7. Santiago – Excursion au jardin botanique

CARNET DU CAP VERT 2002

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L’aluguer jusqu’à Praia

Bab  a fait des sandwichs au jambon et à l’omelette. L’aluguer nous emmène à Praia pour 100$. Nous traversons le plateau désertique, – désertique quant à la végétation mais pas du tout pour la population, 4 gros villages sont desservis en route -. Le plus important est dominé par une grosse église rose. Des femmes font le signe de croix en l’apercevant. D’autres se signent en montant dans le Hiace. Il monte sans cesse d’autres passagers. Au coin de Terra Branca à l’entrée de Praia, arrêt devant un marché. Trois femmes très grosses d’âge mûr s’installent, deux devant nous et une à côté de moi. Celle ci est furieuse. Elle pince sa copine et pouffe puis chatouille l’autre.

A Sucupira, nous trouvons un autre aluguer  pour Sao Domingos

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A  Sucupira, un homme maigre métis nous appelle. Il cherche à remplir l’aluguer pour Assomada. Sao Domingos est sur sa route. Il décrit le taxi « Hiace 12 places ». D’autres chauffeurs nous entourent : «Montez avec nous, cet homme ment, son taxi va à Calheta !». On est proche de l’échauffourée. Le premier proteste que ce sont tous des fous et que nous avons fait affaire avec lui en premier.
Le minibus garé plus loin n’attend plus que nous pour démarrer. L’homme qui nous a recrutées n’est pas du tout le chauffeur. Il descendra juste à la sortie de Praia. Une femme prétend monter avec une table de nuit, deux grosses lampes dorées et encore d’autres paquets. Les sacs atterrissent sur les genoux des passagers qui n’ont rien demandé. Le meuble est coincé.
Les aluguers se doublent les uns les autres pour charger les clients avant le collègue. Il semble que leur devise est de ne jamais laisser personne sur le bord de la route. Nous sommes 18, entassés, les enfants sur les genoux des adultes. Dominique se plaint des odeurs corporelles. Juste avant Sao Domingos, changement de voisin qui est de Saint Maur (94)  ravi de rencontrer des voisines.
Avec toute cette animation, on oublierait presque de regarder le paysage  de plus en plus accidenté. Les pics déchiquetés se rapprochent. Au creux des vallées poussent toutes sortes de légumes. Sur les pentes s’accrochent des cannes à sucre. La topographie évoque tout à fait Madère. Les sommets hérissés sont les mêmes mais il manque l’eau pour verdir les pentes. Sans eau on ne s’est pas donné la peine de construire des terrasses soignées ; de nombreux espaces restent en friche. L’agriculture se trouve dans les plaines – inexistantes à Madère.

Jardin botanique

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A l’intersection de la route de Sao Jorge, un autre aluguer nous ramasse aussitôt. Le trajet est si court que c’est gratuit. Nous découvrons une jolie église bleue entourée de flamboyants magnifiques. Le Jacaranda porte encore quelques clochettes bleues, les bougainvillées roses, orange, violets rajoutent de la couleur. Nous montons à pied jusqu’à la grille du jardin botanique. Rien de comparable avec celui de Funchal ! Un endroit fleuri, ombragé pour nous toutes seules ! Je reconnais des crotons, des coléus et des plantes qui poussent chez nous dans des pots. Cela manque d’étiquetage !

Les maisons accrochées dans la montagne

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Promenade dans la montagne sous l ombre légère des eucalyptus, les manguiers sont beaucoup plus fournis. Des maisons sont accrochées à la pente. Certaines sont desservies par une route carrossable dont les virages sont empierrés, d’autres, complètement isolées. Les petits champs de canne à sucre sont dispersés sur des terrasses. Des femmes portent l’eau sur la tête dans des bidons et des seaux qu’elles remplissent à la source dans la montagne. Nous croisons aussi des hommes, machette et scie à la main, à la recherche de bois. Au loin fume un alambic.
Installées sous un manguier, nous lisons les guides et regrettons de ne pas avoir apporté de la lecture et mon matériel à dessin.

une petite fille

Nous déjeunons en compagnie d’une petite fille collante qui nous donne mauvaise conscience. Peut être a-t-elle faim ?

Chorale

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Une chorale religieuse s’est installée sous les flamboyants. C’est un patronage de Tarrafal qui a passé ce jour férié à la campagne.
Nous attendons l’aluguer du retour en compagnie de vendeuses de bonbons à l’unité, de T-shirts et même de chaussures, installées sur le bord de la route.
Une femme descend portant sur sa tête une bassine remplie de plantes vertes. Elle prend le minibus avec nous. Je commence à mieux comprendre le fonctionnement de l’aluguer. Le passager près de la porte se charge de l’ouvrir, de placer les passagers, de répartir les paquets, de recruter de nouveaux passagers et d’encaisser le prix du passage. Le chauffeur n’a plus qu’à s’occuper de la conduite. Comment ces receveurs se recrutent-ils ? Est ce que ce sont des habitués de la ligne ? Des amis du chauffeur ? Des passagers plus débrouillards ? La question reste en suspens.

Retour rua Banana

Après  la lessive j’installe ma chaise au milieu de la rue pour une  aquarelle. Les petites filles m’entourent. Pendant le dessin, elles me laissent à peu près la paix. Dès que j’utilise la couleur, elles reconnaissent les différentes maisons : « casa Nono » commentent les couleurs, l’une d’elles veut  tenir le gobelet.
Pendant ce temps Dominique court le village à la recherche de notre dîner, cherche des yaourts (sans succès), va trouver les femmes qui font des grillades sur un barbecue sur la place (trop tard) et finalement commande à Bab un poulet grillé que nous mangerons sur la plage.
Joseph, le fils d’Abel, me trouve entourée des petites filles. Il est ravi que nous nous liions d’amitié avec les enfants.

Coucher de soleil sur la plage

Nous dînons assises sur le parapet à la limite de la plage… Les pêcheurs poussent leurs barques à l’eau pour aller pêcher de nuit. Cinq petits jouent sur les rochers. Leurs silhouettes noires se détachent sur le ciel. Ce serait un beau sujet de photo. Dominique raffole de contre-jours.
Nous observons le manège des fillettes qui descendent en chantant et en dansant en file indienne portant des seaux sur la tête, les plus petites des boîtes de conserve. Tout le monde pose le chargement, elles s’accroupissent les fesses en l’air. Que font elles ? La vaisselle ? La lessive ? Remontent elles de l’eau de mer ? Du sable ? La caravane revient à maintes reprises, toujours en chansons. Elles peuvent danser avec leur chargement qui ne s’écroule pas. Un petit garçon en T-shirt rayé se mêle à elles mais lui ne porte rien.
En rentrant nous croisons Joseph qui téléphone en français. Il nous annonce qu’il s’est fâché avec «son cuisinier» et que nous mangerons à la maison de ses parents. Nous plaidons pour Bap  charmant, serviable et gentil.

