la Petite Dernière – le livre de Fatima Daas – et le film de Hafsia Herzi

UN LIVRE/UN FILM

aux Cinémas du Palais en avant-première

Hafsia Herzi est venue présenter son film La Petite Dernière aux Cinémas du Palais à Créteil la veille de la sortie en salles. Je n’aurais voulu rater  cette occasion de rencontrer la réalisatrice que j’admire beaucoup. Surtout qu’elle n’est pas venue seule, elle était accompagnée de Nadia Meliti et de l’actrice qui joue la mère. 

j’ai beaucoup aimé ce film qui semblait jouer très juste. Sujet délicat: l’homophobie est très présente dans les quartiers mais pas dans le film. Les garçons tolèrent très bien cette fille « garçon-manqué », cela m’a étonné. Côté Paris, bars lesbiens et Gay Pride, très belles images quand Fatima porte sa copine dans le défilé. j’ai consigné mes impressions, sortie de salle, dans mon autre blog Toiles Nomades CLIC

Bien sûr, j’ai voulu lire le livre.

« Ca raconte l’histoire d’une fille qui n’est pas vraiment une fille, qui n’est ni algérienne ni française, ni
clichoise ni parisienne, une musulmane je crois, mais pas une bonne musulmane, une lesbienne avec
une homophobie intégrée. Quoi d’autre ? Je pense très

fort. »

J’ai été surprise par la forme. Roman en prose ou vers libres? Chants murmuré en confidence ou chanté avec l’affirmation « Je m’appelle Fatima Daas. », comme un refrain.  Elle décline ses identités multiples, sa place dans la fratrie, son asthme, les origines de son prénom Fatima la plus jeune fille du prophète, la « petite chamelle sevrée ». 

Je m’appelle Fatima

Je suis une petite chamelle sevrée.

je suis mazoziya, la dernière

Avant moi, il y a trois filles

Mon père espérait que je serais un garçon

Son destin dès sa naissance, ses origines algériennes, et sa religion très assumée, très importante. Sa ville Clichy. Mais aussi son dilemme

Je m’appelle Fatima Daas

Je suis une menteuse

Je suis une pécheresse. 

Je lis d’un trait ce chant.

Je n’y retrouve pas tout à fait la Fatima du film. Et je trouve cela très bien. Les adaptations trop littérales affadissent le texte et l’histoire. La réalisatrice a choisi une période courte dans la vie de l’héroïne : la dernière année au lycée et ses premières expériences d’étudiante à Paris avec la découverte de la sexualité, de l’amour, du milieu lesbien. Elle  fait de Fatima une sportive, fan de foot. Ce n’était pas dans le texte et pourtant c’est très bien. Elle a montré la jeune fille faire ses prières, une visite à la mosquée mais n’a pas donné à la religion toute la place qu’elle tient dans le livre. Peut être plus difficile à mettre en scène.

j’ai aimé les deux, le film et le livre et j’ai apprécié qu’ils ne soient pas identiques. Quoique fidèle.

Alice Guy – Catel&Boquet – Casterman

LES CLANDESTINES DE L’HISTOIRE

J’ai découvert cette série de romans graphiques avec Olympe de Gouge puis Anita Conti qui ont été des coups de cœur, j’ai aimé Joséphine Baker, un peu moins le personnage de Kiki de Montparnasse. Dès que j’ai trouvé Alice Guy à la médiathèque je me suis précipitée. 

Je connaissais le nom d‘Alice Guy, mais juste son nom, ni ses films ni sa vie. 

J’ai donc découvert sa biographie dans le gros roman graphique de Catel&Boquet qui retrace l’histoire du cinéma, avec les essais, les tâtonnements, les machines aux noms savants à racines grecques Chronophotographe,  Biographe, Bioscope, Phonoscope, et j’en passe. Chacun brevetant un appareil soi-disant original, avec querelles menant au tribunal. Intéressante rivalité entre les scientifiques perfectionnant la technique et les créateurs. Après les premiers films des Frères Lumière, Alice Guy, la première à imaginer des fictions à embaucher des scénaristes et avec Léon Gaumont à envisager la production à grande échelle, la construction de studios de tournage aux Buttes Chaumont. Comme toujours Catel et Boquet contextualisent leur biographie dans les décors précis et soignés, nous racontent l’Exposition Universelle de 1900, ou l’incendie du Bazar de la Charité. 

