La petite église de la Boyana (ou plutôt trois églises accolées) est perchée dans la montagne. Accessible par une route pavée très raide, et nichée dans un parc qui embaume : thuyas géants, buis, ifs et feuillus…Le gardien nous accueille dans un anglais parfait mais c’est un vieux radoteur. Nous avons l’honneur de tourner trois fois la grosse clé qui ouvre l’église (à chaque tour un vœu puisque nous sommes les premières visiteuses de la matinée). Dans la nef sont peints les deux couples de souverains qui ont commandé l’église le Sebastokrator Kalojan et Desiglava et en face Constantin Asen et sa femme Irina. Le roi porte la maquette de l’église. Un cycle de fresque raconte la vie de Saint Nicolas (que je ne connais pas) je remarque un beau tableau, une barque sur une mer grise houleuse, en face Nicolas descend du bateau et monte un escalier. L’église du fond est construite sur un plan byzantin, dominée par le christ Pantocrator. Nous nous attardons sur la Cène fameuse où les convives ont chacun une serviette dépliée, une tranche de pain triangulaire, des oignons qui ressemblent à des poireaux, et de l’ail. Vue du dehors, la petite église est ravissante avec ses toits qui se chevauchent, à ses pieds la tombe de la Reine Eléonore de Bulgarie. Une plaque commémorative rappelle un archéologue du Collège de France André Grabar (1896-1990).
Non loin de la rue Saborna, on accède par un passage entre un restaurant grec et une banque, à la petite église Saint George « la Rotonde » cachée dans une cour monumentale bordée de bâtiments blancs de l’époque communiste. A l’arrière de la Rotonde, se trouvent des ruines romaines : hypocaustes de petits thermes (ou salle de bain privée).
Le porche du Ministère de l’Education, de la Jeunesse et de la Science fait communiquer la cour communiste à une place bordée par la Résidence et le Musée Archéologique. Le sol est pavé des fameux pavés jaunes(en ciment tout à fait ordinaire) qui interdisaient la circulation aux véhicules non officiels. Au centre de la place coule une belle fontaine.
musée archéologique
Le Musée archéologique est installé depuis 1879 dans la Grande Mosquée du 15ème siècle. Les collections sont impressionnantes mais la présentation manque de clarté. Des bornes interactives sont mises à la disposition du visiteur mais cela bogue. Je passe sans transition de la sculpture thrace à la sculpture grecque ou romaine. Tablettes votives ou stèles funéraires portent des inscriptions grecques ou latines (parfois les deux). Une épitaphe en latin se réfère à Serdica (nom romain de Sofia), c’est celle de Titus Decius ancien serviteur de Saint André. Des petits panneaux illustrent la mythologie : ici Héraclès se repose, là, le dieu Nil, plus loin Zeus et son aigle, je pourrai rester des heures à rêver de mythologie.
Certains bas-reliefs tranchent par leur originalité : ceux de Stara Zagora gravés sur du schiste rouge portant un aigle bicéphale, un lion, un pan, un flûtiste. Au dessus de l’escalier qui conduit à la galerie, bien abimé mais spectaculaire : Le Cavalier de Madara (8ème siècle) nous parle des khans bulgares, des steppes …
J’avoue avoir été distraite devant les fresques byzantines de la galerie. Les salles latérales ont éveillé ma curiosité. J’ai enfin trouvé la tête en bronze de Seuthès qui a motivé notre voyage en Bulgarie après avoir visionné un documentaire sur ARTE. Les Thraces étaient de fameux orfèvres et fondeurs. Le trésor de Golyama découvert en 2004, d’autres tumulus ont livré des objets de bronze, d’argent ou d’or d’une qualité remarquable. J’ai aimé les deux rhytons d’argent à tête de bovins, la couronne en feuille de laurier d’or et le masque funéraire en or de Svelitsa.
les fresques de la coupole de l'église Saint Georges
A la sortie du Musée, il tombe quelques gouttes. Retour dans la cour de l’Hôtel Sheraton (alias cour communiste) pour voir l’intérieur de l’église Saint George avec les 3 ou 4 couches de fresques superposées qui s’enroulent autour de la coupole. Les enduits ottomans les ont cachés pendant plusieurs siècles et par conséquent protégés. Nous serions bien restées plus longtemps à détailler les registres : les prophètes, les anges et le Christ Pantocrator, mais la dame qui vend cierges et cartes postales et qui surveille qu’on ne prenne pas de photos a fermé prématurément (et même enfermé D qui en a profité pour faire des photos).
Déisis, le christ Pantocrator entouré de Saint Jean et de la Vierge
Difficile choix entre les églises rupestres de Massafra et le Musée de Taranto.
Il faut impérativement arriver avant 9h à Massafra. Je suis les panneaux verts de l’autoroute Bari/ Taranto. Nous aboutissons par mégarde au beau milieu du quartier des céramistes de Grottaglie (encore une visite possible que nous zappons à regrets). Nos voyages, même à petite vitesse, sont une suite de renoncements. Nous contournons Taranto sans rien voir des petites mers ni du pont tournant, en revanche la traversée des aciéries est inévitable. De la fumée rouge s’élève, beaucoup de camions.
Massafra coiffe de blanc une colline poussiéreuse. Nous l’abordons par la ville moderne dont nous faisons deux fois le tour sans trouver le Centre Historique. Forcément, il faut passer le pont qui enjambe la Gravine pour trouver les quartiers anciens. Cette Gravine est un ravin escarpé qui partage la ville en deux. Ses flancs sont percés de grottes, maisons troglodytiques, caves ou cryptes. Une verdure incertaine s’y accroche, grosses touffes de figuiers, épineux.