 

8. Santiago – Cidade Velha : forteresse, foot et fête le dimanche.

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Le matin au village

Pour atteindre la forteresse, nous traversons tout le village. Au passage, on se salue «bom dia». C’est tranquille, nous sommes connues ici. Les petits cochons bruns lâchés cherchent leur nourriture comme les poules et les poussins qui picorent n’importe quoi, y compris les crottes de chien.

au village le matin
au village le matin

En haut du village, c’est le domaine des chèvres, des chevreaux minuscules et des boucs perchés qui ne se dérangent pas à notre passage.
Les femmes sont toujours actives, des seaux de lessive, d’eau ou même du sable sur la tête. Nous avons élucidé le mystère de la caravane des fillettes qui descendaient à la plage la nuit. Elles volent le  sable pour faire du ciment. Comme c’est interdit, elles le ramassent la nuit. Le matin les hommes font le ciment pendant que les femmes portent les charges. Ici il y a peu d’ânes, ce sont les femmes  les bêtes de somme.
Dans une cour, on pile le manioc et le maïs avec des pilons de bois dans des mortiers en bois ; les hommes assis regardent faire.

les femmes au travail!
les femmes au travail!

Visite de la forteresse

une rampe monte sur le plateau
une rampe monte sur le plateau

Une rampe en pavés en mauvais état, parfois complètement écroulée monte vers le plateau. Il est encore tôt et le ciel est couvert, la montée est facile. La forteresse intacte, possède encore ses canons rouillés qui pointent dans toutes les directions. Nous regardons une vidéo en portugais dans un petit centre d’interprétation présentant des gravures anciennes et des cartes marines…

église ou château?
église ou château?

A l’intérieur : des hauts murs en bloc bien taillés, une belle cour avec une curieuse citerne recouverte d’un dôme sur le modèle des citernes andalouses Arabes. Des explications détaillées permettent de retrouver la maison du gouverneur, artistiquement dallée de petits galets, comme les Portugais savent le faire, et la petite chapelle carrelée. Les salles des casernes et les magasins sont aussi reconnaissables.

les canons portugais
les canons portugais

 

Le panorama vu des remparts

Le panorama est très étendu. En bas, le village. A l’opposé les crêtes et les pics se détachent en silhouettes déchiquetées dans la brume.
Le plateau est fendu d’un canyon très vert : une oasis de cocotiers, de canne à sucre et de jardins, qui s’étire profondément ; ce paysage nous rappelle le Sud -Marocain. La culture en terrasses est limitée. L’agriculture se concentre au fond de la vallée. Des citernes carrées retiennent l’eau d’irrigation. L’alambic fume encore. La côte découpée est frangée d’écume blanche sur les rochers noirs ?
Je dessine deux esquisses au crayon noir. Je peux tricher un peu et resserrer le cadrage. Je ne suis pas très habile, mais en m’exerçant tous les jours, j’espère progresser.
Dominique explore pendant ce temps les fortifications et trouve une porte et le chemin du retour.

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Dimanche, foot et fête

Comme c’est Dimanche, Abel et Joseph tiennent le bar. Abel me sert un jus de bissap confectionné par Mama. C’est rouge, acidulé cela ressemble un peu au kerkadé mais c’est fait à partir d’une fleur qui vient de Dakar.
Dans le lit de la rivière à sec, se déroule un match de foot avec spectateurs, arbitres et applaudissements.

Dimanche à la plage

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Après un déjeuner de sandwichs sur le pas de notre porte et une sieste, nous retournons à la plage de Canisse, le dimanche est envahie par les familles, véritables tribus, et les bandes de jeunes. Certains ont apporté des glacières et même une guitare. Les Capverdiens se tassent à l’ombre des rochers. Les femmes se baignent en short et en Tshirt. Seules les petites filles sont en bikini. Dans l’eau ils jouent au ballon. Dominique  essaie les lunettes de plongée neuves. Elle est la seule à s’éloigner un peu du bord de la plage. L’essai est concluant, les lunettes sont bien à sa vue et ne se mouillent pas, mais il n’y a rien à voir, que du sable.
Avec l’affluence nous nous relayons pour garder les sacs. La mer monte, il faut déménager sur les galets. C’est moins confortable. L’aluguer vient spécialement chercher les clients à la plage…
Il semble que les gens sont venus de Praia pour le dimanche, la place est pleine de voitures. Un petit orchestre anime le restaurant, devant la mer. Les instruments sont électrifiés et le synthétiseur pas très typique fait surtout beaucoup de bruit.. Des hommes dansent seuls, même les vieux. Nous y cherchons Papa et Mama. Nous voulons leur offrir un verre avant notre départ. Nous les trouvons à leur bar avec Joseph. Je reprends un verre de calabaceira, Joseph et Abel de la bière et Mama une glace.

Le fils d’Abel et de Mama : Joseph

La place du village : pilori
La place du village : pilori

Joseph a 37 ans. Il a fait des études d’économie. C’est un type intelligent et bavard, un peu agaçant parce qu’il prend des airs importants. C’est intéressant de bavarder avec lui. Il y a trois jours, il était venu avec un agronome fin saoul, ce qui rendait la conversation pénible. Samedi, c’était un avocat très gentil et timide. J’essaie d’apprendre le plus possible de ces conversations de bar.Le Cap Vert est il africain ? Pour eux qui ont vécu à Dakar, c’est une évidence. Ils se sentent africains (d’autant plus qu’ils parlent français entre eux). Joseph me fait un résumé de l’histoire des îles de l’archipel, plus compliquée que je ne soupçonnais. Le Portugal n’a pas toujours été le seul colonisateur. Mindelo était anglaise, une île a même été allemande un moment.
Une caravane d’aluguers chargés de tous les jeunes de la région rentre bruyamment de Tarrafal où a eu lieu un  festival de musique. Ce matin Mama nous en avait parlé mais 19nous n’avions pas bien compris et cru qu’il s’agissait d’un pèlerinage.
Nous devions manger du poisson grillé au restaurant du bord de mer mais l’affluence nous rebute. Dominique demande si Mama peut nous cuisiner des nouilles. Elle nous les sert dans notre chambre avec du poulet.
Après dîner, nous tenons compagnie à Mama qui déballe les photos de ses enfants restés en France. Elle nous parle aussi des autres touristes. L’entreprise de Joseph a pour but de gagner de l’argent mais elle a aussi l’avantage de distraire ses parents qui ont laissé leur famille en France.