Comment une personnalité aussi originale et importante a disparu de l’Histoire du Cinéma alors qu’on se souvient des Frères Lumière ou de Méliès? Sa déconfiture financière à son retour des Etats Unis explique peut-être cet oubli?

Histoire du Cinéma, mais aussi Histoire des Femmes. A toutes les étapes de sa vie Alice Guy a été confrontée au machisme. On imaginerait Meetoo quand jeune secrétaire, elle fait face à des personnages grossiers. on imagine la force de caractère pour s’imposer dans ce milieu masculin sans jamais faire de concession. C’est beaucoup plus tard, aux USA, mariée, mère de famille que le patriarcat la rattrape quand son mari fait mauvais usage de sa fortune et la trompe. Rentrée en France, elle ne retrouve pas sa position d’avant son départ en Amérique

Histoire passionnante, accompagnée comme toujours dans cette collection de chronologie et de fiches biographiques des personnages secondaire. Si c’est peut être moins un coup de coeur que pour les deux premiers ouvrages, c’est peut-être seulement parce que l’effet de surprise s’est émoussé. Peut être aussi parce que la longue introduction : enfance ballottée de France au Chili, en Suisse et les études dans différents couvents m’a paru un peu longue. On entre dans le vif du sujet uniquement après 90 pages. J’aurai préféré un plan resserré sur l’enfance et plus de détails sur la dernière partie de la vie d’Alice.

Wes Anderson – revue DADA / the Phoenician Scheme – Exposition à la Cinémathèque

UN FILM/UN LIVRE/UNE EXPO

 

Babélio a proposé dans l’Opération La Masse Critique le numéro 289 de la Revue DADA je l’ai coché.

Je suis inconditionnelle de la Revue Dada qui s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux amateurs d’art. Son coup d’œil décalé, les ateliers de création – Brico-studio -proposés aux plus jeunes mais passionnants pour les grands, ses « Artualités », actualités des diverses expositions à Paris ou à Berlin…Diversité des sujets qui dépassent le titre de Wes Anderson. 

Wes Anderson est le réalisateur de The Grand Budapest Hotel que j’ai beaucoup apprécié (vous pouvez réaliser grâce à DADA votre propre maquette illuminée avec une boîte à chaussures) . Vous pouvez aussi admirer la maquette du film à la Cinémathèque. J’ai aussi aimé A bord du Darjeeling limited mais j’ai loupé les autres opus. Je comptais bien me rattraper avec DADA et la Cinémathèque. 

Tout d’abord, j’ai vu le dernier film : The Phoenician Scheme mais il ne m’a pas convaincue. J’ai admiré le travail du photographe avec ses cadrages de génie. La salle de bain est absolument bluffante! J’ai pris plein de couleur dans les mirettes avec ses décors étonnants. La BO m’a aussi séduite, bravo à Alexandre Desplat et à Stravinsky en passant. Encore des machines et des maquettes virtuoses . Sans parler des costumes et des accessoires. Des secrets dans les boîtes à chaussure…. Comme une visite dans un musée de l’illusion, ou dans un mausolée, où dans une galerie-photos. 

Généralement, on demande à un cinéaste de raconter une histoire avec des personnages qu’on a envie de suivre, d’aimer ou de détester. Et là…déception, je n’ai rien compris. Les scènes se succèdent dans ces décors et costumes mirifiques. Et ne s’enchaînent pas. On comprend vaguement que Zsa Zsa Korda, homme d’affaire multimilliardaire veut léguer sa fortune à sa fille inconnue et nonne. On devine qu’il est poursuivi par des concurrents qui attentent à sa vie violemment, Sza Sza réchappe à 6 crashes de son avion…Serait-il immortel? Je n’ai aucune sympathie pour ce personnage, ni pour la fille déguisée en bonne sœur, peut être un peu plus pour l’entomologiste dont je n’ai pas bien saisi le rôle. 

