« Un transit, c’est l’autorisation de traverser un pays, lorsqu’il est bien établi que l’on ne veut pas y rester. »
Anna Seghers (1900-1983) est une écrivaine de langue allemande, juive communiste. Après son arrestation par la Gestapo, elle fuit en Suisse puis en France. Son mari est interné en 1940 dans le Camp du Vernet, elle se réfugie à Marseille et prépare leur exil au Mexique.
Transit se déroule à Marseille en 1940-1941. Son héros anonyme s’est échappé d’un camp de concentration en Allemagne, puis d’un autre en France. C’est un anonyme, ni juif, ni militant, il s’est opposé aux autorités nazies, a été interné, s’est évadé. Après des pérégrinations à travers la France, il arrive à Marseille. Il s’y établirait volontiers.
Une foule de réfugiés juifs, communistes, républicains espagnols, campe à proximité du port dans l’attente du bateau qui les conduira hors de l’Europe. Foule hétéroclite, qui s’entasse dans les cafés ou qui part assiéger les consulats à la recherche d’un hypothétique visa. Pour avoir le droit de séjourner provisoirement à Marseille, il faut fournir des preuves qu’on désire émigrer. Il faut donc un visa, pour l’obtenir un contrat de travail est souvent exigé, il faut aussi un billet, un transit et l’autorisation de quitter le territoire. quand on obtient le visa le bateau est parti, quand on a le transit c’est le visa qui est périmé.
« Partir, partir de ce pays écroulé, de cette vie écroulée, de cette planète ! Les gens vous écoutent avidement tant que vous parlez de départs, de bateaux capturés qui jamais n’arriveront au port, de visas achetés et de visas falsifiés, et de nouveaux pays de transit. Tous ces racontars servent à abréger l’attente, car les gens sont rongés par l’attente. »
Une galerie de personnages originaux défile, une femme cherche désespérément son mari, un chef d’orchestre polonais erre dans son costume défraîchi. Et puis ce sont les ragots, les racontars qui occupent les conversations. Les queues devant le Consulat mexicain…
« C’étaient les antiques commérages des ports, aussi vieux que le Vieux-Port lui-même, encore plus vieux,
peut-être. Merveilleux et antiques ragots des ports, qui jamais ne se sont tus, depuis qu’il y a une
Méditerranée, ragots phéniciens et crétois, ragots grecs et romains, jamais la race des bavards ne s’était
éteinte, de ceux qui tremblaient pour leur place »
Surtout ne négligez pas la Postface de Christa Wolf qui éclaire d’un jour nouveau ce texte littéraire mettant des noms souvent très connus sur ces visages qui composaient la foule des émigrants de Marseille des années 40.
Transit est un formidable témoignage mais c’est aussi un texte littéraire qui conservera sa valeur littéraire universelle tellement sont bien illustrée les sentiments d’incertitude, l’angoisse des migrants, et toujours teinté d’ironie, on pense à l’humour juif
« Vous connaissez peut-être le conte de l’homme mort. Il attendait dans l’Éternité que le Seigneur décidât de
lui. Il attendait, attendait toujours. Un an, dix ans, cent ans. Puis il implora son verdict. Il ne pouvait plus,
disait-il, supporter l’attente. On lui répondit : « Qu’est-ce que tu attends donc ? Il y a longtemps que tu es
en enfer ». Et l’enfer, c’était cela : l’attente imbécile de rien. Quoi de plus infernal ? La guerre ? Elle vous
rejoint d’un bond par-dessus l’océan. Maintenant, j’en ai assez ! Je veux rentrer chez moi. »
Cinq mois qu’ils étaient là, les marins de l’Aldébaran. À quai, relégués au bout des six kilomètres de la digue du Large. Loin de tout. Sans rien à faire. Et sans fric.
Leur armateur les a abandonnés, sans salaire. Attendant une hypothétique vente du cargo bloqué par le tribunal en garantie des dettes de l’armateur. Les marins, en échange d’une indemnité ont cherché un autre bateau. Trois hommes restent à bord : le Capitaine, Abdul Aziz, libanais, son second Diamantis, grec, Nédim, le turc, aurait dû partir mais il s’est fait dépouiller dans une boîte de nuit, il ne peut plus payer son billet de retour.
