le docker noir – Sembène Ousmane

LIRE POUR L’AFRIQUE

1956, premier roman de l’écrivain et réalisateur Sembène Ousmane dont j’ai beaucoup aimé les Bouts de Bois de Dieu relatant une grève sur le chemin de fer reliant Bamako à Dakar en 1947.

Je sors de cette lecture avec une impression mitigée.
Sembene Ousmane nous emmène dans le Marseille des années 1950. Est-ce que le racisme était aussi primaire à cette époque? Osait-on faire des amalgames aussi faciles dans les prétoires pour condamner un homme au seul motif de la couleur de sa peau?
L’intrigue se noue autour du crime que le héros aurait commis sur une femme de lettre qui lui aurait volé son manuscrit. Ce crime était -il possible? Prévisible?
Héros intéressant, docker et écrivain. Solidaire des ouvriers immigrés et intellectuel capable de s’enfermer dans sa chambre pour écrire un deuxième roman. Violent? Oui quand sa dignité est bafouée à décharger un navire sous la pluie battante, quand un briseur de grève s’attaque à lui, quand il se rend compte qu’on lui a volé le manuscrit.
Cependant les différentes parties du livres sont inégales. Les personnages secondaires sont ébauchés, pas toujours assez développés. pas toujours crédibles. Terrible, la mort de la jeune avortée. Et pourtant, on saura si peu d’elle, de son amant, de sa grossesse. Étrange, cette écrivaine qui s’approprie le roman d’un autre, à la limite de la vraisemblance. La fin est très pessimiste. Aucun espoir, ni pour lui ni pour sa compagne.

Roman comme un cri d’amertume, de révolte.

Loin de mon père – Véronique Tadjo

LIRE POUR L’AFRIQUE

Nina rentre à Abidjan pour les funérailles de son père, le Docteur Kouadio Yao, avec le regret de n’avoir pas pu assister à ses derniers instants. Son père ne l’encourageait pas à rentrer en côte d’Ivoire déchirée par la guerre civile.

La famille n’est pas un vain mot en Afrique, proche ou étendue, tous participent aux cérémonies en formant un véritable comité de campagne, accueil, transport, restauration….Nina n’est donc pas isolée dans son deuil. Elle doit toutefois se plier à la coutume, aux exigences des anciens du village qui repoussent la date de l’enterrement. Déchargée des corvées matérielles, son rôle consiste à mettre de l’ordre dans les papiers de son père.

Elle en profite pour retrouver les albums-photos de famille, les carnets intimes du père, d’évoquer sa sœur Gabrielle dont l’absence est pesante. Elle va faire des découvertes déstabilisantes: une femme  prétendra que son fils est le fils du docteur, Nina accueillera volontiers ce demi- frère, mais d’autres se présenteront. Le médecin, étudiant à Paris, époux d’une femme française menait une vie de polygame au su de tous, sauf de sa femme et de ses filles qui ne se doutaient de rien.

Un cousin lui annonce que son père avait contracté des dettes importantes. En fouillant, Nina découvre que le père avait recours aux service de marabouts et de sorciers.

Plus on avance dans la lecture, plus on sent la jeune femme tiraillée entre Afrique et Occident entre son  père, éduqué à Paris mais tellement impliqué dans la tradition africaine,  et sa mère, blanche qui aimait l’Afrique, mais restait enfermée dans sa tour d’ivoire d’artiste. métissage insoupçonné au début du livre. On la sent se rapprocher de sa mère alors qu’elle cherchait le souvenir de son père.

Nina pense un moment rester à Abidjan, prendre soin de la maison, jouer son rôle d’héritière. La fin est ouverte.

J’avais été éblouie par La Reine Pokou, que j’offre à l’occasion quand je veux faire un cadeau, Loin de mon père ne m’a pas déçue.