Bref, je n’ai rien compris. Est-ce grave docteur?

Mon palmarès de cinéma – 2024 -2025

mon cinéma préféré!

Quand revient le mois de mai, revient le goût du cinéma, rediffusions de films palmés à la télé. Avant-goût des films montrés à Cannes….

Temps des bilans personnels. Aucune ambition de critique cinématographique. Pas assez cinéphile pour motiver mes choix. Comme j’ai gardé les Bandes annonces sur mon blog Toiles Nomades ICI

Il me suffit d’y revenir pour sélectionner les dix films qui m’ont le plus marquée – pas nécessairement les plus grands chefs d’œuvre -ceux qui font encore écho dans mon  souvenir

  1. Les Graines du Figuier sauvage (Iran) est le gagnant, un grand film, une grande cause 
  2. The Brutalist – Brady Corbet –  Monumental! Grandiose. Retraçant l’histoire d’un architecte juif hongrois; Brutaliste comme les Choux de Créteil, alors forcément ….
  3. La chambre de Mariana Emmanuel Finkiel d’après le roman d’Appelfeld, forcément….excellente prestation de Mélanie Thierry en Ukrainien
  4. Soudan, souviens-toi  – Hind Meddeb – Une révolution. Le documentaire le plus poétique et le plus touchant qui soit
  5. La plus précieuse des marchandises  Michel Hazanavicius -un graphisme magnifique, une façon sensible  d’aborder la Shoah, sans la nommer dans un conte de Jean-Claude Grumberg . 
  6. L’Histoire de Souleymane Boris Lojkine . Vous n’oublierez plus le pourboire au livreur de pizza! Un acteur magnifique. 
  7. Ghostlight –Kelly O’Sullivan – Roméo et Juliette, le théâtre dans le théâtre, mise en abyme. Juliette Dolly de Leon merveilleuse Juliette de 50 ans ! pour shakespeare, toujours….
  8. Tehachapi – JR – JR dans une prison américaine fait entrer l’art avec ses photos géantes
  9. Everybody loves Touda (Maroc) Nabil Ayouch l’histoire d’une Cheikha, une chanteuse traditionnelle, on découvre une musique et un Maroc inattendu
  10. Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde (Roumanie)Queer Palm, Emanuel Parvu, dépaysement dans le Delta du Danube, pratiques moyenâgeuses …

J’ai oublié de citer de plus grands films, encore une fois, je ne suis pas critique. je vais au ciné pour m’évader, rêver et un peu réfléchir.

Jour de Ressac – Maylis de Kerangal

LIRE POUR LE HAVRE

chatonsky la ville qui n’existait pas

Le Havre, terminus, tout le monde descend, un terminus qui porte mal son nom : rien ne saurait se
terminer dans cette ville, tu penses que ça s’arrête, qu’on y est à bout de continent, mais tu descends du
train et tout de suite c’est la mer, alors ça continue.

Rentrée littéraire 2024 – lecture de circonstance pour moi qui rentre de Normandie. Rester encore un moment dans les courants d’air des quartiers construits par Augustin Perret… écouter les galets qui roulent sur la plage, se prendre une belle vague et être trempée.

je remontais alors les artères du quartier Perret tels des couloirs de vent, tête baissée, mon sac US pendu à
l’épaule, je filais sur le plan en damier, de case en case, de bloc en bloc, ignorant à l’époque que cette
géométrie modulaire, ces canyons perpendiculaires et ces carrefours récurrents, ces tours et ces
intersections, multipliant les risques de collision, les angles morts et les lignes de fuite, créaient un espace
propice au hasard, au fortuit, aux coïncidences, un espace devenu la matrice de ma rêverie.

C’est une très belle évocation de la ville, de l’atmosphère du port, marins, trafiquants.