Grec, Turc, Libanais, toute la Méditerranée sur le Vieux Port. Marins sans attaches, Abdul et Diamantis ont bien été mariés, mais leurs épouses se sont lassées du rôle de femmes de marins…Marseille, port d’accueil des marins en partance, des exilés. Dans un petit restaurant Diamantis trouve une cantine, presque une famille.
Et, Izzo, amoureux de sa ville la dépeint avec une infinie tendresse, même si elle est aussi violente. Histoire sombre, comme ses romans précédents, pleine d’humanité et de poésie. J’ai retrouvé Yannis Ritsos et Gianmaria Testa. Poésie des cartes marines :
Cette carte, expliqua Diamantis, c’est la Peutingeriana, une carte-itinéraire romaine du IIIe siècle, avec Rome, là, en son centre. – Elle est superbe.[…]l’Antiquité on appelait les cartes les « périodes de la terre ». […]Diamantis, pointant du doigt nombre de lieux, égrena des noms de port à faire rêver. Salona, Aquileia et Adria sur l’Adriatique. Sybaris, Lilybaeum, Phôkaia. Les deux Césarée, sur les côtes africaines et d’Asie mineure. Les deux Ptolémaïs, l’une en Libye, l’autre en Phénicie. Les Bons Ports, près de Lasïa, au sud de la Crète, mentionnés par saint Luc dans les Actes des Apôtres. Tarsos en Cilicie, connue pour les portes de Cléopâtre.
Elle est triste cette histoire des marins perdus, fiction, elle pourrait être vraie.
De Marseille à Rouen, nombre de cargos sont coincés à quai, aujourd’hui encore. Les équipages, souvent étrangers, vivent à bord dans des conditions très difficiles, malgré une solidarité qui ne fait jamais défaut. Je tenais, ici, à saluer leur courage, et leur patience. Quant à Marseille, ma ville, je tenais à la mettre en scène, encore une fois, pour que puissent résonner dans cette histoire les questions les plus actuelles de l’avenir de la Méditerranée.
En février 2017, j’ai eu le plaisir de passer 3 jours à Menton chez des amis à l’occasion de la fête des Citrons. De ce court séjour, très dense, je n’avais pas fait de billet de blog. Notre visite récente à la Maison de Cocteau à Milly-la-Forêt m’a rappelé celle au Musée Cocteau de Menton. J’ai retrouvé les photos et en voici quelques unes !
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Je viens de lire que ce musée de Menton était fermé depuis 2018 . J’ai donc eu de la chance de la visiter!
la Partie de Cartes façon Street Art au Panier à Marseille
Avec Si on bouquinait et Nathalie
Il y a tout pile 50 ans, le 18 avril 1974, décédait Marcel Pagnol . Patrice de Si on bouquinait a eu l’idée de célébrer cet anniversaire par une lecture commune. Il a choisi Jean de Florette
Rejoint par Nathalie qui vient de terminer un livre sur la Peste de 1720 à Marseille et qui a lu Les Pestiférés
J’avais oublié la date de la lecture commune. C’est le matin-même, sur FranceMusique que j’ai reconnu la voix de Pagnol qu’il fallait deviner. Et que je me suis rendue compte que je serai en retard pour la Lecture Commune.
Le soir-même j’ai téléchargé Les Pestiférés qui est une longue nouvelle (67 pages, le chapitre 9 Du Temps des Amours) que j’ai lu dans la foulée, d’une traite et avec grand plaisir.
« Il y a tant de maladies qui nous viennent par les navires ! dit le capitaine. Je connais cent sortes de fièvres, et c’esttoujours la même chose : une grande chaleur de la peau, des plaques rouges, des plaques noires, du pus, des vomissements, et on n’y comprend rien… Quand il en meurt beaucoup, on dit que c’est la peste, et ceux qui restent meurent de peur. – Surtout à Marseille ! »
Une placette, à flanc de coteau, bordée de maisons bourgeoises et de quelques boutiques. Maître Pancrace, médecin très estimé va organiser la petite communauté composée de notables pour survivre à l’épidémie de Peste qui a ravagé Marseille en 1720. Le Capitaine, Marius Véran, armateur enrichi par la Traite Atlantique, Maître Passacaille, le notaire, Maître Combaroux drapier fort riche, mais aussi fort dévot. En plus des notables, les commerçants, Romuald, le boucher, Arsène, mercier-regrattier, Félicien le boulanger. Et bien sûr, des femmes, des enfants, des vieillards.
