
C’est assez terrible, d’aimer les bêtes. Lorsque vous voyez dans un chien un être humain, vous ne pouvez
pas vous empêcher de voir un chien dans l’homme et de l’aimer. Et vous n’arrivez jamais à accéder à la
misanthropie,
Chien Blanc est paru en 1970, mais une nouvelle adaptation au cinéma par Anaïs Barbeau-Lavalette vient de sortir. Je l’ai chroniqué sur mon blog Toiles nomades ICI
Delphine Horvilleur a fait ressurgir la personnalité de Gary dans son livre récent Il n’y a pas d’Ajar ICI
J’ai donc téléchargé le texte du roman . C’est un véritable coup de cœur!

1968, Romain Gary vit à Los Angeles avec Jean Seberg, leur fils et leurs animaux. Ils recueillent un chien errant. Très calme et affectueux, le chien se métamorphose en féroce monstre quand se présentent le facteur noir, un ouvrier ou des familiers noirs. C’est un Chien Blanc, un chien dressé pour attaquer les noirs. Au lieu de s’en débarrasser Romain Gary va le « guérir » . Il le confie à un dresseur, Keys qui doit l’éduquer et lui faire oublier son éducation raciste.
qu’est-ce qu’il veut prouver, avec ce chien ? Qu’on peut guérir la haine ? Que c’est seulement le résultat d’un dressage, que ça se soigne ? Bon, mais alors pourquoi ne se soigne-t-il pas lui-même, Keys ? »
Keys, le dresseur est noir, il appartient même aux militants extrémistes : les musulmans noirs.
4 avril 1968, Martin Luther King est assassiné. Les luttes antiségrégationnistes s’exaspèrent. Jean Seberg est très active dans les luttes anti-racistes . Romain Gary entretient des relations d’amitié avec des militants noirs mais il observe un certain retrait décalé les rapports de Jean Seberg avec les activistes. Chien Blanc est un témoignage de ces luttes.
Une minorité de Noirs essaie de libérer les Blancs de l’esclavage, et ce n’est pas facile de faire sauter des
étaux qui encerclent les cerveaux depuis deux siècles. De deux choses l’une : ou bien les Noirs réussissent,
et l’Amérique changera, ou bien ils ratent, et l’Amérique changera aussi. Vous ne pouvez pas perdre.
Gary rentre écrire à Paris et se trouve pris dans la tourmente de Mai 68 qu’il raconte avec ironie, toujours en décalage. Provocateur, il va au Quartier Latin et affronte successivement les policiers, puis les étudiants.
« Il faudrait pouvoir créer un monde nouveau. Je m’y mets immédiatement : je passe tout l’après-midi à écrire. »
En plus du témoignage historique, ces écrits résonnent encore actuellement dans les révoltes des banlieues de 2023
« J’appelle donc « société de provocation » une société qui laisse une marge entre les richesses dont elle
dispose et qu’elle exalte par le strip-tease publicitaire, par l’exhibitionnisme du train de vie, par la
sommation à acheter et la psychose de la possession, et les moyens qu’elle donne aux masses intérieures
ou extérieures de satisfaire non seulement les besoins artificiellement créés, mais encore et surtout les
besoins les plus élémentaires.
[…] Ces gens-là ne pillent pas : ils obéissent. Ils réagissent au diktat du déferlement publicitaire, de la
sommation à acquérir et à consommer, »
Et qu’aurait écrit Gary à propos des occupations des universités américaines mobilisées pour Gaza? Mobilisations qui ressemblent aux protestations contre la guerre au Viet-Nam d’alors. Sur la culpabilité des partisans des luttes décoloniales, une analogie quand les metteurs en scènes hollywoodiens, juifs d’Europe de l’Est s’assimilent aux esclavagistes du Sud au XIXème siècle et que Gary, tout aussi Juif de l’Est, remet à leur place.
« Il existe aujourd’hui une nouvelle casuistique qui vous dispense, à cause du Biafra, à cause du Viêt-nam, à
cause de la misère du tiers monde, à cause de tout, d’aider un aveugle à traverser la rue. »
mais aussi:
Tous les déferlements démographiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, me sont odieux. Je suis un
minoritaire-né.
Ecrivain, minoritaire, observateur, humaniste, Gary a encore des choses à nous dire!
J’adore ce roman de Romain Gary, d’une intelligence merveilleuse ! Il m’avait remuée. D’autant que ce n’est pas une vision manichéenne des choses et que cela peut donner à réfléchir à tout le monde. Bonne soirée !
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J’ai un fan de Jean Seberg et de Romain Gary à la maison ! Plus sérieusement, l’écrivain a su prendre de la distance par rapport à son sujet ce qui n’est pas si facile lorsqu’un vit au cœur des évènements. Pour ma part j’ai adoré Les racines du ciel et compte bien lire un jour un autre roman de Romain Gary.
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Un livre qui a l’air dur, quand j’ai appris cette histoire j’étais retournée!
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@keisha : dur mais ultra-sensible
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C’est l’un de mes livres préférés de Gary. Un roman d’une très grande intelligence.
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Un Romain Gary qye je ne connais pas !
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je te le recommande et aussi le film canadien qui en est tiré
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