Les voix de Iasi – Jil Silberstein

LIRE POUR LA ROUMANIE

les voix de IasiAttention! c’est du lourd!
Au propre comme au figuré : 700 grandes pages d’un pavé bien épais –  livre d’Histoire très documenté retraçant l’histoire de la communauté juive de Iasi – capitale de la Moldavie – de l’antisémitisme dans la région, en Moldavie puis en Roumanie.
A Iasi, vivaient 40 000 juifs.  En Juin 1941, un pogrome fit 13 000 victimes.  Il en reste aujourd’hui,  300. Jil Silberstein essaie de comprendre ce qui a provoqué un tel massacre. Les responsabilités sont-elles à incomber aux nazis ou aux Roumains? Il fait donc une enquête auprès des témoins survivants, cherche des documents, et réalise une étude très poussée. Parallèlement il est à la recherche de ses origines, de ce grand père né à Iasi et de cette famille dont il ignorait l’existence.
La première partie de l’ouvrage est la plus personnelle : l’auteur rassemble des données éparses, des souvenirs familiaux comme des récits de pogroms – cite Bialik : Dans la ville du massacre… et conclut
« …je le savais pertinemment pour l’avoir maintes fois éprouvé avec émerveillement et gratitude, portait en lui une somme de détails signifiants, au moins un élément capable de faire mieux saisir l’équilibre général de ce tout que je me promettais passionnément de faire revivre... » Il décrit ainsi sa recherche, sa méthode, la passion et le goût du détail.
Il remonte donc aux origines du peuplement de la Moldavie, à cette voie commerciale « la route moldave », aux diverses provenances de ces juifs, séfarades ou polonais, russes dans une population très mélangée où Arméniens faisaient commerce, Grecs Phanariotes, l’administration déléguée par la sublime Porte, tatars, polonais, russes avaient leur part. J’ai lu avec plaisir l’histoire des rivalités entre Turcs et Russes, vu un éclairage différent sur le dépeçage de la Pologne, la Guerre de Crimée. Histoire que j’ai déjà étudiée, vue d’Athènes, d’Istanbul ou même de Samarcande.
Le propos de Silberstein est certes, l’histoire de Iasi mais c’est l’histoire de l’antisémitisme dans la région.
Ce n’est donc pas une histoire gaie, ni facile à lire. Souvent le catalogue de mesures discriminatoires, de vexations, de meurtres, décourage le lecteur. C’est aussi pour moi pénible de découvrir la part de responsabilité de l’intelligentsia roumaine, même les grands écrivains que j’admire comme Eminescu, même Mircea Eliade et Cioran, ont eu leurs écrits antisémites. Stupeur de découvrir aussi que l’antisémitisme théorisé a pris de l’importance en même temps que les mouvements de libération nationale suite aux révolutions de 1848. Les plus grands antisémites n’étaient pas les paysans arriérés ou les moines ignares, mais des intellectuels éclairés, distingués, polyglottes, romantiques.
J’ai donc souvent fait des pauses quand cette lecture était trop triste.C’est, cependant, un ouvrage très réussi, une sorte de collage entre les faits historiques et des récits très vivants. L’auteur se met en scène, souvent avec humour, offrant ainsi des pauses dans un texte qui n’est que rarement aride (quelques longueurs quand même dans le détail des lois antisémites votées ou non).

Je remercie Babelio et les éditions noir sur blanc de m’avoir fait connaitre cet auteur dans le cadre de la Masse Critique.

 

 

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

5 réflexions sur « Les voix de Iasi – Jil Silberstein »

  1. ce livre me fait penser à celui de J Gross sur la Pologne
    je note ce titre que j’avais déjà coché chez Noir sur Blanc car c’est un éditeur chez qui je fais souvent mon choix

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  2. Avez-vous trouve l’autre livre sur le pogrom de Iasi (ecrite en francais, en Roumanie)?
    J’aimerais ecrire ici quelques mots sur ce sujet et en special sur Eminescu…

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  3. Triste sans aucun doute, mais je rejoins Keisha, incontournable aussi. Je me souviens d’une visite à Iassi, à l’époque (Caeusescu) ses problèmes-là n’étaient pas du tout évoqués. (le sont-ils davantage aujourd’hui ?)

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