6- Santiago – Cidade Velha : levada

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Abel et Mama  ont apporté le petit déjeuner sur des plateaux dans notre chambre. C’était mieux sur la terrasse !  Pap, qui avait travaillé le jour de la fête, avait réclamé son week-end. Joseph voulait, le forcer à travailler.

Premier baobab

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Derrière l’église, au détour de la route, il y a un très vieux baobab. Comme en Asie, ce vieil arbre fait l’objet de la vénération du village : un autel y est installé avec des fleurs artificielles, des images de la Vierge et une croix blanche cloué sur le tronc. Je suis très excitée : c’est notre premier baobab ! Pour moi, c’est un symbole de l’Afrique. Malheureusement, les caisses formant un autel défigurent la photo.

Promenade le long de la levada

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Au dessus du baobab, nous découvrons une levada. La libellule rouge venue nous visiter pendant le petit déjeuner, était annonciatrice de la promenade le long de l’eau. Nous suivons le ruisselet en marchant sur le rebord cimenté du canal d’irrigation en
surplombant  le village.  Nous reconnaissons nos toits de chaume et notre cour. Nous marchons à l’ombre des manguiers. En contrebas, de petites terrasses sont aménagées avec soin. Pour l’instant rien n’y pousse. Les semis attendent la saison des pluies qui ne vont pas tarder (?). Plus loin, des ouvriers travaillent à rehausser d’un étage une maison au milieu des terrasses. La maison, les murettes en basalte, même les troncs des arbres sont chaulés… Drôle d’idée de chauler le basalte… C’est courant ici. Notre maisonnette de la Rua Banana, en belles pierres taillées, est aussi blanche ainsi que d’autres dans la rue. Cela donne un air de richesse, les maisons misérables n’ont pas eu de badigeon depuis longtemps. La levada irrigue en cascade, les terrasses en aval. Elle sort d’une piscine rectangulaire, citerne qui retient l’eau… Avant d’arriver à la source captée, nous trouvons plusieurs citernes pleines. La source est invisible, enfermée dans un bloc cubique en ciment. Une série de tuyaux conduisent l’eau vers d’autres champs.
Au dessus de nous, tout proche, le bloc épais de la coulée basaltique forme une falaise où seules les chèvres grimpent. Leurs bêlements sont presque humains. Au retour nous suivons la levada dans une autre vallée qui fait une encoche dans la falaise  mais la promenade tourne court : la levada enjambe un précipice sur un pont étroit d’un trentaine de cm. Pas téméraires, nous n’osons pas nous y aventurer.
En chemin, nous croisons un couple assis près de l’eau. Dans leur seau : un téléphone portable, une brosse à dents et du savon. L’homme se lave nu, ignorant notre présence. Un peu plus loin trois enfants  se baignent dans un petit bac en ciment. Les oiseaux ont des  ailes bleues métalliques. Dans le petit canyon se trouvent des fermes, les porcs sont installés en terrasse sur le toit. On élève aussi des vaches, un âne est attaché à un arbre à l’ombre ainsi qu’un chien qui aboie à notre passage.
Assises sur le rebord de la lévada, nous contemplons la mer : une plage de galets est bien tentante. Les ouvriers qui gâchent du ciment à l’entrée du chemin qui y descend nous interdisent l’entrée : c’est privé.

Ruines de la vieille cité portugaise

Cidade Velha s’étend aussi sur la colline près des ruines de l’ancienne cathédrale ruinée. Les hauts murs de basalte noirs sont décorés de grès jaune finement travaillé autour des portes et des fenêtres, la plupart des blocs gisent puzzle pour archéologues en attendant d’être remontés.
Nous trouvons des yaourts dans une épicerie. Une femme portant sur la tête un plateau de fruits et de légumes, nous choisit ses plus belles bananes. Il nous reste la moitié du poulet du dîner. A la manière des Capverdiens  nous déjeunons assises sur le pas de la porte rua Banana.

La plage des Canisses

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Après une sieste, nous partons à la plage de Canisse. Aux heures chaudes, les aluguers sont rares. Enfin un accepte de faire un détour pour nous conduire à la Praia Canisse, belle plage de sable noir dans une anse à 2km de Cidade Velha. Une femme et sa fille se baignent, une autre famille arrivera plus tard ainsi qu’un 4×4 avec deux blancs  et trois noirs. C’est donc un endroit très tranquille.
Enfin une belle baignade ! Je reste longtemps dans l’eau, rejointe par Dominique. Puis lecture sur la plage. Il fait maintenant frais et nous avons presque froid après le bain. Trop tard pour commencer une aquarelle, d’ailleurs nous avons de la lessive à faire.

5. Santiago – Praia, la capitale

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Dans notre maisonnette de la rua Banana, il fait bien noir la nuit. Je n’avais pas prévu que la campagne serait si bruyante. Au lever du jour, nous sommes réveillées par un vacarme incroyable : aboiement des chiens qui se répondent, puis les coqs donnent de la voix. Grondement des vagues, imperceptibles le jour. Quelle heure peut-il être ? A six heures, je sors dans la cour sous le regard suppliant de Croquette, le chien, qui gémit pour réclamer des caresses.
Il fait très beau, encore frais. Sur l’antenne de télé la plus proche, un couple de très beaux oiseaux s’est posé. Ils ont le bec rouge, la tête et le cou blanc les ailes noires sur le dessus et bleu métallique vers l’arrière. Ce sont les Passerinhos, oiseaux endémiques de trois îles du Cap Vert : Santiago, Fogo et Brava.

Petit déjeuner – Bab Kader, notre cuisinier

A sept heures et demie, petit déjeuner sur la terrasse du magasin de souvenirs. Le cuisinier écoute RFI. Il est sénégalais et a habité Neuilly. Comme il ne comprend pas le créole cap-verdien, il écoute la radio en français. Nous découvrons que le propriétaire ne se nomme pas Joseph mais Abel. Pourquoi il se fait appeler Joseph? Ici, c’est la coutume d’appeler le père du nom de son fils. Je lui demande comment il s’y retrouve, cela le fait sourire. Lui s’appelle Bab Kader.

