Soajo et Lindoso : villages de montagne à la frontière espagnole

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Mon téléphone se prend pour un GPS même sans Wifi, sauf qu’il refuse de s’adapter. Quand nous lui désobéissons à Braga refusant de prendre l’autoroute, il devient muet.  La petite ville  de Villa Verde est dans une campagne assez peuplée. Puis la route continue vers le nord, franchit un petit col. Dans les hauteurs, elle passe par des forêts d’arbres magnifiques : très hauts eucalyptus, chênes énormes, pins châtaigniers. Ici, les arbres se développent bien. Dommage que le feu ravage de nombreux sommets. Ensuite, la campagne est très verte avec des vues très plaisantes sur les sommets déchiquetés. A Ponte da Barca on remonte le cours de la rivière Lima qui forme de véritables lacs de barrages dans la vallée resserrée.

Nous franchissons la rivière Lima au barrage de Lindoso où il y a une vieille centrale électrique pour arriver à Soajo.

Ermelo
Ermelo

Juste avant le village, un écriteau nous détourne vers le Monastère de S. Bento à Ermelo. La route en corniche passe nettement au dessus du village et du monastère que nous ne découvrons qu’en rebroussant chemin. C’est un beau monastère cistercien en pierre claire – il vient d’être restauré – dans un village de très vieilles maisons accessible uniquement par une rampe « interdite aux tracteurs » équipée d’un escalier en son milieu et de deux rampes pour aider à la remontée. Récemment s’est tenu une fête, des arches en contreplaqué peint portant de petites ampoules électriques enjambent la rampe. En bas, on s’affaire pour ranger les décorations et les supports des cierges. Dans l’église, le Saint se tient sur son brancard avec un bouquet d’œillets rouges.

La date de fondation du monastère est inconnue.  La première référence est 1220.  On sait qu’au 14ème siècle il fut en crise à cause de la Guerre de Cent ans et de la Peste Noire et qu’il fut concédé à l’église de Britelo. Dès 1441, il fut reconstruit et plus tard il fut décoré par des peintures 17ème siècle et le chœur lambrissé avec des colonnes dorées. Sur un écran informatif, on voit une très belle fresque que j’ai cherchée mais pas trouvée. Les moines cisterciens introduisirent dans la vallée d’Ermelo la culture de l’orange qui a prospéré grâce à un microclimat très doux. Le village est niché dans les orangeraies.

vignoble
vignoble

Soajo

Soajo est un village niché dans la montagne qui culmine à 1400m. L’habitat est aussi dispersé avec de nombreux hameaux. Soajo est recommandé par l’appli VisitPortugal mais ce n’est pas du tout un village touristique. C’est un village tout simple avec de vieilles maisons de pierre et de grandes maisons neuves, des routes goudronnées, des ruelles dallées proprement. C’est un village tout simple ; pas riche mais pas miséreux. Deux curiosités : un pilori sur la place de l’église, gros poteau de granite brut portant un visage grossièrement taillé, sculpture minimaliste fort ancienne.  L’autre curiosité est une concentration d’espigueiros(greniers à maïs ). Nous en avons vus en Galice. En forme de petites maisons longues perchées sur des pilotis, ils sont en granite avec des fentes verticales pour le séchage ; longs de 3 ou 4m, ils sont juchés sur des poteaux et reposent sur des disques. Ils sont regroupés sur un rocher granitique. En regardant par les portes de bois, on voit les restes du mais de l’an dernier entassé au fond.

Espigueiros
Espigueiros

Je vais me promener dans les petites rues à la recherche d’un restaurant ou d’un bar. Dans un bar, des ouvriers déjeunent au fond de la salle. La boulangerie fait aussi épicerie de dépannage avec du jambon blanc et du chorizo.

Nous trouvons notre déjeuner sous un saule tortueux, sur une terrasse ne payant pas de mine en contrebas de la route à l’écart du village. Sur une ardoise le menu est annoncé : 5.5€ plat du jour, soupe boissons. Le plat du jour est du lapin avec des pommes de terre. Je commande une demie -dose (comme l’a recommandé la dame de l’avion) trois gros morceaux.

Lindoso

les rues pentues sous les tonnelles de Lindoso
les rues pentues sous les tonnelles de Lindoso

Lindoso, à la frontière espagnole, est un village très pentu construit à flanc de montagne, caché derrière ses tonnelles de vigne. Les Portugais conduisent leurs vignes en hauteur à parfois 3 même 4m sur des piquets de granite ou de ciment ou sur des tiges métalliques, parfois de grands arbres. Les tonnelles vont d’un champ à l’autre, d’une maison à l’autre formant un tunnel au dessus de l’étroite route pavée. Monter à Lindoso en voiture est une hérésie pourtant plusieurs voitures sont garées sur des parkings improbables. Comment font-ils ? Contrairement à Soajo qui s’est adapté à la modernité Lindoso au flanc de la montagne reste plus traditionnel. Les pavés cachent les canalisations d’eau. Quand nous étions venues il y a 16 ans j’avais gardé dans mon souvenir les grosses dalles inégales et le ruisseau qui coulait au milieu de la rue qui ressemblait à celle de Citânia de Briteiros. Peut être ma mémoire avait exagéré ? Le GR rouge et jaune traverse le village. Je me promène tranquillement, dérange deux ou trois chats qui faisaient la sieste au milieu du chemin puis je descends sous les tonnelles ;

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Dominique est installée au café sous la vigne et sous les kiwis. Dans la salle, des vieux jouent aux cartes. Le long du mur, une famille est installée. Le gamin a l’air terrible. Trois chiots se roulent par terre.

Castro et Castelo à Povoa de Lanhoso

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Povoa de Lanhoso possède un château (Castelo) et un village de l’âge du fer (Castro) sur la colline qui domine la ville. Cette colline de 385m d’altitude est une extrusion granitique très étonnante. A la sortie de la ville la route s’élève dans un bois bien sombre, puis une chaussée pavée grimpe au sommet. A une épingle à cheveu on découvre les fondations circulaires des huttes du Castro similaires à celles de Citânia (mais au bord de la route). Je suis blasée et passe sans m’arrêter.

povoa collineEn haut, il y a foule. Impossible de garer la voiture. Dominique me débarque et je monte sur la roche à nu jusqu’à un sanctuaire (1640) en granite gris décoré d’azulejos. Le chœur est gardé par deux grandes statues de bois, la Vierge est dans une niche blanche et dorée. Un peu plus haut, au sommet, le château fort  a été très restauré : son donjon carré, son chemin de ronde sont en parfait état. Dans le donjon, une exposition de panneaux illustrés retrace l’histoire de ce lieu habité depuis la Préhistoire et du château élevé en 1121. Au 17ème siècle, il servit de carrière pour l’édification du sanctuaire. Il fut remonté en 1940 sous Salazar.