Pancrace, dès le début de l’épidémie, alerte ses voisins. il revient du port où 3 portefaix sont morts dans les infirmeries. Dès qu’il est sûr que c’est bien la peste, il rassemble les hommes, ses voisins, leur fait part de la nouvelle.
Les premières mesures sont plutôt simples : brûler tous les effets qui auraient pu être en contact avec la maladie, et se laver soigneusement au vinaigre. Il organise le confinement:
« Enfin, tous ceux qui auront été obligés de quitter notre placette pour aller à leurs affaires devront dès leur retour prendre un bain d’eau vinaigrée et se savonner du haut en bas, très consciencieusement. Ce sont des précautions peu obligeantes, mais qui suffiront à nous préserver, du moins pour le moment. »
Pour survivre, il faut aussi mettre en commun les provisions, fabriquer des lotions avec des herbes médicinales : rue, menthe, romarin et absinthe macérées dans le vinaigre donnent le Vinaigre des Quatre voleurs détruisant les insectes qui propagent la contagion.
« J’allais justement dire, s’écria Pancrace, que dans toutes les épidémies les ordres religieux cloîtrés n’ont même jamais entendu parler du fléau qui faisait rage autour de leurs couvents. Eh bien, mes amis, nous allons suivre leur exemple, qui est fort peu honorable pour des moines qui devraient tout sacrifier à la charité chrétienne, mais qui convient parfaitement à des citoyens chargés de famille. »
Toute la communauté va vivre cloitrée à l’image des religieux.
Seul le drapier dévot va désobéir pour suivre la messe comme chaque jour malgré les injonctions de Pancrace
« je vous déclare, dit le docteur, qu’il faut renoncer à la messe pour quelques temps. Le Bon Dieu qui nous voit saura bien que ce n’est pas par manque de zèle : il n’ignore pas, en effet, qu’une église, comme d’ailleurs tous les lieux de réunion, est un très dangereux foyer de contagion. »
Il reviendra avec la Peste mais n’entrera pas.
Désinfections, confinements, surveillance, utilisation d’eau non contaminée. Cela nous rappelle quelques souvenirs.
Quand la ville sera tellement ravagée que seul le feu peut lutter contre la contagion, il leur faudra fuir le quartier.
Mais je ne vous racontera pas comment, il faut bien ménager un peu de surprises!
Cette Peste de 1720 est très célèbre, au Château d’If une plaque rappelle que le capitaine du navire responsable de l’épidémie, y fut enfermé.
Et pour revenir à la Célébration des 50 ans de la mort de Pagnol, j’ai écouté sur l’appli Radio-France un excellent podcast où Fernandelraconte Pagnol cinéaste. LES NUITS DE FRANCE CULTURE : Marcel Pagnol raconté par Fernandel – dimanche 14 avril 2024 CLIC
Les gros nuages sont si épais et si bas qu’on ne voit pas le sommet de la colline. Temps médiocre prévu de longue date. Mais ce ciel gris est bien triste. Heureusement les mimosas resplendissants remplacent le soleil.
Comme la pluie est fine et intermittente? je parcours la plage de Cavalaire pieds nus dans l’eau mousseuse, pas plus froide que l’air, jusqu’à la Plage du Débarquement de La Croix Valmer; Je me rechausse pour monter sur le sentier du littoral qui rejoint en 10 minutes la Plage-Bouillabaisse et ensuite d’autres plages. Je croise trois dames plus trop jeunes en chaussures de tennis. Si elles sont passées je passerai aussi. Le sentier est bien entretenu : marches solides, passages cimentés. Le dernier tronçon sur les rochers mouillés. Une averse plus forte, je rentre.