Ville bombardée détruite, comme les villes ukrainiennes ou Gaza…témoignage d’une habitante, rencontre avec deux étudiantes ukrainiennes.

j’étais à genoux sur la plage, tordue, à imaginer l’extraordinaire fossile que serait la ville, une fois ramenée à la surface de la Terre après avoir été engloutie durant des milliers d’années, à me figurer cette mixture géologique urbaine – l’argile de la brique, le fer de l’acier, le sable, le calcaire du béton, le cuivre des fils électriques, l’aluminium des casseroles, le chanvre des tapis, le vinyle des disques, le papier des livres, les microprocesseurs des ordinateurs et des téléphones portables – et comment elle évoluerait dans le temps sous l’effet des forces tectoniques qui élèvent ou enfoncent, de l’érosion sédimentaire, de la dégradation chimique,

Roman policier? La narratrice, doubleuse de cinéma, mère d’une jeune adulte, mariée reçoit un curieux appel de la police du Havre. Un homme est retrouvé mort sur la plage. La seule piste pour l’identifier serait un ticket de cinéma portant son numéro de téléphone mobile. Justement, elle a passé son enfance et son adolescence au Havre. Des souvenirs ressurgissent….

 

Je ne me suis pas  attachée à l’intrigue policière, ni tellement à l’héroïne. Le Havre a suffi à mon bonheur de lecture.

Trois étages – le livre de Eshkol Nevo/ Tre Piani – le film de Nanni Moretti

UN LIVRE/UN FILM

LITTERATURE ISRAELIENNE

j’ai découvert Eshkol Nevo avec La Dernière Interview et je m’étais promis de lire Trois Etages. La sortie du film de Nanni Moretti, Tre Piani, a précipité cette lecture. J’aime beaucoup ce réalisateur mais je ne voulais pas voir le film avant d’avoir fini le livre. J’aime prendre mon temps, le temps du livre, pour découvrir une histoire, me faire mon propre cinéma, imaginer les décors, vivre trois jours à Tel Aviv avant de voir les images italiennes que Moretti aura imaginées. 

Trois étages, trois histoires, trois confessions. 

« Tu sais, j’ai du mal à parler de ces choses-là, mais j’ai pas la force, non plus, de me censurer, je vais tout te raconter simplement, et toi, tu vas me promettre de ne pas t’en servir pour un bouquin, »

Arnon – du Premier Etage –   a invité un ami écrivain pour se confier. Il a besoin de voir plus clair dans son comportement, devenu depuis quelques temps dysfonctionnel, et son couple en crise. Il a confié sa fille de sept ans à son voisin de palier atteint d’Alzheimer, et soupçonne que le vieil homme a abusé de la fillette. Aucune preuve tangible, mais une inquiétude, un remords, qui l’entraîne à devenir violent ce que sa femme ne supporte pas. Les catastrophes s’enchaînent…Arnon n’attend pas d’excuse ou de pardon de son ami qui n’intervient pas dans le récit. Il cherche à comprendre ce qui lui arrive. 

Au deuxième étage, Hani rédige une longue lettre à Neta, son amie d’enfance partie aux Etats Unis. Son mari la délaisse voyage à l’étranger pour son travail. Elle se retrouve mère au foyer tout juste bonne à conduire ses enfants à l’école et aux activités extra-scolaire, sans ambitions, sans contact avec des adultes. Frustrée, elle débloque, voit des chouettes perchées lui parler…Elle non plus n’attend pas de réponse de Neta, elle ressuscite les confidences entre amies du temps de leur adolescence.  

Au troisième étage, Deborah – juge d’instance retraitée, enregistre des cassettes sur le répondeur de Michaël, son mari décédé. Elle poursuit le dialogue jamais interrompu. Déborah vit mal sa solitude. A Tel Aviv, un mouvement social rappelant Les Indignés ou Occupy , Nuit Debout, ou la Place Tahrir regroupe des manifestations, les manifestants ont planté des tentes où se déroulent des forums.

