SAISON INDIENNE
Les récits de voyage des explorateurs me passionnent., Que dire des exploratrices qui n’hésitent pas à se travestir pour pénétrer dans les lieux interdits?
Le personnage de l’auteur est fascinant.
Cet ouvrage n’est pas un carnet de voyage mystique: c’est un reportage, une étude très complète des différentes croyances et pratiques religieuses de l’Inde.
« je ne me propose pas de rédiger le journal de voyage dans lequel mes mouvements à travers l’Inde et les divers épisodes…se succéderaient par ordre chronologique. Ce que je désire offrir ici c’est plutôt une série de tableaux présentant la vie mentale encore plus que la vie matérielle de l’Inde. Il convient donc de ne point morceler les tableaux et de grouper en un tout les informations obtenues à divers moments sur un même sujet… »
Alexandra David -Néel présente d’abord les « Dieux tels que les Indiens les conçoivent. » Elle présente les dieux, leurs avatars, mais aussi les images, les idoles adorées par les Hindous. Elle raconte avec vivacité des anecdotes illustrant son propos comme celle de la petite statuette Râmbala représentant Râm enfant que le pèlerin baignait et berçait comme un enfant. Dans le chapitre suivant traitant des » Sanctuaires prestigieux et leurs hôtes – chorégraphie sacrée et lubricité profane » elle décrit les sanctuaires de Madoura et s’attache au culte de Shiva.
Un chapitre entier est consacré au « système religieux des Castes et à l’audacieuse intiative du gouvernement indien : abolition de l' »intouchabilité ». Ces analyses ne sont jamais fastidieuses: elle éclaire son propos par des anecdotes amusantes, se mettant en scène elle-même dans des situations cocasses : comment elle est devenue prophétesse, habillée de la robe couleur d’aurore et prédisant la pluie, ou comment, invitée à une célébration de la Déesse Dourga, elle fut adorée comme la Déesse.
A mesure qu’on avance dans la lecture, elle nous initie à des subtilités et à des coutumes que je ne soupçonnais pas : « Les extravagances religieuses – j’assiste aux noces du divin Râma ». Elle raconte le Râmâyana et le Mahâbhârata de façon pittoresque et souvent naïve mais ne s’en laisse pas compter. Toujours, elle est capable de lucidité et d’analyse politique et au cours des quarante années avant et après la deuxième guerre mondiale, elle voit se tendre les rapports entre Indiens et occidentaux qui aboutiront à l’Indépendance de l’Inde
Le chapitre consacré à la Déesse-Mère : « Shakti, mère universelle, créatrice des mondes – ses dévots – différents aspects de son culte secret » m’a passionnée. je l’ai lu juste après avoir visionné le film de Satyajit Ray : La Déesse et je n’avais pas bien compris de quelle déesse il s’agissait.
Ce n’est pas seulement une aventurière, c’est une véritable érudite qui peut s’entretenir avec les religieux et et les lettrés. Elle garde toujours esprit critique et un solide sens de l’humour. Dans le chapitre consacré aux gourous et sadhous : « les gourous instructeurs, guides spirituels et protées aux mille formes » Après avoir chanté les louanges des vrais sages, elle raconte comment elle a confondu un sadhou mendiant et comment elle a pris la place du fakir sur sa planche à clous. Ces épisodes sont hilarants.
Elle raconte les textes fondateurs avec vivacité, analyse les différences entre les multitudes d’interprétations et de sectes (c’est un peu trop pointu à mon goût). Elle nous fait rencontrer toutes sortes de personnages pittoresques et originaux.
Elle évoque des figures historiques comme Tagore, Nehru ou Gandhi. Son regard sur Gandhi est sans concession, elle ne cède pas à l’hagiographie et replace le Mahâtma dans son contexte indien, dans la tradition des gourous, des jeûnes..
« Toutefois sous Gandhi, l’habile politicien, existait un Gandhi imprégné de vieilles traditions indiennes concernant l’efficacité des souffrances que l’on s’inflige volontairement… ».
Au lendemain de l’Indépendance elle s’interroge sur l’avenir de la nouvelle démocratie.Son regard sur Gandhi est sans concession, elle ne cède pas à l’hagiographie et replace le Mahâtma dans son contexte indien, dans la tradition des gourous, des jeûnes.. « Toutefois sous Gandhi, l’habile politicien, existait un Gandhi imprégné de vieilles traditions indiennes concernant l’efficacité des souffrances que l’on s’inflige volontairement… ».
La modernité, le progrès, selon elle se trouveraient plutôt chez Nehru, laïque que du côté de Gandhi. la conclusion de son livre quitte le domaine spirituel pour une analyse politique plutôt pessimiste au lendemain de l’Indépendance (le livre est publié en 1951) et les problèmes qu’elle soulève sont encore d’actualité (intolérance religieuse, tensions inter-communautaire, corruption….)même si l’Inde de 2012 devient une puissance émergente pesant beaucoup plus dans le concert des nations.
J’ai beaucoup appris dans ce livre. j’engrange toutes sortes de données et le sujet de l’Inde me paraît inépuisable.















