Ramata – Abasse NDione

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Ce gros bouquin de 449 pages m’a tenue en haleine et a prolongé notre voyage au Sénégal, à travers le temps – deux décennies 1980-2000 – et le pays – l’histoire se déroule principalement à Dakar mais des digressions emportent le lecteur à Saint Louis, dans le Saloum, sur la Petite Côte et dans les vergers de Niayes.

Abasse Ndione sait renouveler ses thèmes, ses personnages, ses décors. Le premier roman que j’ai lu : La Vie en spirale se déroulait à MBour, dans le milieu des dealers tandis que Mbëkë mi, à l’assaut des vagues de l’Atlantique racontait l’émigration à bord des pirogues vers les Canaries.

 

 

Ramata  est une femme extraordinairement belle choyée par la nature, dotée d’un mari très riche et puissant, amoureux, fidèle. C’est aussi une femme capricieuse sans scrupules. Et pourtant son destin sera tragique.

Le roman Ramata met en scène une foule de personnages secondaires qui sont présentés dans leur environnement, mais aussi dans leur histoire personnelle. On s’attache à certains d’entre eux davantage qu’à l’héroïne antipathique. Comme dans un roman picaresque, les histoires s’emboîtent les unes dans les autres toutes aussi passionnantes les unes que les autres. On découvre de nombreuses facettes de la société sénégalaise, aussi bien les riches Dakarois influents (le mari de Ramata est ministre) que les paysans du Saloum ou les piliers de bar louche….

Ramata est une chronique sénégalaise se déroulant sur vingt ans (1980-2000). Les mœurs  politiques changent entre le règne du parti unique, du journal unique et l’alternance qui a porté Wade au pouvoir succédant à Diouf par un processus démocratique. Il raconte aussi la corruption – roman noir, oblige.

Ramata raconte aussi les traditions sénégalaise, la vie au village. Un chapitre raconte l’initiation des jeunes filles et leur excision. Celle-ci était-elle la cause de la frigidité de Ramata si mal vécue que jamais elle ne se sentit comblée même au faite de sa gloire.

Mais Ramata est aussi l’histoire d’un viol. J’ai bien pensé abandonner le livre, incapable de suivre l’auteur sur cette voie

 

 

 

 

 

 

Nini – mulâtresse du Sénégal – Abdoulaye Sadji

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J’ai découvert Abdoulaye Sadji en lisant Maïmouna et j’avais surtout aimé le portrait de cette petite campagnarde de la région de Louga, jouant avec sa poupée, découvrant l’adolescence. La deuxième partie, se déroulant à Dakar, de la jeune fille admirée, séduite et abandonnée m’avait moins plu.

Le portrait de Nini la mulâtresse de Saint Louis est très différent. L’auteur raconte l’histoire de cette jeune dactylo, dans l’administration coloniale qui a pour principal atout – croit-elle – sa peau claire et ses yeux bleus qui la feraient passer pour une blanche. Son unique souci : séduire un Français de France et s’en faire épouser. Il semble que l’auteur n’ait aucune sympathie pour son personnage, aucune tendresse. Il pousse jusqu’à la caricature le portrait de cette écervelée, séductrice, superficielle.

Dès l’introduction, l’auteur annonce :

« Nini n’est pas, comme d’aucun le pensent, un acte d’accusation qu’expliquerait une déception amoureuse de l’auteur.

Nini est l’éternel portrait moral de la mulâtresse, qu’elle soit du Sénégal, des Antilles ou des deux Amériques. C’est le portrait de l’être physiquement et moralement hybride qui, dans l’inconscience de ses réactions les plus spontanées, cherche toujours à s’élever au dessus de la condition qui lui est faite, c’est à dire au-dessus d’une humanité qu’il considère comme inférieure mais à laquelle un destin le lie inexorablement. »

Ce parti  pris critique ne rend pas l’héroïne sympathique. Il s’inscrit dans l’ordre raciste qui régnait alors au temps de la colonisation. Nini est encore plus raciste que les colons, elle renchérit toujours sur les critiques des Africains, qu’ils pourraient porter (et qu’ils ne portent pas, d’ailleurs, le plus souvent). Elle feint d’ignorer le wolof et les traditions africaines et étale une culture française qu’elle n’a que très superficiellement acquise. L’auteur détaille la société de Saint Louis en catégories hiérarchisées d’après la couleur de la peau, Français de France, mulâtres de 1ère, 2ème, 3ème catégorie, Noirs.