 

Lire pour l’Afrique : Mabanckou – Demain j’aurai vingt ans

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1979 – 1980 , Pointe-Noire , Congo-Brazzaville

Michel, le narrateur n’a pas 19 ans comme le suggèrerait le titre, il termine l’école primaire. L’Afrique racontée par un enfant, ce n’est pas nouveau, j’ai déjà lu L’Enfant Peul d’Hampâté Bâ qui raconte le Mali du début du 20ème siècle, L’Enfant Noir de Camara Laye, la Guinée des années 50. Ce serait une sorte de tradition littéraire que Mabanckou  suivrait, avec peut être moins de bonheur que ses illustres prédecesseurs.

La lecture est plaisante, le français enfantin et africain drôle. La critique du régime politique en place savoureuse : la langue de bois communiste « condamnés de la terre« « opium du peuple » dit comme une injure m’ont fait bien rire, la parcelle du dignitaire communiste entourée de barbelés gardé par un molosse mais décorée des portraits d’Engels ou de Marx, moins!

L’enfant découvre le monde, celui officiel, des pays frères, chez son oncle, celui de son père qui écoute la Voix de l’Amérique à la radio. Il se prend de sympathie pour le Shah d’Iran en exil, assez étrangement. Il découvre la poésie, Brassens et Rimbaud, les livres que son père rapporte, abandonnés par les clients de l’hôtel, le Petit Prince qu’on lui offre. A l’école primaire on se soucie plus d’arithmétique que de littérature… Pagnol perd la compétition au bénéfice d’Arthur Rimbaud…Le petit Michel est-il l’écrivain à venir?

La description de la vie africaine est vivante et exotique. L’enfant raconte  cette famille polygame où il a sa place dans chaque maison, leur quotidien, la cuisine, la musique… Par la lecture, je m’évade, retrouve l’ambiance africaine qui me manque dans le froid de cet hiver qui se prolonge.

lire pour l’Afrique :Serge MICHEL, Michel BEURET : La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir

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Serge MICHEL, Michel BEURET : La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir – hachette-littérature 408p

La Françafrique fout le camp ! Déroute de BenAli en Tunisie, et propositions calamiteuses de M Alliot –Marie, voyage provocateur de Vergès et Dumas au secours de L Gbagbo, enlèvements au Niger…La Chinafrique va-t-elle remplacer les anciens colons ?

L’affirmation de Dambisa Moyo « les Chinois sont nos amis » m’avait interpellée.

C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai ouvert La Chinafrique de Michel et Beuret. Leur enquête passionnante est le récit d’un périple à travers le continent africain avec des allers-retours en Chine, chaque étape ciblant un problème politique ou économique particulier– procédé qu’Orsenna avait utilisé avec beaucoup de talent dans le Voyage au Pays du Coton et L’Avenir de l’Eau. Des chiffres, certes il en faut pour donner à comprendre les ordres de grandeurs des sommes investies, mais finalement assez peu. Des rencontres avec des hommes et des femmes, surtout, avec des Africains, dirigeants insouciants ou intellectuels parfois désabusés, mais aussi ouvriers et syndicalistes. Des rencontres avec des Chinois, parfois mutiques, parfois prolixes d’une langue de bois si spéciale, des confidences aussi des exilés…

En conclusion, p.412 et p.413 une carte raconte « Le Grand Bond en Afrique » et résume les thèmes abordés : document d’une limpidité remarquable.

L’écriture est cinématographique : le décor est planté, un karaoké dans un restaurant chinois de Lagos, les forêts du Congo, ou un chantier de construction d’autoroute en Algérie, le terminal pétrolier de Port-Soudan, un train angolais, une mine de cuivre en Zambie. Les acteurs présentés, les dialogues savoureux…Et c’est du cinéma d’action ! On se croirait dans un James Bond quand les journalistes cherchent à s’introduire dans les entreprises chinoises soigneusement verrouillées. Episodes parfois cocasses comme ce coup d’état au Tchad raté en 2006 parce que les rebelles armés par la Chine se trompent de palais présidentiel, ou encore le jour du mariage de Nicolas Sarkozy et de Carla…Emouvants, ces enfants métis qu’on cache….

