CARNET DES BALKANS/ALBANIE

Nous avons trouvé la bonne route pour rentrer à Korçe alors que l’aller s’était effectué sur de mauvais chemins. La route d’Erzeke est bien indiquée. Elle traverse une contrée riante avec dees champs de blé et surtout des vergers. Je remarque au flanc des collines des anciennes terrasses colonisées maintenant par l’herbe que paissent les troupeaux, témoins d’une période meilleure ; Que cultivait-on sur ces terrasses ? Il semble que l’abandon soit déjà ancien.

A Kaminça, le tumulus est facile à trouver. On a construit un Centre d’interprétation avec des gloriettes pour le pique-nique si on est touriste ou pour travailler si on est archéologue. C’est un très grand site de 30 mètres de diamètre qui a servi de cimetière pendant sept siècles. Au centre se trouve la tombe primitive, tout autour, décrivant des anneaux, les tombes recélant plusieurs squelettes qui font l’objet d’études très poussées expliquées par un vidéogrammes : étude des dents, études génétiques. On a même retrouvé une femme enceinte avec son fœtus, et des traces d’opération du crâne réussies. Les spécialistes peuvent faires des statistiques de la démographie et de l’état de santé d’une population pendant sept siècles.
La route butte sur un chantier monstrueux avec des énormes engins, des énormes tubes, la montagne est entaillée, on voit des gros tas de remblais. Que construit-on ici ? Une route c’est sûr, mais à quoi servent les gros tubes ? un barrage ? J’ai demandé au guide de Permet il s’agit en fait de la construction d’une autoroute.

Il faut quitter la bonne route pour prendre une ancienne qui tortille. Le paysage est grandiose, au loin, on voit de nombreuses crêtes de hautes montagnes ? A chaque tournant, on se croit arrivé, puis cela remonte. Le trajet d’une vingtaine de km paraît interminable. Belles fleurs, sauge bleue, vipérine et autres fleurs roses que je n’arrive pas à identifier.
A Erzeke, un chantier barre la route, on aménage une belle place au centre qu’il nous faut contourner. Le GPS s’affole. Comment trouver le village de Rehove ? J’entre dans un supermarché avec le Road book. Dialogue de sourds, soudain une jeune femme me demande « Ellenika ? Nai ! » Bien sûr ! Avec le Grec on se comprend ! elle m’explique la route, tout va bien ! Jusqu’ici c’était l’Italien, maintenant il va falloir que je convoque la langue grecque, cela vient de loin et mon vocabulaire est pauvre.

Malheureusement le grec de nos hôtes à Rehove n’est pas tellement meilleur que le mien, pourtant leurs enfants vivent à Athènes. Est-ce qu’il y a des grecs au village ? Non tous sont partis en Grèce, c’est de l’autre côté de la montagne. Rêve grec, rêve européen, même si la crise y sévit, c’est toujours l’eldorado des Albanais.
En attendant, à l’arrivée au village, il faut trouver la maison de nos hôtes. On continue la route carrossable jusqu’au lavoir ou la fontaine. Après, c’est la montagne. Un jeune berger nous dit de garer la voiture et de descendre « kato » kato ? où précisément ? il ne sait pas expliquer et me plante là. J’appelle avec le téléphone albanais, juste après Armand m’appelle. Enfin, je trouve quelqu’un dans le village, je lui tends l’appareil. Nous voilà retrouvées, ou presque dans le dédale des ruelles. Comment Dominique va-t-elle descendre sur les galets et les marches ? Il y a un chemin plus facile qui arrive dans la cuisine.

Koço (Konstantin) et Lavdje sont des retraités très sympathiques, très affectueux. Comme nous n’avons pas de langue commune, ils parlent avec les mains. Pour meubler la conversation je sors le Rad book qui les intéresse, puis leur montre les photos qu’n a prises à Korçë, Voskopojë et Tusheisht, puis je cherche dans la galerie du téléphone des photos de famille. Finalement on a plein de choses à échanger !
Le village est construit de belles maisons de pierres aux toits de lauzes ou de tuiles romaines, aux rues étroites avec de la vigne qui déborde, cerisier, pommiers et pruniers qui dépassent.

J’ai aimé les entrées avec les petits auvents à deux pans au dessus des porches et surtout els deux sièges de pierre de part et d’autre de la porte. N peut s’asseoir sur le « pas de la porte ». J’ai aimé les portes vermoulues où le temps a creusé le vois jusqu’à ne laisser que les veines dures en relief. Parfois sur la porte rustique je trouve un heurtoir de cuivre ou de laiton, une main délicate qu’on imaginerait citadine. Ou un graffiti de chat, naïf. Derrière les hauts murs se cachent des jardins, des plants de tomates déjà hauts, ou des haricots ramés.

Les chats se faufilent, les chiens surveillent, sans agressivité ; je découvre deux chevaux, des vaches qui broutent attachés à la longe. Quand vient le soir, le troupeau, chèvres devant moutons tondus derrière, passe devant la maison poussé par deux bergers.
20h, on se met à table, un morceau d’agneau trône sur une sorte de flan jaune. Il y a aussi du börek aux épinards, un bol de yaourt de brebis très épais et crémeux, un peu acide, excellent, de la feta, des tomates, des concombres. Au dessert une génoise très jaune et très sucrée.
Lavdje et Koço sortent les photos de famille et montrent leurs enfants. On parle des fruits des routes, du village. . Pour les courses, ils vont à pied à Erzeke, ils n’ont pas de voiture. Pour Athènes, ils prennent l’autobus, c’est long. Il ne reste plus que 250 habitants à Rehove, 900 du temps du communisme, le village se vide « il n’y a pas de travail en Albanie » soupire Ladje.