« Après tout, combien de fois avons-nous regardé, brûlant d’envie, nos concitoyens s’assembler sur les places et
scander des slogans chers à notre cœur, alors que nous étions empêchés de les rejoindre, à cause de nos fonctions ? Mais aujourd’hui, avec la retraite, la porte de la cage s’est ouverte. Dans ces conditions, me suis-je demandé, pourquoi devrais-je rester derrière les barreaux ? »

Deborah décide de rejoindre le mouvement et de mettre au service des jeunes manifestants ses connaissances du Droit et son expérience juridique. A l’occasion, elle fait la connaissance d’un homme de son âge, veuf, qui l’entraîne dans un voyage dans le désert. Sur la route elle va raconter son histoire….

j’avais envie de toquer à la porte de chaque voisin, celle de Ruth, de Hani, des Katz, des Raziel, et de leur dire :
Réveillez-vous, citoyens de Bourgeville. Laissez là vos parties de poker et votre inquiétude excessive pour vos
enfants, et les infidélités minables que la vacuité de votre existence, et non le désir, favorise. Levez-vous de vos
fauteuils télé trop confortables

On se demande si ces histoires vont se rejoindre.

L’histoire de Hani m’a moins touchée que les deux autres, celle de Déborah m’a beaucoup plu.

Ce n’est pas un dilemme à imposer à une mère, Michaël. Car quel pacte est le plus important : entre une femme et son conjoint ou entre une mère et ses enfants ?

Histoires de paternité, de rapports père/fille, mère/fils…qui s’inscrivent dans l’espace réduit d’un immeuble de trois étages.

TRE PIANI – le film de Nanni Moretti

l’affiche du film

Ayant terminé, et aimé, le livre, je me suis précipitée au cinéma pour voir l’adaptation filmée. En général, le film qui a un format de 1h30 ou 2h, doit faire des choix dans le récit se focalise sur un aspect tandis que le livre prend son temps. Et le propos est souvent appauvri. 

Curieusement Nanni Moretti a puisé dans le livre l’idée générale, des dialogues entiers s’y retrouvent mais il a « complété » l’histoire. Le mari de la juge, apparait bien vivant dans les deux tiers du film et l’homme que rencontre la juge est à peine esquissé. 

En revanche, l’adaptation à l’Italie et Rome d’aujourd’hui est très réussie. Pas de forum gauchistes, à la place un vestiaire où Dora, la Juge, porte les vêtements de son mari décédé. Le personnage de la jeune mère délaissée est aussi plus fouillé que dans le livre.

En définitive, le film est un objet indépendant du livre,  il convient de les voir séparément et de ne pas les comparer!

https://youtu.be/5aaq2sAgcl8

Bon film, j’aurais dû attendre un peu!

Mon Festival de Cannes à Créteil aux cinémas du Palais : Annette

Tapis rouge!

Il fallait fêter dignement le retour au Cinéma! pendant tous ces confinements je suis passée désolée devant la vitrine des Cinémas du Palais vides. Dès que cela a été possible, je suis retournée pour combler ce manque.

Adieu les Cons a été le premier, puis bien d’autres. Mention spéciale à Nomadland et aux Indes Galandes qui m’ont enthousiasmée, plus récemment Kuessipan.

Il fallait faire une véritable fête du Cinéma (pas celle qui donne des réductions et qui pousse les paresseux dans les salles obscures), non une vraie fête avec buffet et bulles, tapis rouge et même palmiers. Je n’ai pas regardé le titre du film. Ce qui était important à mes yeux : la Fête a été très réussie.  Sentir les autres vibrer, communier. Tellement différent du petit écran à la maison qu’on délaisse pour répondre, au téléphone, faire pipi…

Découvrir en avant-première, en même temps qu’à Cannes un film. réalisateur reconnu. Ne pas avoir lu de critiques. Etre surprise.

Je ne savais pas qu’Annette de Leo Carax était une comédie musicale, encore moins que c’était chanté en anglais. J’aurais peut être hésité. je ne sais pas pourquoi je n’ai pas vu les autres films du réalisateur. J’en ai entendu parler mais jamais vus.