J’ai eu du mal à identifier l’époque où se déroulait le roman. La grand mère, la Signare, la présence d’esclaves – enfants – dans la maison me laissait supposer un passé lointain. Un détail dans une conversation m’a détrompée : il est question de la guerre de Corée. l’histoire se déroule donc dans les années 1950.

Dans la deuxième partie du roman, les puissances tutélaires africaines font leur apparition. La grand mère et la tantes, signares bigotes qui vont à la messe chaque jour, pour attacher Nini à son amant français ont recours à un marabout. Marabout,djinnes  et Ravannes (esprits) font leur apparition ainsi que les grigris.

« mais grandes sont les difficultés que rencontreront les « Ravannes » pour envoûter Martineau. Car les Blancs résistent fort bien à l’action des forces occultes des Gé ies tutélaires de l’Afrique…. »

Quand la grand mère tombe malade on fait revenir le marabout:

« on ne peut rien affirmer après  une prière, serait-elle la plus fervente. D’autre part la rancune des esprits de votre famille noire remonte à bien trop loin pour qu’une clémence qui leur serait demandée fût obtenue immédiatement. »

signares de Gorée

Dans leur vieillesse les Signares se souviennent de leurs origines. Mais Nini  va les renier.

 

 

Sortir de la Grande Nuit – Achille Mbembe

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Sortir de la la Grande Nuit ou Essai sur l’Afrique décolonisée (2010)

Cinquante ans après les Indépendances. J’étais curieuse de lire cet essai pour remettre les pendules à l’heure de la théorie post-coloniale et de la globalisation.

Le livre commence par un chapitre autobiographique Trajectoires d’une vie, ancrant l’auteur dans l’histoire du  Cameroun, son pays d’origine, dans les luttes de décolonisation, et les non-dits des combattants éliminés « terroristes ». Éloignement de l’intellectuel vers Paris, comme il se doit pour un francophone, puis New York et Johannesburg.

Le 2ème chapitre Déclosion du monde et montée en humanité est tout à fait différent : texte philosophique s’appuyant sur le concept fanonienne de déclosion du monde. Si le concept lui-même me paraît un peu fumeux (je ne suis pas philosophe, encore moins spécialiste de l’Afrique), Fanon m’a éveillée autrefois aux luttes anti-coloniales.

p. 69 : « Dans la pensée de la décolonisation l’humanité n’existe pas a priori. Elle est à faire surgir à travers le processus par lequel le colonisé s’éveille à la conscience de lui-même, s’approprie subjectivement son moi, démonte les enclos, s’autorise à parler à la première personne ».

Il cite ensuite Senghor (p70): « chez qui la décolonisation implique l’existence d’un sujet qui cultive le souci de ce qui lui appartient en propre… »

puis Glissant pour qui » la déclosion consiste à aller à la rencontre du monde »

Ces prédécesseurs étant analysés il étend l’analyse à Husserl, Valery et à la théorie du loup.

Je décroche un peu, trop philosophe pour moi! les développements trop savants sont fumeux. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » disait autrefois Boileau.

Lorsque Mbembe aborde la globalisation et la théorie post-coloniale il s’éloigne de la philosophie pour une analyse politique assez confuse.

La troisième partie Société Française : proximité sans réciprocité sort du champ philosophique et entre dans celui du ressentiment. Certes, la France a perdu de sa puissance et de son aura en perdant son empire colonial. Certes, l’Europe n’est plus le centre du monde. Certes, les Etats Unis exercent une attraction sur les africains francophone. Tout cela est connu, évident, et la dissertation pompeuse m’a lassée. Les spécialistes apprécieront. Je retourne à la fiction, à la littérature, vaincue, n’ayant lu qu’en diagonale Le long hiver impérial français!

 

p. 70

 

Sous l’Orage – Seydou Badian (Mali)

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Seydou Badian est un écrivain Malien. Sous l’Orage, son premier roman,  1954, est écrit avant les Indépendances. Dans ces temps troublés,  s’affrontent les Anciens, détenteurs de la tradition rurale,  attachés à un passé de chasseurs aux pratiques animistes, et les Jeunes qui ont étudié à l’école des Blancs et qui rejettent superstitions et anciennes coutumes rétrogrades.