L’Office de Tourisme est situé dans la Gendarmerie dans un vieux palazzo noirci. Les deux employées sont très aimables. Les heures de visite ne correspondent pas aux horaires donnés par le guide Géo (encore !). Une visite pour nous seules est possible, la guide attendra qu’on trouve un stationnement (air compatissant). Entre temps viennent s’associer deux, puis trois autres personnes.
Nous partons à pied. La Guide ouvre une vieille porte pente en laque grise ordinaire. A l’entrée, deux grosses potiches en céramique, nous sommes sous l’ancien hôpital de la ville. Les deux grosses jarres avaient un rôle de désinfection ou de purification. De l’hôpital désaffecté subsistent aussi deux baignoires : sorte de sièges baquets avec des accoudoirs, l’une est la baignoire féminine l’autre masculine.
Au fond des caves de l’hôpital, deux cryptes ont été réunies, l’une de rite byzantin l’autre de rite romain, San Antonio Abate. La cloison qui les séparait a été abattue par la suite. Du côté grec, on reconnaît une Déisis : le Christ Pantocrator trônant entre la Vierge et Saint Jean Baptiste. A côté des figures des saints, les écritures hésitent entre le Grec et le Latin. Certaines inscriptions utilisent un alphabet intermédiaire. Nos compagnons de visite mitraillent les fresques au flash. Partout, j’ai vu les gardiens protester et insister auprès des touristes pour qu’au moins ils débraient leur flash. Giovanna, la guide, ne dit rien. Elle commente les fresques pour moi seule. Les autres sont trop occupés avec leurs appareils photos et une lampe de poche qui donne un éclairage rasant. Je finis par m’étonner : ce sont des archéologues et des historiens de l’art. La dame, canadienne, ne fait aucun cas des belles peintures. Tout juste, elle corrige un commentaire de Giovanna. Elle est occupée à relever des traces de graffitis, d’incisions, de croix sur les murs et les plafonds. Ses compagnons, italiens, sont moins motivés. Ils semblent l’accompagner et l’assister Dans la rue, elle sort un ordinateur de poche et un stylet, prend des notes, transfère ses photos numériques, colle un interface qui ressemble à un téléphone et ignore superbement Giovanna, quant à nous !
Nous traversons d’un pas rapide un quartier moderne. En sous-sol, il y a, dit-on, de nombreux souterrains. Ceux-ci servent de caves aux particuliers.
A l’air libre, une crypte : l’église byzantine S. Leonardo. Nous voyons l’emplacement de l’iconostase, la béma, encore une Déisis, cette fois ci très bien restaurée. Giovanna nous explique la symbolique des couleurs : le jaune représente la Terre, le rouge, la Divinité et le bleu, l’Humanité. Le Christ Pantocrator est habillé de rouge, signe de son essence divine et porte un manteau bleu. La Vierge, en revanche est vêtue de bleu recouvert d’un manteau rouge. Le geste du Christ Pantocrator avec ses trois doigts, ressemble à celui du Bouddha enseignant, les trois doigts figurent la Trinité. Le cercle, le Monde. Il nous reste encore bien des symboles à apprendre dans la lecture des fresques !
Saint Côme et saint Damien ornent les piliers. Pierre et André le mur qui prolonge l’iconostase. D’autres saints montent la garde sur les murs. Certains sont clairement byzantins, d’autres, latins. Les yeux des saints ont été crevés. A l’entrée de la crypte, la cellule de l’ermite gardien.
Candelora
Candelora se trouve face à la Gravine. C’était une église de grande taille. Curieusement, le plafond n’est pas plat, dans la roche on a creusé des coupoles, des voûtes et des pans coupés. Certaines fresques sont remarquables : la Présentation de Jésus au Temple. Siméon cache ses mains dans son vêtement pour ne pas souiller l’enfant pur. La Verge tient l’enfant Jésus par la main, image très touchante de la mère qui marche à côté de son fils, Jésus porte un petit panier rond, dedans, quatre œufs (Pâques,) ou quatre pains (la Communion ?). L’enfant a une figure d’adulte comme étaient aussi représentés les empereurs byzantins.
Les trois archéologues sont de plus en plus déplaisants. La femme prend des notes, elle fait son travail sans se soucier de personne (cela se comprend) les deux autres téléphonent sans aucune discrétion. Pour nous, la visite s’achève là (Eux continuent avec un e autre guide mais ne nous proposent pas de les accompagner).
massafra gravine : thébaïde italienne ou paradiso di Massafra
Nous descendons vers le fond de la Gravine par une rue tortueuse, dallée de pierre qui se faufile entre des maisons troglodytiques creusée dans la paroi, les escaliers peints en blancs, les murs blancs éblouissants. Dans la Gravine nous découvrons la forteresse : château fort à tours rondes ressemblant à celui de Gallipoli.
A la sortie de Taranto, le long de la route, plusieurs pescherie. Nous sommes tentées par du poisson frais. Les places de stationnement sont chères, une place se libère enfin. D se gare comme à son habitude en marche arrière. Mais la place est convoitée par d’autres. Une énorme Jaguar survient en marche avant. Choc imperceptible. Le conducteur descend, une masse de muscles et de graisse, cheveux gris gras et rares, trogne rouge. Il constate « les dégâts », trace imperceptible. Nous préférons prendre la fuite. La dame relève le numéro de la Panda .Sale impression d’avoir, de toutes les façons, toujours, tort. C’est ainsi que les émigrés doivent ressentir en n’importe quelle occasion.
Massafra Gravine
Nous rentrons à La Fortuna pour déjeuner passer l’après midi à la piscine et le soir nous retournons à San Pietro. Cette fois ci nous choisissons de nous installer près des rochers pour voir plein de poissons et un crabe qui nage de côté.