Les romantiques et le voyage en Orient(2) : Itinéraire de Paris à Jérusalem – Chateaubriand en Grèce

CHALLENGE ROMANTIQUE

Chataeaubriand de mes années lycée

Encore mille mercis à Claudialucia qui m’a entrainée dans l’aventure romantique sur les pas de Chateaubriand. D’abord à Saint Malo et Combourg, maintenant sur l’Itinéraire. Des années du lycée, j’avais gardé une image rebutante de Chateaubriand. Avec la suffisance de l’adolescence j’avais décidé, sans lire plus loin que Lagarde et Michard, que l’auteur de Mémoires d’Outre-tombe, du Génie du Christianisme ou des Martyrs ne pouvait être qu’un infâme raseur. Nous étions une classe dissipée, Polyeucte en avait fait les frais : lue avec l’accent pied noir, la pièce avait acquis un pouvoir comique délirant.

Il a fallu attendre des décennies pour que je me décide à suivre Chateaubriand et je ne l’ai pas regretté. En 1806, trois ans avant Byron, 9 ans après que les Iles Ioniennes ne deviennent français par la paix de Campoformio, il entreprend seul le Pèlerinage aux Lieux saints, le voyage en Orient, embarque à Trieste sur un vaisseau qui le mène à Modon(Methoni) et à Coron au sud du Péloponnèse qu’on appelait alors la Morée.

 

Au large d’Otrante

«… j’étais là sur les frontières de l’antiquité grecque, et aux confins de l’antiquité latine. Pythagore, Alcibiade, Scipion, césar, Pompée, Auguste, Horace, Virgile avaient traversé cette mer…. »

L’érudit se double d’un aventurier. Il traverse la Morée, évitant le Magne en révolte contre le Sultan, accompagné de Joseph à son service, d’un janissaire pour la sécurité, d’un guide grec, il chevauche dans des contrées sauvages. Le pacha de Morée installé à Tripolizza le reçoit, lui accorde les firmans qui lui donneront le droit de voyager – même au frais du sultan , ce dont il n’abusera pas. Entrevue pittoresque, épisode comique du refoulement de Joseph qui avait cru bon de s’enturbanner. Le Pacha veut savoir si Chateaubriand a combattu en Egypte, lui-même a été fait prisonnier des Français à Aboukir ! L’étape suivante est Mystra où il cherche Sparte et le tombeau de Leonidas, s’essaie à l’épigraphie : a-t-il retrouvé le socle de cet autel du Rire ?

« …L’autel du rire subsistant seul au milieu de Sparte ensevelie offrirait un beau sujet de triomphe à la philosophie de Démocrite… »

Quel plaisir de chevaucher avec un poète érudit  qui se promène avec émotion sur les bords de l’Eurotas, visite Mycène où il retrouve le tombeau de Clytemnestre et d’Egisthe, et Corinthe. Poursuivant les antiquités, c’est aussi un observateur de ses contemporains. Un épisode symbolise la tyrannie des agas et des pachas sur les pauvres grecs :

« le commandant (le pacha)se leva avec effort, prit sa carabine, ajusta longtemps entre les sapins et lâcha son coup de fusil. Le Turc revint après son expédition,  se rasseoir sur sa natte aussi tranquille t bonhomme qu’auparavant. Le paysan descendit à la garde, blessé en toute apparence car il pleurait et montrait son sang. On lui donna cinquante coups de bâtons pour le guérir…. »

Un carton, pour montrer son habileté de tireur et la valeur de sa carabine !

Il visite Athènes accompagné par un antiquaire  –on dirait archéologue aujourd’hui – Monsieur Fauvel. Athènes n’est plus qu’une pauvre bourgade :

« O Solon ! o Thémistocle ! Le chef des eunuques noirs propriétaire d’Athènes et toutes les autres villes de la Grèce envient cet insigne bonheur aux Athéniens… »

Le capitaine autrichien qui devait le reprendre au Cap Sounion ne l’a pas attendu. Il traversera l’Archipel – les Cyclades – sur les petites embarcations grecques,  jusqu’à Tinos puis sur une felouque hydriote jusqu’à Smyrne ayant pour équipage une famille. Quel plaisir de naviguer avec lui, passer près de Scyros où Achille passa son enfance,  Délos célèbre par la naissance de Diane et d’Apollon, par son palmier : Naxos qui me rappelait Ariadne, Thésée Bacchus….Scio…la felouque était lavée, soignée et parée comme une maison chérie…. »

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

5 réflexions sur « Les romantiques et le voyage en Orient(2) : Itinéraire de Paris à Jérusalem – Chateaubriand en Grèce »

  1. Nostalgie, à voir le petit fascicule j’ai l’impression de sentir à nouveau les odeurs de la classe
    Ceci dit Chateaubriand est un grand affabulateur, il n’a pas vu tous les lieux dont il parle avec maestria !!! qu’importe c’est un plaisir de le lire

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  2. Dominique a raison, c’est un affabulateur ou pour être moins sévère un « metteur en scène » de ses propres sentiments. Car même s’il a vu les lieux ( j’avais remarqué ça pour la Fontaine du Vaucluse), il magnifie la réalité. Mais quel écrivain, quel style et quelle érudition.

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