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Belle promenade à pied à la descente sous de grands arbres.

les boules rappellent le filigrane spécialité des bijoutiers de la ville
les boules rappellent le filigrane spécialité des bijoutiers de la ville

Citânia de Briteiros

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Une rue de la cité de l'âge du Fer
Une rue de la cité de l’âge du Fer

La campagne bruit des cloches et des chants de la Messe quand nous prenons le petit déjeuner sur la terrasse.

Mon smartphone prend des initiatives : non seulement il me géolocalise et m’envoie la météo du point où je me trouve mais encore il m’envoie des suggestions de visites : Citânia de Briteiros est à 11km , il me sert même de GPS alors que ne lui ai rien demandé. Dans la voiture une voix féminine continue à nous guider même loin de la wifi qui ne traverse pas les murs. Nous avons déjà visité Citânia il y a 16 ans, en avril, sous la pluie. J’en avais gardé un excellent souvenir.

Une haie d'agapanthes
Une haie d’agapanthes

Dès que nous quittons la route 310, la route est bordée d’une rangée d’agapanthes bleues parfois blanches qui se mêlent aux hortensias, faisant une jolie haie d’honneur conduisant au petit village de S.Sebastiao de Briteiros, interrompue par un très beau portail aux portes de bois vert encadrées par des montants jaunes munis de pointes. L’église et son clocher banc aux parements de pierre portent des plaques gravées. Au sommet du clocher une sphère armillaire rappelle, même dans les montagnes  la vocation maritime du Portugal, patrie des grands navigateurs. Au pied de l’église le cimetière est fleuri de frais. Sur chaque tombe se trouve un très bouquet d’immortelles bleues et blanches ou de glaïeuls oranges ou rouges disposés à la manière des fleuristes. Un curieux monument en forme de hutte ronde est érigé en souvenir de 70 passagers victimes d’un naufrage : la porte incisée d’une svastika attire mon attention. La place de l’église est pavée et très en pente ; Les maisons autour en granite sont charmantes derrière leurs roses. De là part un GR.

maisons de granite à Sao Sebastiao de Briteiros
maisons de granite à Sao Sebastiao de Briteiros

Citânia de Briteiros

Le site de Citânia de Briteiros est perché sr une colline boisée (337m). Citânia est une cité de l’âge de Fer étudiée dès la fin du 19ème siècle par l’archéologue Martins Sarmento. Elle compte plus de 150 maisons. Depuis notre premier passage, un Centre de visiteurs a été construit. On nous donne un plan détaillé pour une visite libre. La rue principale monte à l’oppidum puis le circuit gagne les bains tout en bas.

Citânia de Briteiros : maison circulaire
Citânia de Briteiros : maison circulaire

Un empilement d’artefacts ronds rappelle l’importance de la culture des céréales (blé, millet, avoine) : ce sont des moulins manuels de pierre facilement reconnaissables.  La  rue pavée est bordée d’un petit canal,  parfois couvert,  qui conduit l’eau d’une source à travers tout le village jusqu’aux bains. A un angle de la rue, on reconnait un abreuvoir rectangulaire. Les murettes le long des rues sont moussues et portent des plantes grasses à fleurettes roses très gaies. De chaque côté on reconnait les bases des maisons circulaires et un peu plus loin, les structures orthogonales de villas rappelant les villas romaines. Les ruines se trouvent dans un bois de chênes verts et de chêne-liège. On a tondu ras la bruyère et les  fougères – le site est bien entretenu. Ce site me rappelle le site de Romancesu en Sardaigne à cause des grandes cases rondes, des chênes liège e du granite. IL est pourtant différent, on n’a pas mis en évidence de bassin rituel ni de temples. A Citânia ce sont plutôt les 4 lignes de remparts protégeant la ville qui sont remarquables. Une grande case communautaire de plus large diamètre permettait aux assemblées de se tenir. Elle n’a pas été construite n’importe où . De là, on avait une vue dégagée sur le cours des rivières Ave et Cavado, routes fluviales important des marchandises de la Méditerranée. On pouvait aussi surveiller les pâturages sur les sommets. L’acropole était habitée  La notice indique que les habitations familiales avec des structures destinées au rangement des outils ou au stockage de la nourriture ainsi que des citernes. Le mur d’enceinte large d’un mètre en appareil cyclopéen est d’une solidité étonnante.

Dans la montagne, résonnent des carillons et les chants de la Messe. Deux huttes circulaires ont été remontées sous les directives de Francisco Martins Sarmento. Il y a aussi une chapelle et un cimetière chrétien démontrant une occupation autour du 10-11ème siècle.

Citânia de Briteiros : bains
Citânia de Briteiros : bains

Je ne regrette pas d’avoir poussé la promenade jusqu’aux bains en bas de la colline. Ils n’ont rien à voir avec des thermes romains. De petite taille, l’établissement était compartimenté entre vestiaire,  bain froid et sauna. On jetait de l’eau sur les pierres brulantes. Une « belle pierre » (pedraformosa) sculptée en fermait l’entrée ; elle était percée d’une ouverture très petite à la base pour garder la vapeur. En automne et en hiver, on recouvrait le hall d’un « matériau périssable » (?)pour l’isoler. Rien à voir donc avec les grands établissements avec piscines, galeries et gymnase des Romains. La position éloignée du village exclue aussi l’hygiène quotidienne ?

Le billet d’entrée au site est combiné avec celui du Musée de Briteiros, 2 km plus bas, installé dans la maison-même de l’archéologue Francisco Martins Sarmento : le Solar da Ponte. L’étage supérieur est consacré à l’archéologue lui-même. On voit son bureau, sa bibliothèque, le piano sur lequel sa femme jouait. Des vitrines contiennent son matériel photographique (grandes chambres à soufflet) ses photographies et ses carnets de terrain.

