Beyrouth 2020 – Journal d’un effondrement – Charif Majdalani

LIBAN

Charif Majdalani m’a enchantée avec les sagas familiales qui racontent  l’histoire du Liban sur deux siècles et de nombreuses générations : j’ai beaucoup aimé Caravansérail, Le Seigneur de Marsad, L’Empereur à pied, et la Villa des Femmes. A l’occasion du Mois du Liban initié par Maeve, et à la suite de la catastrophe du 4 Août 2020, il m’a semblé évident de commencer mes lectures libanaises par cet ouvrage. 

Au mois de juillet 2020, Charif Majdalani tient un journal où il note les effets sur la vie quotidienne de l’effondrement annoncé. Cela commence à la banque où il devient impossible de retirer son argent. La fourniture d’électricité devient  erratique. Puis la fourniture d’eau courant. Les ordures. 

« La machine économique est moribonde, les commerces sont au bord de la ruine et pourtant, depuis le matin, une activité effrénée s’empare de la ville, comme aux plus beaux jours de son opulence subitement passée. Les embouteillages ne sont pas pires que naguère, bien que les feux de signalisation se soient éteints avec la pénurie de courant électrique. Là où il y en a encore, incompréhensiblement, les agents de la circulation encouragent les automobilistes à les brûler »

Après avoir énuméré toutes les anomalies prémisses de l’effondrement économique, l’auteur analyse les causes de cette crise: la mise en coupe claire de secteurs entiers de l’économie:

En trente ans, le pays tout entier est devenu la chasse gardée de la caste des oligarques au pouvoir, qui a établi avec les citoyens une relation de nature mafieuse, offrant protection, garanties et petites opportunités à tous ceux
qui les sollicitaient et bloquant toute autre

Le pays est dévasté,  la crise économique se double d’une catastrophe écologique.

La destruction des paysages, des forêts, des montagnes, ne commença pas avec les barrages. Elle débuta
bien avant et constitue l’une des conséquences irréversibles de la guerre civile. Il est rare de voir un conflit
donner lieu à un mouvement intense de construction dont, paradoxalement, les effets dévastateurs s’avéreront
plus importants que ceux des destructions et des ravages guerriers. C’est pourtant ce qui se passa ici, où l’on
n’est plus à un paradoxe près. Durant la guerre civile, la dérégulation totale, l’anarchie et l’absence d’autorité
pour faire appliquer les lois entraînèrent une urbanisation sauvage encouragée par les déplacements »

Cette confiscation de l’économie par la caste des oligarques depuis une trentaine d’année fut quand même mise en cause par la révolution

Le 17 octobre 2019, le gouvernement annonça une taxe sur les appels Whatsapp, une application gratuite. une mesure de plus afin de camoufler encore pour quelques semaines et ridiculement, l’énorme trou des déficits publics

La goutte qui fait déborder le vase et des milliers de manifestants sortirent dans la rue. L’espoir qui est né avec cette Révolution libanaise trouva la pandémie!

Mais une dernière catastrophe s’est abattue sur Beyrouth :

« 4 août 2020, à 18 h 07, la cargaison, ou ce qui en reste, chauffée par l’incendie, ou emportée par l’explosion
d’un dépôt d’armes, ou bombardée, explose. Six années d’opacité et d’irresponsabilité, résultat de trente années
de corruption et de mensonges, de politiques mafieuses »

Reprenant son  journal quelques jours après l’explosion, il faut d’abord faire l’inventaire des décès, des blessures, des destructions. Mais, étrangement une note d’optimisme survient :

Durant la journée, le moral remonte un peu, au spectacle notamment de cette immense jeunesse qui s’est levée
comme un seul homme pour prendre sur elle d’effacer les traces du cauchemar et d’aider à commencer à rebâtir,
en l’absence de l’État voyou dont tout le monde vomit jusqu’aux plus anonymes de ses représentants et les
chasse dès qu’ils osent apparaître sur le terrain au milieu des ruines.

Effondrement, corruption, destructions, Covid…l’histoire n’est pas terminée. la conclusion en suspens, comme une canette qui roule…

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

5 réflexions sur « Beyrouth 2020 – Journal d’un effondrement – Charif Majdalani »

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