Sûr que Léo Carax fait de belles images, peut-être trop belles, comme celles de la publicité. Une Amérique rêvée, avec deux vedettes (Marion Cotillard en Diva, Adam Driver, en humoriste, provocateur). Ils sont beaux, amoureux, riches, célèbres. Ils ont une maison de rêve, quel jardin! quelle piscine! un yacht! Et déjà, je décroche, trop c’est trop.

Heureusement, cela dérape. Après un accouchement en chansons (quel mauvais goût) , le bébé qui arrive est une sorte de marionnette hideuse,  que ses parents trouvent très belle et qui me met mal à l’aise. Et l’Amour idéal se détraque, jalousie ou indifférence, la croisière tourne à la tempête….On est sorti de la bluette et du roman-photo, le virage tragique étant amorcé cela pourrait peut-être me toucher?

Bébé-Annette se met à chanter, et je n’y crois pas du tout.

Après plus de deux heures je vois avec soulagement le générique de fin. En général, je reste toujours jusqu’à la fin – sorte de politesse de ne pas me lever avant que les lumières ne se rallument. Cette fois-ci, je suis impolie.

Et déçue.

Merci aux Cinémas du Palais, pour cette belle fête, même si je n’ai pas aimé le film.

Soudan – deux films et un livre : Talking about trees, Tu mourras à 20 ans, The Longing of the Dervish

AU FIL DU NIL

Lorsque nous visitions Abou Simbel, le Soudan n’était pas loin, les voyageurs de  Mort sur le Nil pouvaient alors naviguer d’Assouan à Khartoum sur le fleuve. Au Musée de la Nubie d’Assouan, les Pharaons noirs étaient ils nubiens ou soudanais? Au retour de nos vacances égyptiennes, il m’a semblé logique de courir au cinéma voir ces deux films. 

Pour visionner les bandes annonces et lire les billets que j’ai publié sur mon blog Toiles Nomades blogspot cliquer sur les liens sur les titres

TALKING ABOUT TREES

TALKING ABOUT TREES    est un documentaire de Suhaib Gasmelbari qui a filmé avec humour, ironie et délicatesse les quatre cinéastes Ibrahim, Suleiman, Manar et Eltayeb, qui ont fondé le Sudanese Film Group . Rentrant d’exil, leur seule ambition est de restaurer un cinéma de quartier pour faire revenir le cinéma qui a disparu en 1989 avec l’avènement d’Omar el-Bechir et de sa dictature islamique.

Les quatre cinéastes vieillissants retrouvent les films qu’ils ont tourné jadis à l’étranger. Leur entreprise rencontre toutes sortes d’embûches, elle est même vouée à l’échec. Sans se décourager ils cherchent les autorisations, nettoient, bricolent et ont l’air de s’amuser comme des gamins. Et on s’amuse avec eux. 

De l’émotion également! pour l’amour du cinéma!

TU MOURRAS A 20 ANS

TU MOURRAS A 20 ANS

C’est un film de fiction récent d‘Amjad Abu Alala qui a reçu un Lion d’or au Festival de Venise 2019. C’est aussi le 8ème film de fiction soudanais.  