Des ouvrages d’archéologie font un panorama des recherches à son époque : Schliemann sur Troie et Mycènes, Boucher de Perthes, études sur l’Egypte, la Mésopotamie. Ouvrages de Sarmento sur les Argonautes.

camilo castelo bracoDans cette maison, se réfugia aussi l’écrivain – ami de l’archéologue – Camilo Castelo Branco. J’ai son roman Amour de Perdition sur ma table de nuit au gîte !

 

Au niveau inférieur sont présentées les trouvailles intéressantes du site, en particulier les éléments de décoration : des linteaux découverts par Samento (1874-1883). La plupart sont interprétés comme des symboles procurant une protection spirituelle : doubles cordes, volutes…Datés de 2ème siècle av JC jusqu’à 1er siècle AD . On voit aussi une tête humaine (bien usée-) une tête de sanglier et un groin de pierre ainsi que divers éléments de céramique décorée, des outils métalliques et des ornements. Un pressoir à vin en granite a été remonté.

Pedra formosa
Pedra formosa

Au fond de la pièce une magnifique Pedra Formosa servant d’entrée aux bains de vapeur est beaucoup plus ornée que celle visible sur le site. La dame de l’accueil recommande de faire une visite virtuelle du site sur www.msarmento.org et pedraformosa.blogspot.com.

Bel endroit pour un pique-nique?
Bel endroit pour un pique-nique?

Comme il est midi, nous songeons au déjeuner. A l’entrée de Briteiros, au bord de la rivière (bien à l’étiage) court une promenade plantée d’agapanthes, ombragée, équipée de bancs de pierre et de tables à pique-nique. L’endroit est idéal face à un petit pont. Mais nous n’avons pas de provisions. J’avise une pâtisserie qui vend aussi des pizzas.

Un monsieur, son pain sous le bras, nous interpelle :

  • « vous êtes perdou ?»
  • « non, on cherche à déjeuner ! »
  • « cela se mange mieux à Povoa, dans la vieille ville, pas dans la nouvelle, il y a plein de restaurants pas chers et très bons. Vous n’allez pas acheter leurs pizzas ! »

Nous renonçons donc au pique-nique au bord de la rivière.

L’église de Sao Sebastiao est ouverte et chantante. Les bouquets blancs à l’entrée signalent un mariage. L’église est pleine, on a même installé dans la chapelle latérale un écran plat où l’assistance peut voir le curé. Des azulejos blancs et bleus décorent les murs. En l’honneur des mariés on a fait un chemin avec des marguerites blanches. Cette église a une chorale, à l’étage, avec des vrais musiciens. Plaisir de rencontrer des villageois.

La route de Povoa passe devant un grand supermarché ouvert 7/7 , de 9h à 21h. On achète donc de quoi manger sur la belle table de pierre à l’ombre d’un velum. Puis je file à la piscine.

notre gîte à Povoa de Lanhoso

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la merveilleuse piscine naturelle du gîte de Povoa
la merveilleuse piscine naturelle du gîte de Povoa

Le GPS est irrémédiablement cassé, la carte date de 1999. Comment allons- nous arriver à Braga puis au gîte de Povoa de Lanhoso ? J’ai même oublié de télécharger le plan. Finalement, tout se passe bien. L’aéroport se situant au nord de Porto, je demande aux passants la direction de l’aéroport. On trouve ensuite l’autoroute de Braga et la direction de Chaves. Au bureau de tourisme la dame appelle le propriétaire qui vient nous chercher. A 17h, nous sommes installées.

Povoa de Lanhoso est un gros bourg entouré de nombreux hameaux (villages ?) dans une vallée cultivée de maïs et de vignes,  entourée par des montagnes arrondies recouvertes (ou non)  de forêts. La petite ville a un centre ancien, une place plantée de vieux arbres dont les troncs sont curieusement habillés de laine colorée tricotée pour eux. En dessous, des bancs et un théâtre de verdure. Autour les maisons semblent anciennes. L’Office de Tourisme crépi de rose orange, occupe une belle maison. Non loin de là, les quartiers modernes forment une ville impersonnelle  avec des rues qui se coupent à angle droit et de grands ronds-points. Les hauts immeubles longent la route principale tandis qu’un champ de foire fait tout à fait rural en bordure d’un quartier de pavillons. De l’autre côté de la ville, en bordure de route, des écoles, un hôpital, des centres administratifs sont ceux d’une petite cité. L’ensemble hétéroclite nous déroute et nous nous sommes copieusement perdues en cherchant Intermarché.

Notre gite se trouve dans le village de Villela, village diffus dans la campagne. Au loin on devine le clocher d’une église et quelques maisons. Finalement partout c’est construit.

Granite
Granite

Notre maison est enclose de hauts murs moussus de belle pierre de granite avec deux portails métalliques gris. La maison est une longère partagée en deux gites. Chacun s’ouvre sur un perron par lequel on accède en montant trois marches et de l’autre côté chaque gîte a une terrasse donnant sur une cour gravillonnée fleurie d’hortensias bleus avec un jeune olivier et un figuier qui s’adossent au mur. De l’autre côté de la maison, le terrain est planté d’une vigne très haute. Une allée est bordée de rosiers blancs et rouge qui embaument ; d’althéas bleus et d’arbustes exotiques au feuillage lobé comme des acacias et aux fleurs oranges.

Le joyau de la maison est la piscine « naturelle » ou piscine écologique : un bassin communique avec une bordure plantée. Un tissu feutré délimite la zone de baignade, puis plus loin un grillage. Dans une première bordure les plantes sont dans des casiers en plastique, plus loin, dans des galets blancs d’autres végétaux ont leur racine en terre, petits arbustes, jacinthes d’eau bleues, nymphéas jaunes. Les plantes recyclent l’eau tandis que la piscine est constamment alimentée par un tuyau. Fernando a conçu cette piscine écologique en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Braga. Elle ne nécessite aucun traitement chimique. D’après lui, l’eau est comme celle d’une rivière à l’eau courante sans cesse renouvelée.

Le thermomètre marque 20°. C’est frais d’entrée mais après quelques brasses  je me réchauffe. Je nage en compagnie des nombreuse grenouilles dans une eau très verte parce qu’il y a des algues (qui a dit que les algues étaient néfastes ?).

qui connaît cette fleur?
qui connaît cette fleur?

