Le parfum des fleurs la nuit – Leila Slimani

MA NUIT AU MUSEE

Les éditions Stock ont eu l’idée originale d’une collection « ma nuit au musée » : des écrivains ont été invités à passer une nuit dans un musée et de s’en inspirer pour rédiger un ouvrage. Leila Slimani  a eu le privilège de passer une nuit à Venise au Palazzo Grassi, Punta della Dogana parmi les œuvres de la Collection Pinault

« Non, ce qui m’a plu dans la proposition d’Alina, ce qui m’a poussée à l’accepter, c’est l’idée d’être enfermée.
Que personne ne puisse m’atteindre et que le dehors me soit inaccessible. Être seule dans un lieu dont je ne
pourrais pas sortir, où personne ne pourrait entrer. Sans doute est-ce un fantasme de romancier. Nous
faisons tous des rêves de cloître, de chambre à soi où nous serions à la fois les captifs et les geôliers. »

Ce ne sera pas un énième livre sur le voyage à  Venise, pour le tourisme, gondoles ou vaporetti, passez votre chemin. Ce n’est pas non plus la critique d’un expert en Art Contemporain, seules quelques œuvres seront évoquées, quoique… plutôt une réflexion sur le regard,

Marcel Duchamp disait que c’est le regardeur qui fait l’œuvre d’art. Si on le suit, ce n’est pas l’œuvre qui
n’est pas bonne ni intéressante. C’est le regardeur qui ne sait pas regarder.

Leila Slimani est écrivaine, elle souligne la nécessité de l’enfermement, de la concentration dans l’acte d’écriture. Elle fait partager au lecteur cette nécessité. Le Parfum des Fleurs la nuit est d’abord une méditation sur l’acte d’écrire.

« L’écriture est un combat pour l’immobilité, pour la concentration. »

Quel rapport avec le Musée? A premier abord, ce n’est pas clair

« Le musée reste pour moi une émanation de la culture occidentale, un espace élitiste dont je n’ai toujours
pas saisi les codes. »

L’autrice sera interpellée par quelques œuvres, quelques artistes. La peintre et poétesse libanaise Etel Adnan, « dont la figure plane au dessus-des autres » comme Leila Slimani,

«  elle a grandi dans un pays arabe au sein d’une famille francophone. Elle est ensuite devenue une immigrée aux Etats-Unis. Toute sa vie elle a vécu dans le pays des autres »

Le Rideau de Felix Gonzàlez-Torre lui inspire une impression de malaise, le chatoiement de rouge évoque le sang, l’hémorrhagie. Un instant, elle est tentée de tirer sur le fil et de répandre les billes rouges, tentation fugace du vandalisme? .

L’ œuvre de Hicham Barrada : grands  monolithes noirs éclairés de l’intérieur, terrariums géants contient les branches et les feuilles du Galant de nuit, une plante marocaine très odorante que Leila Slimani connait bien et dont le parfum ne s’exhale que la nuit. Rencontre inattendue qui donnera le titre du livre. 

Hicham Berrada, qui a conçu cette installation, a choisi d’inverser le cycle de la plante. Durant la journée,
le terrarium reste opaque, le jasmin est plongé dans l’obscurité mais l’odeur embaume le musée. La nuit,
au contraire, l’éclairage au sodium reproduit les conditions d’une journée d’été ensoleillée. Tout est
inversé, sens dessus dessous,

J’aime beaucoup les expériences chimico-spacio-temporelles de ce plasticien que j’ai vues à plusieurs reprises ICI

Du parfum du Galant de nuit, Leila, glisse dans des souvenirs marocains.  Des souvenirs de sa familles sont aussi évoqués par une sculpture de Tatiana Trouvé : le corps d’un homme a creusé des coussins évoquant l’absence de celui qui vient de se lever. De fil en aiguille, elle pense à son père , à son incarcération à la prison de Salé. Injustice que la fille se doit de venger. 

« Mon père est en prison. Et je suis écrivain. […]

j’écris et je le sauve, je lui offre des échappatoires…. »

Et à ce propos, elle cite l’écrivain turc incarcéré :

Comme tous les écrivains, j’ai des pouvoirs magiques. Je peux traverser les murs avec facilité », écrit
Ahmet Altan (Je ne reverrai plus le monde).

Cette nuit à la Dogana a été propice à la rêverie, à la méditation que l’écrivaine nous fait partager. je me suis laissé embarquer jusqu’au bout de la nuit.

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

9 réflexions sur « Le parfum des fleurs la nuit – Leila Slimani »

  1. J’aime ce musée. J’y ai vu une très belle exposition un jour ! Elle a très bien saisi les codes, se laisser aller à son imagination, laisser les oeuvres soulever des idées, des émotions, explorer les strates de ses souvenirs et de sa propre culture. Il me semble que ce n’est pas seulement occidental mais universel.

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