La Baie de Cavalière – Cross
Le village de Gassin, perché au-dessus de la route de Saint-Tropez, nous fait faire un détour. L’église grise et massive est presque une tour de guet. La vue est dégagée à 360°. Vers l’Est on découvre Sainte Maxime et Saint Tropez, vers l’Ouest Hyères et ses îles. La terrasse panoramique est dallée ornée de sculptures du Sculpteur local Ducreux qui suspend des petits personnages filiformes dans des cercles mobiles qui s’intègrent dans le paysage. Il a aussi réalisé des sculptures à taille humaines, aplaties que je n’apprécie pas trop. Les rues du vieux villages sont piétonnières, paysage paisible (peut être pas en haute saison).
Bassin – Ducreux Le Passage
Saint Tropez : Musée de l’Annonciade
Il se trouve dans une chapelle (1548) à l’entrée du port. Les collections sont accrochées sur deux étages. A l’entrée je constate une grande parenté entre les tableaux qui ont pour sujet Le Port de Saint Tropez ou ses environs, presque tous pointillistes. Paul Signac découvrit Saint Tropez et y invita ses amis Seurat, Cross et d’autres artistes. Même Picabia a peint un Port de Saint Tropez pointilliste. Pointillistes et nabis : Bonnard et Vuillard pour des sujets plus intimistes. Marquet a aussi peint le port. Camoin (photos interdites) rattaché au fauvisme a des couleurs plus éclatantes et un style plus personnel.
Vuillard la soupe d’Annette
Il y a aussi de très beaux Matisse, Maurice Denis (j’aime moins), Lhote, Othon Friesz, et des statues de Maillol.
Une collection de premier plan et une très belle visite pour un jour de pluie !
Pique-nique sous de beaux chênes liège. Des ouvriers déjeunent à quelques mètres. Dès qu’ils ont terminé ils mettent en route leurs tronçonneuses et abattent de grosses branches à quelques mètres de nous. Nous déménageons. Cet élagage m’étonne : pourquoi s’attaquer à des branches bien vivantes et laisser les noircis et morts après l’incendie.
Nous avons visité La Garde-Freinet, il y a deux ans. J’avais beaucoup aimé le petit Musée du Patrimoine présentant la culture du liège, la châtaigneraie, la sériciculture, l’apiculture. Je m’étais promenée dans les rues du village mais j’avais regretté de ne pas être montée au village fortifié perché très haut sur le sommet dominant le village. Imprenable ? Il fut démantelé pendant les Guerres de Religion en 1585 de peur que les Huguenots ne s’y retranchent.
A partir du parking de la Planète, deux itinéraires : un rouge réservé aux intrépides et un bleu plus facile. Evidemment je suis le bleu, bien aménagé, bien balisé avec des marches taillées dans le rocher ou consolidées par des rondins ou de la ferraille. De bonnes chaussure et un bâton de marche sont nécessaires. Après une demi-heure je découvre les fortifications taillées dans le roc entourées de douves (ou citernes ?). Un escalier de schiste termine l’ascension. Du village, il reste un petit four à pain, quelques fondations des maisons blotties au flanc de la montagne. Les restes ne sont pas très visibles mais il y a des panneaux explicatifs.
la Chartreuse de la Verne
Puisqu’il fait très beau et qu’il est encore tôt nous faisons un détour (30 km) dans les Maures pour atteindre Collobrières. Une route étroite tournicote dans la corêt de chênes. A l’approche de Collobrières des châtaigniers se font plus présents. Ils n’ont pas l’air en forme. Sècheresse ou maladie ? Sur le versant sud se déploie la Chartreuse de la Verne et dans un creux le petit lac de barrage. A vol d’oiseau, notre gîte de La Môle est juste derrière.
Collobrières
L’office de tourisme de Collobrièresest fermé, « consultable par téléphone ou par mail » informe un papier scotché sur la porte. Ce n’est pas ainsi que j’obtiendrai le plan de la promenade géologique que je m’apprêtais à suivre (commencée il y a 2 ans, interrompue par la pluie). Sans plan, je me promène au hasard dans les jolies places avec leurs platanes, les bords de la rivière, les rues qui montent à l’ancienne église ruinée ont des noms qui me plaisent Galilée, Copernic, Marat. Collobrières est la capitale autoproclamée des marrons glacés : j’achète une glace aux marrons exquise.
Chênes liège au coucher du soleil
Nous rentrons au soleil couchant dont les rayons filtrent dans le feuillages des chênes, de temps en temps on voit les îles d’Hyères.
