CARNET IRLANDAIS

9heures , les deux petits catamarans Voyager et Liscannor attendent que le ferry de Cape Clear appareille pour embarquer. Un couple de Suédois arrive, vêtu de ciré des pieds à la tête, bonnets de jacquard scandinave, mitaines et bottes en caoutchouc. La dame me propose des chaussettes en voyant mes pieds nus dans les sandales. N’ayant pas envie de les porter « à l’allemande » je décline son offre. Question mode allemande, les autres passagers sont justement un groupe de randonneurs allemands en magnifiques chaussures à hautes tiges, pantalons souples et parkas.

Nick fait l’appel des passagers, accueille chacun chaleureusement et les répartit dans les deux embarcations. Il faut revêtir des gilets de sauvetage avec harnais et baudrier. En attendant le départ, deux phoques font leur apparition. On les appelle familièrement George. Ils suivent les bateaux des pêcheurs sachant qu’ils jettent du poisson par-dessus bord.

Tout d’abord, discours de Nick en deux points : premier point, sécurité. Si quelque’un tombe à l’eau, lancer la bouée de secours appeler et ne pas quitter l’homme des yeux en pointant du doigt sa direction. En cas de naufrage les gilets se gonflent automatiquement si on tirer la petite boule (comme dans les avions).
Deuxième point : les animaux. Nous ne sommes pas dans un parc d’attraction. Les mammifères marins se montreront, ou non. Dans les régions où ils s’accouplent, ils se rassemblent, la densité et forte, dans les régions où ils recherchent leur nourriture (c’est le cas) ils sont peu nombreux, répartis sur une surface très vaste. Ce sont des animaux sauvages qui vont où bon leur semble.
Le ciel s’est couvert. Le temps est brumeux mais sec. Il fait très frais sur le bateau. A l’arrière la cabine fait écran au vent. Nous passons à l’avant en s’accrochant au bastingage, avec l’impression de mieux observer. Réflexion idiote, rien ne dit que les animaux n’arriverons pas par derrière.

Les joies de la navigation suffisent au début. Le port de Baltimore s’éloigne, nous passons entre le Beacon et l’île Sherkin. On se rend compte qu’on est en haute mer quand le catamaran bouge beaucoup. On dirait même qu’il laboure une terre offrant de la résistance. La surface apparaît presque noire, les creux sont variables. Parfois l’eau tape d’un gros coup sous nos pieds (Nick nous avait prévu dans son discours).Selon lui, la visibilité pour observer les animaux n’est que de 80 mètres : l’eau grise a la même teinte que le dos des baleines. Pour les trouver dans la vastitude de l’océan, les oiseaux donneront des indices.Comme les mammifères, ils pêchent –leur activité est signe d’abondance de poisson.
La brume se déchire. L’eau devient bleue. Brandon, le capitaine du Liscannor – revient vers nous. Tous les passagers sont massés à l’avant et prennent des photos. La jeune Américaine pousse un hurlement « O my God ! »Les dauphins accompagnent le catamaran bleu. Ils bondissent tout près. Ils ont l’air de surgir du creux dessous la coque . Deux, trois, ils doivent être beaucoup plus nombreux. Gracieux, bondissants, joyeux, leur animation est communicative. Chaque apparition tire de notre part des acclamations, comme au feu d’artifice ou comme à Guignol (il n’y a que des adultes sur le bateau et ils ont dépassé la soixantaine sauf le jeune couple américain).Ils sont proches de nous. Une mère est accompagnée de son petit qui reste au contact. Après quelques minutes, l’observation devient plus facile. On distingue dans l’eau cristalline leur ventre blanc, les taches. On essaie de les filmer ; impossible de les photographier, ils sont trop rapides. Ils nous accompagnent, puis nous abandonnent. Brandon et le Liscannor s’éloignent. Le Voyager continue son labour dans les creux. Le voyage se prolonge. Il est près de 11heures, je croyais qu’on avait pris une croisière de 2h, nous sommes loin de Baltimore. Nick nous avait parlé de « a cup of tea » sur l’île de Cape Clear. Je lui demande l’heure de retour : 2 pm – ce sera plus cher que prévu.
« Whales ! » hurle Nick qui arrête le bateau. Le Liscannor arrive droit sur nous. On croit deviner le dos d’une baleine(avec les yeux de la foi). Peut être sortira-t-elle ou nous montrera-t-elle sa queue ? Rien ne se passe ; les passagers du Liscannor regardent dans une autre direction. Il y aurait une deuxième baleine ? Tout aussi discrète que la nôtre. Nick s’inquiète « est-ce que tout le monde est OK ? Il peut arriver que certains soient malades quand le bateau s’immobilise. Brandon remonte à plusieurs reprises un seau pour lessiver l’arrière de son catamaran bleu. Au bout d’un quart d’heure, on se lasse. La baleine ne donne plus aucun signe de sa présence. Le ciel s’est couvert sans qu’on n’y prenne garde. La mer est grise comme la baleine. L’île de Cape Clear est noyée dans le brouillard, on ne voit que la frange des vagues qui viennent battre la falaise. En longeant sa côte on peut distinguer les petits champs cultivés et les maisons dans les creux. Les cormorans nous amusent avec leur silhouette bizarre, leu grand cou sinueux et leurs ailes étalées. Plus loin, je crois voir des cormorans alignés, ce sont les dauphins qui ont prévu une chorégraphie d’accueil à Cape Clear. Ils sont nombreux. Les oiseaux continuent le ballet : petits trapus à la tête noire : puffins ou guillemots.

