Erebouni

CARNET ARMÉNIEN

 

Au petit matin j’ai une irrésistible envie de m’installer sur le balcon pour dessiner l’Ararat avec ses deux sommets Massis et Sis. Je triche un peu parce qu’un rideau de peuplier cache le petit sommet de là où je suis assise.

Hasmik a enroulé le pain arménien lavach fourré au fromage et l’a fait frire dans la poêle, puis parsemé d’herbes. Confiture d’abricots maison, et « thé » d’herbes aromatiques.

 Musée d’Erébouni

 Nous avons rendez vous à 10heures pour une visite guidée. Je reconnais Tigran qui guide un groupe de Belges. La conférencière mène sa visite rondement et avec humour.

Erebouni est la première ville fondée en 782 – une trentaine d’années avant Rome fait-elle remarquer -. Au mur, les divinités principales du royaume d’Ouartou Khaldi sur un lion, Techeba sur un taureau. Une maquette en liège représente la citadelle d’Erebouni avec ses remparts, ses tours, ses palais avec les cours des sacrifices,  la ziggourat où l’on  allumait des feux pour prévenir les gens.

la maquette d’Erebouni en liège

Des stèles gravées en écriture cunéiforme donnent le « passeport » de la ville : date de fondation, nom du souverain qui l’a fondée, mais aussi toutes sortes d’insultes et de malédiction pour qui oserait l’attaquer. Les stèles ouartiennes sont réparties dans les musées européens. Les Turcs ont empêché les archéologues qui fouillaient sur leur territoire de les emporter. Sur le sol arménien, les russes les ont  mises à l’Ermitage à Saint Petersbourg. L’écriture cunéiforme a été empruntée aux Assyriens mais les Ouartiens l’ont perfectionnée en ajoutant un système de voyelles et des indications de genre.

Une première vitrine présente les canalisations de terre cuite ouartiennes. Les Ouartiens ont fait de gros travaux reliant les lacs par des canaux. Le canal Sémiramis est encore fonctionnel. Un grand mortier de tuf servait à filtrer l’eau de pluie.

Dans la vitrine suivante, on voit des outils agricoles, fer ou bronze, ils sont peu différents de ceux d’aujourd’hui. Faucilles, pioches, houes. On a également retrouvé à moitié calcinés des grains de blé, d’orge, des lentilles, sésames et pépins de raisin. Dans les tissus d’époques on a pu reconstituer les colorants : rouge de cochenille – bleu – orange : les couleurs du drapeau arménien ? Le bleu symbolise la tranquillité du ciel, le rouge pour le sang et la victoire, l’orange, le blé, le soleil et l’abricot.

On a retrouvé enterrées d’énormes jarres de terre cuite dans le palais. Xénophon, dans l’Anabase, décrit la bière (eau d’orge) à l’époque très alcoolisée (19°). La conférencière raconte que selon Xénophon, les Arméniens auraient inventé le ski. Les jarres à vin étaient semi-enterrées pour conserver la fraîcheur. On tirait le vin avec une paille.

Dans d’autres vitrines sont exposées toutes sortes de poteries, lampes à huiles plates rudimentaires ayant deux compartiments, le grand pour l’huile, le petit pour la mèche avec un trou. Des lampes semblables ont servi il y a peu pendant la guerre qui a suivi l’Indépendance de l’Arménie. En 1991 il n’y avait plus rien, ni pétrole, ni gaz, ni électricité. Les urnes funéraires étaient percées de 3 trous pour laisser s’envoler l’âme du défunt.

Dans la dernière vitrine,   beaux rhytons d’argent,  l’un d’eux représente un satrape de Perse.

stèle d’Erebouni

La visite se poursuit sur le site d’Erebouni. Une incompréhension entre le groupe de Belges et nous, se produit ; un petit car blanc les transportera au site mais il nous faut nous débrouiller seules. Il aurait été si facile de dire au chauffeur du car de nous attendre pour qu’on le suive. Au lieu de cela, nous devons nous dépêcher . D se presse tant qu’elle ne boucle pas sa ceinture. La police l’appelle au micro. Il ne manquait plus que cela. Je parle français au policier à l’énorme casquette plate à la russe qui n’insiste pas. La voiture monte à la citadelle par une rampe pavée à la suite du car. Le gardien ouvre la barrière pour permettre au car de faire demi-tour mais pas à nous, il referme la barrière juste devant le capot de la Kia sous les yeux de Tigran qui aurait quand même pu intervenir ! Dominique est forcée de redescendre la rampe en marche arrière. Furieuse, elle loupe la visite.

Autant la guide était prolixe dans le musée, autant elle se hâte sur le site. Un auvent de bois soutenu par des piliers de bois (comme alors) protège de belles fresques sur fond bleu, sorte de roues ou de soleils surmontées de frises géométriques sur fond clair. Ici étaient reçus les ambassadeurs. Une allée court entre des murailles de gros blocs de basalte surmontés de briques crues ; La guide se désole : les intempéries vont détruire en quelques années ces vestiges âges de plus de deux millénaires. Le gouvernement ne peut rien faire, il est si pauvre, mais les Arméniens de la Diaspora pourraient faire des donations au lieu d’investir dans des choses aussi stupides que des casinos et des restaurants, se plaint-elle. On entre dans la grande salle des colonnes dont on voit encore les bases. Les jarres enterrées ne sont plus là.

Il faut se souvenir de la maquette du Musée pour imaginer la cour des sacrifices et la ziggourat.

La guide reprend son discours : du temps de l’URSS, l’Arménie était une république-modèle, la plus agréable des quinze républiques ! C’était un paradis. Elle pouvait voyager chaque mois où elle voulait . Maintenant son salaire couvre à peine les dépenses courantes indispensables.

Les Belges remarquent « nous avons entendu ce discours en Ouzbekistan ».

Nous avions tout sauf le pouvoir. Maintenant le gouvernement a vendu l’eau à la France, l’industrie à la Russie. Nous n’avons plus rien et tout se décide encore à Moscou.

Nous pique-niquons de fruits secs et de yaourts dans le jardin d’Hasmik. J’admire les variétés d’arbres fruitiers : pêchers, cerisiers, abricotiers, amandier, mûrier….

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

2 réflexions sur « Erebouni »

  1. « Nous avions tout sauf le pouvoir. Maintenant le gouvernement a vendu l’eau à la France, l’industrie à la Russie. Nous n’avons plus rien et tout se décide encore à Moscou. »
    Veuillez me permetre de paraphraser un peu( au sujet de la situation chez nous):
    « Nous avions perdu tout, y compris le pouvoir. Le gouvernement a vendu l’eau et le gas à la France, l’industrie à l’Italie, France, Allemagne, Autriche. Nous n’avons plus rien et tout se décide a Bruxelles et Washington ». La conclusion? Celle de « claudialucia »….
    Mais il existe une difference: chez nous on continue(au niveau officiel) a prendre tout
    « a la legere ».

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