Un roman policier avec Cap Canaille pour titre m’a tout de suite attirée.
« Drôle d’endroit pour mourir. La beauté des lieux l’avait saisi. Il ne pouvait s’empêcher de s’émerveiller. Malgré les quatre hommes qui l’entouraient, le flingue qui le menaçait et la peur qui lui trouait le bide. La lune était de sortie pour éclairer les dernières heures de sa courte vie. Elle lui permettait de voir comme en plein jour les falaises qui le dominaient et la mer qui l’aspirait. Qui l’espérait. 390 mètres plus bas. Magnifique endroit pour mourir. »
Policier classique qui commence avec un « barbecue marseillais » : cadavre calciné retrouvé dans une voiture brûlée. C’est le corps de la Carlton une truande de haut vol, braquages Place Vendôme, habituée des Palaces comme l’Intercontinental de Marseille (anciennement Hôtel-Dieu), se déplaçant sur une moto de rêve….
Enquête classique, sans grande originalité à part peut être l’excès d’acronymes spécifiques à la police, peu gracieux et indigestes pour le lecteur. Des traits d’humour assez lourds, utilisation systématiques de citations archiconnues, un peu agaçantes
L’humour potache de la PJ prend souvent le dessus dans ce genre de débats. Larrivée tape du poing sur la table pour rétablir le silence. Les flics ont l’humour léger, mais le sens de la hiérarchie.
Des enquêteurs sympathiques, avec ce qu’il faut de faiblesses pour les rendre humains. Une histoire d’amour qui tombe bien. Des courses poursuites dans Marseille. Un match de l’OM. Des trafiquants plutôt minables. Des légionnaires virils. Classique.
Mauvaise chance pour ce livre, je viens de terminer trois polars remarquables de Jean Claude Izzo, la classe! Cap Canaille se trouve relégué au niveau des séries policières régionales de Fr3 qui se regardent et s’oublient.
Depuis que j’ai lu Les Pierres Sauvages de Fernand Pouillon j’ai eu envie de visiter Le Thoronet, abbaye dont le roman raconte la construction. Dernièrement, j’ai croisé le travail de Fernand Pouillon à Meudon-la-Forêt, Marseille et au château de Belcastel en Aveyron .
50 km entre La Môle et le Thoronet en passant par Cogolin, au pied de Grimaud perché sur s colline, à travers les forêts autour de la Garde-Freinet ravagées par un incendie en 2021. Les troncs des chêne-liège sont noirics mais les arbres s’en sortent, les pins et les autres arbres ont disparu tandis que la broussaille, les arbousiers et les bruyères grandissent. Je scrute avec attention la régénération de la végétation. Nous traversons la Plaine des Maures au creux des collines qui n’est pas plate du tout mais couverte de vignes gentiment penchées. L’autoroute passe dans la plaine, nous l’emprunterons samedi.
L’Abbaye du Thoronet est à l’écart du village du Thoronet, bien cachée en creux dans une forêt de chênes. Le clocher dépasse à peine et on ne le remarque qu’en quittant le site. Une allée dallée conduit à l’enceinte. Une grille contemporaine de mailles carrées en bois marque la clôture. Plus aucun moine n’occupe l’abbaye depuis 1791. C’est un musée de la RMN. Remarquée par Prosper Mérimée, elle est inscrite à la Liste des Monuments Nationaux depuis 1840.
En attendant la visite guidée devant l’église, je convoque mes souvenirs de lecture des Pierres Sauvages. Sobriété de l’église, pas le moindre décor, même pas un porche à étudier. Sur la façade occidentale, une petite porte étroite et basse pour les convers. De l’autre côté la grande « porte des morts ». Un très vieil arbre. Je découvre encore les arches et la galerie du cloître aux arcades parfaitement nues. Sans guide, la visite aurait été courte. J’aurais écouté le murmure de l’eau du lavabo. J’aurais cherché les angles pour le cadrage du clocher dans les arcades géminées. J’aurais admiré le calme, l’harmonie qui se dégage de l’ensemble. J’aurais peut être trouvé des ressemblances entre ces murs parfaits et les façades de pierre de Meudon-la-forêt ou de Marseille réalisée par Pouillon.
