Proust, roman familial – Laure Murat

CHALLENGE PROUST AVEC CLAUDIALUCIA, KEISHA, NATHALIE….

lecture commune

« Toute mon adolescence, j’ai entendu parler des personnages de la Recherche, persuadée qu’ils étaient des oncles ou des cousines que je n’avais pas encore rencontrés, dont on rapportait les bons mots exactement comme on citait les saillies dans les dîners »

Avant de me lancer dans l’aventure de La Recherche.., je m’étais fixé la règle de ne pas lire les commentaires avant d’avoir fini l’œuvre, afin de garder la surprise de la découverte. De nombreuses blogueuses ont lu le livre de Laure Murat : Aifelle, Claudialucia , Dominique, Keisha et Luocine (es liens sur le Bilan 4 de Claudialucia)

La radio que j’écoute pendant mes promenades, m’a fait déroger à cette règle. Dimanche dernier sur Musique Emoi (FranceMusique), j’ai écouté Laure Murat et j’ai craqué. (CLIC)Comme Laure Murat assure qu’au  cours de lectures et relectures on découvre toujours une nouvelle vision du texte, je me suis pardonnée mon craquage.

Plusieurs lectures sont possibles : décrypter les clés de la Recherche, chercher les personnes cachées sous les personnages. Parfois, plusieurs ont inspiré un caractère. Parfois un seul,  transparent, ce qui a permis à Le Cuziat de se vanter « Moi, monsieur, je suis Jupien« . Au contraire, la comtesse de Chevigné s’est reconnue dans la Duchesse de Guermantes et furieuse brûla les lettres que Proust lui avait adressées…. L’exercice est plus amusant pour l’écrivaine qui connaît de réputation ces personnes qui lui sont souvent apparentées.

« Que Proust, longtemps chroniqueur mondain, ait été fasciné par ces différences de traitement dans les
classes sociales ne doit pas étonner. Chacune incarne un rapport au Temps, à son épaisseur, à sa puissance
d’accumulation, des croisades aux guerres napoléoniennes. C’est dans cette distance avec l’origine de l’anoblissement que Proust »

Lecture sociologique. La Recherche se déroule presque exclusivement dans la société aristocratique du Faubourg Saint Germain et dans les salons satellites comme celui de madame Verdurin ou Madame Swann.  La fascination de Proust pour l’aristocratie m’a beaucoup agacée. Laure Murat démontre au contraire qu’il  critique de la noblesse, souvent inculte et vulgaire.

Ce qu’il y a d’enivrant dans le mauvais goût, c’est le plaisir aristocratique de déplaire. » Ce lien intime entre
mauvais goût et aristocratie, vulgarité de sentiment et noblesse de rang, loin d’être une contradiction,
constitue un paradoxe de surface dont Proust a fait une constante dans la Recherche, vaste mise en scène
du dessillement social, où les personnages, de l’aveu même de l’auteur, se révèlent être à la fin le contraire
de ce qu’ils apparaissaient au début. Sous le sadique, le tendre. Sous l’homme du monde, le rustre. Sous
une duchesse de légende, une femme ordinaire. Le viril s’avérera l’efféminé, le noble l’ignoble. La
Recherche ou le grand livre de l’inversion.

Le livre de l’inversion!

Plusieurs acceptations à ce mots, la plus large comprend une notion et son contraire:

« Proust un auteur aussi inclassable qu’annexé d’autorité à telle ou telle cause. Juif et catholique, exemple
modèle et critique de l’assimilation à la française, chantre et contempteur de l’inversion, il sera ici
mobilisé par les sionistes et là taxé d’antisémitisme, réclamé comme un trophée par les mouvements
homosexuels et blâmé pour son homophobie. Je me figure souvent Proust comme Dieu »

L’usage le plus courant de l »inverti » c’est l‘homosexuel. Et c’est un des thèmes les plus traités dans la Recherche comme dans Proust, roman familial. Charlus, Jupien sont ouvertement gays, mais quid du narrateur qui laisse planer le doute. En revanche, Laure Murat, un siècle plus tard, en sortant du placard, montre l’hypocrisie de son milieu « aristocratique ». Tant que les choses ne sont pas dites….le comportement serait supportable, l’important est de ne pas en parler. 

Les invertis et les lesbiennes de la Recherche se soumettent tous et toutes sans exception à ce
commandement, passent leur temps à se cacher et à mentir
[…]

Une seule situation est rigoureusement exclue : l’aveu. À moins qu’il ne soit involontaire et ne donne lieu à
un quiproquo à l’irrésistible charge comique, comme dans l’épisode consacré au duc de Châtellerault.

Lecture littéraire et universitaire

Proust, mode d’emplos’attache au plaisir de lire, à la bibliothèque de son père, aux rééditions dans la Pléiade de la Recherche annotées dont elle a hérité. Plaisir de relire, de redécouvrir de nouvelles facettes de l’œuvre. Lecture universitaire de la chercheuse qui traque dans la correspondance et même dans les archives de la Police toute trace de Marcel Proust. Enseigner Proust, le faire lire aux étudiants californiens et susciter la curiosité et le plaisir de lire pour un public très éloigné dans le temps et dans l’espace.

Laure Murat, l’héroïne d’un roman historique

Et si le sujet n’était pas Marcel Proust mais bien Laure Murat? La Princesse, héritière de toutes les aristocraties, descendante aussi bien de Joachim Murat, fait roi de Naples par Napoléon, que des Ducs de Luynes dont elle décrit le château où elle a fait des châteaux de sables, enfant. Noblesse d’Empire comme légitimiste. Pour moi, c’est exotique et passionnant!

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

6 réflexions sur « Proust, roman familial – Laure Murat »

  1. Laure Murat est passionnante. Et comme je l’ai rencontrée l’an dernier au festival du livre de Trouville, je ne pouvais pas repartir sans son livre. Je me suis régalée en écoutant Musique Émoi.

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  2. Étonnantes confessions de cette historienne qui explique comment Proust et son œuvre l’ont aidée dans la construction de sa vie. En plus, à chaque fois, elle est passionnante …Ça donnerait envie de suivre ses cours de l’autre côté de l’Atlantique 😅

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  3. Bien sûr que Proust critique l’aristocratie en montre les hypocrisies, les bassesses, les violences et même la vulgarité mais il ne peut s’en passer ! Si, au départ, il n’admirait pas tant les aristocrates, aurait-il passé sa vie à ne parler pour ainsi dire que d’eux ?

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