Au Bonheur des Dames – Emile Zola

LES ROUGONS-MACQUART t11

Valloton Bon marché

 

« de l’autre côté de la rue, ce qui la passionnait, c’était le Bonheur des Dames, dont elle apercevait les vitrines, par la porte ouverte. Le ciel demeurait voilé, une douceur de pluie attiédissait l’air, malgré la saison ; et, dans ce jour blanc, où il y avait comme une poussière diffuse de soleil, le grand magasin s’animait, en pleine vente. Alors, Denise eut la sensation d’une machine, fonctionnant à haute pression, et dont le branle aurait gagné jusqu’aux étalages. Ce n’étaient plus les vitrines froides de la matinée ; maintenant, elles paraissaient comme chauffées et vibrantes de la trépidation intérieure. Du monde les regardait, des femmes arrêtées s’écrasaient devant les glaces, toute une foule brutale de convoitise. Et les étoffes vivaient, dans cette passion du trottoir : les dentelles avaient un frisson, retombaient et cachaient les profondeurs du magasin, d’un air troublant de mystère ; les pièces de drap elles-mêmes, épaisses et carrées, respiraient, soufflaient une haleine tentatrice ; tandis que les paletots se cambraient davantage sur les mannequins qui prenaient une âme, et que le grand manteau de velours se gonflait, souple et tiède, comme sur des épaules de chair, avec les battements de la gorge et le frémissement des reins. »

Le personnage principal est bien sûr le magasin qui grandit au dépend des commerces du quartier, gonfle, respire, séduit….

Deux figures traversent le roman : Octave Mouret qui était le commis du magasin et qui a épousé Madame Hardouin, la veuve du propriétaire dans Pot-Bouille. Déjà, dans ce roman, il avait pour projet d’agrandir Au Bonheur des Dames, d’acheter la boutique voisine. Au début de Au Bonheur des Dames, ce n’est plus une boutique mais un bazar et le simple commis est devenu un capitaine d’industrie qui risque tous ses bénéfice pour faire grossir l’affaire.

« Vois-tu, c’est de vouloir et d’agir, c’est de créer enfin… Tu as une idée, tu te bats pour elle, tu l’enfonces à
coups de marteau dans la tête des gens, tu la vois grandir et triompher… Ah ! oui, mon vieux, je m’amuse ! »

Denise débarque de Valognes, à peine vingt ans mais mûrie par la responsabilité de l’orpheline sur ses deux jeunes frères. Son oncle, Baudu possède une boutique en face du Bonheur des dames. Il ne peut l’embaucher mais sera une bonne référence. Les débuts de Denise comme vendeuse ne sont pas faciles. Moquées par ses collègues, il lui faut une volonté de fer pour tenir bon. Denise a du caractère. Elle saura imposer ses compétence et gravir la hiérarchie malgré jalousies et cabales. Elle ne se laissera jamais aller à se laisser entretenir. Quand à la morte saison, elle se retrouve renvoyée du magasin, elle trouve de l’aide chez les petits commerçants du quartier mais elle comprend qu’ils sont condamnés à court terme. Mouret lui donne une deuxième chance. Il est fasciné par la personnalité droite et irréductible de Denise….

Le lecteur aura droit à un véritable cours de commerce, ou de marketing.  . On pourrait imaginer le dépérissement des commerces de Centre ville concurrencés par les grandes surface. Mouret a tout inventé, les promotions, les soldes, les évènements, la publicité. On voit émerger la société de consommation. Les femmes sont choyées pour les pousser à acheter plus. Du côté du personnel, la productivité est mesurée avec des primes à la clé, dortoirs et cantine sur place, vendeurs et vendeuses sont sur place, paternalisme et surveillance.

Passionnant et encore actuel!

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

6 réflexions sur « Au Bonheur des Dames – Emile Zola »

  1. Un de ceux qui m’ont beaucoup plu dans cette série et c’est frappant en effet de voir comme il y a des échos dans notre monde actuel.

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  2. Je n’ai pas aimé la série anglaise. J’ai trouvé que la BBC faisait avec Zola , ce qu’elle avait fait avec Austen, une romance fade, mièvre, dépourvue de vision sociale ! Ils ont le chic pour ça ! je ne l’ai pas regardé jusqu’au bout !
    Les détails sont si précis que mes élèves de troisième avaient pu faire le plan illustré du magasin sur de grands panneaux avec tous les étages, ce qu’on y vendait, les chambres des employés, les bureaux etc…

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    1. @claudialucia et keisha: je regarde très rarement les séries des livres que j’ai aimés. Je me fait une image personnelle des personnages et je suis déçue de ne pas les retrouver. Brunetti Montalbano ou l’amie prodigieuse

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