La maison est une construction traditionnelle en granite mais l’intérieur est contemporain – très classe. Sol de granite foncé, poli, lisse et brillant. Murs blancs. Plafond de bois sombre. Placards dans les murs, à boutons métalliques. Dans la salle, un canapé gris brun fait face à une cheminée à insert. Seuls meubles colorés la table et les chaises de bois clair. La cuisine est très moderne en métal poli, placards blancs, jolie hotte, très sobre. Dans la chambre toujours ce parti-pris de sobriété : placards muraux blancs, lit gris-brun, couvre-lit et oreillers blancs. Les tables de nuit sont un peu bizarres, triangles aux angles arrondis supportant des lampes originales. La salle de bain joue avec d’autres matériaux : bois clair en baguettes carrées, comme du caillebottis, contenants en crochet écru formant des boites carrés mais souples ou des vide-poches. La douche italienne est séparée par un panneau de verre. Le lavabo est un évier ancien. Tout est nickel. La wifi marche bien dans la chambre mais les ondes ne franchissent pas les épais murs de granite.

Fondation Serralves musée d’Art Contemporain

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Musée d'Art contemporain
Musée d’Art contemporain

10h30 – nous quittons sans un regret notre chambre de l’hôtel Istay. Le gardien du parking nous conseille de suivre la signalisation Boavista ; je me repère un peu mieux sur le plan dans les embouteillages de la Place Batalha puis dans les rues qui contournent le marché Bolhao. Autres repères : la Casa de Musica et l’immense place ronde avec son gigantesque monument aux guerres napoléoniennes avec l’aigle et le lion perchés sur une haute colonne.

Le quartier traversé par Boavista est très différent du Centre Historique, construit de grand immeubles, d’hôtels modernes, puis de très belles maisons à mesure qu’on va vers la mer. On quitte Boavista à un rond point portant une belle sculpture moderne pour arriver à la Fondation de Serralves- Museu de Arte contemporain qui se trouve dans  un parc dessiné dans les années 1930 autour de la Maison Serralves, rose, Art déco résultat de la collaboration de décorateurs français Lalique, Brandt et Ruhlmann. Les arbres sont magnifiques. Le parc mérite à lui seul la visite : sa roseraie, son jardin de camélias,  les jets d’eau des bassins turquoises qui s’étagent, l’allée des liquidambars et les différents bosquets. Des statues sont dispersées dans les jardins : un énorme plantoir rouge qui n’est pas très convainquant, un jeu de glaces et de miroirs cachés dans les frondaisons m’a plus intéressée (sans plus). J’ai donné rendez vous à Dominique près de la Baigneuse de Maillol avant d’entreprendre la visite du Musée d’Art contemporain.

visite du Musée d’Art contemporain

J’ai beaucoup de mal avec  l’art contemporain. Pourtant j’essaie, je tente, je persévère. Persuadée que l’œil s’éduque, que le regard s’affine, qu’il me faut me familiariser avec de nouveaux codes, de nouvelles technologies, j’arrive toujours pleine d’enthousiasme. Parfois j’éprouve du plaisir, parfois non. Quelques fois, je sors irritée persuadée qu’on prend le spectateur pour un imbécile – foutage de gueule prétentieux.

Ce Musée d’Art contemporain de Porto a de nombreux points communs avec le MacVal de Vitry  – une architecture intégrée dans la verdure, de longues salles blanches bénéficiant de l’éclairage naturel par de grandes baies, de hautes salles aveugles pour des projections vidéos ou numériques. Beaucoup d’espace, peu d’œuvres, très éclectiques.

Au Macval j’avais apprécié Ange Leccia dont les projections procèdent de la même technique avec les vidéoprojecteurs. Je m’étais installée pour être au centre de l’installation.

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Ici, l’installation est déplaisante. Je suis accueillie par un concert de sons discordants à plein volume, carrément agressée. Je n’ai aucune envie de me poser et de me laisser entourer par toutes les projections sur les murs. L’art a-t-il vocation à être agréable ? Où à faire réfléchir ? On croirait une mauvaise copie de philo. Le sujet prête plus à réflexion qu’au plaisir. Le titre « sous les nuages » est équivoque. Le sous-titre : « sous le nuage du champignon atomique ou sous le cloud digital » explique la débauche de violence bombardée par une armada de vidéoprojecteurs dont les fils s’entrecroisent, on ne s’est même pas donné la peine de les cacher !

Dans les salles suivantes les œuvres sont variées. Je découvre un groupe d’artistes des années 50 qui se présentait lui-même comme « atomique » était-ce alors positif ou négatif ?

Une vidéo montre des tirs ciblés : « la guerre doit être précise pour être économique » peut-on lire en sous-titre d’une vidéo où un homme traverse un patio ; entouré par un lasso numérique. On dirait un film publicitaire d’un marchand d’armes.

Heureusement il existe aussi des installations plaisantes. Deux personnages à silhouette de play-mobiles cherchent à nouer une relation et cherchent un sujet de conversation. L’un d’eux propose de visionner 8 ½ de Fellini. On assiste à une séquence très étrange où Mastroianni, cinéaste, se suicide pendant une conférence de presse.

Je parcours à grands pas cette exposition, curieuse mais peu désireuse de m’y attarder.

Le thème suivant « Un Musée peut-il être un jardin »  est plus prometteur. Le visiteur y est accueilli par des cris des animaux de la jungle, singes et oiseaux.  Un long couloir blanc mène à une salle où les baies vitrées laissent le parc entrer dans l’espace.  Au milieu de la pièce un massif de plantes tropicales en plastique complètent l’effet. Les tableaux exposés aux murs sont colorés ; agréables à l’œil.

Je suis pressée, j’ai rendez vous à la statue de Maillol . Plutôt qu’un jardin-musée, je préfère un vrai jardin, surtout aujourd’hui par cette belle journée ensoleillée et fraîche.

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La roseraie est malade : les buis sont en piteux état. Le coupable n’est pas la pyrale comme chez nous mai un champignon. Les roses ne sont pas à leur avantage au milieu des bordures de buis desséchées.

A travers le parc je rejoins le grand pavillon rose Art déco où une exposition « le salon marocain » m’attire. Il y a surtout des photos 50×50 d’un intérêt variable, des jouets d’enfants, des fossiles, des feuilles de palmier tressées. La belle salle de bain en  marbre rose et aux grilles de fer forgé me plait plus que cette exposition.

