GUADELOUPE

La route reliant Le Moule et la Pointe de la Grande Vigie (l’extrémité nord de Grande Terre) D120 est peu fréquentée par les voitures. Nous serions très tranquilles si elle n’était pas le parcours des cyclistes. Nous avons même cru qu’une course s’y déroulait tant ils étaient nombreux et en pelotons ? Il faut être sportif et très motivé pour faire du vélo en Guadeloupe en l’absence presque générale de piste cyclable, sur des routes embouteillées de voitures avec un relief non négligeable. Tous les cyclistes que nous rencontrons sont en tenue de coureur. Pas de cyclotouristes, ni de randonneurs, très peu de gens utilisent le vélo pour se déplacer, sauf dans la campagne sur des chemins, aucune femme. Difficile de les doubler. Ils ne se poussent pas, il faut les suivre.

La Pointe de la Grande Vigie est un cap très étroit pointant vers le nord.
La route traverse une campagne très agréable. Nous roulons a travers les champs de canne et les villages tranquilles composées de belles maisons parfois très grandes. Le modèle initial était la case en bois simple parallélépipède rectangle qu’on voit parfois encore. Autour, une galerie couverte est soutenue par des piliers de bois ou de ciment. Ensuite, on prolonge, on ajoute des annexes en ciment ou en parpaings. Enfin on élève un étage, on construit un toit à quatre pentes qui s’ouvre par des chiens assis. Parfois les volumes sont plus compliqués s’articulent. Les tôles nature, rouges, vertes ou blanches couvrent le toit. Les plus belles maisons ont de jolies finitions avec des corniches ajourées en bois ou en métal. Les jardins sont soignés et fleuris.
Dans les champs, on peut observer diverses étapes de la culture de la canne. Ici, on charge les cannes sur une grosse remorque. Là, d’énormes moissonneuses coupent la canne. De gros bœufs beiges ou bruns paissent tranquillement.
La Pointe est plantée d’une forêt sèche : forêt xérophile qui supporter des précipitations comprises entre 900 et 1600 mm. Les plantes développent des stratégies d’adaptation à la sécheresse : petites feuilles comme Faux mimosa (Leucanea leucocephala), poils chez le Ti-baume ( Coleus amboinicus) ou Croton flavens, plantes médicinales, Gommier rouge (: Bursera simaruba) dont la sève fournit de l’encens. Lantana ; et cannelle à puce serva,nt de répulsif quand on frotte ses feuilles sur les poils du bétail. . Cet écosystème devient très rare (27% du couvert forestier) et disparaît au rythme de 28 ha/an. Un parcours en planche très confortable permet d’accéder au point de vue sur la falaise impressionnante frangée de l’écume blanche sur une mer turquoise.
Un panneau décrit la géologie du site : « empilement de couches où les calcaires récifaux alternent avec les sables volcanique (5 Millions d’Années)