Le roman s’avance à pas comptés. Il s’ouvre un matin, sur le projet de mariage arrangé par le Père Benfa, de Kany avec Famagan, le marchand. Décor agreste, :

« le soleil se montrait peu à peu, mordait davantage sur l’horizon; il paraissait si timide qu’il cherchait à s’abriter derrière les kaïlcédrats géants de l’horizon. Une lueur indécise gagnait la cour. les premiers oiseaux faisaient leur apparition ; la vie s’installait progressivement autour du solitaire. »

Rien ne laisse deviner les bouleversements à venir.

« Kany rêvait d’amour et d’avenir. Elle voyait un merveilleux avenir embelli par la présence permanente de Samou »

Mariage d’amour contre mariage arrangé? Famagan, le commerçant,  est plus âgé qu’elle,  surtout, il a  deux épouses. Protestation contre la polygamie? Le roman avance d’abord dans le registre d’un amour contrarié., celui deSamou,  élève de l’école des blancs, et de Kany, qui rêvent avec leurs camarades de classe,  de modernité, d’hygiène, de vaccination.

« La famille de Benfa était donc divisée à propos de cette affaire: Birama, Nianson, Karamoko étaient du côté de Samou, tandis que le père Benfa et Sibiri, l’aîné, ne pensaient qu’à Famagan »

Pour mettre fin aux amours de Kany et de Samou, le père Benfa envoie sa fille et Birama, son jeune fils, chez son frère Djigui, au village. Changement de décor,  Kany et Samou, les élèves citadins, découvrent une autre vie, plus traditionnelle où les fétiches sont encore révérés,  où le pouvoir des blancs sur les paysans est arbitraire et pesant. A  Roméo et Juliette succède un roman beaucoup plus politique. »

« – dites au Blanc que vous avez assez appris, qu’il vous laisse à présent, vous êtes en âge de fonder un foyer… »

Les amours de Kany semblent mal parties. Pourtant, c’est au village, auprès de Tièman-le-Soigneur qu’elle trouvera son meilleur appui

« Tiéman est instruit, il a été soldat, à deux pas d’obtenir son diplôme d’instituteur, a-t-il préféré rester infirmier au village »

Tiéman a trouvé les mots pour convaincre . Le père Djigui, l’ainé a écrit à Benfa de laisser Kany étudier. Triomphe de l’amour? Presque, en  ville des changements s’annoncent, les jeunes réclament l’égalité des droits, des représentants élus. On sent se préciser les mutations. Le mariage de Kany et de Samou devient un symbole pour les jeunes.

Benfa, Famagan et les Anciens n’ont pas désarmé. Le conflit de générations est ouvert….cependant, les idées modernes des jeunes ne sont-elles pas une copie de celles des Blancs? Comment les Anciens peuvent-ils abandonner coutumes et autorité?

-« je sais le sentiment qui vous anime en ce moment c’est de l’orgueil. Il n’a pas sa place ici.Encore une fois, les vieux ne sont pas vos rivaux mais vos aînés, vos pères[…]les vieux sont plutôt malheureux. Imaginez un homme qui, encore très riche se trouve aujourd’hui sans rien. on lui annonce que ses richesses n’ont plus de valeur[…]et cela sans préparation aucune, avec la brutalité d’une pluie d’été »

Ce livre qui s’ouvrait comme une romance contrariée a pris une dimension politique. Le problème est autrement plus complexe.

Le temps de Tamango de Boubacar Boris Diop et Tamango de Prosper Mérimée

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Le temps de Tamango

 

 

 

 

 

Le 4ème de couverture promettait:

« A travers ce roman de politique-fiction, Boubacar Boris Diop fait un bilan des années Senghor : celles de deux décennies de fausse indépendance du Sénégal.

la multiplicité des temps et des points de vue narratifs nous offre une vision à facette d’une société en décomposition.

une critique habile d’une pernicieuse domination culturelle et linguistique, à la façon des romanciers sud-américains… »

La période m’intéresse. Maïmouna de A Sadji, avant l’orage de S Badian  lus récemment, se déroulaient  avant les Indépendances. Les livres de Abasse NDione sont plus récents mais je n’ai rien lu des premières années des Indépendances.