Déjeuner sur la plage

Boavista continue vers la mer jusqu’à Matosinhos à l’embouchure du Douro. Les immeubles en bord de plage ne sont guère engageants mais la plage de sable est belle. Vent frais et drapeau jaune, peu de baigneurs vont à l’eau, plutôt des surfeurs et amateurs de paddle. Le beau  restaurant de plage en face du port de Leixoes  sert un agréable déjeuner : poisson en beignet accompagné d’une macédoine de légumes frais très réussie (en général c’est de la conserve).  Les pommes de terre ont bon goût et les pois sont frais, la sauce agréable. Nous célébrons le début des vacances et nos retrouvailles avec l’océan. Pour terminer, promenade rituelle les pieds dans l’eau.

Expo

Ribeira, les bords du Douro et Sao Francesco

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En descendant vers le douro
En descendant vers le douro

L’application VisitPortugal est vraiment pratique :  description très précise des sites touristiques et renseignements pratiques (horaires, numéro de téléphone, prix). Le lien vers Googlemaps donne l’itinéraire, en voiture, en bus ou à pied. Je me propose de visiter l’église Sao Francesco et la Bourse (1.4km, 18mn) .

8h30 : La Rua du Duque Loule fait une grande boucle en corniche au dessus du Douro. De là, des escaliers et des ruelles étroites descendent au niveau bas du Pont Dom Luis 1er. Des guirlandes de papier crépon et de fleurs en papier ornent les murs. Une fête ? Ou simplement le goût de décorer ? La fête de la Saint Jean le 24 juin était la semaine passée. Je remarque à un coin la terrasse miradouro d’un café, vue merveilleuse. Je suis attentive aux détails : une croix sur un seuil, perforations rondes ou fentes au milieu de la ruelle pour évacuer l’eau de pluie…

Sur les bords du Douro on a installé des barrières le long du parcours d’un marathon. La rue s’engage dans un tunnel sous la cathédrale. Escaliers, ascenseurs, tunnels, la circulation à pied ou en voiture est très complexe. Je commence tout juste à me repérer. Il aurait fallu au moins trois jours pour visiter Porto.

Les quais de Ribeira

sur les quais on attend le touriste!
sur les quais on attend le touriste!

Sur les quais, les touristes embarquent pour les croisières sur le Douro. Les marchands ont déployé les nappes aux motifs de coqs, les tabliers matelassés et les torchons imprimés. De petits moulins à vent rouges tournent (exactement ce que nous cherchons pour effaroucher les pigeons). Dans une cour,  sous des arcades, on balaie les cafés qui ont fermé tôt ce matin.  L’ascenseur qui monte à la Cathédrale est fermé. Est-il encore en service ?

Une plaque commémorative en bronze raconte l’effondrement du pont surchargé par les troupes de Soult. J’ignore tout des guerres franco-portugaises dans l’épopée napoléonienne. Inconvénient des voyages individuels : pas de guide pour raconter l’histoire, il faudra que je fasse seule les recherches.

Palais de la Bolsa

9h05, j’arrive au palais de la Bolsa situé sur une grande place 19ème siècle (1834) rectangulaire en pente avec une grande statue au milieu. La place est dominée par les verrières d’une halle aux montants métalliques peints en rouge ; ce n’est plus un marché mais un espace culturel avec cinémas, cafés, expositions ; fermé le matin.

La visite du Palais de la Bolsa est guidée. Elle débute à 9h30, dure 45 minutes en Espagnol, en Portugais peut être même en Français selon la provenance des visiteurs. Il faut s’inscrire. J’hésite. L’église Sao Francisco est située juste en dessous. Je ne sais pas si j’aurai le temps de faire les deux visites.

Eglise Sao Francesco

Sao Francesco
Sao Francesco

Le billet de l’église S Francesco donne droit à l’entrée au Musée d’Art sacré et aux Catacombes. (j’aurais mieux fait de renoncer à ces deux attractions pour arriver à temps à la Bourse)

L’église est coincée entre le palais de la Bourse et la Maison du Tiers Ordre de Saint François (18ème) construite par l’architecte italien Nasoni. Je manque de recul pour photographier la rosace et le porche sous un baldaquin compliqué. Trois femmes lavent à grande eau le parvis. A l’intérieur tout est or (talhadas douradas) tapissant l’église gothique originelle jusqu’à la hauteur des chapiteaux dont quelques uns – romans – émergent des dorures. Ce déploiement doré (200kg d’après un des guides) étonne dans une église franciscaine appartenant à un ordre mendiant.

Des panneaux expliquent que les moines franciscains furent fort mal accueillis au 13ème siècle à leur installation et même furent persécutés par l’évêque de Porto. En 1387, le Roi choisit le monastère pour y épouser Philippa de Lancastre. Au 15ème et au 16ème siècle certaines familles nobles firent de cette église leur « panthéon ». Leur enrichissement pendant les siècles suivants aboutit à ces dorures.  Les talhas douradas datent du 18ème siècle. Le chef d’œuvre est l’Arbre de Jessé : du ventre de Jessé où se déploient les racines s’élève un arbre portant les douze rois d’Israël. On reconnait David à sa harpe et Salomon. Au sommet, Joseph et Jésus. Les personnages sculptés sont très beaux.

Des explications détaillent les styles de ces dorures. Des chérubins abondent entre les feuilles d’acanthes et les grappes de raisin dans la première manière. Plus tard des boutons de roses remplacent les acanthes. Les analyses font état d’influences italiennes et espagnoles churrigueresques. Je pense à mon cher Dominique Fernandez qui m’a fait apprécier le Baroque en Sicile et à Naples en décrivant les putti de Serpotta qui étaient d’une blancheur de sucre. Ici, les angelots joufflus sont très petits, leur visage à peine plus élaboré que les boutons de roses.

Le musée d’Art sacré dans la Maison du Tiers Ordre m’a déçue. La maison est belle, surtout l’escalier double de Nasoni. Aubes et chasubles dorées, mitres incrustées de pierres fines ne me passionnent pas.

Les Catacombes sont sonorisées. Je marche sur des tombes anonymes en bois tandis que d’autres tombes sont empilées surmontées de têtes de mort sculptées. Une sinistre charité portant un enfant a été importée d’un cimetière extérieur ; la pierre malade en augmente le côté effrayant. Bien peu consolatrice, cette charité !

Par les rues de Porto

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S. Ildefonso la belle église bleue de la place Batalha (notre repère)
S. Ildefonso la belle église bleue de la place Batalha (notre repère)

Vendredi 3 juillet 2015 : voyage Porto

Vol TAP très agréable. Orly 7h45. Enregistrement facile. La voisine du siège C est aimable et bavarde. Les deux heures passent très vite.