Le sommaire est un scénario

1. Tapis rouge pour le continent noir récit d’un sommet à Pékin

2. Les Chinois ont trouvé leur Far West au Nigéria, commerces en tout genre

3. Dans les forêts du Congo le bois est nécessaire à l’industrie chinoise

4. Petite histoire de la Chine-Afrique(1421-2008)

5. Les élites noires s’amusent, les Chinois travaillent Algérie

6. La Chine enterre la Françafrique Cameroun , Côte d’Ivoire, Sénégal

7. Ruée vers l’uranium du Sahara Niger

8. Une invasion de pacotille Cameroun, Sénégal, Egypte

9. Armes pour dictateurs, made in China Tchad Zimbabwe

10. Au Soudan, pays conquis

11. Priorité pétrole

12. Le nouveau « grand jeu »

13. Quand la locomotive chinoise se met à tousser Angola

14. L’amitié entre les peuples, sauce aigre-douce Zambie

Si on ne peut pas éluder les drames du Darfour ou les massacres des Grands Lacs, ce livre ne fait pas dans l’Humanitaire, ni dans le compassionnel. Au contraire ! Aux sempiternelles rengaines de l’Afrique mal partie ou de l’Afrique maudite, de l’Afrique de la famine et du Sida, les auteurs opposent un continent riche de ses ressources minières, courtisé par les grandes puissances où les enchères montent autour des concessions minières et pétrolières, où des routes et des barrages sont construits. Une dynamique occultée par le discours qui a cours habituellement.

La stratégie gagnant-gagnant est- elle une solution pour sortir l’Afrique du sous-développement ? Ou ce slogan cache-t-il une colonisation qui ne dit pas son nom ? Les Chinois en important non seulement des capitaux et des produits fabriqués mais aussi des travailleurs reproduiront-ils les erreurs des anciennes puissantes coloniales. La conclusion laisse de l’espoir pour l’Afrique qui aura peut-être le dernier mot.

En conclusion, p.412 et p.413 une carte raconte « Le Grand Bond en Afrique » et résume les thèmes abordés : document d’une limpidité remarquable.

lire pour l’Afrique – Moussa KONATE : L’Afrique Noire est elle maudite ?


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Moussa Konaté est un écrivain malien.

 J’avais beaucoup aimé son roman policier : L’Empreinte du Renard polar ethnologique chez les Dogons, ressemblant aux enquêtes de Hillermann chez les Indiens Navajos.

Cet essai est écrit de l’intérieur , de l’Afrique Noire, par un Africain vivant en Afrique noire, contrairement aux ouvrages écrits par des écrivains africains exilés en Occident, pour des raisons politiques ou économiques. Konaté ouvre son étude justement par les critiques de ces écrivains noirs qui s’auto-flagellent et qui donnent des arguments aux pires dérives racistes.

«  L’Afrique n’est pas seulement victime du noircissement de son image : elle y contribue »

Contrairement aux livres que j’ai lus précédemment, d’Aminata Traoré ou  de Dambisa Moyo  basés sur une analyse économique, celui-ci ne cite pas l’influence de l’aide humanitaire et très peu le rôle du FMI. Konaté part de données intrinsèquement africaines et son analyse est plutôt culturelle ou sociologique.

Le « paradis africain perdu » : la famille africaine se réfère à un ancêtre et à un pacte social où les enfants seraient accueillis par toute une famille élargie et les vieillards respectés. Dans cette société hiérarchisée stable, une sorte de contrat lie les générations. Chacun a une place bien définie, l’enfant se tait, le vieillard juge et la solidarité est garantie entre tous les membres. La convivialité  et la chaleur humaine donne cette tonalité paradisiaque. Cependant Konaté relève que c’est une société d’hommes, les femmes sont cantonnées à un rôle secondaire où la polygamie et l’excision aggravent sérieusement leur position. La peur de la malédiction assure aussi la conformité du comportement de chacun : celui qui se singularise met en danger le contrat moral et le respect de l’ancêtre.

Cinq chapitres sont consacrés aux « épreuves » : l’esclavage, sans oublier l’esclavage des maures, la traite atlantique puis la colonisation. Cinquante ans après les « indépendances » il imagine le dialogue entre le Noir Africain et l’Européen

LE NOIR AFRICAIN : Tu m’as fait mal

L’EUROPEEN : C’est du passé, maintenant

LE NOIR AFRICAIN : le passé est en moi, il n’est donc  pas passé.

