TUNISIE
Vendredi, nous serons dans l’avion pour Djerba. Premier voyage en Tunisie. Quelles lectures? Bien sûr j’ai téléchargé Salambô et lu une biographie d’Hannibal. L’ Histoire antique m’intéresse mais la Tunisie s’est invitée dans les actualités télévisées récemment et nous assisterons au 2ème tour des élections présidentielles.
J’ai donc cherché des ouvrages sur la Révolution de jasmin.
TUNIS CONNECTION de Lenaig Bredoux et Mathieu Magnaudeix
Les auteurs sont journalistes de Mediapart.
C’est une enquête très fouillée et circonstanciée sur les rapports entre la France et le pouvoir de Ben Ali.
Emprunté quelques semaines avant notre départ en Tunisie, j’espérais en apprendre plus sur le pays.
Gauche, droite, diplomates, hommes d’affaires ou de média, en France, tout le monde a fermé les yeux sur les entorses (le mot est faible) aux droits de l’homme de Ben Ali et de sa clique et sur la corruption. Peur de l’Islamisme, attachements sentimentaux ou familiaux, plaisirs de la plage, du soleil….
L’enquête est intéressante mais très franco-française.
PRINTEMPS DE TUNIS de Abdelwahab Meddeb
Abdelwahab Meddeb est le co-auteur avec Benjamin Stora de la magistrale Histoire des relations entre juifs et musulmans...
C’est en feuilletant ce gros livre qui ressemble plus à une encyclopédie que j’ai eu l’idée de télécharger le Printemps de Tunis
« Le 14 janvier est un évènement qui a pour vertu de confirmer que l’histoire ne s’arrête pas. Le désir de liberté et l’appel à la démocratie ont émané du cœur d’un peuple d’islam informé de la référence occidentale assimilée à un acquis universel dont jouit tout humain »
Abdelwahab Meddeb raconte la Révolution de Jasmin, du 17 décembre 2010 Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid au départ de Ben Ali le 14 janvier 2011, et les jours où la démocratie s’est imposée jusqu’à la fin de janvier 2011.
« bienvenue au temps qui renoue avec la médiévale courtoisie, d’Ibn hazim à guillaume d’Aquitaines, d’Ibn Arabi à Dante[…] C’est un concert qui emporte dans son sillage tant d’idiomes romans dont je reçois les échos dans Tunis donné à la révolution »
C’est à la fois un livre très personnel et très optimiste, regard éclairé d’un intellectuel qui cite aussi bien La Boétie que Ibn Arabi, le soufi. Meddeb convoque aussi bien Hobbes que Condorcet pour analyser la dictature de Ben Ali. Il impute à Bourguiba une part de la responsabilité du régime autoritaire tout en lui accordant le mérite d’avoir promu l’éducation et la laïcité. Selon lui « l’état créé par Bourguiba a une triple genèse » : la domination du parti unique, « l’exercice de l’autorité de Bourguiba procède de l’émirat » le comparant à Haroun al-Rachid. Ben Ali ayant transformé cette autorité en état-voyou à caractère mafieux.
Dans le déroulement de la révolution il met en avant l’importance cathartique du bûcher de Bouazizi « cette révolution du jasmin eût pu s’appeler la révolution du phénix » .
« L’instrument de cette révolution aura été Internet. » En Tunisie et dans la blogosphère mondiale où 8000 hackers ont répondu à l’appel à Anonymeous contre la cyberpolice avant la chute de Ben Ali. la circulation des images ont aussi galvanisé les foules.
Se laissant porter par l’euphorie, il parle d’une révolution aimable, polie, même.
« Les femmes en Tunisie m’impressionnent par la manière souveraine avec laquelle elles vivent leur conquête. »
Il est conscient que le moment de grâce ne durera pas.
« Quand la poésie de la révolution se retirera, comment nous accomoderons- nous de la prose du quotidien? »
La condition de la réussite de la révolution est l’indépendance de la justice. note-t-il plus loin.
Le rôle des forces armées est aussi essentiel. Certains officiers sont entrés en rébellion et ont terrorisé les populations. L’autre péril est celui de la récupération islamique.
La ré-islamisation des sociétés par les télévisions arabiques n’est pas à négliger. Même les rappeurs sont touchés par cette tendance observe-t-il. Si la tendance laïque et séculière domine, l’islam politique est une force organisée qui possède une stratégie élaborée.
« Ceux qui sont dans la passion et dans la technique du militantisme politique, ce sont les islamistes. la jeunesse populaire est infra-politique. Celle des classes moyennes qui s’est ralliée via Internet est post-politique ; elle est semblable aux jeunesses européennes et occidentales : elle partage leur défiance du politique sans qu’elle en ait goûté la saveur »
L’histoire continue, il faudra que j’en trouve la suite. les élections me donneront peut-être l’occasion d’un nouvel épisode.