Porto 24°C, du soleil, 12° de moins que chez nous, délicieuse impression de fraîcheur.

Cela se gâte lorsque je sors le GPS. L’écran tactile est abîmé. Il faut rejoindre l’hôtel à la carte. On essaie d’éviter l’autoroute parce qu’ on a refusé le badge à 18€ qu’Europcar nous a proposé pour le télépéage. Nous devrons nous acquitter des péages à la Poste mais nous n’avons pas bien compris comment. Suivant les flèches Porto Centre,  nous reconnaissons la silhouette de la Casa De Musica, identifions la coupole du Palais de Cristal – pas très cristalline, plutôt métallique. Dans le centre historique,  c’est plus compliqué : on se heurte à des sens interdits, des zones piétonnières. Je demande le chemin aux passants. Tout le monde connaît la Rue Alexandre Hercolano où se trouve l’hôtel Istay mais les indications sont contradictoires. Tout le monde sait comment y aller à pied. En voiture, il faut faire un grand détour par une grande artère en courbe, monter sur un viaduc, et sortir presque de la ville.

L’hôtel  Istay se trouve en plein centre,  à deux pas de la place Batalha. Un arrangement entre l’hôtel et le parking public permet de déposer la voiture (7€/j). La réceptionniste est gentille,  la chambre, une grosse déception : une cellule blanche toute occupée par le lit, même pas une table, une chaise pas de verre, une seule table de nuit. On ne s’attarde pas.

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Place Batalha, nous reconnaissons l’église S. Ildefonso couverte d’azulejos, notre première image de Porto, il y a 15 ans. De là, j’emprunte la Rua Santa Catarina bordée de vieilles boutiques pittoresques.  Je devrais me presser de visiter les églises et musées dont j’ai fait la liste avant le départ. Au lieu de cela, je flâne devant les étalages.  Je prends des photos des vieilles épiceries exposant des conserves de sardines et de thon aux boites colorées, des bouteilles de Porto ou de vin, pâtisseries aux plateaux chargés de pasteis de nata, , de petits flans dorés, de beignets fourrés de crème anglaise très jaune, de cakes aux fruits confits. (On a sauté le déjeuner après la collation de l’avion). J’entre à l’intérieur des salles aux boiseries élégantes. Merceries désuètes.  Le quartier est piétonnier, les touristes sont nombreux.  Quelques vitrines proposent des coqs rouges ou verts imprimés sur des torchons, tabliers, maniques, assiettes ou aimants de frigidaires.  Toutefois, les « souvenirs-made-in-China » n’ont pas encore envahi les étalages. De même, les « marques » globalisées restent discrètes. Un immeuble abrite en même temps C&A et la FNAC. L’uniformisation n’a pas encore gagné.

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Je traîne avec délices, oubliant que je ne dispose que de très peu de temps pour explorer Porto, cherchant le meilleur angle pour cadrer la boutique jaune ou les figures de proue de bois peint qui se dressent devant la boutique des vêtements de cérémonie. La façade du Majestic Café est Art Nouveau, les glaces de la salle me font penser au Café New York de Budapest où la Belle Epoque s’est figée. Différence, à Budapest on refoule les visiteurs qui ne consomment pas, tandis qu’ici l’accueil est agréable.

Café Majestic
Café Majestic

Par la Rua Formosa je parviens devant le Mercado do Bolhao l’heure n’est pas propice à la visite d’un marché, je me contente de la façade surmontée de statues. Les boutiques de semences me rappellent que la campagne est proche. Des grainetiers survivent encore. Les jardineries modernes ne les ont pas encore tuées. Survivances d’un monde disparu chez nous.

pièce montée aux Aliados
pièce montée aux Aliados

Je débouche sur l’énorme esplanade des deux avenues Aliados  dominée par le haut clocher de la Mairie –  Camara Municipal –  de Porto. Les immeubles qui bordent l’esplanade sont monumentaux ornés de caryatides de pignons, fin 19ème siècle début 20ème. Ici aussi, je sens une parenté avec les Boulevards de Budapest. Au milieu de l’esplanade on a « dispersé » des sièges fixes au lieu d’aligner des bancs, c’est plus sympathique. Une fontaine est surmontée par une femme mélancolique et douloureuse symboliste.

Non loin, la gare-  Estaçao Bento – a sa salle des pas perdus décorée d’azulejos magnifiques, bleus et blancs célébrant des batailles anciennes surmontée d’une frise pastorale plus colorée avec des chars à bœufs et des défilés de bestiaux.

La rue du 31 janvier remonte vers l’église Ildefonso  bleue de la place Batalha, elle est bordée de marchands de chaussures.

Le pilori et la Sé
Le pilori et la Sé

La cathédrale, la Sé, est perchée sur une colline. Son parvis est une vaste terrasse Terreiro da Sé d’où la vue est merveilleuse sur le Douro, les caves et les chais, les ponts et surtout le Pont Luis1er avec son double tablier, construit par Eiffel. De la terrasse, côté ville, je peux m’amuser à compter les clochers, celui de Clerigos, reconnaissable, le beffroi de la Mairie, et tant d’autres.

Je me souviens bien du pilori – son unique colonne de granite ouvragé.

Je me souviens moins bien de la Cathédrale elle-même – peut être ne l’avions nous pas visitée ? Elle ressemble à un château-fort avec ses deux tours carrées qui encadrent une fort belle rosace du 13ème siècle. L’intérieur est baroque, le chœur, très doré. La surprise : le cloître où les azulejos bleus et blancs sont enchâssés dans les arches gothiques. Réalisés par Valentim de Almeida en 1736, ils représentent la vie de la Vierge et les Métamorphoses d’Ovide. Les scènes mythologiques m’ étonnent dans ce lieu de piété chrétienne. A l’étage, passant par la salle capitulaire, je parviens à la terrasse dominant le Pont Luis 1er.

les chais du Porto
les chais du Porto

A notre arrivée, vers 13 heures, j’avais remarqué un petit bistro au coin du garage des autobus. Il propose des plats  bon marché : poulet grillé-frites, poissons autour de 5€. Un peu plus loin, dans la rue Alexandre Herculano deux Pastelerias servent salé et sucré, en salle et en terrasse. Je pensais le dîner assuré  au pied de l’hôtel. Hélas, à 19h30 tout ferme, les chaises sont empilées et on balaie dans les pieds des clients attardés. Occasion ratée ! Place Batalha, deux restaurants ont leur terrasse, un petit aux tables bleues et un grand plus chic. Nous choisissons le petit,  sans nous attarder à son nom Kapadokia : il sert des spécialités turques. Pour notre premier soir, nous aurions préféré manger portugais. Pas de problème ! Au menu il y a aussi des croquettes de morue (bolinhos de bacalhau) et des filets de poisson ressemblant au fish and chips mais avec de la salade à la place des chips. Avec un verre de vin blanc on s’en tire pour 13.5€ pour nous deux ce qui est très raisonnable.

