CARNET SICILIEN 2016

J’avais gardé un excellent souvenir de Selinunte où nous avions passé une semaine, du site antique fleuri où nous étions revenues à plusieurs reprises. Nous avions flâné des heures sur l’Acropole à chercher les maisons puniques et nous avions rencontré un berger et son troupeau sur le site romantique de Malophoros.
Depuis 2015, le site a été rénové. On a construit une clinquante billetterie. On est invité à télécharger l’audio-guide sur le smartphone (mais on n’a pas installé de wifi). On a organisé des navettes électriques (genre voiturettes de golf) et pour cela, tracé de grandes allées blanches en place des chemins dallés. Pour faire propre, on a tondu les grandes pelouses qui entourent le Temple E qui est entouré de barrières plastiques orange. Le site de ruines romantiques a perdu ses fleurs et une partie de son charme. Je suis très déçue !
La plus grande déception est à venir : tous les panneaux explicatifs ont été retirés. Je dois retourner au guichet acheter un plan cher et mal fichu.

En l’absence de commentaire j’essaie de glaner quelques renseignements en écoutant les conférenciers des groupes. L’un d’eux explique que le Temple E a été remonté dans les années 50 à grand renfort de ciment et de ferraille ce qui ôte beaucoup de magie au grand temple dont la colonnade est à peu près complète. Les métopes se trouvent à Palerme au Musée Archéologique Salinas.
Le petit temple F est bien écroulé « un séisme » explique un guide. J’arrive à peine à imaginer un temple.

Le géant, le temple G aux colonnes énormes a encore une colonne debout qui fait penser à une cheminée d’usine pour la taille. Une autre a ses tambours mis bout à bout donne une idée de l’échelle.
La dénomination des temples avec des lettres est plus rigoureuse scientifiquement mais elle est aride pour la touriste que je suis. Point de mythologie, de citation ou d’histoire. Difficile de faire « parler les pierres ». Les seuls panneaux encore en place donnent des données chiffrées, tant de colonnes, telles dimensions…J’apprends donc que les temples archaïques étaient plus longs que les temples classiques et qu’il y a aussi des différences dans la cella.
Un peu plus loin le très beau bâtiment Baglio Floro doit abriter un antiquarium, pas encore terminé, semble-t-il.

Au lin, une belle colonnade se détache sur l’Acropole. La promenade pour la rejoindre est agréable en descendant dans une vallée occupée par un petit bois de mimosas et lentisques, franchissant un ruisseau sur un pont de bois branlant, remontant la route qui domine la plage de Marinella de Selinunte. Encore une fois, l’absence d’explication appauvrit la visite qui devient une promenade dans une ville où les rues sont encore visibles. Les Carthaginois s’y étaient installés ;je me souviens des maisons puniques. En l’absence de données archéologiques je regarde les fleurs : les acanthes sont merveilleuses, les arbres de Judée apportent leur note rose. Pas de parcours précis donc, j’enjambe des blocs au hasard dans les hautes herbes. Les anthémis sont grosses et d’un jaune éclatant.

L’éphèbe de Selinunte, la fierté du musée vieillot de Castelvetrano, j’avais beaucoup aimé cette visite. Dans une cage de plexiglas, dans une pièce ouverte à tous les vents, il n’est pas à son avantage. . Je ne me souvenais pas qu’il était si petit. Ce petit bronze délicat est saisissant. Que fait-il ? Ses mains le suggèrent en raison ou en discussion. Il est curieusement cambré un peu comme une fille. Sa coiffure aussi est étrange, peut être est-ce une couronne ?
Une grande allée blanche – trop large, trop neuve, trop lisse – va au Mélophoros. Je regrette la nature sauvage d’autrefois. Après avoir franchi un autre ruisseau, plus large que le précédent, je reconnais le site avec ses trois petits temples. Dans lequel se pratiquait-il le culte à Demeter Malophoros, la porteuse de grenade. Quelques coquelicots bien rouges donnent une touche de gaieté. Comme l’endroit est très en pente on n’a pas passé la tondeuse et le site est préservé. Au sol de petites véroniques bleues et un tapis de minuscules fleurettes orange. Des lézards détalent à mon approche. En haut, les grandes feuilles charnues et bleuissantes des agaves portent des hampes florales fanées.

Quel dommage que le site perde ainsi de son charme! Je pense que cela doit être la même chose en Crète où nous avions visité des sites archéologiques , sauvages et fleuries, déserts, à part les moutons qui y paissaient… mais ils étaient en train de construire une billeterie! Ceci dit, je le verrais tout de même volontiers!
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