Cependant la multiplicité des points de vue et surtout le parti pris de politique-fiction complique la compréhension de la lectrice lointaine qui n’a pas connaissance des faits réels. Roman à clés peut être? Clés que je ne possède pas! Les premiers chapitres m’ont d’abord déconcertée. Grotesque du Conseiller François Navarro, caricature de ministres-courtisans, d’un président solennel mais dépassé, je suivais à peu près…mais les documents d’époque (la narration se déroule en 2063) sont bien obscurs, une certaine lassitude de n’y rien comprendre m’a gagnée.

J’aurais eu tort d’abandonner. C’est bien après le milieu du livre que les personnages s’individualisent, qu’on s’attache au héros principal N’Dongo, révolutionnaire, gauchiste, romancier raté, et à ses camarades. C’est à la fin que le titre de Temps de Tamango s’explique. Tamango est le héros d’une nouvelle de Prosper Mérimée que je me suis empressée de télécharger.

Prosper Mérimée a créé des personnages mythiques archétypes comme Carmen. Moins connu, Tamango, a pourtant marqué les imaginations africaines. Nouvelle très dense, réquisitoire contre  la traite négrière, décrivant les odieuses conditions de traversée atlantique dans les détails les plus monstrueux, la marche des  prisonniers soutenant le prisonnier suivant, les menottes inrouillables, l’invention originale de Ledoux , les économies d’espace pour faire rentrer le plus d’hommes dans la cale….Certes, Tamango n’est pas une victime innocente : c’est lui qui a vendu les esclaves et  même sa femme Ayché alors qu’il était ivre.  Menant la mutinerie à bord du bateau, massacrant les marins, Tamango se  montre un chef de guerre redoutable et un bon stratège. Malheureusement, un mauvais marin. La révolte victorieuse ne permettra pas aux esclaves de revoir les côtes de l’Afrique.

Si la nouvelle de Mérimée est marquante dans le contexte historique, j’avoue que j’ai plus goûté l’histoire de Tamango racontée par l’écrivain Sénégalais, il donne des détails encore plus frappants, surtout dans la vie de Tamango à Joal. Le personnage de  Tamango a-t-il échappé à son créateur? Ou Tamango a-t-il vraiment existé? C’est un peu le destin de Carmen dont on connaît plus l’opéra que la nouvelle.

une blogueuse s’est attachée au rôle d’Ayché la femme de Tamango: ICI

lire également : ICI

Et si vous voulez écouter la version audio de Tamango cliquez LA

logo romantismevers le Challenge ICI

Mbëkë mi – A l’assaut des vagues de l’Atlantique – Abasse Ndione

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Dès les premiers chapitres, j’ai pensé au film de Moussa Touré récemment sorti sur nos écrans : La Pirogue qui a été  primé au Festival de Ouagadougou en mars 2013 (je l’ai appris sur la plage de M’Bour). Ceci n’est pas l’effet du hasard:Abasse NDione  est à l’origine du scénario.

A l’assaut des vagues de l’Atlantique (2006) est le roman des boat people, de ceux qui tentent leur chance à bord des pirogues et  abordent l’Union Européenne sur les côtes des Canaries.

Douze chapitres courts, sobres, des personnages bien campés, humains, vrais. Une histoire bien racontée. Est-ce un documentaire? Est-ce un roman? On apprendra le prix de la traversée, les précautions des marins-pêcheurs, experts en navigation, la vie à bord, les espoirs, le drame, la solidarité, aussi.