Le douro à la tombée de la nuit
Le douro à la tombée de la nuit

Après dîner, dernière promenade au Douro. Continuant la rua Alexander Herculano j’arrive au pont de l’Infante d’où le point de vue est très beau sur N. Sa.do Pilar, le gros couvent blanc qui coiffe la colline en face de Porto, et sur les autres ponts. Sous le pont court une route tranquille, les hommes sont paisiblement assis aux cafés. La rua Alexandre Herculano est passante avec la gare routière des autobus urbains. Au premier abord elle n’a pas de charme particulier. La présence de plusieurs immeubles de béton des années 50 ou 60 – tout à fait sinistres avec leurs façades noirâtres  – dont notre hôtel  Istay  détruit l’harmonie des petits immeubles carrelés aux balcons de ferronnerie rouillée, et aux toits de tuiles rouges surmontées de lanternons. Nombreuses de ces maisons sont vides et à l’abandon. Celle qui fait face à l’hôtel est le royaume des goélands qui tiennent congrès en face de notre fenêtre. C’était amusant de les voir se rassembler. Leurs bruyantes conférences sont une nuisance. Une fois la circulation automobile apaisée leurs cris nous ont tenues éveillées.

Mystères de Lisbonne – Camilo Castelo Branco

CARNET PORTUGAIS
Mysteres-LisbonneRoman-fleuve où fourmillent des personnages complexes qui se croisent, se perdent, se retrouvent, se transforment, changent d’identité, de noms…

Joao, ne connait pas le mystère de sa naissance. Confié au Père Dinis, enseignant dans un collège religieux et à Dona Antonia, la sœur du prêtre, il retrouve à quinze ans sa mère Angela. Dans le premier livre composant les Mystères, se déroule l’histoire triste d’Angela, ses amours malheureuses et son mariage tragique avec le Comte de Santa Barbara, un monstre qui la martyrise. Le secret de la naissance de Joao qui devient Pedro da Silva se trouve levé mais d’autres mystères se profilent. Qui est donc ce riche Alberto de Magalhaes qui débarque du Brésil à Lisbonne, un riche parvenu ou le fils du roi ? Ce dernier refuse le duel pour l’honneur de la comtesse de Santa Barbara.
Il y a du Dumas dans le roman, mais sans cape ni épée, la violence est sous-jacente mais jamais racontée. Pas de cape ni d’épée, plutôt des soutanes ou des habits de nonnes. Nous sommes au Portugal, au pays des couvents énormes et magnifiques où la religion est très prégnante. Religion et amour ? Les religieux entrent dans les ordres après un chagrin d’amour, même le vieux dominicain de Santarem, savant respecté, cache un chagrin d’amour. Et le père Dinis, qu’on appelle aussi Sebastiao de Melo ? Qui est-il vraiment ? Un religieux exemplaire, un sage dévoué aux autres ? Le personnage s’assombrit vers la fin du livre, tous ceux qui l’approchent meurent tragiquement, lui-même fuit son destin au Japon ou en Amérique, on ne sait pas bien…

les mystères film
Pour compliquer encore les mystères, aucun personnage n’est manichéen, tous se transforment. La rédemption touche le noir Comte de Barbara qui se repent sur son lit de mort, mais aussi Anacleta qui a sur la conscience la mort de son riche amant mais aussi celle de sa fille, on la classerait vite en « femme de mauvaise vie », elle devient la « sainte » pour les villageois où elle a décidé d’expier ses péchés. D’autres évolutions sont moins spectaculaires et moins explicables. Eugénia, la douce épouse de Magalhaes est la méchante servante qui espionnait la Comtesse dans le premier livre. Quel destin ?La servante devient maitresse. La méchante, un ange.
Le dernier livre apporte aussi d’autres surprises. On quitte le monde des couvents et des grandes quintas provinciales pour les salons, Camilo Castelo Branco brocarde les ridicules mondains qui ont passé quelques temps à Paris et se croient à la mode. Irrésistible baron qui ne connait ni la Reine de Saba ni Mithridate- apologie drolatique des sots mondains .Le roman se déroule en grande partie hors du Portugal, à Londres où le jeune Pedro fait ses études, puis à Paris., où il se croit poète. Occasion pour l’auteur de disserter sur le Romantisme.Pour mon plus grand plaisir !

logo romantisme

José SARAMAGO : Histoire du Siège de Lisbonne

CARNET PORTUGAIS

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« Le correcteur, fatigué, monte vers la rue dos Cegos, entre dans le patio Dom Fradique , le temps bifurque pour ne pas toucher ce village rupestre qui n’a pour ainsi dire pas changé depuis les Goths, ou les Romains ou les Phéniciens, les Maures qui sont venus plus tard, puis les Portugais de souche, leurs enfants et leurs petits-enfants, ceux-là mêmes que nous sommes aujourd’hui, la puissance et la gloire, les décadences, la première, la seconde et la troisième, chacune divisée en genre et en sous-genres. La nuit dans cet espace entre les maisons basses, les trois fantômes se réunissent, le fantôme de ce qui fut ; celui de ce qui fut sur le point d’être et celui qui aurait pu être, ils ne se parlent pas, ils se regardent comme font les aveugles et ils se taisent »

C’est le livre que j’aurais dû lire avant de visiter Lisbonne. Je n’aurais pas renoncé à la visite du Castelo Sao Jorge, j’aurais cherché les portes dans les murailles, j’aurais aussi cherché la fenêtre de Raimondo Silva dans son appartement de la colline du château. Je l’aurais imaginé descendant les marches vers l’Alfama…et sans doute notre promenade au Largo das Portas do Sol aurait eu une saveur particulière.