A 10h30, la guide nous entraîne dans le cellier autour de la maquette de l’abbaye. Sans préambule, elle affirme que nous sommes dans le plus bel endroit du monde et qu’elle va nous montrer des merveilles. Il faut quelques efforts aux visiteurs pour voyager dans le temps, endosser la coule blanche des cisterciens du XIIème siècle qui ont construit le monastère et adopter leur schéma mental, essentiellement religieux mais aussi très savant. Pour atteindre cette conscience, il convient de détruire tous les préjugés concernant le Moyen Âge, évacuer les images grossières véhiculées par le film « les visiteurs » et se situer dans le contexte historique.
Si on adopte ce point de vue, l’évènement fondamental de l’époque serait la Réforme Grégorienne (du nom du pape Grégoire VII (1073-1085) affirmant l’indépendance du clergé par rapport au pouvoir laÏc particulièrement vis-à-vis du Saint Empire Romain Germanique. Accessoirement, le célibat des prêtres est affirmé. La lutte contre la Simonie : le trafic des charges ecclésiastiques et celui des reliques.
Comme conséquence de cette réforme, l’Abbaye de Cluny devient immensément riche et puissante. Par réaction à cet enrichissement, Robert de Molesme et Saint Bernard ont fonde les abbayes de Cîteaux et de Clairvaux en se basant sur la règle de Saint Benoît : affirmant pauvreté, humilité et travail manuel.
On distingue alors les moines noirs, les Clunisiens, et les moines blancs cisterciens. A côté des moines, les convers revêtaient un habit marron de bure et pouvaient être barbus. Les fondateurs du Thoronet s’installèrent d’abord à Tourtour au sommet d’une colline ce qui ne correspondait pas avec le principe d’humilité, ils ont préféré descendre dans le creux du Thoronet au cœur d’une forêt, cachés près des deux ruisseaux. Après le choix de l’emplacement, la construction a pris plusieurs dizaines d’années, toujours régie par la Règle de Saint Bernard afin d’atteindre la perfection. Parmi les moines, se trouvaient des érudits, un astronome, un herboriste, le maître d’œuvre. Ils ont cherché la « quadrature du cercle », le cercle symbolisant Dieu et le carré, le monastère.
Le Thoronet Lavabo
Pour avoir conscience de leur démarche, il convient de « s’orienter » c’est-à-dire chercher l’Orient. En bon modernes, nous avons une boussole pour indiquer le nord. Les cisterciens cherchaient le soleil levant à l’équinoxe du printemps (d’où l’importance de l’astronome) . A l’Est, la lumière, la réflexion, l’activité intellectuelle des moines, la galerie Est est celle des moines tandis qu’à l’Ouest, l’Occident (occidere : faire périr) c’est la galerie des frères convers ces auxiliaires ayant la charge des travaux des champs. A l’netrée du cloître, le sol était empierré grossièrement dans la cours empruntée par les convers ta&ndis que le cloître est dallé et carrelé soigneusement.
Dans le cloître, la guide noud initie à la symbolique des nombres. est Dieu, l’occulus qui surmonte les arches, arches géminées pour le 2, le 3 est important, c’est la Trinité, visible au sol avec les trois travées de dalles encadrées par le carrelage. Le 4 est le carré, carré du cloître, 4 parties du jardin (comme celui des Ryads) . 3+4 donnent 7, encore un chiffre magique, 7 jours de la semaine, 7 péchés capitaux. 3 X4 = 12, 12 heures, 12 mois, 12 apôtres, 12 côtés à la margelle du lavabo. Pour dessiner le Maître d’œuvre plante son bâton, 1coude, = 1 empan =1 pied + ??? = 1.55 m. le bâton du Maître d’œuvre planté à l’équinoxe servira à s’orienter.
Pour obtenir le 5, la conférencière manipule un visiteur en lui faisant jouer l’Homme de Vitruve (anachronisme Leonard de Vinci l’a dessiné en 1490, donc bien plus tard) Le 5 représente Lhomme ou les 5 doigts de la main. Mes collègues visiteurs, devenus moyenâgeux comptent les portes, les marches, additionnent, retranchent….
