L’invisible Madame Orwell – Anna Funder

Depuis l’élection de Trump et les gesticulations d’Elon Musk j‘ai l’impression de vivre en pleine dystopie. Sans parler de  l’IA, ChatGPt, et de reconnaissance faciale : Big Brother is watching me!

Retour à Orwell et à 1984!

Justement sur le blog de Kathel et   celui de Patrice deux articles élogieux m’ont donné envie de m’intéresser à L’Invisible Madame Orwell. 

Il est toujours intéressant de compléter les biographies en contextualisant l’œuvre d’un auteur dans son entourage immédiat. Les « Femmes de. » jouent souvent un grand rôle dans l’élaboration des écrits. Madame Zola m’a beaucoup intéressée, Céleste Albaret (qui n’était pas la femme mais la domestique, la gouvernante, la secrétaire...de Proust) aussi!

Eileen O’Shaughnessy épouse en 1936 Eric Blair (George Orwell est son nom de plume). Anna Funder sort de l’oubli cette femme qu’Orwell a si peu citée dans son œuvre et effacée par les biographes de l’écrivain. 

« j’avais l’impression d’être Orphée descendant aux Enfers chercher Eurydice, surtout lorsque dans l’ obscurité je tombais sur l’incarnation de mes ennemis : un féroce chien à trois têtes. Le Cerbère qui m’ empêchait de passer s’appelait Omission-Insignifiance-Consentement.

 Après avoir fait sortir Eileen de la boîte, j’avais entre les mains les éléments d’une vie, une femme en pièces détachées. J’ai envisagé d’écrire un roman »

Cette héroïne, oubliée, négligée, est pourtant un personnage remarquable : boursière d’Oxford, diplômée de psychologie, elle a publié en 1934 un poème dystopique « End of the Century, 1984« . Prémonitoire?

« comment le pouvoir s’exerce sur les femmes : comment une épouse se fait d’abord enterrer sous les corvées domestiques, puis par l’Histoire »

Dès son mariage, elle se dévoue entièrement à son mari, laisse tomber ses recherches en psychologie, le confort d’une vie bourgeoise très aisée pour le suivre à la campagne dans une maison particulièrement inconfortable où elle assume toutes les corvées domestiques, y compris les soins aux animaux et le travail dans la petite épicerie de campagne. Et comme si le travail de maîtresse de maison ne suffisait pas, elle assure aussi le secrétariat, dactylographie, corrige, inspire les articles de son écrivain de mari. Tuberculeux, il doit aussi être soigné….et comme si cela ne suffisait pas, il entretient des liaisons avec de nombreuses femmes et sollicite l’approbation d’Eileen!

Drôle de bonhomme! Comment une femme aussi douée, vaillante tolère-t-elle cela?

Anna Funder mène une enquête très fouillée avec nombreuses notes et références. Enquête à charge. Et pourtant elle admire l’œuvre d‘Orwell. Enquête féministe. Anna Funder nous abreuve de ses analyses (fondées mais répétitives) du patriarcat. 

« Le patriarcat, c’est le doublepenser qui permet à un homme « décent » de mal se comporter avec les
femmes, de la même manière que le colonialisme et le racisme sont des systèmes qui autorisent des gens
en apparence « décents » à commettre des actes innommables contre les autres. « 

Ironiquement Anna Funder utilise les concepts orwelliens de « doublepenser » et de « Common Decency » qui se retournent contre leur créateur. Analyse féministe d’une spécialiste d’Orwell.

L’idée de départ m’a plu et même si la lecture du livre de Funder a été  une lecture laborieuse. Funder  s’est mise en scène coupant la fluidité de l’histoire. Beaucoup de répétitions, de théorie. L’ouvrage aurait gagné à être nettement allégé. 

Ce n’est qu’avec le départ d’Orwell d’abord, puis d’Eileen pour Barcelone que je me suis sentie entraînée dans l’action. J’ai noté Hommage à la Catalogne dans ma PAL par la même occasion. Le récit historique de la guerre en Angleterre, du blitz sur Londres m’a aussi intéressée.

Le livre ne s’achève pas avec la mort dramatique d’Eileen. Dans le dernier quart du livre,

Orwell reproduit le même schéma de recrutement d’une nouvelle compagne qui assurerait le ménage, la collaboration littéraire et même les soins de nounou pour le petit Richard qu’Eileen et lui avaient adopté. Toujours dans des conditions très précaires : une ferme dans l’île écossaise de Jura éloignée de tout. Et le plus étrange c’est que malgré sa santé vraiment très dégradée, son incapacité à assumer le quotidien, cela marche!

Séparer l’oeuvre de l’écrivain?

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

13 réflexions sur « L’invisible Madame Orwell – Anna Funder »

  1. je n’ai pas trop ressenti les longueurs, un peu de répétitions peut-être. Le parti-pris féministe m’a intéressée, Eileen et les femmes de son entourages avaient certaines idées avancées pour l’époque et elle s’est laissé embringuer tout de même !

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  2. J’ai lu plutôt des avis élogieux sur ce livre ; tu es la première à évoquer des longueurs et des répétitions. Je l’emprunterai à la bibliothèque.

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  3. Anna Funder m’avait convaincue avec Stasiland mais elle semble plus dogmatique dans ce nouvel opus… Je pense le lire malgré tout, mais j’aurais moins d’attentes grâce à toi.

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  4. J’aimerais bien le lire. je vais voir si je le trouve en bibliothèque. Les épouses des grands hommes… souvent de grandes femmes mais on les efface comme la femme de Tolstoï par exemple…

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