Il cite Césaire, Cheik Amidou Kane dans l’Aventure ambigüe

L’homme blanc est reparti !

L’auteur analyse les rapports entre les élites noires et l’ancienne puissance coloniale. Les richesses du sous-sol, les richesses de l’Afrique sont encore entre les mains des multinationales et que la Françafrique perpétue la présence du colonisateur. Connivence entre les dirigeants et les « Blancs » . L’analyse de la corruption qui gangrène l’Afrique est sans complaisance. Alors que l’analyse économique imputait le mauvais rôle aux généreux donateurs de l’aide internationale ou aux multinationales, Konaté cherche les causes endogènes et il impute cette corruption à ce qu’on loue généralement dans la civilisation africaine : la solidarité familiale. Parallèlement, il montre que la notion d’Etat n’est pas intégrée dans les esprits. L’Etat serait une invention du Blanc donc peu respecté tandis que la solidarité familiale, purement africaine excuserait les pires dérives et passe-droits. Poussant plus loin l’analyse, il montre que la solidarité se délite, la réciprocité qui était naturelle dans un milieu rural où l’invité aidait aux travaux des champs est devenue impossible. Il résulte alors une catégorie d’assistés. Il suffit pour survivre d’avoir un parent bien placé. Le modèle social en question  questionne donc aussi bien les élites que les dérives de la solidarité. Autre problème : la réduction du  ombre des fonctionnaires exigée par le FMI a permis l’extension de l’influence des confréries religieuses, financées pour certaines par les pays du Golfe. Même la convivialité africaine, cette chaleur humaine a été dévoyée et se trouve facteur de productivité basse, selon l’auteur.

A cette critique de fond, la critique de l’école du Blanc est celle qui me touche le plus avec celle de la francophonie. La lecture de L’Enfant Noir de Camara Laye, de Hampâté Bâ, de Cheik Amadou Kane,  la trajectoire politique de Senghor… ne m’avaient pas préparée à une telle critique. Il accuse l’école dans la langue du colonisateur d’être la cause de la reproduction des élites soumises au colonisateur : seule une minorité qui parle la langue du colonisateur a accès à la culture tandis qu’une majorité reste analphabète. L’école enseignée dans la langue africaine que parle l’enfant valorise la culture africaine et se trouve accessible à la majorité.

De cet état des lieux pessimiste, pour ne pas dire catastrophique, d’où vient l’espoir ?  Pas de l’Occident ni de la Mondialisation, ni du métissage ou des expatriés comme le proposait Amine Maalouf dans le Dérèglement du Monde. Ni de l’Inde ou de la Chine qui sont prêtes à investir ce nouveau territoire. Konaté n’évoque cette éventualité qu’en  quelques mots. Dans le monde en  noir et blanc décrit par Konaté, la solution ne pourra être qu’africaine à condition que l’Afrique accepte d’évoluer d’ouvrir à l’initiative individuelle le champ des possibles et de libérer les femmes de la double contrainte de la polygamie et de l’excision. Solution africaine qui ferait la synthèse entre la solidarité traditionnelle et une modernisation obligée. Réinventer l’Etat Providence ? Faire une Ecole Africaine. Développer la culture et donner leur chance aux langues africaines

Moussa KONATE : L’Afrique Noire est elle maudite ? – Fayard 258p.

Daniel DELAS : Léopold Sédar Senghor – Le maître de langue – éditions aden 300p

Lire pour l’Afrique

Dans ma liste « Lire pour l’Afrique » j’ai omis un des plus grands: Senghor. Probablement parce que je lis plus volontiers des romans que de la poésie. Homme de lettres ou politicien, Senghor est incontournable. Je répare donc cet oubli avec cette biographie très détaillée.

