CARNET SARDE

Marceddi
Sur la Piazza Museo del Mare, le musée est fermé. Dans le port il y a plus de barques en bois que de bateaux en plastique. Les maisons de pêcheurs – toutes basses – sont alignées le long du quai en terre battue. Façades colorées, jaune, bleu, rose parfois relevées d’un pavage de schiste autour des ouvertures. Unpêcheur à pied racle le fond avec un cadre en bois et ramasse des palourdes.
Un parcours sur des planches de bois conduit à une tour espagnole. Les panneaux explicatifs sont blanchis, abandonnés comme le Musée de la Mer. Au bout du village une pinède borde la lagune. Un homme prend des mesures salinité ou température ? J’aurais aimé lui demander des explications.
Cabras

Nous arrivons à Cabras en traversant des rizières très vertes comme en Asie. L’Antiquarium de Cabras est à l’entrée de la ville sur la route de Tharros . Le musée est assez vaste : le spremières salles présentent les objets trouvés à Tharros(fort peu d’explications) et dans les environs. De minuscules figures féminines de pierre ou de terre cuite attirent mon regard dans la vitrine de la Préhistoire (3ème millénaire) les pointes de flèches en obsidienne et les fragments de céramique ancienne ne me passionnent pas (déjà vus à Irgoli) .Dans la salle Phénicienne et Punique, une curieuse « assiette garnie » punique contient des restes de poisson mangés à cette époque. On voit de nombreuses stèles avec Bétyle, avec autel, avec edicola, une autre sculptée en relief évoque la silhouette d’une momie égyptienne. De l’époque punique on a aussi trouvé les poids pour les filets de pêche : anneaux de terre cuite ou de pierre.

A 11h30, commence la visite guidée conduite par une très jeune femme à la chevelure bouclée, très souriante, très volubile, aux jolies fossettes mais dont j’ai beaucoup de mal à intégrer le flot de paroles. Elle semble habitée par son sujet que je cerne mal : une exposition de photos en N&B intitulée UN NOUVEAU MUSEE EST NE : MONTE PRAMA ; les trois autres visiteurs venant de Sassari sont très au courant, ils ont apporté des catalogues. Un dialogue interminable s’engage, assez incompréhensible pour moi où des intérêts de politique locale interviennent. Doit-on développer des petites structures près du lieu de la découverte ou regrouper les pièces majeures à Cagliari. Je m’impatiente parce que je ne comprends pas où ils veulent en venir.
Une photo d’un champ labouré à Monte Prama, une photo des fouilles qui ressemblent à n’importe quelles fouilles. Le suspens est total. La route nuraghe, puis punique, plus tard via romaine, passe entre l’étang de Cabras on y a retrouvé une banquette de 28 dalles qui se révélèrent être les socles de 28 statues nuraghes de grande dimension et les puits circulaires étaient des tombes contenant les restes des défunts inhumés assis. Des études anthropologiques précisent qu’ils étaient des hommes jeunes de 25 à 30 ans, la datation donne 1800ans av JC et les études génétiques, une certaine consanguinité. On en a déduit qu’ils étaient des guerriers d’élite.
Avant de passer dans la salle où sont les statues des géants, la guide nous montre les photos des bronzetti – statuettes de bronze montrant les guerriers nuraghes. Après cette très longue introduction dans le couloir noir, c’est le choc : 6 statues énormes massives, blanches érodées par le temps. L’une d’elle présente la blessure du soc d’une charrue. Les perforations tubulaires (peut être est-ce la nature de la roche) donnent une surface irrégulière à une autre. Ils sont impressionnants les géants de Monte e Prama ! L’un d’eux a brandi au dessus de la tête son bouclier incurvé et nous fixe de ses yeux ronds. D’autres portent des gravures fines au bras et au dessus des mollets : bracelets ou tatouages ? On reconnait le poing et le bras de l’archer, les jambières protège tibia sur un autre. Les autres statues sont exposées à Cagliari. Sur un écran on peut étudier les photos à loisir. La guide choisit les plus intéressantes et zoome sur un détail.
Pêcheries
L’embouchure du fleuve Tirso, les étangs, la lagune de cabras sont des zones de pêche. Cabras est un centre de production de la boutargue (œufs de mulets). Dans une boutique elle se vendait 98€kg, pas le prix du caviar mais un peu cher pour un pique-nique ! Autrefois je faisais moi-même mon tarama avec du pain trempé dans du lait et de l’huile en le montant comme une maïonnaise.
Pendant que je visitais l’Antiquarium, Dominique a assisté au retour des pêcheurset à la vente du poisson à la coopérative de Cabras : bâtiments jaunes construits sur les trois côtés d’un carré, les barques numérotées toutes semblables. Le temps de la visite, toute la pêche a disparu, la boutique a fermé, le camion des pêcheries de Pontis parti.
Nous avons visité les installations des pêcheries de Pontis à 13h. Complètement vide. Je suis montée sur une terrasse pour avoir une vue d’ensemble sur les planches enjambant le canal, les piquets en V formant une sorte de piège. On nous avait expliqué cette technique dans le delta du Pô à Comacchio pour la pêche aux anguilles. Nous n’avons pas vu les embarcations de roseau (sauf au musée) ùaos deux huttes formant une tente en contre-plaqué.
Pour que cette visite soit plus intéressante il aurait fallu se documenter sur les horaires des pêcheurs.
Tour espagnole de Tharros