Tu mourras à 20 ans ne m’a pas déçue! C’est une fiction s’inspirant d’un roman de Hammour Ziada.
Dans un village au bord du Nil, un enfant est présenté à sa naissance à un chef religieux au cours d’une cérémonie colorée et pittoresque. Le cheikh le baptise Muzamil et prédit qu’il mourra à 20 ans. Muzamil va vivre toute son enfance cette malédiction. Son père fuit ce destin inéluctable et prend la route de l’exil, sa mère revêt des vêtements de deuil alors que l’enfant est vivant et trace au charbon les bâtons comptabilisant les jours que Muzamil a déjà vécu et qui le rapprochent de l’échéance fatale. Tout le village voit dans Muzamil un mort en sursis, les enfants qui l’enferment dans un simulacre de cercueil, l’imam qui prêche la pureté et l’embauche pour servir à la mosquée et même Naima, une jolie fille qui en est amoureuse mais qui se fiance à un garçon promis à la vie.
Dans une maison anglaise, à l’écart du village, vit un réprouvé : Soleiman qui a parcouru (et filmé) le monde, qui boit et qui s’attache à Muzamil, essayant de le faire réfléchir par lui-même et échapper à ce destin mortifère.
Le film se déroule dans un décor naturel somptueux :  maisons de terre, mausolée, beauté du paysage et des habitants, étrangeté des cérémonies. Tout concourt à un voyage magnifique.
Peut on échapper aux croyances? A un destin choisi plutôt que prédestiné?
Un hymne à la liberté.
THE LONGING OF THE DERVISH
J’ai été tant impressionnée par le film d’Amjad Abu Alala que je’ai cherché le roman de Hammour Ziada. De cet auteur, j’ai pu télécharger en anglais le livre The Longing of the Dervish, lauréat du Prix Naguib Mahfouz pour la littérature arabe 2014, traduit en anglais mais malheureusement pas traduit en français. 
Les débuts ont été difficiles. Ce roman historique se déroule pendant les guerres mahdistes ( 1881 à 1899), entre turcs, égyptiens et anglais qui combattirent le Mahdi, j’ai commencé à me perdre. Ignorante également de la géographie du Soudan, j’ai eu bien du mal à me repérer. Sans oublier les noms des personnages…. Le plus difficile provient de la structure même du roman qui ignore la chronologie, flash-back ou changements de narrateur. Il se lit comme un puzzle dérangé : par pièces éparses que le lecteur doit imbriquer.
Le héros Bakhit Mandil est soit esclave, soit prisonnier (soit les deux à la fois). En prison, ses conditions de détention sont éprouvantes : il est enchaîné, parfois oublié. On fait parfois travailler les prisonniers qui se louent à la journée ou à la tâche. Vendu à plusieurs reprises, Bakhit entretient avec ses maîtres des relations variées. Quand il se libère, il devient dervishc’est à dire soldat du Mahdi et il est entraîné dans des campagnes sanglantes. Mais la servitude qui le lie est la vengeance qu’il poursuit. 
(c) Defence Academy of the United Kingdom; Supplied by The Public Catalogue Foundation
Au fil des chapitres l’histoire se construit, on apprend à connaître les autres personnages :  Théodora la religieuse grecque réduite elle aussi en esclavage, et tous les compagnons d’infortune ou de combat.
Roman historique, c’est aussi un roman d’amour . Bakhit ne vit que pour cet amour, Théodora le compare à un héros shakespearien. Ce n’est pas la seule histoire d’amour du récit. Malgré la religion très prégnante, malgré la pudeur des femmes, malgré les combats qui occupent les hommes à temps plein pendant des années, des amours puissantes se nouent, des intrigues fleurissent. 
Guerre de libération nationale du Soudan qui s’est trouvé sous le joug des Turcs, puis des égyptiens, des anglais, c’est aussi une guerre de religions. L’islam rigoriste du Mahdi est différent ce l’islam des turcs ou des égyptiens. Le Mahdi veut établir un califat au Soudan. Cet aspect des luttes est encore très actuel. Des milliers de jeunes hommes quittent famille, femme, affaires, pour le djihad, et se lancent dans des campagnes sanglantes où ils massacrent d’autres musulmans. on pense à Daech, à bokoharam.  On pense aussi au dictateur Omar el-Bechir qui règnait encore l’an passé à Khartoum. 
C’est donc un roman très riche, très prenant au fur et à mesure qu’on range les pièces du puzzle. Dommage qu’il ne soit pas traduit!
Theodora écrit dans son journal :
Bakhit Mandil isn’t like this city. If any of these memoirs were to be published in a book, it would have to mention Bakhit Mandil. He was different. He was an example that Western reader would be surprised to discover. Western litterature ought to write about changing ideas on love. He was like a lover from one of Shakespeare’s plays who had landed inadvertently in a savage country. If he hadn’t be black? If only he hadn’t been a dervish slave. The worst mistake is to become attached to anyone in any way. I don’t want to become like Bakhit.
Bakhit Mandil n’est pas comme cette ville. Si ce journal devait être publié dans un livre, il faudrait mentionner Bakhit Mandil. Il était différent. il était un personnage que le lecteur serait étonné de découvrir. La littérature occidentale doit écrire sur les idées changeante en amour. Il était comme un amoureux des pièces de Shakespeare ayant atterri par inadvertance dans une contrée sauvage. S’il n’avait pas été noir, Si seulement il n’avait pas été un esclave dervish. La pire erreur est d’être lié à quelque un de cette manière. Je ne veux pas devenir comme Bakhit, écrit-elle.
J’aurais pu copier le dialogue où les combattants, les dervishes se demande ce qu’il est arrivé de la pureté de leurs intentions, de leur foi après tant de massacres

