Albertine disparue – Marcel Proust

CHALLENGE MARCEL PROUST AVEC CLAUDIALUCIA

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« Mais, ces mots: «Mademoiselle Albertine est partie» venaient de produire dans mon cœur une souffrance telle que je ne pourrais pas y résister plus longtemps. Ainsi ce que j’avais cru n’être rien pour moi, c’était tout simplement toute ma vie. Comme on s’ignore! Il fallait faire cesser immédiatement ma souffrance. »

Le narrateur pense d’abord à lui-même, à sa propre souffrance avant de se demander pourquoi Albertine l’a quitté. Il pense la faire revenir en envoyant de l’argent aux Bontemps. Il songe à commander pour elle, un yacht, une Rolls Royce,  peut-être faire quelques concessions.

«Ce retour, elle-même le désire sûrement; elle n’exige nullement cette liberté à laquelle d’ailleurs, en lui offrant chaque jour des plaisirs nouveaux, j’arriverais aisément à obtenir, jour par jour, quelque limitation. Non, ce qu’Albertine a voulu, c’est que je ne sois plus insupportable avec elle, et surtout — comme autrefois Odette avec Swann — que je me décide à l’épouser. »

Se précipite-t-il en  Touraine plaider sa cause? Pense-t-il emmener Albertine  à bord de la luxueuse Rolls Royce? Pas du tout, il délègue son ami Saint-Loup pour une démarche alambiquée auprès de sa tante. Démarche qui doit rester secrète et qui sera contrariée.

Au lieu de mettre tout en œuvre pour le retour d’Albertine, Marcel ne trouve rien de mieux que de séduire une petite fille pauvre et de lui remettre un billet de cinq cent francs ce qui va lui valoir des ennuis bien mérités.

« quand je résolus de vivre avec Albertine et même de l’épouser, c’était pour la garder, savoir ce qu’elle faisait, l’empêcher de reprendre ses habitudes avec Mlle Vinteuil. »

Et puis, sa jalousie, sa curiosité, son toujours aussi vives, il est obsédé par l’idée qu’Albertine a eu des relations avec des femmes. Il n’enquête pas lui-même mais délègue Aimé (le maître d’hôtel de Balbec) qui lui rapporte des ragots (une doucheuse de l’établissement de bains), puis une blanchisseuse en Touraine. Andrée lui fait des confidences bien contradictoires. Entre fantasmes et ragots, je continue à m’agacer.

Il aurait été si simple d’écrire à Albertine « Revenez! » Elle-même lui écrit :

« j’aurais été trop heureuse de revenir si vous me l’aviez écrit directement »

Finalement il se décide d’envoyer un télégramme. Ce télégramme venait de partir que le narrateur en reçoit un de Mme Bontemps:

« Mon pauvre ami, notre petite Albertine n’est plus. pardonnez-moi de vous dire cette chose affreuse, vous qui l’aimiez tant. Elle a été jetée par son cheval contre un arbre pendant une promenade »

Peu de temps plus tard, Marcel voit son salut dans l’oubli. Il avait bien oublié Gilberte, sa grand-mère, même. Il oublierait Albertine. Bien sûr d’abord il convoque ses souvenirs :

« Comment m’avait-elle paru morte, quand maintenant pour penser à elle je n’avais à ma disposition que les mêmes images dont quand elle était vivante je revoyais l’une ou l’autre: rapide et penchée sur la roue mythologique de sa bicyclette, sanglée les jours de pluie sous la tunique guerrière de caoutchouc qui faisait bomber ses seins, la tête enturbannée et coiffée de serpents, elle semait la terreur dans les rues de Balbec; les soirs où nous avions emporté du Champagne dans les bois de Chantepie, la voix provocante et changée, elle avait au visage cette chaleur blême rougissant seulement aux pommettes que, la distinguant mal dans l’obscurité de la voiture, j’approchais du clair de lune pour la mieux voir et que j’essayais maintenant en vain de me rappeler, de revoir dans une obscurité qui ne finirait plus. »

Mais rapidement, il se console. Il ne reconnait même pas à la première rencontre   Gilberte, devenue Mademoiselle de Forcheville. Il fantasme sur cette jeune femme croisée dans la cour des Guermantes. La lectrice s’interroge, retombera-t-il amoureux? Et bien non! Occasion de replacer Gilberte dans la société des Guermantes. Du vivant de Swann, jamais Odette et Gilberte n’avaient eu l’honneur d’être présentées à la Duchesse de Guermantes, pourtant amie de Swann. Oriane s’était fait une gloire de ne pas les fréquenter. Depuis qu’Odette a obtenu le titre de noblesse de Forcheville, Gilberte est devenue fréquentable…Hypocrisie de ce grand monde : Gilberte, par son père, est un très bon parti qui fera un beau mariage.

Le voyage à Venise est bien décevant : préparé avec soin, du vivant d’Albertine, tout était prêt, même les horaires des trains. C’est avec sa mère que le narrateur voyagera. J’attendais des merveilles. Depuis le début de la Recherche, Marcel se régale d’architectures byzantines, depuis l’église de Balbec! Voici qu’ils rencontrent les inénarrables Norpois et Madame de Villeparisis et nous infligent leur compagnie terriblement ennuyeuse.

Etrange péripétie : un télégramme signé Albertine parvient à Venise. On n’y croit guère.

La dernière partie du roman semble conclure le cycle de la Recherche, avec des mariages très inattendus : Robert de Saint-Loup et Gilberte (très riche héritière , la nièce (fille?) de Jupien, protégée de Charlus, épouse le fils de Cambremer. Le Faubourg Saint Germain s’encanaille-t-il? Le Côté de chez Swann a rejoint le Côté de Guermantes. Une nouvelle facette de la personnalité de Saint-Loup se découvre..

Il reste encore un volume: le Temps Retrouvé que nous réservera-t-il?

 

 

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

8 réflexions sur « Albertine disparue – Marcel Proust »

  1. allons allons, tu en sais déjà sur Le temps retrouvé! ^_^ Je te spoile sur la mort de ST L? ^_^ L pavé décalé? L bal? La maison un peu spéciale?

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      1. @keisha : de toutes les façons Proust radote et tourne en rond, il revient à nombreuses reprises sur un évènement ou un personnage. La question des spoiles ne se pose pas. je rigole!

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  2. Je crois que c’est le livre de la Recherche que j’ai le moins aimé, encore moins que Albertine disparue. ! Là, Avec le Temps retrouvé je suis dans la guerre de 14-18 et je le trouve plus intéressant.

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