clear dans le brouillard
Dans la brume, le port de Cape Clear est irréel avec ses maisons colorées sur la pente. Deux ferries orange se succèdent. Le port est minuscule. Dans la rade : deux vieux bateaux de pêche à la coque peinte en rouge. Un peu plus loin, un curieux monument une jeune fille est à genoux en corsage bleu, jupe bleu marine, voile bleu et blanc devant la Vierge habille de blanc, mains joints ; Dédoublement de la Vierge ? Ce monument naïf fait sourire mais on comprend la religiosité des gens de mer surtout sur cette île désolée.
Cape Clear est un bastion pour la langue gaélique qu’on enseigne ici. Les festivals de musique celtique et de contes irlandais animent l’île en saison.
Le minuscule restaurant fait aussi fonction d’épicerie, de dépôt de journaux, de bureau de tabac…Deux jeune filles e demandent le prénom en prenant la commande puis la serveuse appelle le destinataire du plat qui se fera connaître. Je choisi une soupe de légumes (pommes de terre, carottes, poivron rouge)moulinée 4€, servie très chaude dans un bol accompagnée de deux épaisses tranches de pain brun délicieux et de deux petites plaquettes de beurre. C’est délicieux et cela tient au corps. Au menu également des filets de poisson frit avec des pommes de terres frites, des spaghetti au saumon et épinards, chouwder (soupe de poisson) apple-pie et scones avec l’inévitable cup-of-tea pour ceux qui ne veulent pas déjeuner.
Sur la route du retour, un curieux phénomène : de l’eau semble s’élever en fontaines verticales. Une baleine ? Pas du tout ! Ces jets sont les éclaboussures provoquées par le plongeon des Fous de Bassan qui se laissent tomber le bec en avant, les ailes écartées du corps à la verticale en soulevant l’écume. Ils déclenchent les mêmes « O my God ! » de l’Américaine et diverses exclamations germaniques. Ces fous sont vraiment de gros oiseaux spectaculaires.

En se rapprochant des rochers on s’exclame « des phoques ! ». Les grosses masses rebondies sont posées sur les rochers. Comment se sont ils hissés si hauts ? – sans doute à marée haute – D’’autres agent à proximité tranquillement. Le bateau ne semble pas les impressionner.
Le brouillard était déjà pénétrant, maintenant la pluie tombe dru. Je me réfugie dans la cabine. J’en profite pour me faire expliquer par Nick les instruments de navigation : l’écran où le symbole du bateau se déplace entre les îles et les roches (comme le GPS) le gros compas sphérique dans son liquide. Nick rectifie la direction. Dans le brouillard il est attentif aux images de l’écran.
A Baltimore, la pluie a cessé et je vais prendre un café pour la Wifi. Nous rentrons au gite passé 3h. Douche et shampooing pour se réchauffer ?
Ça a l’air tout simplement merveilleux. J’avais adoré voir les baleines au Québec et je suis prête à remettre ça. Les dauphins aussi d’ailleurs.
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@nathalie : tu les as vraiment vues les baleines? parce que moi j’ai plutôt vu une illusion de baleine! Les dauphins eux sont très sympas
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