Les Mille et unes vies de Théodore Roi de Corse – Jean-Claude Rogliano

LIRE POUR LA CORSE

Un roman historique parfait pour accompagner nos vacances en Corse!

« Sans nul doute, Théodore était l’aventurier qu’on qui  disait. Il n’en était pas moins roi. Élu par le peuple, il
l’était plus encore que par la soi-disant volonté divine. En instaurant la liberté de conscience, en donnant
naissance à une monarchie constitutionnelle, en établissant la séparation des pouvoirs, de tous les
souverains qui régnaient en Europe, aussi éphémère fût-il, il avait été le plus éclairé. »

La carrière du baron Théodore de Neuhoff commence à Versailles à la Cour de Louis XIV en 1710 comme page de la Princesse Palatine qui le charge d’écouter et de lui rapporter tous les ragots . Théodore a quinze ans, il est vif, doué d’une excellente mémoire et de l’usage de 5 langues  C’est ainsi que débute sa carrière d’espion. Comme la vie de cour est ennuyeuse pour un jeune homme, il traine à Paris dans les tripots mal famés et devient un joueur de cartes professionnel.  

En plus des intrigues des courtisans, il rencontre des diplomates, et même entend parler de la Corse, possession ligure. Les Génois y construisent des ponts, des tours contre les pirates, font plante châtaigniers, vigne et oliviers et ne récoltent que du ressentiment des natifs..

« -Il faut dire, finit-il par répondre que des amendes sont infligés  s’ils ne le font pas

-des amandes à la place des châtaignes! C’est toujours pour ces drôles une façon de récolter les fruits de leur mauvais vouloir! « 

Au lieu d’apprécier le calembour, Théodore analyse  les raisons de la mauvaise volonté des insulaires et saisit l’importance stratégique de l’île.

La finesse de sa répartie attire l’attention d’un homme qui lui fait une offre auprès du Premier ministre du roi Charles XII de Suède. De page, Théodore devient émissaire …De la cour de Suède à Madrid, ministres et souverains font appel à cet agent secret.

Homme de paille, diplomate ou espion, aussi énigmatique que parusse ses fonctions auprès des grands serviteurs des Etats de l’Europe, qui côtoyât suscitait dans son entourage un intérêt plus grand que la défiance qu’il inspirait. Il vivait toujours au dessus de ses moyens…

Dépensier, joueur, sans scrupule,  escroc, il voit la chance tourner, et se retrouve poursuivi pour dettes (ou pire).

La rencontre avec le père Giulianu sur la route de Rome, sera décisive. Des connaissances en alchimie lui font gagner la confiance du religieux qui cherche la formule pour la transmutation du plomb en or

Pour ce que nous savons de la lutte qu’il mène, il semblerait plutôt que l’étape finale de sa quête serait de
transmuer l’or… en plomb.

Transmuer l’or en plomb, répéta-t-il, et accessoirement… en poudre?

(pour les résistants corses en rébellion contre Gènes. Grâce à ses renseignements glanés autrefois dans la diplomatie Théodore gagne la confiance des Corses exilés à Livourne.

Cette tractation ne lui rapporta cependant pas autant que celle qui lui avait été proposée pour le compte de
Charles VI. Il s’agissait de recueillir les renseignements les plus nombreux et les plus précis possible sur
cette île de Corse dont il avait déjà entendu parler des troubles qui la secouaient. Ces informations auraient
été adressées à Vienne afin de donner au prince de Wurtemberg les éléments les plus objectifs lui
permettant de conclure le traité qu’il proposerait aux belligérants.

Coup de poker, dans la guerre contre Gènes, il propose d’unifier les différents chefs sous son autorité et se fait élire Roi de Corse après avoir marchandé de l’aide militaire chez les Turcs et les Anglais qui convoitent la position stratégique de l’île ainsi que ses richesses…

à la tête de ce petit peuple avide de liberté, de justice et de démocratie, le monarque de carnaval que
s’attendaient à voir régner les souverains des pays d’Europe se révélait être un vrai Roi.

Dans la guerre que mènent les Corses contre Gènes et les mercenaires, Théodore se comporte en véritable chef de guerre, il se fait apprécier des Corses, surtout des paysans qui l’honorent de leur hospitalité.

Les  armes et les munitions qu’il attendait de ses alliés anglais n’arrivent pas. La résistance corse faiblit et il ne reste plus pour le Roi éphémère que d’aller quémander du renfort. D’abord bien accueilli dans les salons londoniens il mourra dans la misère, toujours attaché à son royaume…

Si la personnalité de Théodore de Neuhoff, fait un héros attachant et passionnant, l’intérêt majeur du livre de Rogliano est le récit des guerres que les Corses ont mené contre l’oppression Génoise. Non seulement, ils étaient écrasés par l’impôt, humiliés mais surtout ils étaient privés de moyen de défense contre les razzias que les Turcs menaient dans les villages. Les Génois avaient construit des tours à feu pour prévenir les villageois des incursions barbaresques mais ils leur interdisaient de posséder des armes à feu. Les Génois opéraient des perquisitions dans les domiciles des villageois et la possession d’une arquebuse ou d’un fusil pouvait entraîner son propriétaire aux galères. Gènes, puissance essentiellement financière et non militaire avait recours aux mercenaires et louait des soldats pour se battre contre les Corses. La bataille contre les soldats Allemands à Calenzana contre lesquels des ruchers ont été lancés est restée dans les mémoires… D’autres anecdotes sont très instructives.

Enfin : la Constitution Corse  a suscité l’admiration des Philosophes de Lumières fut inspirée par les idées de progrès : 

que les notions de tolérance, de liberté, d’égalité, mettront à se frayer parmi les fanatismes, les peurs, les
absolutismes d’une civilisation fossilisée. En donnant droit de cité à ceux qui apporteraient leurs
différences, le pays qui n’exclurait
aucune manière de croire, de penser, de créer, d’être, ou de rêver, tendrait vers le bonheur d’une ère
nouvelle.

Parce que celui qu’ensemble nous bâtirions serait un royaume neuf, non seulement il serait le premier à
bénéficier de l’application de ces idées de progrès, mais nous en disperserions la semence aux quatre coins
de l’Europe.

ces Corses indisciplinés, teigneux, querelleurs, vindicatifs, jaloux, qui l’avaient élaborée dans le tumulte,
ne savaient pas qu’ils venaient de jeter les bases de la première Constitution démocratique d’Europe.

me demande quelle peut être cette grâce qui fait qu’un peuple comme le vôtre, démuni de tout et qui subit
une oppression aussi tyrannique, ait des idées si nouvelles!

Une leçon d’histoire et un roman de cape et d’épée passionnant!

 

 

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

7 réflexions sur « Les Mille et unes vies de Théodore Roi de Corse – Jean-Claude Rogliano »

    1. @sandrine, keisha, eimelle : mes lectures animent les villes, villages ou paysages. j’imagine les personnages des livres, je les vois aux terrasses des cafés, sur les places. Et quand je lis je sens le parfum du maquis, des immortelles. C’est un peu comme un millefeuilles qui se gonfle de l’air du lieu

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  1. J’aime bien aussi m’imprégner de la couleur locale à travers les livres. enfin, pour moi, c’est plutôt une réminiscence car je lis ce type de livres au retour de mes voyages. En tout cas, ce roman a l’air très agréable. J’aime beaucoup les ouvrages de cape et d’épée.

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