Le Gardien du Feu – Anatole Le Braz

CARNET DU TREGOR

Anatole Le Braz (1859 -1926) possédait une maison à Port-Blanc, puis, après le terrible naufrage qui engloutit de nombreux membres de sa famille, s’installa à l’Arcouest. Cet écrivain régionaliste qui collectionna les légendes et récits bretons nous accompagne parfaitement dans notre escapade à Port-Blanc.

C’est une relecture, après treize ans. Je l’avis trouvé dans le gros bouquin Phares. J’y ai pris un réel plaisir de relecture. De toutes les façons, le dénouement est annoncé dès le début. Ce n’est pas l’histoire d’amour de Goulven Denes, éloigné d’Adèle, son épouse, par sa fonction de gardien du phare qui m’a le plus intéressé mais toutes les coutumes, les légendes, la nature sauvage qui sont si bien décrits. A la relecture, j’ai prêté plus attention à ces détails et j’ai adoré cette lecture. 

Un navire sans mâts ni gréement d’aucune sorte, et dont la coque avait plutôt la structure d’un énorme cercueil, avait été aperçu un matin dans le Raz, louvoyant en face de la Baie des Trépassés. Nul simulacre de matelots à bord. Tout à coup, de cet extraordinaire caboteur, une fumée s’était exhalée, une fumée opaque et lourde comme celle que dégagent les feux de goémons. Puis, se rembrunissant, elle avait pris corps, s’était changée en un fantôme de femme, d’une stature démesurée, qui, sinistre en ses flottantes mousselines de deuil, avait gagné la côte. À toutes choses comme à tous êtres son approche fut mortelle. L’herbe se dessécha, les fontaines tarirent ; les bœufs au labour se couchaient en plein sillon et bavaient de terreur, le mufle à moitié enfoui dans la glèbe. Quant aux humains, ils périrent comme mouches : il ne demeura point assez de vivants pour enterrer les cadavres. On montre, dans le pays, des champs d’ une fertilité proverbiale, qu’on ne fume jamais ; les blés y poussent sur des charniers qui suintent encore après des siècles.

A propos de Loguivy-de- la mer, où je suis passée plusieurs fois sur le sentier côtier

Une procession de voiles vient d’émerger des profondeurs du septentrion. Ce sont les barques loguiviennes, à n’en pas douter. Elles s’avancent comme une troupe de cygnes noirs. Chaque printemps, elles émigrent de la sorte, des confins du Goëlo, emportant une tribu entière, hommes, femmes, et les enfants qui ne sont pas encore sevrés. Il ne reste au pays que les aïeules, pour garder les maisons vides et les lits défaits. Six mois durant, elles vieillissent là, solitaires, assises sur les seuils à filer de la laine pour les tricots, en attendant les expatriés. Voilà des années que les Loguiviens ou, comme on dit ici, les Paimpolais, accomplissent périodiquement cet exode vers les eaux de Sein, riches en homards. Ils prennent à l’île leurs quartiers d’été, s’installent par familles chez l’habitant, qui les exploite le plus qu’il peut et les poignarderait volontiers d’une main, tandis qu’il accepte leur argent de l’autre. Les deux populations logent sous les mêmes toits, sans jamais se mêler ni se fondre.

A propos, Anatole Le Braz est le personnage d’une série policière de Gérard Lefondeur « les Enquêtes d’Anatole Le Braz » dont j’ai bien aimé Le sang de Douarnenez et L’ouvrier et la mort.

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

4 réflexions sur « Le Gardien du Feu – Anatole Le Braz »

  1. Ah voilà donc le fameux livre autour des phares dont tu m’avais parlé ! J’ai vu qu’il existait une édition poche récemment paru. Merci pour cette idée de lecture pour le book trip en mer.:)

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