Fès el Djedid

  Fès el Djedid – Fès la neuve –  XIIIème siècle, (la nouveauté est toute relative) – se trouve à  20 minutes de marche de l’hôtel par  une avenue moderne avec une très belle vue sur un ravin et des collines vertes. Puis nous arrivons dans une foule compacte qui fait ses achats dans un bazar tout à fait contemporain : bassines en plastique, fleurs artificielles, grills …Nous atteignons une porte carrée qui s’ouvre sur une ruelle encombrée de foule. Aux abords, sur le trottoir, des petites gerbes de mauvaises herbes, une poignée nouée par un brin d’herbe, sans doute pour les moutons. Heureusement, nous ne prenons pas cette ruelle.

les balcons du mellah
les balcons du mellah

Au contraire, nous traversons l’ancien Mellah en suivant une belle rue large bordée de magnifiques maisons ornées de balcons de bois ouvragé de style colonial avec des frontons décorés, des fenêtres en saillie ornées de ferronnerie. Au rez de chaussée, les boutiques des orfèvres juifs sont remplacées par des marchands de fruits secs, pruneaux, dattes amandes, pralines et pâtisseries. Une bonne odeur d’amandes grillées flotte.

Plutôt que demander le cimetière Israélite ou la synagogue, nous désignons la place Allaoui que tout le monde connaît. C’est l’entrée du palais Royal, monumentale, plus grande que les portes de la ville avec des décorations polychromes, des zelliges, des portes de bronze. Tout cela flambant neuf, brillant – trop neuf, trop clinquant – précédé d’une immense esplanade bordée de palmiers et de massifs fleuris. Personne n’a le droit de la traverser, des militaires sifflent ceux qui s’y hasardent et verbalisent les vélos.

Fès ancien Mellah
Fès ancien Mellah

Le Palais est une ville secrète bien gardée.

Au bout de l’esplanade, un parking bruyant : il s’y déroule une activité intense de marché aux puces où tout ce qui est imaginable se négocie : des bracelets-montres, des gazinières, des canapés, de vieux vêtements ainsi que des neufs.

Cimetière juif

Fès cimetière israélite
Fès cimetière israélite

Le cimetière juif se trouve derrière ce marché. Quelqu’un nous indique l’entrée: la porte noire derrière le garage, bouclée à double tour, il faut sonner trois fois. Personne n’ouvre :
–    « Ya Khuya, le cimetière est grand » dit à mon intention un invalide barbu famélique qui surveille un étal minable de couteaux, tournevis à même le goudron.

Un vieil homme à la peau noire et aux yeux morts nous fait entrer sans un mot. Un autre homme se précipite, m’accueille en hébreu, me serre le bras. Visite guidée : des centaines de tombes  en demi cylindre chaulées de blanc sont entassées. La plupart n’ont pas de nom mais le chaulage est impeccable. Des morts d’épidémie de peste, commente t il. Notre hôte a la mémoire des lieux  ilconnaît les concessions de chaque famille : les Sarfaty, les Pinto, les Danan … des mausolées honorent des rabbins célèbres : Sarfaty et Danan. Notre hôte répète à satiété que les Juifs Marocains protégés du Roi, sont bien, que la communauté marocaine est protégée. Il est heureux de parler Hébreu, ses fils sont en Israël. Il est fier de son cimetière bien entretenu. La tombe d’un rabbin ressemble à une locomotive, une bougie y brûle. , celle de la jeune Soulica est teinte de bleu et blanc tacheté curieusement . Soulica était une très jeune fille qui avait refusé de se convertir à l’Islam pour se marier avec le Roi .

Il nous mène ensuite à la synagogue transformée en musée. Musée de quoi ? Cela ressemble plutôt à un grenier avec quelques objets du culte sans valeur, des chapeaux, quelques vieux livres, une collection de pierres, des vieux habits. Deux mannequins miment des mariés sous la Khoupa. C’est dérisoire, infiniment triste. Touchante aussi, la classe de l’Alliance Israélite, les bulletins d’Elbaz, Sebbag ou Azoulay… Le juif nous fait sortir par l’arrière. Sorti de son cimetière sa peur est palpable. Il m’extorque 100 DH pour l’entretien du cimetière. Je suis furieuse parce qu’il ne nous reste plus un dirham pour ce soir. Je me raisonne vite, 100Dh, c’est 66 Francs, deux entrées dans un musée européen, la djellaba achetée hier …moins que ce que nous avons donné au guide incompétent. Finalement c’est si peu face à la tristesse de ce qui reste de la communauté ! Je mesure aussi la différence entre la situation actuelle et celle en 2001 lorsque nous sommes venues à Marrakech dans l’avion des juifs qui venaient passer Pessah en famille.

Nous décidons de quitter Fès demain. Si nous restions que ferions nous ? Nous avons bien exploré la médina Fès El Bali et Fès El Djedid. La ville nouvelle ne nous dit rien Mieux vaut ne pas attarder et avoir plus de temps pour descendre dans le sud. Fès garde pour elle ses secrets que les touristes ne profanent pas. Les chantiers empêchent aussi les visites.

Nous rentrons à l’hôtel à la tombée de la nuit.


Le dîner se compose d’un potage, poireaux pommes de terre, d’une omelette pour D, couscous pour moi. Le couscous  suffit largement pour deux, nous laissons le reste.
Pour aller fumer sur le balcon, on fait glisser la porte-fenêtre qui s’enclenche. Nous voici prisonnières sur le balcon ! On hèle les passants dans la rue qui alertent la réception. Finalement le portier vient nous délivrer. Fou-rire ! Cela fait du bien de rigoler!

 

 

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

2 réflexions sur « 4. Fès : Medina-Fès el Djedid »

  1. Bonjour,
    Erreur concernant la clepsydre de la bouaanania: Maimonide ne l’a jamais construit,
    c’est le Mouaqit Ahmed talamçani nommé Al faham , moaqit du sultant Abou inan qui la construite: beaucoup de doc l’attestent
    le philosophe et théologien Maimonide a logé dans la rue d’à coté qui porte le nom de la rue de la magana.

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    1. @Irrom : merci de ces précisions, je note dans mes carnets ce que raconte le guide et les guides-papier (guide bleu) n’étant pas spécialiste. C’est à cela que servent les commentaires d’un blog.

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