Humus – Gaspard Koenig – les éditions de l’Observatoire

RENTREE LITTERAIRE 2023


Glyphosate, ils ont prolongé l’autorisation européenne de 10 ans contre l’avis des scientifiques sur la foi d’études biaisées et de lobbyistes. Je suis verte de colère!

Raison de plus pour lire Humus! Dix ans de plus pour empoisonner les vers de terre, les sols et les riverains.

en classe!

Je l’avais repéré depuis un moment, les vers. J’en ai élevé dans ma classe dans une ferme à lombrics pédagogique . Enlever les caches noirs chaque matin pour observer les galeries était un moment fort du début de mes cours. Au programme des 6èmes, même les 3èmes me le demandaient. Les vers mélangeaient les différents horizons, terre brune, marne claire sable jaune ou rose en un délicieux gâteau marbré.

J’attendais donc la lecture de ce roman avec impatience, recommandée par nombreuses blogueuses Eimelle, Keisha, Claudialucia, Kathel et j’en oublie.

Deux étudiants sur les bancs d’un amphi de AgroParisTech à Saclay, ont une épiphanie : ils consacreront leur vie aux vers de terre, les réparateurs des sols, les digesteurs du trop-plein de déchets, les sauveteurs de la planète. C’est aussi le début d’une amitié profonde qui va unir deux garçons très différents. Arthur est issu de la bourgeoisie, scolarisé dans les meilleurs lycées parisiens, cultivé capable de citer les philosophes antiques et les bons auteurs. Kevin, venu du Limousin, de parents simples travailleurs agricoles, venu par la voie technique, titulaire d’un DUT mais excellent élément, admis à l’Agro parmi les rares élus d’un filière Pro.

Deux destins se croisent et s’éloignent : Arthur le bobo va tenter un retour à la terre en compagnie d’Anne, diplômée de Sciences Po qui se rêve écrivaine. Fidèle aux lombrics, anéciques et épigés il a le projet de réensemencer des champs stérilisés par l’agriculture conventionnelle et chimique. Justement, son grand-père avait une ferme en Normandie dont il a cédé les terres à un voisin Jobard (quel nom!).

Kevin a choisi pour les vers une autre voie : le lombricomposteur. Tout d’abord il met au point un lombricomposteur d’appartement qu’il cherche à produire et à vendre lui-même. Méprisé par les banques, il ne trouve pas la somme (assez modique) qui lui permettrait de lancer son affaire. Trop simple, pas assez innovant, il faudrait ajouter des capteurs, une appli, le transformer en smart-composteur pour être plus sexy. La rencontre avec Philippine dans une soirée mondaine va lancer le compostage à grande échelle. Il ne s’agit plus de composteur domestique mais de lignes de production pour les déchets industriels, l’Oréal est partie prenante, puis un gourou californien. La petite entreprise devient une licorne. Adulé par les médias, coqueluche des salons parisiens, Kevin, le garçon de la campagne, beau comme un dieu, fréquente cuisiniers étoilés, ministres et même Thomas Pesquet. Bulle capitaliste qu’un scandale fera crever.

L’histoire est moins glorieuse pour l’ensemenceur de vers en Normandie. Les bestioles, pourtant amoureusement chéries refusent de coopérer. Arthur survit grâce à son potager et à un mode de vie plus que sobre. Une chicane du voisin Jobard, la désertion d’Anne, le poussent à un sentiment d’échec qui le conduit à accepter les propositions d’un mouvement éco-terroriste : Extinction-Révolution. Monsieur Darmanin doit être comblé : il exise des éco-terroristes qui veulent faire tout péter. Bien plus fort qu’un petit pipe-line dans le désert d‘Andreas Malm!

J’ai déjà assez spoilé! J’arrête, à vous de lire.

Un roman agréable à lire , tout à fait en prise avec l’actualité, aussi bien les bulles financières des licornes de l’économie 2.0, les préoccupations écologiques brûlantes avec l’invasion des déchets, la dégradation des sols, le greenwashing. Tout autant de problèmes que le roman soulève! Sans parler de la tentation de violence pour ceux qui trouvent la transition écologique inopérante.

Cependant j’ai été déçue par l’analyse des personnages très stéréotypés correspondant exactement à l’idée qu’on peut se faire du bobo-paysan ou de l’arriviste. Pire encore leurs compagnes manipulatrices exploitant les réseaux d’une très haute bourgeoisie très friquées. A peine ébauchées, quelles vilaines filles! Gaspard Koenig se complait dans les réceptions mondaines, se met en scène lui-même, se moque de Pesquet. Trop facile! On sourit au début puis on se lasse de cette complaisance.

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

10 réflexions sur « Humus – Gaspard Koenig – les éditions de l’Observatoire »

  1. Tu n’es pas la seule à t’être étranglée à la prolongation du glyphosate ! Quant à ce roman, je l’ai réservé à la bibliothèque, la liste d’attente est conséquente. J’avais très envie de le lire et quelques avis comme le tien sur la fin me freine un peu maintenant. L’auteur a-t’il voulu faire un roman dans l’air du temps, sans plus de conviction ?

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    1. @Aifelle : Humus est un bon roman qui mérite d’être lu. C’est effectivement un roman de « l’air du temps » comme tu le dis si bien avec un peu de conviction beaucoup d’ironie et un poil de cynisme

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  2. Moi, j’ai tellement été emballée par le sujet, le talent littéraire et la description sociologique de cette génération qui au moment de vraiment rentrer dans les zones de pouvoir pour lesquelles ils ont été formés, que je n’ai pas vu ( ou pas voulu voir) les deux portraits féminins qui sont, je te rejoints, très, trop caricaturales ! Et, du coup, je n’ai pas compris ce parti-pris!
    Pour le glyphosate, 😡 Alors qu’aux États-Unis le lien avec le cancer est reconnu et indemnisé. Mais, c’est peut-être que La France se soit abstenue qui me laisse si énervée !

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  3. Nous sommes d’accord, sur le glyphosate (bien sûr) et sur le roman, même si j’ai été moins gênée que toi par l’aspect un peu caricatural des personnages.

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