Un film politique:  ainsi commence le livre:

« Cette année-là, il y avait eu un bon hivernage. les pluies avaient été  très abondantes. malheureusement, les récoltes avaient été mauvaises. par manque de bonnes semences;
l’état avait décidé de tuer tout bonnement la culture de l’arachide. la société nationale des graines avait été dissoute et le stock des semences sélectionnées supprimées…. »

La pénurie de poisson, la diminution des prises est aussi la cause de l’exode:

« – je savais que tu finirais par admettre l’évidence! les ressources de la mer sont en train de disparaître peu à peu. bientôt il n’y aura plus de poisson… »

Le manque de travail et d’espoir pour les jeunes :

Comment vont les affaires? demande le pêcheur à Lansana :

– » Rien de neuf! tout est monotone, on continue à compter les poteaux… »

Les risques énormes qu’ont pris les cultivateurs – qui n’avaient jamais vu la mer – ont été calculés, assumés par toute la collectivité villageoise qui s’est cotisée. Les 40 jeunes qui partent portent l’espoir de 4 villages. On comprend que l’émigration n’est pas le mirage de la société de consommation mais répond à l’urgence.

 

 

Maïmouna – Abdoulaye Sadji

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Dans la première partie, Abdoulaye Sadji   raconte l’histoire de Maïmouna, petite  fille de Louga, fille d’une marchande de légumes au marché. Petite fille simple, sa vie se déroule avec sa poupée,  dans la cour avec la volaille, au robinet où elle remplit sa bassine avec les petites filles de son âge qu’y si rassemblent « comme des hirondelles« . On voit Maïmouna se prépare pour une fête, fixer le hénné à ses talons, se faire coiffer par Lalla, danser…. Charmante évocation de l’éveil de la puberté, de la découverte de son corps.

L’adolescente rêve de Dakar où sa soeur richement marié tente de l’attirer. Sa maman Yaye Daro ne voudrait pas se séparer de sa petite fille. Devant son insistance, Daro cède. Maïmouna dans la splendeur de ses seize ans, prend le train pour la ville.

La seconde partie est la découverte par la jeune fille de la vie citadine. Sa sœur Rihanna la pare, lui ouvre ses salons, et se réjouit des succès de jeune beauté qu’on élit même Étoile de Dakar. Elle fréquente les riches parvenus de Dakar, bourgeoisie noire qui entretient dans la cour de la villa tout un cortège de flatteurs, de vrais ou faux dévots, mendiants et pique-assiettes, prétendants à un riche mariage. Rihanna et son  mari Bounana,  ont trouvé un mari convenable Galaye, riche, prévenant, amoureux.

Maïmouna n’aime pas Galaye, elle a consenti au mariage mais se laisse séduire par Doudou Diouf, le fin, jeune homme occidentalisé, croisé au cinéma, puis dans la rue sur sa bicyclette. Séduite…enceinte…abandonnée.

J’ai moins aimé cette deuxième partie, plus conventionnelle et plus attendue. Danger de la ville pour une innocente jeune fille, refrain connu!

Un chant nègre : Léopold Sédar Senghor -film de J-D Bonan (dvd)

FESTIVAL SÉNÉGALAIS

Quelques jours avant l’envol pour Dakar, j’ai trouvé de DVD à la bibliothèque dans la collection de La Bibliothèque du Centre Pompidou, collection diffusée dans les bibliothèques publiques de  prêt.

Il me semblait indispensable de consacrer mon attention à Senghor – grande figure du Sénégal.

Ce documentaire de 52 min. est vraiment magnifique, alternent des documents d’archives en noir et blanc, des séquences actuelles en couleur, vraiment très belles et des interviews d’artistes ayant côtoyé Senghor : le poète mauricien Edouard Maunick, le percussionniste Doudou Ndiaye Rose ainsi qu’une très belle performance du danseur Papa Sy.

Senghor le poète, Senghor le député puis le Président (discours de sa démission), Senghor le promoteur de la culture africaine avec en prime un discours de Malraux joué par un couple antillais, très drôle, puis la voix de Malraux.

Senghor en trois idées-forces : négritude, universalité, métissage

Un de ses amis a dit de lui :

« Quand il dit négritude, c’est la racine. quand il dit métissage, c’est les branches… »

 

 

La vie en spirale – Abasse Ndione

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La vie en spirale est l’histoire d’un dealer – sipikat – chauffeur de taxi clandestin dont la seule préoccupation est de faire la foire avec sa bande de copains, cannabis –yamba – et alcool. A la suite d’une pénurie d’herbe, il se lance dans le trafic. Et cela lui réussit! Les affaires  deviennent de plus en plus prospère, il croise des trafiquants importants, importe des tonnes dans des ravitaillements hasardeux. Protégé par un grigri efficace tout semble lui réussir. Son négoce lui rapporte des coups de canon – des millions de CFA. Villa, voiture luxueuse, femmes séduisantes, le petit trafiquant mène grand train. Jusqu’à l’accident, la prison d’où il sort par miracle.