Pause devant l’entrée de la SalleCapitulaire d’où vient l’expression « voix au chapitre ». on y lisait un des 73 chapitres de la Règle de Benoît. 5 x 73 = 365 jours. Chaque année revoyait 5 fois la lecture de la règle. Et nous voici adeptes de la numérologie ! Alors que les ornements sont rares (quasi-inexistants) la sculpture d’une pomme de pin, d’un trèfle à 3 feuilles et d’un autre à 4 feuilles, et d’une langue bifide à l’entrée de la Salle Capitulaire nous interroge. La pomme de pin qui garde serrée ses écailles mime le geste de la prière, la langue fendue symbolise les paroles qui peuvent le bien comme le mal. Les deux trèfles (3+4) sont les 7 péchés capitaux< ;
Fin de la visite à l’église. Actuellement elle est ornée de deux statues, à l’origine elle était vide. Cette église possède une acoustique exceptionnelle. Selon la guide, seul le Taj Mahal la surpasserait dans la réverbération. Les moines l’ont construite en se basant sur le nombre d’or mais cela ne suffit pas pour justifier cette acoustique inimitable. On suppose donc que les pierres chantent. Pour apprécier cette acoustique la guide nous demande de fermer les yeux et de faire silence ? Puis la musique résonne et nous entoure. Est-ce un enregistrement ? j’ai une angoisse : j’ai oublié de fermer mon téléphone, et s’il sonnait ? je suis si obsédée par cette crainte que je le sors discrètement, l’ouvre et le rend muet. Pour ce faire, j’ouvre les yeux et vois la guide qui se déplace dans le transept et le chœur. Elle chante le Salve Regina et c’est magique. La visite a duré plus d’une heure, pendant une heure nous avons voyagé 800 ans en arrière .
Une journée splendide s’annonce. Allons à la mer !
Randonnée Visorando : de Vieux salins à Hyères à La Londe-les-Maures (10.5 km – 3 h)
Le sentier longe les vieux salins : eau lisse, bleue entourée de salicornes roses presque rouge. Les salicornes deviennent rouges quand elles se gorgent de sel mais alors elles ne sont plus comestibles. Des flamants roses arpentent le bassin, ils marchent très lentement déroulant leurs longues pattes roses avec précaution. Une aigrette blanche est très active. Dans les buissons des passereaux volètent. C’est un beau parcours mais un peu trop fréquenté.
A Miramar, le petit port de La Londe-les-Maures je marche le long de l’eau sur le sable mouillé. Un tour sur le port à reluquer les menus des restaurants et brasseries. Un pont enjambe le fleuve Maravenne, je continue sur la plage de l’Argentière jusqu’au parking. H15, 8000 pas. Il est midi, les promeneurs déjeunent et j’ai la voie libre pour un retour très agréable.
Bormes-les-Mimosas
le village de Bormes les mimosas
Bormes-les-Mimosas est un village perché à flanc de colline. On monte au village sur une pente très escarpée par des virages très serrés. Arrivée au vieux village, le plus raisonnable serait de laisser la voiture au parking Saint François (payant). Dominique a préféré se garer à l’écart sur la route. A l’intérieur du village, la circulation est réservée aux riverains.
Je découvre d’abord la Chapelle Saint François-de-Paule, moine calabrais qui aurait délivré le village de la Peste en 1481. La chapelle fut édifiée en 1560. Elle est accompagnée d’un grand cyprès.
En face, l’esplanade des boulistes occupe une terrasse d’où l’on jouit d’un beau panorama sur la mer et le village ancien. Les maisons colorées s’étagent comme dans un amphithéâtre. Au fond de l’esplanade, une vieille tour ronde est l’ancien moulin à farine. Dans un coin, la Mairie, et juste derrière le Parc Gonzalez.
Le Parc Gonzalez est consacré à la flore australienne. Jardin imaginé par Gilles Augias. Il fut aménagé en 2003, 1000m3 de terre végétale fut amenée puis on construisit des terrasses. La situation du parc étant brûlante, un paillage d’écorces de chêne-liège broyées recouvre toute la surface pour limiter l’évaporation et la croissance des adventices. Le sous-sol constitué de Gneiss de Bormes, de Schistes et micaschistes, sol acide et schisteux, où poussent arbousiers, bruyère arborescente et chêne-liège, bien drainant convient parfaitement au mimosa.
parc Gonzalez fleur australienne étrange
C’est un dépaysement total dans ces fleurs inconnues aux noms exotiques Gravillea, Banksia,Melaleuca, fleurs aux structures étranges, petits tubes enroulés, poilues. Pétales ou étamines, pistil ? les bourdons s’y reconnaissent et butinent sans relâche.