Praia

Le marché de Praia
Le marché de Praia

Abel-Joseph, en plus d’accueillir des touristes, est chauffeur d’aluguer. Il nous conduit à Praia dans son minibus et nous débarque au pied du Plateau construit sur une épaisse coulée de basalte. On y accède par un escalier. Sur les murs, des fresques colorées à la gloire de l’amitié des peuples, une carte d’Afrique avec des symboles de la paix : « tous égaux, tous différents ». Les beaux quartiers de Praia occupent le plateau quadrillé de rues qui se coupent à angle droit. Deux jolies places sont aménagées avec des jardins publics. Les bâtiments officiels ont deux ou trois étages et datent du début du XXème ou fin du XIXème et ressemblent à leurs homologues portugais. Cela forme un ensemble charmant, propret, coloré et animé, évoquant plus une sous préfecture qu’une capitale. Le palais présidentiel forme un bel ensemble de bâtiments peints en jaune entourés de jardins fleuris de bougainvilliers ; à l’arrière une caserne est installée dans un petit fort jaune avec une tourelle carrée plus kitsch que militaire. Moins kitsch, les tanks garés au dehors.
Nous avons vite exploré le Plateau avec une attention particulière pour les supermarchés. Nous comparons les prix avec ceux des petites épiceries : deux fois moins cher. On finit par trouver une bouteille de Pernod hors de prix dans une boutique de spiritueux. Pour les journaux français, il faudra renoncer, ceux-ci sont en consultation au centre culturel français, mais pas en vente.

Le marché est la curiosité particulièrement recommandée par les guides. Sur un très petit périmètre sont installés de nombreux étals où on vend toutes sortes de légumes : carottes, oignons, choux de toutes sortes, pommes de terre, patates douces, betteraves, haricots verts, tomates, poivrons courgettes. L’exotisme vient plutôt des fruits : mangues, papayes, anones, amis, aussi, raisins, oranges, pommes, poires… Nous achetons 4 avocats. Le sac en plastique coûte aussi cher qu’un avocat (40$). Ici, les sacs plastiques sont récupérés, lavés et sèchent sur les cordes à linge du village. Cela n’empêche pas le désert d’en être jonché.
A 10h30, nous avons fini la visite et nous installons devant le palais présidentiel pour écrire les cartes postales qui arriveront dans une semaine. Nous sommes à l’ombre, sur le rebord de la corniche qui domine la mer : les plages, le port et les quartiers de Praia construits sur les collines et en bas un stade monumental.

Sucupira
Sucupira

Le Musée (minuscule) est fermé  à midi, nous passons devant le lycée et descendons une rampe pour arriver à Sucupira, le marché africain. Je m’attendais à plus pittoresque. Des fripes, vraies marques ou contrefaçons de jeans, sont suspendues. Monceaux de baskets, Nike ou imitations, des sous vêtement de couleurs violentes. Oh, le beau soutien gorge vert pomme ! Et le string orange ! Je voulais acheter un chapeau et un paréo. Ils proviennent tous d’Indonésie, batik avec trois couleurs au choix. Les beaux tissus africains sont vendus au mètre à l’intérieur des petites échoppes. Quant au chapeau qui remplacerait celui que j’ai perdu à Sal, je ne vois que des casquettes de base ball ou des bandanas… Les plus beaux articles sont de belles chemises colorées à larges motifs, mais réservées aux hommes. Nous ne nous attardons pas dans Sucupira, finalement déçues.

Retour en aluguer
Le trajet est plus long que prévu. L’aluguer part quand il est plein, et même bourré.Heure de la sortie de l’école : les lycéens forment l’essentiel des passagers. Il part donc rapidement. Ce qui n’était pas prévu, c’est qu’il s’arrête au sommet de la côte pour permettre aux femmes de terminer leurs emplettes. Elles descendent toutes et s’en suit un va et vient de bassines de poissons. Chacune a du mal à caser ses paquets. Comment ferons nous avec nos valises pour aller à Tarrafal ? Au bout d’un quart d’heure, le Hiace reprend la route et dépose ses passagers à tour de rôle. Chacun va à la fenêtre avec ses pièces. Dominique fait passer la monnaie.
On achète une boite de thon au village et déjeunons sur le pas de notre porte d’anone et de thon.
C’est le premier jour ensoleillé, beaucoup plus chaud (28°C) que les premiers jours. Nous préférons faire la sieste avant de nous baigner..
La baignade tourne court. La plage sert de terrain de foot. Seuls se baignent de très petits gamins. Le plus vieux doit avoir sept ans. Je suis gênée de m’exhiber devant tout le village.

Après-midi rua Banana, aquarelle en compagnie des enfants

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les enfants de la Rua Banana

Retour  rua Banana, je sors mes aquarelles. J’aurais aimé peindre la rue elle même mais je commence par la montagne dominant le paysage encadrée par les hauts cocotiers et quand je dessine les maisons il n’y a plus la place que pour trois. Je travaille sous l’œil attentif de deux petites filles, surtout de Sarita qui m’indique les couleurs en créole.
Peindre n’est pas photographier.

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Avec les photos, j’engrange des souvenirs, des preuves, et parfois il sort quelque chose de beau. Je conçois la photo comme du reportage. J’essaie de faire un cliché même si l’endroit visité s’y prête mal. Comme ce matin à Praia. Mes panoramas, les vues dégagées sur les lointains, font rarement de belles photos. Dominique réussit mieux les siennes parce qu’elle n’a pas le souci du témoignage. Elle ne prend la photo que lorsqu’elle a un bon sujet ; en ce moment elle fait uniquement des portraits d’enfants.
Pour la peinture, la fidélité est secondaire. On peut élaguer, recadrer, recomposer. Mais il faut compter avec ma maladresse !

Promenade dans la campagne

Promenade dans le lit sec de la rivière occupée par une vallée cultivée entre deux falaises. Les arbres sont immenses, magnifiques manguiers et cocotiers. A l’ombre, poussent canne à sucre, bananiers et légumes. Les cannes à sucre s’étagent dans la montagne sur des terrasses minuscules et assez rudimentaires. On restaure les vestiges de l’ancienne ville de Cidade Velha, son ancien couvent, la Pousada.

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La promenade ombragée est très agréable sauf quand on passe à côté d’une distillerie de grogue : l’odeur est pestilentielle. Sur les rochers les chèvres se battent et poussent des cris humains. Les passerinhos volent au dessus de nos têtes avec leur éclat bleu métallique.
Joseph, le fils d’Abel, est le véritable patron de l’entreprise familiale de tourisme. Il a fait des études d’économie en France où il a vécu longtemps, il s’exprime plus facilement en français qu’en créole et prend ses grands airs de jeune cadre dynamique. Ce soir, il est venu avec un ami ingénieur agronome qui aurait pu nous raconter des choses intéressantes s’il avait été en meilleure forme. Il est saoul.
Le dîner se termine mal : la feijoada est mal passée.

