la Petite Communiste qui ne souriait jamais – Lola Lafon

JEUX OLYMPIQUES/ ROUMANIE

La Petite Communiste qui ne souriait jamais c’est Nadia Comaneci qui obtint la note parfaite de 10.0 aux Jeux Olympiques de Montréal 1976 à 14 ans.

Lola Lafon rédige sa biographie en se basant sur différentes publications de Presse, y compris des rapports de la Securitate mais aussi avec des conversations avec  l’ex-championne qui a quitté la Roumanie. 

« Il était une fois une histoire, cette histoire-là dont j’envoie consciencieusement chacun des chapitres à celle qui en est l’actrice et la spectatrice. Elle note, juge, exige la révision de quelques passages ou applaudit. Elle
tient ma main qui écrit son histoire, m’encourageant à croire et écrire… »

Cette lecture fait suite à celle de Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon qui a été un coup de cœur. J’avais envie de rester en sa compagnie et lire ce qu’elle avait à dire sur la Roumanie où elle a vécu jusqu’à l’âge de 12 ans. 

C’est aussi une lecture d’actualité après le matraquage médiatique des Jeux Olympiques Paris 2024auquel il est impossible d’échapper.

Evidemment, les pirouettes et autres figures à la poutres, aux barres, au sol ne m’intéressent nullement. Ni même l’entrainement intensif, la fabrique des championnes repérées dès les petites classes (6 ans) , les régimes alimentaires, le bourrage de crâne psychologique  pour faire une gagnante invincible. 

En revanche, l’utilisation idéologique et géopolitique des icones sportives, de la « petite fée » m’a accrochée. La rivalité entre les gymnastes roumaines et les russes correspond à la volonté de Ceausescu de se distinguer de l’URSS. les différents boycotts aux JO  de Los Angeles et de Moscou, rappel historique… Leçons d’histoire oubliée.

“Ce n’est pas que je veuille éviter de parler du boycott… Qu’est-ce que j’en savais, moi ? On se prépare pour
les Jeux, on nous dit l’Ouest ne vient pas, car il y a la guerre en Afghanistan. De toute façon, à l’époque, les
Américaines n’étaient pas des rivales dignes de ce nom, et en Roumanie, on n’avait besoin d’aucun
événement supplémentaire pour détester les Russes. « 

Bien sûr, la vie quotidienne en Roumanie est évoquée. Pauvreté, magasins vides, peur de la Securitate, mégalomanie du Conducator. Le pire de tout la « guerre contre les femmes », la police des menstruation. Quelle horreur. Nadia insiste, tout n’était pas négatif. Elle nuance.

Essayons de ne pas faire de ma vie ou de ces années-là un mauvais film simpliste. Bonne nuit à vous.”

La petite fée de 14 ans grandit, devient une femme, moins légère, moins désirable.

« Terminé le conte, terminée l’aventure, ne reste que ce chiffre : 1981. L’année où le Conducator décide que
le sport ne sera plus une activité réservée à une élite (une “Fée” ?!) adorée des Occidentaux. »

La fin du livre raconte la chute, chute de la carrière de la « petite fée »  et plus tard, chute du régime. Fuite de Nadia aux Etats Unis. La découverte du monde capitaliste n’est pas celle d’un paradis.

« on paye les gens pour qu’ils achètent”,
[…]

« dégoût de cet amoncellement absurde, me corrige-t-elle. La tristesse de se sentir envahie de désir devant
tant de riens. “Chez nous, on n’avait rien à désirer. Et chez vous, on est constamment sommés de désirer.”

Moins glamour, la deuxième partie est tout à fait intéressante et nous apprend beaucoup sur la fin du régime communiste.

Qui a dit que le sport n’était pas politique?

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

12 réflexions sur « la Petite Communiste qui ne souriait jamais – Lola Lafon »

  1. Je n’ai pas lu le livre. L’article y incite. Il faut revoir la performance en vidéo sur le net de Nadia Comaneci. Virtuosité du corps mu dans l’espace. À peine imaginable les douleurs de l’entrainement pour en arriver là. Depuis, je ne crois pas que pareil exploit fut de nouveau réalisé. Je m’éloigne du livre, pardon.

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  2. Ravie que cette petite sportive racontée par une Lola Lafon, elle-même danseuse adolescente, te plaise ! C’est me semble-t-il une excellente façon de poursuivre sa découverte après le précédent ! Merci pour ce retour 😉

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  3. Je croyais que Lola Lafon avait « brodé » autour d’éléments biographiques mais le fait qu’elle ait parlé avec l’intéressée et élargit le sujet aux liens entre sport et politique me tente beaucoup plus !

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  4. J’ajoute aussi mon petit grain de sel :

    Nadia n’a pas souri tout le temps parce que dans notre culture, personne ne sourit sans raison réelle. Personne ne pratique des sourires permanents, faux, devant des personnes et des situations qu’il ne connaît pas.
    Le parti a fait d’elle une communiste sans lui demander si elle voulait ou non en être membre.
    « On n’avait besoin d’aucun événement supplémentaire pour détester les Russes« : Oui, pendant des siècles, les Roumains n’ont jamais eu besoin d’un événement supplémentaire pour détester les Russes (plus précisément leurs dirigeants de tous les temps).
    Les femmes étaient contrôlées mensuellement pour voir si elles étaient enceintes, si elles avaient accouché ou si elles avaient avorté. Je détestais le régime parce qu’il ne fabriquait pas de produits d’hygiène intime et que dans les pharmacies on ne trouvait que très rarement du coton à partir duquel toutes les femmes préparaient elles-mêmes ces produits. C’était toujours embarrassant, horrible, de voir des files de centaines de femmes devant les pharmacies, attendant en espérant pouvoir acheter un paquet de coton. Je détestais ça.

    Quant à la pauvreté, les Roumains avaient assez d’argent mais (a l’exception des produits roumains)ils n’avaient rien à acheter avec. Plus précisément, les produits fabriqués à l’étranger n’étaient pas disponibles. On en trouve apres 1989, mais ils sont de mauvaise qualité. L’Occident les vend à l’Est, en prétendant que c’est ce que le monde exige ici. Mais les gens ici ne savent pas à quoi devrait ressembler un produit original. Ou par exemple, ils achètent à prix très élevé des produits qui existent depuis des décennies en Occident, mais qui sont ici présentés comme les « dernières nouveautés ».

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  5. Votre compte rendu de lecture est très intéressant : j’ai lu ce livre mais en le délaissant sur la fin, ce qui est dommage au vu de ce que vous m’apprenez. Outre «  Quand tu écouteras.. » il y a aussi « Chavirer » qui m’ a fait tellement apprécier Lola Lafon.

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