Bormes les Mimosas parc Cigalou terrasse
Le Parc du Cigalou es sous le parc Gonzalez il a une très belle terrasse bordée de balustres de pierre sous de grands palmiers avec une belle vue sur toute la baie.
Eu creux du vieux village, la place du marché avec ses platanes bien élagués, les façades roses orangées des boutiques, Maison de la Presse, Office de Tourisme d’un côté et en face, un hôtel avec sa rangée de cinq hauts palmiers. Invisibles d’abord les ruelles de l’anciens village descendent sous l’Eglise Saint Trophyme. La rue principale réunit des boutiques pour touristes, savonnerie, lavande, souvenirs (haut de gamme). Perpendiculairement, des ruelles en pente. L’une d’elle a un nom amusant « rompi-coui ». Un peu plus haut, la « draille des bredouilles » se cache à l’extérieur des murs et permettaient aux chasseurs à la gibecière vide de ne pas essuyer les moqueries des villageois. Encore plus haut, le château est perché sur la colline.
De notre gîte à La Môle au Rayol il y a une douzaine de km par le Col de Canadel et une bonne trentaine si on fait le tour par la grande route par Cogolin et la Croix-Valmer. La route de Canadel est coupée par des travaux d’Enedis. Nous voyons des cyclistes qui descendent du col.
« Peut-on passer quand même ? » je demande. D’après eux la tranchée a été rebouchée, il y aurait une petite marche mais tout à fait négligeable.
On passe. Tôt le matin, il n’y a personne. La montagne est toute fleurie de mimosas surtout du côté de la mer. C’est une merveille. Je descends à pied faire des photos et surtout profiter du parfum des mimosas. Un homme et une femme ramassent des graines de genièvre.
Jardin du Rayol flore de l’Australie : mimosas
Nous arrivons à l’ouverture du Domaine de Rayol que j’avais visité à la mi-mars, après la floraison des mimosas. Ce jardin des Méditerranées conçu par Gilles Clément est promesse d’un voyage.
En février le jardin est jaune, de mimosa et des fleurs d’oxalis pointant de coussins verts qui ressemblent à des trèfles.
Canariesavec aeoniums et dragonnier, et Californie. Je suis éblouie par les mimosas Australiens de toutes tailles, de différentes espèces, épanouis en grappe, en touffes, en inflorescences vaporeuses ou en pompons alignés, en épis fournis, en boules serrées. Tout est jaune autour de moi. Fragrances délicieuses.
Rayol : flore Amérique centrale aride
Les acanthes aux grandes feuilles découpées vernies remplacent les oxalis, puis le sol est couvert de rampante bleutée. Des eucalyptus géants terminent la perspective de marches de briques bordée de cyprès. Une colonnade délimite un palier avec une pergola et je quitte Australie et Eucalyptus pour arriver en Amérique subtropicale aux plantes très graphiques.
Chênes-liège,arbutus, petit-houx, lentisques me voici revenue en pays de connaissance en Provence. Des palmier- doums et les floraisons des oxalis tranchent avec ces plantes de maquis. Dans l’ombre profonde s’épanouissent des pervenches d’un bleu très pâle. Espace sauvage. Je suis seule avec les oiseaux.
Fraîcheur d’un vallon, deux petits ponts aux garde-corps en ferronnerie et une haie de bambous…
La rumeur des vagues m’a avertie que j’approche de la mer.
Rayol Nouvelle Zélande
Palmiers et fougères arborescentes au creux du vallon où coule un petit ruisseau ? J’arrive en Nouvelle Zélande.
Nous avons retrouvé la Plage de Cavalaire qui s’étend jusqu’à la Croix Valmer et la Plage du Débarquement. C’est une belle promenade sur la digue, chaussée à l’aller, pieds nus dans l’eau presque tiède au retour.