Les guirlandes oranges des sargasses menacent les côtes : on distingue au loin de grandes masses brunes. Le sentier s’insinue sur l’arête de la péninsule. Deux filles passent barrière pour faire des selfies. Trois pêcheurs me dépassent avec leurs seaux et cannes à pêche.
La route longe les falaises. A chaque parking, un point de vue vertigineux : porte d’Enfer, Anse à la Tortue. Les vagues font un grondement infernal ; l’eau s’écoule en cascatelles. On découvre une sorte de petit fjord : le Trou à Madame Coco. Je découvre le sentier côtier que je m’apprête à emprunte : la Trace des Falaises. Elle court de la Porte d’Enfer à la Mahaudière, c’est une grosse randonnée. J’ai choisi le tronçon partant du Trou à Madame Coco jusqu’au Trou du Souffleur (notée 3 heures). AA 9h45 Dominique trouve une place de parking ombragée et je décide de rentrer avant midi.
Le sentier suit le petit fjord. Je marche sous des buissons légers dont les feuilles ressemblent à des acacias. La montée se fait sur des pierres très coupantes : le calcaire corallien qui s’érode en laissant des cavités arrondies et des arêtes acérées. Heureusement que je porte mes chaussures de randonnées fermées ; en sandales cela n’aurait pas été confortable. Je regrette aussi le bâton télescopique que j’ai du rendre à Mireille qui m’aurait aidée à me hisser plus vite ; Le plus souvent le sentier passe dans les buissons. Le rebord de la falaise est fragile, le piétinement provoquerait des éboulements. Il ne fait pas s’approcher du bord. Par moment il y a de très belles échappées. Dans les échancrures de la côte la mer s’engouffre à grand bruit, phénomène des souffleurs. Je marche d’un bon pas pour atteindre le Trou du Souffleur. A 10h40 je croise un couple qui en revient ; « Combien de temps encore ? » – « 25 minutes » . Aller et retour, cela fait près d’une heure. Je ne peux pas me permettre de laisser Dominique si longtemps cuire dans la voiture. Je renonce. Pourtant, de temps en temps, un grand bruit parvient jusqu’à moi. Come la route est très loin et qu’il n’y a pas de camion, c’est bien le bruit des vagues, le Souffleur !
Dominique a réservé une table au Restaurant Madame Coco qui a une dizaine de tables sur la plage et deux belles salles en terrasse. Poisson grillé : du Vivanneau, rouge comme un rouget, à la chair très ferme comme celle d’un maquereau en plus fin, un poisson très prisé. Poulet boucanné et en dessert un sorbet coco fait maison, dans le tonneau à double paroi. Le serveur qui l’apporte vient avec une bouteille de rhum que je décline. Les oiseaux font le spectacle : un noir, de la taille d’un merle, (merle de Guadeloupe : Quiscale ) se pose sur la corbeille à pain d’une table pas encore desservie ; il se gave à toute vitesse pas du tout craintif.
Retour par la même route – sans les cyclistes – jusqu’à la sucrerie de Mahaudière, l’usine et l’habitation ont disparu, il reste un moulin, une cheminée et un bâtiment en ruine avec des ferrailles cylindriques que je ne peux pas identifier.
Un panneau conte l’histoire de la Mahaudière :

L’Habitation date de 1732 – 1770 la grosse cotonnerie avec un grand nombre d’esclaves mais pas de bâtiment industriel, la propriété s’agrandit et se tourne vers le sucre. A la Révolution, elle est mise sous séquestre, 200 cultivateurs y travaillent.
1828 propriété de Jean-Baptiste Douilhard Mahaudiere de 465 ha et 147 esclaves
1840 Affaire de l’esclave Lucile : JB D Mahaudière est jugé, accusé d’avoir séquestré son esclave Lucile accusée d’avoir empoisonné sa femme, 14 esclaves et 281 têtes de bétail. Jetée dans un cachot de 5 m2 et 1.20 m de haut pendant 22 mois. Le procureur du roi, étant esclavagiste, acquitta Mahaudière et Lucile fut vendue.
Pendant que je recopie le panneau, Dominique a fait la connaissance d’un melonnier : la culture du melon se développe sur Grande Terre. Il nous apprend que c’est aujourd’hui la Mi-Carême chômé en Guadeloupe, ce qui explique la présence des cyclistes et celle de monde à la base de loisir sous les arbres.

En face des ruines, sous des arbres magnifiques sous un carbet, des percussionnistes font de la musique tandis que des femmes chantent « Liberté Alléluia ! ». Une grande table est servie avec des marmites. Tous dansent. Pour enregistrer la musique, je filme. Pas longtemps ! Deux jeunes filles arrivent, très remontées : « vous avez demandé la permission pour filmer ? « . J’arrête et m’excuse, c’est vrai, j’aurais dû. Comme elles sont très agressives je retourne à la voiture garée devant un panneau et je recopie le nom des arbres : Mahoganny petites feuilles. Ces arbres fournissaient le combustible de la chaudière de la sucrerie. Deux femmes plus âgées, endimanchées, robe rouge moulante, élégant chapeau de paille, robe jaune, chapeau vienne nous inviter à partager leur fête : « il y a un repas, il y a aussi à boire. Nous venons évangéliser, appelez votre mari et venez avec nous ! ». « nous sortons du restaurant, nous n’avons plus faim ! ». Je pense à part moi, que je n’ai pas du tout envie d’être évangélisée, même si la musique est bonne.
La Chapelle Sainte Anne est une grande église en ciment assez quelconque. Non loin, l’anse Maurice est bien ombragée. Il y a un grand restaurant. Jolie plage de sable blanc. Les sargasses sont arrivées ici mais ce n’est pas le plus gênant : le platier rocheux arrive au ras du sable sec ce qui n’est pas très pratique pour se baigner.
Quand nous arrivons au Moule nous constatons que tous les magasins sont fermés ale jour de la Mi-Carême.
💙
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Merci pour cette balade. Cette partie de la Guadeloupe est vraiment belle.
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