Léopold, chrétien, Sédar Sérère, Senghor nom dérivant du Senhor ? Ces deux prénoms et ce nom sont déjà tout un programme. Elève des Missions et du séminaire, sa scolarité ne vient pas en contradiction avec sa tradition comme pour Cheikh Hamidou Kane ou Hampâté Bâ. Au contraire, Senghor se destine à la prêtrise et acquiers une excellente connaissance du latin et du grec qui lui ouvrira de brillantes études universitaires.

Arrivé en 1928 de Dakar à Paris à 22 ans en hypokhâgne puis en khâgne à Louis-le-Grand où il fait connaissance avec Georges Pompidou qui sera son ami. Delas analyse en détail les courants de pensée de l’époque, Barrès et Gide, Emmanuel Mounier, Bergson et Teilhard de Chardin. En 1931, Senghor rencontre Aimé Césaire que « tout opposait…. » »l’Africain de bonne famille …paysanne, formé par les prêtres, le bûcheur » et « l’Antillais issu d’une petite bourgeoisie urbaine, qui voit dans la laïcité le moyen de s’élever, brillant mais peu travailleur, radical et exalté ». En compagnie de Césaire, Senghor fréquente des Antillais mais aussi des américains, » en quête du New Negro poet ».

De cette rencontre jaillit le concept de Négritude et cette phrase : « l’émotion est nègre comme la raison est héllène »(1937) qu’on lui a reprochée. Mélange qui pourrait définir l‘auteur, distingué humaniste, agrégé de lette classique.

C’est autour de la Seconde Guerre mondiale que son activité de poète s’affirme et que sont publiés ses premiers recueils. Professeur, il s’affranchit des professeurs qui le soutenaient. Il peut s’engager politiquement et syndicalement, adhérant à la SFIO et soutenant le Front Populaire.

Citoyen français, il est mobilisé et se retrouve prisonnier de guerre dans un régiment de tirailleurs sénégalais échappant de peu à la fusillade et subit la discrimination raciale.

De l’après guerre 1944-1960, « POLITIQUE AMOUR ET POESIE » l’accent est plutôt mis sur la poésie. Senghor retrouve l’intelligentsia parisienne, Sartre et Beauvoir, rédige une thèse de doctorat en linguistique. C’est une personnalité reconnue qui entre en politique  et se fait élire sous l’étiquette socialiste en 1945, candidat du bloc Africain. C’est aussi en 1945 que paraît le recueil Chants d’ombre. Mais les luttes de l’indépendance n’apparaissent pas aussi détaillées que les poèmes, je reste un peu sur ma faim.

Président de la République sénégalaise de 1960 à 1980, il accorde une importance primordiale à la Culture . l’auteur écrit : « la politique culturelle de Senghor a donné à partir du Sénégal une notoriété et une dynamique indéniables à la Négritude » cette politique n’est pas du goût des marxistes qui lui reprochèrent d’abandonner la lutte des classes  et d’enfermer l’Afrique dans l’irrationnel. Wole Soyinka :  « the tiger does not stalk about crying his tigritude ». Critiqué aussi par Sekou Touré ou Adotevi (béninois).

Marie NDIAYE – Trois Femmes Puissantes

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Ces trois femmes puissantes, avant d’ouvrir le livre, il me semblait les voir, ces femmes sénégalaises, négociantes  en poisson, ou mères d’élèves, ces grandes filles déjà des femmes en 6ème souvent très mûres. Marie Ndiaye ne s’arrête pas à ces clichés, ces trois femmes seront bien différentes de celles des idées reçues.

 Ce roman raconte trois histoires tragiques : trois femmes si différentes Norah, Fanta et Khady Demba. Trois femmes qui disent non, annonce le 4ème de couverture.

Il n’est pas facile de se laisser entraîner par l’écriture de Marie Ndiaye. Ce n’est pas mon premier essai. Pas assez motivée, j’avais abandonné d’autres ouvrages dans les premières pages. L’écriture est ardue, les phrases souvent s’enroulent sur elles mêmes. On ne sait pas où l’auteur veut en venir. Ecriture sophistiquée, le style soigné. Puis je me laisse happer sans y prendre garde en suivant les personnages.