4. La grande île de Santiago : Cidade Velha

CAP VERT

Rua Banana
Rua Banana

Vol pour Praia

Nous nous levons sous un beau soleil. C’est le premier beau jour depuis la tempête de sable de dimanche. La mer est calme.
Mon chapeau de paille s’est envolé quand nous sommes montées avec nos valises dans le taxi
Le vol pour Praia est prévu à 11h50 .

10h15. On nous annonce que nous avons raté l’avion qui  embarque ses derniers passagers sous nos yeux. Il faudra patienter 3 h  pour le suivant. Nous prenons ce contretemps avec philosophie.
L’avion survole les nuages. Nous n’apercevons l‘île de Santiago qu’au dernier moment à la descente sur Praia, rivage découpé, bordé de hautes falaises.

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Arrivée à Praia

A la réception des bagages, les chauffeurs  de taxi monopolisent les chariots. Pas de taxi, pas de chariot. Je commence à marchander avec les chauffeurs qui se disputent entre eux. Pendant ce temps là, Dominique aperçoit un panneau à nos noms,  l’agence a envoyé un taxi. Un moment, j’espère que ce transfert est compris dans le forfait payé à Destination Cap Vert. Ce n’est pas le cas. Il faudra débourser 2600$.

Sabino, nous présente sa ville : très sale et très misérable. Le Caire, par comparaison, c’est Neuilly ! La « rivière », à sec, est jonchée d’ordures. Les rues sont défoncées. Des cahutes en parpaing sont dispersées dans les collines. Les constructions sont anarchiques. On a du mal a imaginer l’existence même d’une ville dans le chantier des routes défoncées, des bidonvilles, des buildings en ciment plantés sans logique apparente. La concentration de camions et la foule sur le bord de la route témoignent de la présence d’une ville quelque part.
Sabino arrête le taxi à la station Shell. Ce n’est pas pour faire le plein d’essence, c’est pour que j’aille au ravitaillement. Je ne sais pas trop qu’acheter : deux bouteilles d’eau et des yaourts. Qu’allons nous trouver au village ?
L’université Jean Piaget est en construction au bord de la route. Le choix de Piaget m’apparaît sympathique.

Cidade Velha, vieille ville portugaise

Rua Banana
Rua Banana

La route pavée conduit à Cidade Velha, la première ville fondée par les Portugais au XVème siècle, malheureusement ruinée par les pirates. La forteresse domine la falaise. Au village, il reste peu de chose de l’ancienne ville à part le beau pilori où on attachait les esclaves.

Chez papa et mama

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La cour de Papa et Mama

 

Le taxi emprunte une ruelle. Nous sommes arrivées. Sabino s’adresse à nos hôtes en les appelant Papa et Mama. Pourtant il ne les connaît pas.
Nos propriétaires Joseph et sa femme sont des personnes âgées ayant vécu 29 ans à Chalons-en-Champagne.

Notre gîte se trouve au fond d’une courette cimentée dans une maison basse en basalte chaulée recouverte d’un beau toit de chaume de canne à sucre refait à neuf. A l’intérieur, un grand lit métallique orné de boules en cuivre, une table, une tapisserie avec des chevaux. Au sol le carrelage étincelant imite le parquet. Il fait très sombre. Une petite fenêtre donne sur la rue Banana ainsi que la porte Joseph nous donne les clés : « vous les gardez, vous êtes chez vous ! ». La salle de bain est dans la cour décorée par quatre bananiers qui poussent en pleine terre ainsi qu’un petit rectangle de canne à sucre. Dans les seaux et des bidons, toutes sortes de plantes tropicales, des impatiens, de la misère, du pourpier du basilic et du romarin.
La femme de Joseph  assise sur le banc contre le mur,trie tranquillement des haricots pour la fejoada de demain d’un mélange de haricots divers et de graines de maïs.
Après une bonne douche, Joseph nous emmène faire le tour du village. Le prétexte est de nous montrer la cabine téléphonique. Il nous fait entrer dans les deux épiceries, nous présente à tous les villageois, à l’instituteur. Il nous montre aussi les maisons dans lesquelles il loue des chambres quand les siennes sont complètes. Le petit port est aussi la plage de sable noir sur lequel reposent des barques et des filets. Les enfants viennent se baigner là.

Promenade sur la route pavée

Palmier et citadelle
Palmier et citadelle

Une plus belle plage se trouve à 1.5km du village.
Nous sommes ravies de nous échapper et prenons la route pavée qui passe d’abord par des jardins en terrasses un peu anarchiques sous les manguiers portant des mangues, les goyaviers, citronniers cocotiers et flamboyants. Un peu plus loin, les cultures sont irriguées en goutte à goutte : le manioc pousse avec divers légumes: courges ou concombres (?) en feuilles, tomates et poivrons. Les gens  qui travaillent dans les jardins nous saluent au passage : « boa tarde ! ». Rapidement nous parvenons dans un désert de pierraille, coulées volcaniques presque à nu. Curieusement, de grands bâtiments modernes sont dispersés dans la campagne (des restaurants, des résidences secondaires, des maisons d’immigrés ???)
En bas, la mer se brise en écume blanche sur les rochers.

Soirée tranquille au village

Retour à 19h au village. Tout le monde est dehors. Les enfants jouent au ballon. Les femmes font du crochet. Certains dînent,  un bol à la main, sur le pas de leur porte. Je redoute surtout les moustiques. Santiago n’est pas exempt de paludisme comme l’ont rappelé les panneaux à l’aéroport. Il faut donc éviter de se faire piquer. On s’habille de la tête aux pieds, manches longues, on se passe sur le cou, les avant-bras, le visage de la citronnelle. Précaution inutile ! Rien ne vole ! En revanche, il y a des araignées, pas dangereuses, mais qui me répugnent. Dominique les écrase sans façon.
Nous dînons chez le fils de Joseph sur la terrasse, protégée de canisses : trois tables et un bar à jus de fruits. Notre table est « réservée » avec un papier plié à la manière des élèves de sixième à la rentrée, collé sur la toile cirée. Nous sommes les seules clientes. On nous sort salière et piment, moutarde et ketchup.
Près du bar, des adolescents boivent des jus de fruit en écoutant à la radio des variétés internationales : Bob Marley, Céline Dion…
C’est le meilleur endroit pour passer la soirée : il fait frais, c’est bien éclairé et nous sommes installées confortablement sur des tables. J’apporte nos guides pour préparer notre exploration de Santiago. Joseph se joint à nous, ravi de nous conseiller. Dans ses mains un livre relié (livre de prière,). Nous commandons dès maintenant le menu pde demain.