Nous sommes revenues à Tharros pour le Point Internet. Depuis que les Smartphones et les tablettes se sont répandus les cafés Internet ont disparu. Nous devons réserver les hôtels pour les 3 derniers jours.
L’entrée de la Tour (comme le Musée de Cabras) est comprise dans le billet cumulatif.
La tour espagnole a été restaurée récemment. La citerne recueillant les eaux de pluie a été carrelée et la coupole repeinte en rose. Les logements des gardiens étaient sur la terrasse d’où la vue est très étendue.
Philippe II vers 1500 a fait ériger cette tour de guet au sommet du Cap San Marco pour surveiller les attaques des Turcs et des pirates barbaresques sur l’emplacement d’un nuraghe et d’une tour punique. Ses blocs de grès proviennent des monuments antiques de Tharros. Dans la 2ème moitié du 19ème siècle elle reprit du service contre les contrebandiers.
Baignade au pied de Tharros

Au pied du Cap San Marco, les plages sont nombreuses. On peut choisir entre les eaux agitées du côté de la mer et celles plus calmes du côté de la lagune ou marcher sur le cap pour trouver de petites criques.la belle plage entre le parking et le site est animée. Parasols multicolores et vagues. De la tour espagnole j’ai vu des gens se baigner dans une eau turquoise limpide dans un petit creux entre la vieille tour et le site, tranquille comme une piscine, claire…
C’est près de la marina, protégée par une ligne de bouées rouge et blanches que je me baignerai. Le fond est un peu vaseux mais l’eau reste claire.
San Salvatore

A l’écart de la route, accessible par une route de terre, se trouve le village de San Salvatore. Nous arrivons sur une grande place rectangulaire avec 4 acacias à moitié morts décharnés. Deux petits oliviers et de minuscules maisons basses la bordent. Une porte, une fenêtre, un toit de tuiles romaines. Devant chaque maisonnette, un banc, parfois un bloc de basalte, parfois une dalle sur deux pieds de pierre. L’église est minuscule. Le porche donne de l’autre côté, porche tout simple un toit à double pente repose sur des piliers carrés, un gros acacia bien vert le précède.

Cette place a un aspect étrange, désolé. J’en ai découvert la raison dans le Guide Vert : les maisons ne sont pas habitées sauf à l’occasion de la Fête du saint pendant neuf jours. Ces fêtes sont racontées dans le livre de Grazia Deledda le Vent dans les Roseaux. Cette place déserte me rappelle aussi en Andalousie El Rocio dans la Donana, encore un e zone humide avec le pèlerinage des gitans. Le guide raconte la Course des Déchaussés : vêtus de tuniques blanches et pieds nus, une centaine de jeunes gens courent entre Cabras et San Salvator : procession rappelant une attaque des Sarrazins en 1619.
Nous avons découvert l’hypogée de San Salvatore dans l’audiovisuel du Musée d’Oristano le présentant comme un exemple de syncrétisme religieux ; j’y verrais plutôt un palimpseste.
Aux origines, un puits sacré nuraghe, ensuite un sanctuaire phénicien. Pour les Puniques, il était dédié à Sid – dieu guerrier – pour les romains, à Asclépios. Les graffitis de la crypte ajoutent à l’étrangeté. Mars et Vénus y sont représentés de façon très sophistiquée tandis qu’Hercule semble avoir été dessiné par un enfant. Les bateaux sont aussi schématisés. Une inscription en arabe est encore plus énigmatique.
Le caractère rural et très simple de l’église qui surmonte la crypte ne laisse pas imaginer tant de mystères.