 

 

Nada queda sino nuestra ternura

J’aime qu’un film me transporte très loin dans l’inconnu , et le dépaysement fut total!

Sébastien est un ami qui a fondé Voix Nomades où mon premier blog fut hébergé et qui était une communauté chaleureuse que j’ai quitté à regrets.J’ai suivi de loin ses explorations andines et j’ai beaucoup aimé son livre chez Transboréal : L’Appel de la Route ainsi que son premier film La Voix des Andes.

Nada queda sino nuestra ternura met en scène des Indiens après les « violences  » : guérilla entre le Sentier Lumineux et les forces armées régulières – ou plutôt des femmes victimes de cette guerre. 
Ni le réalisateur, ni les femmes ne prennent parti clairement pour les « terroristes » ou pour les forces gouvernementales. Elles fuient la violence, les fusillades, et semblent victimes involontaires d’enjeux qu’elles ne saisissent pas. Pour elles, il n’y a que fuites, massacres, charniers et destructions. Pourtant nous ne les voyons jamais abattues. pour se donner du courage elles chantent.

Il y a beaucoup de musique  dans ce film. Chants de révolte. Folklore mais pas que, le rocker ancien policier, chante une musique électrique. 



Il y a beaucoup de pauvreté, beaucoup de souffrance et toujours la dignité de gens debout qui marchent, franchissent des ponts sur des abîmes, voyagent, s’entraident. 

Beaucoup d’émotion

Il me faudrait me documenter davantage pour tout comprendre. Mais ce n’est pas nécessaire pour apprécier ce film sensible et si beau. 

Merci Sébastien!

le chanteur de Gaza – Hany Abu-Assad

C’est une histoire vraie, celle de Muhammad Assaf qui a gagné le télé crochet Arab Idol après s’être enfui clandestinement de Gaza en 2012 et qui est devenu ambassadeur des Arts et de la culture de l’Unesco. Lire lCI
C’est un de ces rêves que nourrit la télévision, on pense à Slumdog Millionnaire. 
Le metteur en scène Hany Abu-Assad aime filmer – et filme très bien –  les courses des enfants, déjà dans Omar, le héros courait vite. 


Dans la première partie, 4 enfants courent à travers Gaza, dans les ruelles, de toits en toit, rattrapant même un homme à vélo. 4 amis qui veulent former un groupe musical et qui n’ont que des bidons …mais Nour est exigeante, sous sa casquette à l’envers, Nour est une fille, cela ne se voit au début. C’est elle qui rêve de matériel professionnel et qui motivera les garçons, le chanteur c’est son frère Muhammad. 
Cette première partie du film, en 1905, est une réussite totale, rythme, action, musique et drame. 

La seconde, 2012 dans Gaza en ruine raconte le concours. Elle inclut  les véritables images du concours, le triomphe de Muhammad Assaf après ses épreuves pour rejoindre le Caire. Elle montre les ruines, l’évolution de Gaza. un des amis du groupe, devenu barbu veut interdire la musique. Laissera-t-il son ami passer la frontière?