3. Sal -Espargos, Palmeira

CARNET DU CAP VERT 2002

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Nous avons renoncé à louer une voiture et préférons essayer l’aluguer : un minibus qui part de la station devant la pharmacie quand il est plein (100$ chacune pour Espargos). Le chauffeur met une chouette musique cap-verdienne à tue tête.17 km de désert : du sable blanc, près de Sal puis une étendue caillouteuse ocre rouge. L’île n’est pas aussi plate que je le pensais.

Espargos
Espargos

Espargos est un gros bourg avec des maisons peintes, une placette cimentées avec des volumes colorés avec soin, quelques supermarchés modernes et bien achalandés. Le tourisme n’a pas envahi les boutiques comme à Santa Maria.
Après une promenade tranquille dans les rues animées nous montons sur la butte qui domine le village pour découvrir le panorama, reconnaissons Pedra do Lume, l’aéroport et Palmeira.
Au supermarché nous trouvons du concombre, de la charcuterie et des yaourts, la caissière parle français.

Palmeira, le port de commerce, les pêcheurs

Palmeira
Palmeira

Un chauffeur de taxi nous  conduit au port de commerce de Palmeira dont les abords sont gâchés par les citernes de carburant. Autour des docks, les nombreux containers viennent du monde entier. De grosses caisses de bois sont empilées, rangées par destinataires : les complexes hôteliers de Santa Maria. Un gros bateau est à quai.

Le port de Palmeira
Le port de Palmeira

Un peu plus loin, le port de pêche est plus intéressant. Des pêcheurs portent des maquereaux en bouquets dans chaque main. Une petite fille armée d’un gros couteau vide les poissons et tranche les têtes. Des hommes calfatent une barque avec une sorte de toile en tissu blanc. Un homme pose complaisamment avec ses poissons pour la photo.
Nous flânons dans le village aux maisons basses aux façades multicolores. Certaines sont fleuries avec des mimosas, des hibiscus ou des lauriers roses. Nous entrons dans plusieurs épiceries bien cachées dans les maisons à la recherche de pain. Il n’y en a pas. Une petite fille nous emmène chez une amie qui pourra peu être nous dépanner.
De très petits enfants jouent seuls dans la rue. Un chien dort sur la chaussée. La voiture de la sécurité de l’aéroport le heurte. Le pauvre chien pousse un petit cri et se lève en boitant. Impuissantes et désolées, nous préférons décamper.

nettoyer le poisson
nettoyer le poisson

Retour à Santa Maria

Retour en taxi : 800 $. Je n’ai pas de monnaie, le chauffeur non plus. Il propose de faire le change au Cocorico, le bar situé sous les Alizés.
Au dessus de la boulangerie Dado, la voisine fait grand ménage au jet, elle arrose les clients. La boulangère pousse grands cris.

Plage des surfeurs

Une plage. C’est la plage des surfeurs, déserte en cette saison. Nous installons deux lits sous un parasol en l’absence du plagiste. Je me baigne à l’avant d’un beau rouleau qui se brise quelques mètres devant moi. C’est amusant : il faut guetter la vague et ne pas la quitter des yeux. Elle est assez forte pour me soulever mais pas assez puissante pour m’emporter.
Une plage déserte, c’est merveilleux pour se reposer mais la baignade est hasardeuse. Je ne retournerai à l’eau que quand un groupe de touristes s’arrêtera.
En attendant, nous faisons un beau pique-nique. Le ciel est couvert, il fait presque trop frais. Dominique se cache sous la grande serviette de plage. Étonnant, sous les tropiques, au mois de Juillet,  d’avoir la chair de poule ! Le vent est moins fort que les autres jours, les nuages se dissipent un peu, un faible soleil apparaît. Je vais à la recherche de coquillages. C’est un plaisir de m’enfoncer dans le sable fin, pieds nus. La récolte est maigre : des patelles très aplaties, quelques bigorneaux, des oursins cassés (mangés par les estivants) un morceau d’écaille de tortue. Les détritus, mégots, chaussures ne manquent pas. C’est attristant d’être dans une île du bout du monde et d’y trouver des saletés.
Une Capverdienne en combinaison très élégante orange se baigne toute habillée avec sa fille en short par dessus le maillot. Elles jouent à ramasser des galets dans l’écume de la vague.
Le vent est tombé, les vagues mollissent, je retourne à l’eau pour une deuxième baignade.

le ponton de Santa Maria
le ponton de Santa Maria

La plus belle photo est toujours celle qu’on n’arrive pas à prendre !

Dernier jour à Sal.  La plage est très animée : une partie de foot endiablée se déroule sur le sable près du ponton. Des pêcheurs laissent pendre leurs lignes entre les planches disjointes.  Je vais seule au bout de la jetée emportant l’Olympus. Sur la plage une curieuse scène se déroule : onze hommes poussent une barque à l’eau : un petit garçon préside à l’opération. Cela aurait pu être La photo des vacances.

Du balcon des Alizés

Aux Alizés, je dessine du balcon la jolie placette  entre le centre culturel orange et le café Matéus bleu vif. Au milieu de la place, des volumes géométriques variés, alignement de cubes aux couleurs vives : jaune, vert orange, bleu soulignés par une bande colorée. Un bizarre édifice en gradins et quelques plantations donnent un effet pittoresque. Le rasta m’interpelle. Il me demande de passer le bonjour à son ami : Patrick de Fogo. Je lui demande alors son nom : « Cubano ». Est ce vraiment son nom ? Ou une référence au Castrisme, à Che Guevarra, honoré ici ? C’est un personnage curieux et un artiste. Ses sculptures à la plage sont très originales.

Nha terra, notre cantine

Nous terminons la soirée au restaurant Nhéa Terra près de la piscine sous les frondes des palmiers.

 

 

2 Sal – Pedra do Lume

CARNET DU CAP VERT

 

la saline dans le cratère
la saline dans le cratère

Après avoir acheté deux bananes (40 $) aux femmes assises sur le rebord du trottoir, nous essayons de trouver un taxi collectif pour Espargos à 100$ . Les taxis attendent mais pratiquent les tarifs « privé ». Après avoir marchandé avec le chauffeur – maillot brésilien, parlant français,- nous installons à l’arrière du pick- up pour mieux voir le paysage.

Le vent souffle très fort. Le taxi traverse un  véritable désert avec ses petits oueds et même une petite palmeraie. Le ciel est couvert, au loin la mer très agitée est blanche d’écume.  Espargos n’est pas très attirante avec des buildings et des chantiers en parpaing,  construite sur une colline hérissée d’antennes et de paraboles.