Ce roman  noir est écrit dans un style alerte et efficace mêlant des expressions exotiques – argot des junkies ou wolof?-.Il entraîne le lecteur dans les bouges, les clubs chics, les mosquées, les villages. Voyage étonnant. Seules les conquêtes féminines et les gueules de bois inévitables m’ont un peu lassée. Il y a assez d’action pour ne pas s’ennuyer.

Analyse pessimiste d’une société corrompue où le trafic de drogue étend ses ramifications aussi bien dans le monde des affaires, la police ou les hauts fonctionnaires et même chez les imams. L’argent y est roi. Même en prison, tout s’achète, y compris sa libération!

La Grève des battù – Aminata Sow Fall

LIRE POUR L’AFRIQUE (SÉNÉGAL)

Incipit:

« Ce matin encore le journal en a parlé ; ces mendiants, ces talibés, ces diminués physiques, ces loques, constituent des encombrements humains. Il faut débarrasser la Ville de ces hommes – ombres d’hommes plutôt – déchets humains, qui vous assaillent et vous agressent partout et n’importe quand. »

Les battù sont les calebasses que tendent les mendiants.

Ce roman met en scène les deux extrêmes : les mendiants et les puissants. Mour NDiaye, Directeur de la Salubrité publique, charge Keba Dabo de désencombrer la ville afin de la rendre plus présentable aux touristes étrangers. Mour NDiaye compte sur le succès de la campagne pour atteindre le sommet de la puissance : un poste de Vice-président de la République.

Keba Dabo, par des rafles musclées et brutales, réussit sa mission.

On découvre que la société des mendiants est remarquablement organisée. la solidarité est financée par la tontine quotidienne qu’organise Salla Niang dans sa cour, qui fournit un abri pour les nécessiteux, revend bouts de chandelles ou poulets donnés en aumône – tenant une sorte de commerce du produit de la nécessité –  paie les obsèques du malheureux Madiabel, victime d’une des rafles, nourrit la communauté dans une sorte de cuisine collective.

Les puissants vivent dans des villas somptueuses, entretiennent maîtresses et secondes épouses, prodiguent satisfaction « aux demandes pressantes d’argent des parents, cousins, copains et beaux-parents…. » sans parler des sacrifices sur les conseils des marabouts.

Car ce sont eux, les marabouts qui font le lien entre les extrêmes de la société! La réussite de tel ou tel politicien dépend de leur influences et de leurs prières. La politique nage dans le domaine magique. De la rencontre avec Sérigne Birama, un saint homme,  date la prospérité de Mour Ndiaye. Il entretient cette relation par des dons substantiels :

« quelques jours après, il décide de rendre visite à Sérigne Birama. Celui-ci est toujours à l’ombre du baobab majestueux, lisant le Livre Saint. […]le sac de riz, les dix kilos de sucre, le carton de lait, les noix de kola et les paquets de bougie remplissent la malle arrière de la voiture… »

et le saint homme promet :

 » ce que tu veux, Dieu peut te le donner. Et je pense qu’il te le donnera. Inch’Allah….tu l’auras s’il plait à Dieu…. Fais seulement le sacrifice d’un beau bélier tout blanc. tu l’égorgeras de ta propre main, tu feras sept tas de viande que tu donneras à des mendiants. »

Les mendiants chassés de la ville décident de faire grève. Qui donc peut être gêné par cette grève? Justement tous ceux qui espère quelque chose et qui pensent que donner l’aumône favorisera leur prière. L’aumône fait partie intégrante des rapports sociaux et de la pratique religieuse. A qui adresser les prières? A qui faire des dons si les mendiants ne mendient plus?

La Grève des battù est un succès inespéré. Relégués dans la  maison des mendiants à la périphérie de la capitale, ils reçoivent des cortèges de visiteurs apportant à domicile leurs offrandes. Mour Ndiaye se déplace, les paye même pour qu’ils rejoignent leurs emplacements dans la ville, les carrefours, les abords des mosquées, les marchés. Rien ne les fléchira!