J’aurais aussi été plus attentive aux exploits d’Afonso Henriques que nous avons croisé un peu partout de Guimarães à Alcobaça. Nous serions peut être entrées à Santarem au lieu de l’éviter…. Pourtant je l’avais emporté dans les bagages. Je ne suis pas entrée tout de suite dans le style de Saramago, il m’a fallu plusieurs chapitres avant que je ne m’habitue aux continuelles digressions et avant que je n’y prenne goût. Parce que les digressions sont le charme de ce roman. Digressions et sauts dans le temps. Dans un – très long – paragraphe, nous passons de la vie quotidienne du correcteur qui va déjeuner à la crèmerie à la vie des Maures assiégés au 12ème siècle.

la Sé cathédrale de Lisbonne
la Sé cathédrale de Lisbonne

Raimondo Silva est correcteur dans une maison d’édition. Je n’imaginais pas le métier de correcteur, je n’imaginais surtout pas les recherches encyclopédiques que s’impose le coJ’aurais aussi été plus attentive aux exploits d’Afonso Henriques que nous avons croisé un peu partout de Guimarães à Alcobaça. Nous serions peut être entrées à Santarem au lieu de l’éviter….

Pourtant je l’avais emporté dans les bagages.

Je ne suis pas entrée tout de suite dans le style de Saramago, il m’a fallu plusieurs chapitres avant que je ne m’habitue aux continuelles digressions et avant que je n’y prenne goût. Parce que les digressions sont le charme de ce roman. Digressions et sauts dans le temps. Dans un – très long – paragraphe, nous passons de la vie quotidienne du correcteur qui va déjeuner à la crèmerie à la vie des Maures assiégés au 12ème siècle.

Raimondo Silva est correcteur dans une maison d’édition. Je n’imaginais pas le métier de correcteur, je n’imaginais surtout pas les recherches encyclopédiques que s’impose le correcteur. Recherches de l’erreur orthographique, de la correction de la syntaxe, mais aussi de la vérité historique…

le siège de santarem
le siège de santarem

Et justement, le correcteur se rebelle, au lieu de laisser Oui, les Croisés vont aider Dom Afonso Henriques, il corrige Non, les Croisés refusent. Scandale ! Et il se trouve contraint de réécrire l’Histoire du siège de Lisbonne. Le correcteur devient écrivain. Comment va-t-il s’en tirer? Les Maures vont-ils rester à Lisbonne ? Les Portugais – Lusitaniens, ou Galiciens, vont-ils devenir des super-héros ?

Plaisir de l’écriture, curiosité de l’Histoire.

J’ai moins aimé l’histoire d’amour, nécessaire pour la cohérence du roman. Histoire trop naïve de ce vieux garçon qui découvre l’amour, avec une rose blanche …

Amour de Perdition – Camilo Castelo Branco

CARNET PORTUGAIS

Quelle est la différence entre un chef d’oeuvre du Romantisme portugais et un roman populaire, voire à l’eau de rose?

Castelo-Blanco-Camilo-Amour-De-Perdition-Livre-893950942_MLLe titre « Amour de perdition » inciterait plutôt à le classer dans la seconde (3ème) catégorie d’autant plus que l’auteur préférant écrire pour l’élite a renié ce succès populaire qui a continué sa carrière avec plusieurs adaptations au cinéma.

Roman d’amour, amours adolescentes, amours impossibles de Simon et Thérèse  dont les familles sont ennemies. Romeo et Juliette à Viseu, en 1803.

Par amour pour Thérèse, Simon qui était plutôt mauvais garçon, matamore et révolutionnaire,  est devenu un étudiant appliqué à Coimbra. Par amour pour Simon, Thérèse, fille unique et obéissante, refuse de se marier avec son cousin comme lui ordonne son père et se trouve enfermée au couvent puis exilée à Porto. Malgré leurs familles, malgré la clôture du couvent, les deux amoureux s’écrivent des lettres d’amour. Rendez vous secrets nocturnes, enlèvement, guet-apens….Simon devient meurtrier de son rival. Il risque la potence. Et ce n’est pas son père le corregidor qui le tirera de ce faux pas. Sa peine est commuée en déportation au bagne aux Indes. De son couvent Thérèse verra le bateau qui emporte son amant et mourra d’amour (ou de phtisie).

Résumé ainsi, ce pourrait être un roman à l’eau de rose.

Ce qui fait la bonne littérature est d’abord l’écriture. Malheureusement je ne lis pas le Portugais.

C’est aussi l’humour ou l’ironie. L’auteur  prend  de la distance pour critiquer la noblesse portugaise qui se soucie plus de la réputation de son nom et de ses ancêtres que de la conduite de ses enfants (inénarrable ancêtre , général frit dans un chaudron sarrazin). Acide description de l’hypocrisie des bonnes sœurs au couvent, l’une méchante, l’autre ivrogne, toutes médisantes, c’est très amusant.

Enfin la consistance des personnages secondaires donne de l’étoffe au roman. L’auteur campe d’abord la personnalité des parents de Simon, le père corregidor terne mais rigide et inflexible, la mère de grande noblesse, hautaine  qui s’humanise lorsque son fils est en danger. Enfin, le roman se déroule dans plusieurs milieux, à Viseu dans la bonne société,  parmi les étudiants de Coimbra, et chez un maréchal ferrant de grand cœur et de grand courage . Sa fille Mariana s’éprend de Simon, amour désintéressé, tendre et admirable. Elle aussi mourra d’amour.

camilo castelo braco

J’ai « rencontré » Camilo Castelo Branco au Musée Francisco Martins Sarmento à Briteiros -près de Guimaraes. l’écriant, fuyant la justice s’était réfugié chez son ami dans le Solare da ponte , manoir de l’archéologue devenu son ami. Je ne savais pas qu’au 19ème siècle on pouvait être incarcéré pour adultère. La vie de l’écrivain est encore plus romanesque que son livre : fils naturel d’un noble, Camilo Castelo Branco voudra prendre sa revanche sur sa naissance illégitime et proclamera la noblesse de son sang. Aux études il préfère la vie de bohème des caves de Porto, ressemblant à son héros Simon avant sas rencontre avec Thérèse. Adultère il sera incarcéré  c’est au cours de sa détention qu’il rédige Amour et Perdition. Il organise l’enlèvement d’une jeune fille.

Enlèvement, crimes d’amour, exhumation de cadavres sont des pratiques courantes à l’époque.

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Autre « rencontre » fortuite évoquée dans la préface du livre : celle avec Maria da Fonte, héroïne de la révolte des femmes du Minho en 1846 dont la statue orne le rond point principal de Povoa de Lanhoso où nous avons passé la semaine.