Je suis désarçonnée : plutôt que des femmes bien campées, bien charpentées, ce sont des femmes défaites dans des histoires tragiques.  Et plutôt que la puissance des femmes c’est l’inconsistance des hommes, la vieillesse et la déchéance du père de Norah. Le destin de Rudy Descas, le mari de Fanta, tourne à la tragédie.  Quant au mari de Khady Demba, il meurt. On ne verra jamais Fanta la déracinée, l’orpheline qui avait cru réussir sa vie en devenant professeur au lycée Mermoz, en faisant un beau mariage, en venant en France. Sa présence est récurrente, son mari la traque au téléphone. Sa puissance serait-elle sorcellerie quand intervient la buse qui poursuit Rudy Descas ?

 Dans l’histoire de Khady Demba des oiseaux malfaisants font aussi irruption, les corbeaux, oiseaux de mauvais augure quand se noue le destin de l’héroïne, poussée à l’exil sans l’avoir même envisagé. Histoire poignante de celle qui ne demandait rien que d’exister, elle Khady Demba, dans la dignité.

Marie NDIAYE – Trois Femmes Puissantes – nrf –  Gallimard 316p

Alain Mabanckou – Alain MABANCKOU – Et Dieu seul sait comment je dors –

Lire pour Voyager/Voyager pour Lire

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Mabanckou me surprendra toujours, il est toujours là où je l’attends le moins. Traducteur de Uzodinna Iweala, ou dans sa Lettre à Jimmy s’adressant à James Baldwin, Porc Epic congolais… Dans cette édition africaine Présence Africaine, Mabanckou situe son roman en Guadeloupe.

C’est une histoire émouvante d’un homme simple, laid, pauvre, mutique. Auguste-Victor traine un passé trouble qui est dévoilé à la fin du roman. Makabana, le vieil Africain bossu le recueille. Lui aussi, a une histoire peu commune, adopté par des grands bourgeois de Rambouillet il est tombé amoureux de la Guadeloupe.

Paradoxes et métissages, déchéance et rédemption? Enigme et roman d’amour.

Vais-je classer  ce roman publié par un éditeur africain Présence Africaine dans ma bibliothèque africaine?

Alain MABANCKOU – Et Dieu seul sait comment je dors – Présence Africaine – 246 p.

Lire pour l’Afrique? Laurent GAUDE : La mort du roi Tsongor

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Hasard de nos voyages et de mes découvertes littéraires. J’ai rencontré Gaudé très récemment avec le Soleil des Scorta, à la suite de notre voyage dans les Pouilles.  Le premier livre  évoquant l’Afrique, un mois avant notre départ, est celui-ci.

Dans le Soleil des Scorta, le Gargano était précisément localisé, l’Afrique de la Mort du roi Tsongor est vague, sans doute imaginaire mais si poétique. Tragédie encore. L’auteur est un homme de théâtre, même dans un roman, on  lerperçoit. Le 4ème de couverture évoque la guerre de Troie, Thèbes livrée à la haine…Afrique de tragédie, cavaliers du déserts, maisons de terre, continent désert…J’ai dévoré récit.

Lire pour l’Afrique : Bruce Chatwin – Le vice-roi de Ouidah

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Bruce Chatwin est un véritable écrivain. Pas seulement un écrivain voyageur. D’ailleurs, son voyage au Bénin a été écourté pour cause de coup d’état.

Le Vice roi d’Ouidah est un vrai roman d’aventure historique. Chatwin s’inspire d’un personnage réel très ambigu, marchand d’esclaves ami du Roi d’Abomey. J’imaginais le personnage honni et je découvre sur la place du marché aux esclaves une plaque au nom de Chacha, surnom de  De Souza, que Chatwyn appelle Da Silva. Le livre nous transporte dans le sertao brésilien. Allers et retour entre le  Brésil  et le Bénin actuel. Métissages, la capitale du Bénin n’est elle pas Porto Novo et lees vieilles maisons coloniales ne sont-elles pas qualifiées de brésiliennes?

Terrible ambiguité du commerce des esclaves que souligne cet ouvrage passionnant.