CARNET PORTUGAIS

Le monastère occupe tout un côté d’une vaste place, la façade baroque de l’église est encadrée par de très longs bâtiments sobres.
Passé le porche surchargé de décors, dépassés les grandes silhouette de Saint Bernard et de Saint Benoît, on entre dans un monastère cistercien, donc dépouillé. La nef de l’église est haute. Les arcs brisés annoncent le gothique mais on n’a pas ouvert les verrières qui éclairent les cathédrales gothiques. Les chapiteaux sont romans. Il faut se dépêcher de visiter l’église, la Messe va bientôt commencer et on chassera les touristes.

Les tombeaux d’Inès de Castro et de Dom Pedro se font face dans le transept. Ce sont les protagonistes de la pièce de Montherlant, la Reine Morte. Dom Pedro ; fils du roi Afonso V, marié à l’infante d’Espagne Constança, tomba amoureux d’Inès, la suivante de l’Infant, Inès de Castro. Afonso V éloigna Inès. A la mort de Constança, Pedro alla vivre avec Inès à Coimbra. Afonso fit assassiner Inès et Pedro se rebella contre son père. A la mort du roi Afonso, Pedro, révela son mariage secret, fit exhumer Inès, la couvrit de pourpre et la couronna. Il contraignit les nobles de la cour de baiser la main de la reine morte et fit arracher le cœur de ses meurtriers.

Cette histoire – macabre – donne un éclairage particulier à la visite. C’est aussi le fil rouge pour une autre visite : celle de l’installation de la plasticienne Cristina Rodrigues dans les murs du monastère. Je suis souvent sceptique à propos de ces installations dans des lieux prestigieux. Parfois le cadre magnifie une sculpture quelconque, parfois il la ridiculise comme à Blandy- les- Tours, j’avais accouru sur le conseil de Télérama pour voir quelques bouts de ferraille. Le travail de Cristina Rodrigues m’a beaucoup intéressée. J’y ai prêté autant d’attention qu’au monument lui-même.
Dans la Salle des Rois, un baldaquin de pompons bleus, blancs et jaunes ; de lacets et de galons de dentelle rayonnaient d’une couronne centrale figurant la royauté. Autour de la salle, les rois du Portugal, en statue grandeur nature, se tiennent debout et racontent l’histoire de Portugal. En dessous des azulejos 18ème siècle, racontent la bataille de Santarem gagnée par Afonso 1er en 1147 qui fit appel à Bernard de Cîteaux. On voit les moines mesurer les futures fondations du monastère.

Le cloître de Dinis ou cloitre du silence est planté de quelques orangers dans des carrés limités par des buis, mais son aspect général est plutôt minéral. En son centre, la plasticienne a disposé une sculpture faite avec des bouteilles à l’envers sur une sorte d’égouttoir et l’a titrée Les vignes de la colère. Quelle colère ? Celle de Dom Pedro contre son père après l’assassinat d’Inès ? Je l’imagine puisque je lie l’installation à l’histoire de la Reine Morte.

Le cloître est bordé d’arcades avec des chapiteaux romans figurant des végétaux et un besstiaie de dragons et chimère. Les chapiteaux romans me touchent.
Dans la Salle Capitulaire se trouvent de grandes statues de terracotta, des anges musiciens.

Les cuisines sont impressionnantes par leurs dimensions, la hauteur des cheminées carrelées qui font des hottes gigantesques au dessus de la rôtisserie. Combien de bœufs pouvaient tourner à la broche ? Les éviers ont la taille d’une grande baignoire de pierre. Leurs robinets sont des têtes à taille réelle. Le bruit de l’eau est très présent : on a détourné une rivière pour que le monastère puisse boire et cuisiner.

C’est ici que l’installation est la plus frappante : dans la rôtisserie, sur des tringles sont alignés des sachets de plastique transparents alternant avec des rubans blancs. Le contenu du sachet n’est pas évident à première vue. Je pense à des gargoulettes de céramique blanche. Intriguée, je regarde mieux et découvre des tuyaux à la partie supérieure. Un doute m’effleure : on dirait des cœurs avec les veines et les artères. Le doute est levé quand je découvre une rangée de ces vases en céramique noire accompagnés de rubans rouges posés sur la grande table de pierre. D’autres sont suspendus au dessus de la fontaine. Ce sont bien des cœurs. Equivoque cuisine qui embroche des cœurs ! Me vient l’image de Dom Pedro arrachant les cœurs des assassins d’Inès. Cœurs noirs et cœurs blancs. Cœur symbolisant l’amour des royaux amants. Le titre de l’installation est parlant : Os amantes !
Le Réfectoire est dans la pénombre, les moines y dinaient en silence, écoutant la lecture des Saintes Ecritures. La plasticienne y a dispersé six chandeliers laqués soit de noir soit de blanc. En place des cierges elle y a suspendu des chaines dorées qui scintillent où sont accrochés des bijoux de filigrane. Couchés dur les socles, des angelots, putti, ou bébés batifolent avec des feuilles de vigne, des grappes de raison, bébé laqués de noir ou de blanc.
Dans le Dortoir, à l’étage, la plasticienne a placé des sièges formant un U. Au pied de chaque chaise, se trouvent des pieds en résine noire, des chausses creuses. Chaque chaise est enrubannée, double de crépon. Sur certaines elle a déposé de petits paquets. Scène plus difficile à interpréter. Elle m’évoque un tribunal (rien ne le prouve). Les assassins d’Inès seraient ils jugés ici. A moins que ce soit ici que dom Pedro ait réuni la Cour pour prêter hommage à la Reine Mort.
Bien sûr, ces interprétations sont entièrement personnelles. En dehors des titres, rien n’est explicité. Et tant mieux !
Nous continuons la visite et découvrons par hasard le Cloître des Novices(ou des évêques) ecore plus vaste que le premier, classique et austère (fin 16ème – 17ème ) planté de rosiers dans des carrés de buis.
La plasticienne m’a guidée dans cette visite. J’aurais aussi bien pu emprunter l’audioguide et m’intéresser plus à la vie des moines ou aux aspects historiques. Tout est dans les guides, inutile de les recopier.

particulier, mais intéressant!
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