CARNET IRLANDAIS

Réveil ensoleillé : la montagne au dessus du B&B Gamekeepers est dégagée. Les fuchsias resplendissent. Le petit ruisseau, de l’autre côté de la route, cascade gentiment. Rita est optimiste « les fermiers ont commencé leurs foins, il leur faut deux jours sans pluie pour l’ensilage. Nous aurons deux jours de beau temps ».
Elle me montre les gousses d’ail qu’elle a disposées sur la table de bois du jardin : pour éloigner les midges. Je regretterai de n’avoir pas discuté plus avec Rita. Son savoir en matière de jardinage et de dictons est inépuisable. Sa prédiction météo ne s’est pas réalisée, à 14h la pluie est arrivée. Fine, d’abord, lourde, après 16h.
Pour arriver à Tralee, la route la plus courte passe par Connor’s Pass et nous repassons le col avec plaisir sous un temps clair qui fait briller l’eau et les bancs de sable. A l’entrée de Tralee, un beau moulin fonctionne. Tralee est une grande ville, avec des immeubles et des industries. Une rocade permet de l’éviter ; je remarque un bâtiment rond, brique et verre, très design : c’est un cinéma. Les flèches du bac de Tarbert nous facilite la route. La route traverse une campagne de bocage, légèrement ondulée avec des haies vives et des bosquets d’arbres.

La Rivière Shannon s’étale dans un large estuaire qu’on passera sur un bac (20 minutes, 18€) par véhicule). La traversée n’offre que peu d’intérêt touristique. Il y a quelques usines et une centrale électrique. On nous a promis des dauphins qui ne se montrent pas. Une petite route coupe plein nord de Killimer à Quilty mais nous préférons suivre la côte sur la Wild Atlantic Way qui traverse Kilrush, Kilkee, Doonbeg, Quilty, Spanish Point et Milton Bay où est situé notre B&B. C’est un peu plus long et on voit la mer.
Je me prends à rêver de Fish & Chips ou de soupe bien chaude. Pas de restaurant à notre goût dans les stations balnéaires que nous traversons. Nous n’avons pas envie de nous enfermer à l’intérieur d’un pub par le beau soleil. jamais !

Sur le bord de la route un panneau indique Blue Horizons, notre gîte, qui ne se trouve pas du tout à la mer comme je l’avais supposé à la réservation sur Booking.com, mais dans la campagne. Une petite roue encadrée de graminées hautes et de fleurs blanches et violettes avec des inflorescences fines et verticales aux fleurettes serrées que je n’arrive pas à identifier. Les blanches, je les ai rencontrées dans les Pays Baltes. La route est si étroite que les fleurs touchent les flancs. Elle monte dans la colline et nous arrivons à une maison neuve, blanche. Par les grandes baies, je découvre une belle salle de réception. Les propriétaires sont absents pour le moment, un petit mot donne un numéro de téléphone.
Je mémorise l’adresse dans le GPS et nous allons à Lahinch « station balnéaire familiale » selon le guide Vert. Le village traditionnel se résume à une rue avec quelques pubs. Le bord de mer est hideux : deux parkings payants bondés, un « aquaworld » à la façade rouillée. Pas de terrasses ni de restaurants sympathiques, juste une pizzeria ans un centre commercial sombre installé dans une sorte de hangar, des marchands de glace. Je découvre un fastfood « Enzo » qui vend hamburger, nuggets et fish&chips. Le menu « fish&chips » 8.5€ suffira pour deux tant la part est généreuse. On mangera dans le parking. La place est inexistante à marée haute. L’eau arrive jusqu’aux blocs accumulés pour protéger la digue. Seule occupante du remblai, une femme en fauteuil roulant coincé, je ne sais comment dans les blocs. Déprimant !
Le soleil s’est caché, ciel gris aux nuages menaçants.

La pluie ne tombera qu’au début de ma promenade sur les Falaises de Moher. Toujours impatientes, nous avons quitté la grande route trop tôt. Au lieu d’arriver au Centre des Visiteurs (6€) nous arrivons sur un parking à un bon kilomètre de la falaise (2€) mais 15 minutes dans les prairies en montée pour trouver le sentier côtier. Le chemin est goudronné, mais interdit à la circulation. Les panneaux sont explicites, le contrevenant n’est pas le bienvenu. La circulation des piétons est encadrée, par des clôtures électrifiées. Parvenue sur la crête, je découvre enfin les vertigineuses falaises. Déjà venue il y a 20 ans, j’avais vraiment éprouvé le vertige – sensation que j’ignore en montagne, j’adore la via ferrata . Aujourd’hui, comme à Mizen Head je suis déçue de ne pas sentir le pincement de l’appréhension. Les randonneurs sont invités à suivre le sentier officiel gravillonné. Aucun danger de glisser, il est sécurisé par un alignement de dalles de schiste gréseux gris foncé haute d’au moins 80 cm. Un talus encore plus haut bouche la vue. Des gens plus hardis marchent en haut. Pendant un certain temps – bien disciplinée – je marche sur le parcours où je ne vois pas grand-chose, surtout pas les oiseaux qui nichent dans la falaise. Puis, je fais comme les autres et grimpe sur le sentier haut. Celui-ci me réserve une mauvaise surprise : il s’interrompt brusquement et la descente est hasardeuse (3m sur un rocher détrempé glissant). Deux Espagnols m’assurent. Je retourne derrière les dalles un moment pour remonter de plus belle. Les goélands se tapissent dans des creux minuscules. Les guillemots et les macareux sont invisibles. La pluie forcit. Je retrouve Dominique sur le parking du Centre des visiteurs, me félicitant de l’itinéraire pris au petit parking. Autour du Centre, cela bouchonne sur le sentier malgré la pluie battante.

Le B&B Blue Horizons est beaucoup plus luxueux que nos hébergements précédents. Notre chambre est très vaste et de très bon goût : murs gris perle, long rideaux beiges, un beau coffre sombre précède le lit. Tête de lit de cuir brun, courtepointe piquée marron assortie, literie blanche, coussins écossais camaïeu ; Sur les deux tables de nuit les lampes ont un abat-jour décoré de feuillage brun stylisé. Une glace reflète les tris sous-verres au dessus du lit : herbier d’algues marines. Salle de bain parfaite avec un sèche-cheveux bien utile après la pluie!

Dans la salle de séjour commune, deux canapés de cuir confortables se font face, un rocking chair. La vue merveilleuse sur l’Atlantique peut être magnifiée par une longue vue sur pied. Un couple d’Australiens très sympathiques y est installé. Nous buvons le thé ensemble. Leur jovialité compense l’absence de l’hôtesse qui s’est contenté de noter l’heure du breakfast et de nous ouvrir la chambre.
Trempées, le confort et le luxe nous conviennent bien.
Oh! quelle horreur, des parkings, des bouchons, un route goudronnée, ce n’est pas mon souvenir des falaises de Moher et pourtant il y avait déjà beaucoup de monde mais rien de comparable! Lahinch aussi n’a pas l’air très agréable!
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@claudialucia : nous étions venus il y a 20 ans et l’endroit m’avait laissé un souvenir sauvage, mais maintenant c’est beaucoup trop organisé, cela tue la poésie
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