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Pedra do Lume est pittoresque avec les maisons basses des ouvriers des salines , l’église blanche , et le téléphérique en bois délabré allant du port abandonné à la montagne. Le taxi nous dépose à l’entrée du tunnel creusé pour accéder au cratère. Au bout de la galerie nous découvrons un damier dans un cercle presque parfait. Certains rectangles rose-saumon, d’autres verts, d’autres recouverts par une pellicule de sel. Un paludier creuse avec une pelle, un tractoriste est au travail. Seules  touristes,  nous nous promenons tranquillement sur les petites digues qui séparent les bassins.

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Je cherche des trémies de sel ou de gros cristaux cubiques et suis un peu déçue de ne pas en trouver. La nature ne fait pas toujours les choses comme l’enseignent les livres.

La géologue en moi, vibre : le volcan qui a construit cet immense cratère circulaire a disparu, les cendres accumulées ne me racontent pas l’éruption. La saline, en revanche, me rappelle d’autres que j’ai visitées : Guérande, Salins de Giraud, Gruissan, celles du Portugal,ma thèse dans le labo des évaporites. Chaque fois que nous découvrons une nouvelle contrée je cherche les liens avec mon histoire personnelle pour apprivoiser les lieux, y trouver des marques, m’y sentir moins étrangère.

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Sur la rive diamétralement opposée, poussent des plantes grasses très vertes . Des lits de plage sont installés. J’hésite à me baigner, nous ne savons pas comment nous allons rentrer, il faudra peut être marcher 7 km jusqu’à Espargos, je n’ai pas envie d’être raide de sel. Plus tard, deux jeunes touristes iront à l’eau, je les envie.

Nous descendons à pied sous le téléphérique de bois et parvenons à un port fantôme, trois barges rouillent sur des rails, les quais construits pour l’embarquement du sel sont presque abandonnés, quelques barques de pêcheurs sont amarrées. Les bâtiments des ouvriers sont encore habités mais plus trace de l’activité d’autrefois.

Le soleil revient vers midi. Nous pique-niquons face à la mer devant un restaurant vide où j’espérais trouver un taxi ou un aluguer – rien. Nous marchons sur la route dans le désert.. Espargos, se profile bien plus proche que les 7 km annoncés. Est ce un mirage? Nous n’aurons pas le temps de le vérifier, un taxi, déjà occupé, nous charge à son bord pour 800 $ et à 14h30 nous sommes aux Alizés pour la sieste.

Je m’installe sur la terrasse pour peindre.

5h  quête d’une location de voiture pour demain, et d’un restaurant pour dîner.

Lundi, Cultural Café est fermé ainsi que l’Aquarium et la moitié des établissements de Sal

Dans  les nouveaux quartiers construits pour les touristes, italiens en majorité, les pizzerias sont nombreuses  mais c’est la morte saison, les restaurateurs ne font aucun effort pour attirer les rares consommateurs.

 

Finalement, je découvre l’endroit idéal : Nha Terra- un hôtel avec une minuscule piscine dans un  jardin entourée de jolis palmiers aux larges frondes bien fournies. On peut dîner sur le bord de la piscine et ce soir, il y a même des musiciens.

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Dominique achète des croquettes de morues vendues dans un boui-boui. Je dîne donc seule, les musiciens me tiennent compagnie. Ils cassent souvent des cordes et passent plus de temps à accorder leurs instruments qu’à jouer, ambiance sympathique. !

Promenade de nuit sur la plage. De retour aux Alizés, la fête bat son plein, au bar Cocorico au rez de chaussée de la pension il y a de la musique ainsi que dans une boîte en face Allons nous dormir ?

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Au dessus de mon lit, un tableau de Tchâlé Figueira femme portant un enfant.

1.Sal, le jour de la finale de la coupe du Monde 2002

CARNET DU CAP VERT 

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vu du balcon des Alizées

7h – Pension des Alizés. Très simple et  moderne. Luxe : un frigo et un ventilateur,  bruyant mais efficace. Les volets blancs s’ouvrent sur un balcon sur une placette. En face, le centre culturel crépi d’orange et des maisons basses jaune pâle. Le village de Santa Maria semble endormi. Petit déjeuner sur la terrasse dominant  le quartier. Les acacias aux troncs torturés se balancent. Il fait tellement frais que je mets une chemise à manches longues.

Première exploration de Santa Maria

Trois rues parallèles à la plage, pavées de basalte, bordées de maisons basses. Deux clochers blancs et une éolienne géante au dessus des  toits en pente douce  le plus souvent de tôle ondulée gris orangé. Les plus belles maisons sont couvertes de tuiles romaines et arborent de petites tourelles carrées. Volets, gouttières et tour des fenêtres sont peints de couleurs vives contrastant avec les tons pastels des crépis bleus sur orange, vert sur jaune. Dans les courettes intérieures, poussent des papayers, quelques palmiers parfois des bougainvilliers.

Pension les Alizés
Pension les Alizés

Sur le trottoir, des femmes vendent des bananes et des mangues dans des seaux ou des bassines qu’elles portent sur la tête. Les petites épiceries proposent quelques conserves des haricots et des nouilles en vrac.
Il y a peu de circulation automobile, quelques taxis rôdent attendant le client.

Promenade à la plage. D’immenses complexes touristiques de bungalows, assez jolis d’ailleurs, à la sortie de la ville, ont aménagé sur la plage des lits et des parasols bien tentants. Nous prévoyons de nous y installer pour un bon moment.

Mais d’abord première baignade :

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la plage de sable fin est déserte

La mer est bleue turquoise, un beau rouleau d’écume blanche déferle sur le sable blanc. L’eau est très fraîche, les vagues me font peur, je reste en avant de la barre. Dominique s’est installée sur le sable sec. La mer monte, une vague plus puissante l’atteint et j’ai tout juste le temps de courir pour sauver sac et sandales de la noyade.
Je goûte au plaisir de fouler le sable les pieds nus. Je l’avais craint brûlant, il est tiède, merveilleuse sensation ! Nous marchons le vent de face. Je dois maintenir fermement mon chapeau de paille qui s’échappe, roule est happé par la vague. Je l’attrape de justesse avant le reflux. Le sable nous fouette les jambes si bien que nous renonçons au projet de location de chaises longues et de parasol.

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Près du ponton de bois, des barques sont alignées sur la plage. Nous trouvons l’ombre sous la coque d’une barque du nom de Banana, peinte en marron rouge, qui nous protège aussi du vent. Je retourne me tremper.

