Atiq RAHIMI : Syngué Sabour

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J’ai lu ce court ouvrage d’un trait, hors d’haleine, en une après midi. Impossible de le quitter.  Scotchée ! Et comme la fin m’a beaucoup choquée, j’ai cru que j’avais mal lu, que je n’avais pas compris, que sans doute la fatigue m’avait trompée et j’ai relu la fin le lendemain. Depuis, ce livre m’a hanté longtemps..

Extrêmement fort, prégnant.

Violence d’une tragédie antique. Tragédie redoublée que celle de ce pays en guerre depuis si longtemps et de celle des femmes soumises aux guerriers et aux mollahs. Comme dans une tragédie : unité de lieu,  huis clos. Un décor dépouillé, des murs cyans qui s’écaillent, un rideau orné d’oiseaux migrateurs,  une paillasse où repose le mari blessé, inconscient. Les manifestations de la vie extérieure parviennent de temps à autres étouffées, pleurs d’enfants, plainte de la vieille voisine, appels du muezzin… la vie s’écoule au rythme du souffle du blessé et du chapelet que la femme égrène. La sobriété donne son intensité à chaque parole qui résonne dans le silence qu’oppose l’homme mutique.

Au fil de ses monologues, la femme se raconte, elle se découvre, elle analyse son passé.

Puis elle assigne l’homme à un rôle étrange : celui de la pierre de patience qui reçoit toutes les plaintes et qui éclatera à a fin. Dès qu’elle a attribué à son mari cette fonction d’exutoire, elle se met à exister par elle-même. Cherche le plaisir, croit le trouver. Mais cela ne suffit pas, elle lance toujours plus loin la provocation. Provocation ultime : la stérilité du mari, la paternité refusée.

C’en est sans doute trop !

Le mari s’éveille – la pierre de patience explose – mais c’est pour entraîner la femme dans une mort sanglante.

J’ai refusé cette fin la première fois. Et maintenant que je suis sûre d’avoir compris je sens la pierre qui tombe dans le puits sans fin de la tristesse des femmes sans aucun espoir, et cette chute ne fait que résonner sans que je puisse oublier.

Atiq RAHIMI : Syngué Sabour – Pierre de patience – POL 154p

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

6 réflexions sur « Atiq RAHIMI : Syngué Sabour »

  1. Comme toi j’ai beaucoup aimé ce livre, lu quasiment en apnée tellement le récit est fort, et cette fin qui ne laisse pas indifférent et comme tu le dis qu’on voudrait changer

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  2. Pas de quoi !
    Pour continuer nos échanges croisés, en partant de la Roche-Guyon le lendemain, j’ai suivi la Seine vers l’Est et ne suis donc pas passé à Giverny. Mais j’ai traversé Vétheuil.

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  3. Tout à fait d’accord ! J’ai ressenti la même chose que toi. Les deux billets sur Singue sabour que j’ai publiés dans mon blog ont donné lieu a pas mal de commentaires intéressants parce que la fin n’avait pas été comprise par tous de la même manière.

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