LA ROUTE DE LA SOIE
J’avais depuis longtemps envie de lire Ella Maillart.
La voie cruelle raconte son voyage jusqu’en Afghanistan, en voiture, en compagnie d’une amie Christina ( l’écrivaine Annemarie Schwartzenbach) à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Elles traversent l’Italie, la Serbie, la Bulgarie, la Turquie et l’Iran, campent parfois, le plus souvent logent dans des maisons d’hôtes aménagées pour les voyageurs le long de la Route de la Soie, sont souvent invitées chez les notables…
Ce n’est pas le premier voyage des deux voyageuses dans ces contrées. Ella Maillart a séjourné dans la région. Christina est la femme d’un diplomate à Téhéran. Point de découverte ou d’exotisme mais une réflexion sur le voyage très originale.
« Ce voyage ne sera pas une folle escapade, comme si nous avions vingt ans ; et d’ailleurs ce serait impossible avec l’actuelle tragédie européenne. Ce voyage d’étude doit nous apprendre à atteindre notre but: devenir des êtres conscients, capable de répondre d’eux-mêmes. Il m’est devenu insupportable de vivre ainsi à l’aveuglette…Quelles est la cause, quelle est la signification de ce chaos qui sape hommes et nations. Et puis il doit y avoir quelque chose que je puisse faire de ma vie, une idée un but pour lequel je puisse mourir avec joie ou vivre… »
déclare Christina.
Ella Maillart essaie aussi de détourner son amie de la drogue.
Le récit aura donc plusieurs facettes : la description des paysages, mœurs, et coutumes d’Orient mais aussi l’aspect psychologique et enfin une réflexion politique sur le chaos qui se dessine en 1939. Regard féminin (féministe?) de ces deux femmes indépendantes dans un pays où les femmes sont invisibles.
Ella Maillart est une merveilleuse conteuse. Elle raconte l’histoire, les légendes attachés aux monuments qu’elles visitent. Elle décrit merveilleusement bien les paysages :
« Il était encore tôt le matin lorsque, émergeant d’une gorge, nous atteignîmes Haibak, le Samagan des légendes persanes. Le jeune soleil baignait une scène idyllique. Les ruines impressionnantes d’un château crénelé couronnaient une colline[….]
Assises sur une natte et buvant du thé dans des bols de porcelaine, nous admirions les montagnes où nous allions pénétrer, puis les champs ambrés qui entouraient le village. Plus près encore, les têtes superbes et le maintien aristocratique de trois « anciens ». Il y avait aussi, près d’une pile de melons tachetés un vendeur. Avant de faire son achat, chaque client opérait un choix minutieux. Plus loin, un mouton pendait à un arbre, habilement dépecé par le boucher. Derrière nous, une rangée de théières rondes brillaient doucement dans l’ombre d’une étagère tandis qu’un garçon éventait le charbon de bois de son samovar. Deux hommes portaient des calots brodés, gais comme un bouquet de fleurs vives. […]Etudiant attentivement les étrangères, un garçonnet caressait sa perdrix d’une manière machinale…. »
Juste après cette vision élégiaque elles découvrent la construction d’un barrage électrique sous la direction d’un ingénieur allemand. Enfer de la construction mais aussi destruction d’une vie nomade et industrialisation. Réflexion des deux journalistes sur l’irruption du monde moderne dans cet Afghanistan encore médiéval.
Elles campent à Bamyan, découvrent les vestiges bouddhiques, ainsi que les traces du passage d’Alexandre le Grand.
En quoi cette route était elle « cruelle »?
interrogation de la lectrice.
Au contraire cette route m’a paru particulièrement douce, en considérant les contrées désertiques, les très hautes montagnes, le handicap d’être deux femmes seules (elles le détournent pour en faire un avantage.) La cruauté sera à la fin du voyage : Kaboul, la maladie de Christina, Ella qui l’abandonne, malade et dépressive. Cruauté aussi qui les attendent avec l’irruption de la Guerre en Europe. Que vont faire les deux Suissesses?
Je referme ce livre avec l’impatience de retrouver Ella Maillart dans Des monts célestes aux sables rouges qui m’attend à la bibliothèque.



Pfff tes lectures actuelles vont augmenter vite ma PAL (si je mets la main dessus)(voir la bibli)
Je n’ai lu que Ti Puss…
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Avec ce livre, tu es , en effet, aux antipodes du bouquin que je viens de lire « le sillage de l’oubli », un grand écart de l’est à l’ouest… L’Afghanistan est (était?) décidément un pays fascinant!
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@claudialucia : fascinant mais visitable uniquement en bibliothèque! les deux héroïnes sont elles aussi fascinantes
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Je l’ai lu avec intérêt il y a pas mal d’années. J’ai Ti Puss dans ma PAL.
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@Aifelle : je n’ai pas lu Ti Puss, à rajouter dans la PAL
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Tout Ella Maillart : c’est ma devise
Dans Oasis interdites elle termine le voyage là sur la Route de la soie mais la commence en Chine, son meilleur livre à mon goût mais peut être pas tout à fait ta route
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@Dominique : pour l’amour d’Ella je me détournerai volontiers de ma route
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