Finale de la Coupe du Monde de foot : le Brésil gagne

Si la ville est déserte et la plage abandonnée, c’est que, ce matin, se déroule la finale de la Coupe du Monde de football, Brésil – Allemagne. Dans les hôtels, les restaurants, les cafés tout le monde s’est rassemblé devant le poste de télévision. De temps en temps nous percevons des clameurs, un but ! Nous devinons que le Brésil a gagné : 2 :0. Des voitures klaxonnent joyeusement en sillonnant les rues pavoisées aux couleurs du Brésil, décorées de drapeaux et de ballons de baudruche, des enfants avec un djembé suivent la voiture en courant. Nombreux sont ceux qui revêtent le maillot de l’équipe brésilienne, ou qui sont habillés de jaune et de vert. Sont-ils des supporters fidèles ? Possèdent-ils des collections de maillots ? Cet épisode de liesse cadre bien avec le décor et nous sommes sincèrement heureuses de la victoire brésilienne. Que ce serait-il passé si le Portugal ou le Sénégal avaient été en finale ? Je me promets de poser cette question dès que nous en aurons l’occasion…Un de mes élèves cap-verdiens y avait déjà répondu « le Cap Vert, c’est cool, c’est un petit Brésil » 

les rues s'animent
les rues s’animent

Maintenant que le match est fini, la plage s’anime. Les enfants arrivent. Un garçon d’une dizaine d’années, très noir, fait vrombir un cerf volant multicolore. Je me baigne en compagnie d’une fillette et de son frère qui jouent dans les vagues. Un jeune homme se roule dans le sable en chahutant avec son chien. Le sable blanc reste collé sur sa peau foncée lui faisant un étrange maquillage de folie. Une belle photo ? Dominique préfère éviter son regard pensant qu’il se donne en spectacle exprès.
Un Africain s’approche de nous et propose ses services : « je suis commerçant- massagiste».13h, l’ombre de la barque a complètement disparu et d’ailleurs nous avons faim.
Nous mangeons deux sandwiches au thon, attablées à l’ombre d’un acacia, devant le « glacier ». La serveuse parle très bien le français, avec seulement un soupçon d’accent portugais. Elle s’excuse. Dans le sandwich il n’y aura pas de tomates. A cause du match, les boutiques sont restées fermées (c’est faux).
Sieste à l’hôtel. Nous nous installons à l’ombre sur la terrasse sur des chaises longues.

Rencontre avec le « rasta », le campeur sculpteur de la plage

Nous nous renseignons sur les arrêts des aluguers auprès du « Rasta », personnage pittoresque de Santa Maria que nous avons remarqué ce matin. Sonorisant toute la rue, un gros radiocassette sur l’épaule, il tenait compagnie aux peintres qui badigeonnent le restaurant Piscador en face de notre balcon. Il parle parfaitement français. Sur la plage nous avons trouvé sa tente entourée de ses sculptures. Torse nu sur son jeans, il porte colliers et tatouages  et un sac à dos délavé. Dreadlocks courts mais décolorés, raybans. Il a belle allure.
Le look rasta est ici bien représenté sous diverses variantes ; surtout les couleurs vert jaune et noir en bonnets, pantalons. Mais la simplicité prédomine.
Ce soir tout le monde est dans la rue. La jeunesse s’est réunie sur le terrain de Handball où s’affrontent les juniors (beaux maillots et arbitrage sérieux). Les églises sont pleines, (l’horaire  de la messe a été repoussé à 18 h pour cause de foot). A la sortie de l’église, des fillettes habillées de blanc et un homme portant une guitare.
Bandes d’adolescentes en jeans et haut très court, même mode que chez nous. Elles pourraient être nos élèves.

Diner au cultural café

la placette
la placette

Nous dînons au Cultural Café sur la jolie placette. Le restaurant est un peu sophistiqué : à l’extérieur, les tables en contre-plaqué ont été découpées à la forme des îles de l’archipel. Elles sont éclairées par des lampes à pétrole. Un faux palmier décore la salle tandis qu’un ruban lumineux électrique clignote sur la façade. Le serveur est charmant. Il ne ménage pas ses efforts pour nous faire patienter, mais l’attente se prolonge. Il nous fait une blague, – « le gaz est fini » -, cela ne fait pas rire Dominique. Il demande alors si elle est fâchée ou si elle a faim. Il ne faut pas être pressé « ici ce n’est pas l’Europe ». Heureusement, la musique capverdienne est très agréable, plutôt jazz, un peu brésilienne. Enfin, les deux assiettes arrivent, très bien garnies. Du thon grillé pour moi, une omelette pour Dominique. Le thon  est délicieux, fine tranche passée à l’huile d’olive et grillée et le riz a un goût original.

 

 

 

 

 

Je vous emmène au Cap Vert!

CAP VERT 2002

Sal : salines de Pedra do Lume, mon chapeau de paille ne s'est pas encore envolé!
Sal : salines de Pedra do Lume, mon chapeau de paille ne s’est pas encore envolé!

Aucun voyage ne se profile à l’horizon 2017. Comme j’ai l’âme nomade je me console en feuilletant mes albums-photos et mes carnets déjà anciens.

Comment j’ai démarré un blog?

Le Carnet du Cap Vert est mon premier carnet sorti sur Voix Nomades il y a plus de dix ans. Ce carnet m’a forcée à faire un blog : 63 pages imprimées sans illustrations, c’était beaucoup trop long pour le faire partager avec mes proches, et quand j’ai essayé d’imprimer les images, c’était encore pire! 

Le format de Voix Nomades imposait une seule image par billet, j’avais privilégié les aquarelles. Les photos argentiques étaient collées dans l’album. Je les scanne aujourd’hui avec grand plaisir et reprends les textes en essayant de couper les longueurs inutiles., c’est un exercice plaisant que de revivre des aventures déjà oubliées et de reconstruire un carnet beaucoup plus illustré que naguère.

Quinze ans ont passé, le tourisme s’est sûrement développé….certains endroits, intouchés sont peut être méconnaissables, j’espère que les îles que nous avons visitées ont gardé tout leur charme.

Nous avons visité 6 îles en 5 semaines : Sal où se trouve l’aéroport international, Santiago, la grande île, Fogo, île-volcan, Sao Vicente avec le port de Mindelo, et la maison de Cesaria Evora, Santo Antao, l’île montagneuse qu’on ne rejoint qu’en bateau, Sao Nicolau la petite.

En vol! Vol TAP par Lisbonne, et grâce à une grève du personnel au sol à Orly, en Première Classe pour ne pas rater la correspondance!Dans la pagaille, on nous a confié Daniel, un gamin, certainement à cause de nos têtes de profs!