CARNET DU CAP VERT 2002
L’aluguer jusqu’à Praia
Bab a fait des sandwichs au jambon et à l’omelette. L’aluguer nous emmène à Praia pour 100$. Nous traversons le plateau désertique, – désertique quant à la végétation mais pas du tout pour la population, 4 gros villages sont desservis en route -. Le plus important est dominé par une grosse église rose. Des femmes font le signe de croix en l’apercevant. D’autres se signent en montant dans le Hiace. Il monte sans cesse d’autres passagers. Au coin de Terra Branca à l’entrée de Praia, arrêt devant un marché. Trois femmes très grosses d’âge mûr s’installent, deux devant nous et une à côté de moi. Celle ci est furieuse. Elle pince sa copine et pouffe puis chatouille l’autre.
A Sucupira, nous trouvons un autre aluguer pour Sao Domingos
A Sucupira, un homme maigre métis nous appelle. Il cherche à remplir l’aluguer pour Assomada. Sao Domingos est sur sa route. Il décrit le taxi « Hiace 12 places ». D’autres chauffeurs nous entourent : «Montez avec nous, cet homme ment, son taxi va à Calheta !». On est proche de l’échauffourée. Le premier proteste que ce sont tous des fous et que nous avons fait affaire avec lui en premier.
Le minibus garé plus loin n’attend plus que nous pour démarrer. L’homme qui nous a recrutées n’est pas du tout le chauffeur. Il descendra juste à la sortie de Praia. Une femme prétend monter avec une table de nuit, deux grosses lampes dorées et encore d’autres paquets. Les sacs atterrissent sur les genoux des passagers qui n’ont rien demandé. Le meuble est coincé.
Les aluguers se doublent les uns les autres pour charger les clients avant le collègue. Il semble que leur devise est de ne jamais laisser personne sur le bord de la route. Nous sommes 18, entassés, les enfants sur les genoux des adultes. Dominique se plaint des odeurs corporelles. Juste avant Sao Domingos, changement de voisin qui est de Saint Maur (94) ravi de rencontrer des voisines.
Avec toute cette animation, on oublierait presque de regarder le paysage de plus en plus accidenté. Les pics déchiquetés se rapprochent. Au creux des vallées poussent toutes sortes de légumes. Sur les pentes s’accrochent des cannes à sucre. La topographie évoque tout à fait Madère. Les sommets hérissés sont les mêmes mais il manque l’eau pour verdir les pentes. Sans eau on ne s’est pas donné la peine de construire des terrasses soignées ; de nombreux espaces restent en friche. L’agriculture se trouve dans les plaines – inexistantes à Madère.
Jardin botanique
A l’intersection de la route de Sao Jorge, un autre aluguer nous ramasse aussitôt. Le trajet est si court que c’est gratuit. Nous découvrons une jolie église bleue entourée de flamboyants magnifiques. Le Jacaranda porte encore quelques clochettes bleues, les bougainvillées roses, orange, violets rajoutent de la couleur. Nous montons à pied jusqu’à la grille du jardin botanique. Rien de comparable avec celui de Funchal ! Un endroit fleuri, ombragé pour nous toutes seules ! Je reconnais des crotons, des coléus et des plantes qui poussent chez nous dans des pots. Cela manque d’étiquetage !
Les maisons accrochées dans la montagne
Promenade dans la montagne sous l ombre légère des eucalyptus, les manguiers sont beaucoup plus fournis. Des maisons sont accrochées à la pente. Certaines sont desservies par une route carrossable dont les virages sont empierrés, d’autres, complètement isolées. Les petits champs de canne à sucre sont dispersés sur des terrasses. Des femmes portent l’eau sur la tête dans des bidons et des seaux qu’elles remplissent à la source dans la montagne. Nous croisons aussi des hommes, machette et scie à la main, à la recherche de bois. Au loin fume un alambic.
Installées sous un manguier, nous lisons les guides et regrettons de ne pas avoir apporté de la lecture et mon matériel à dessin.
une petite fille
Nous déjeunons en compagnie d’une petite fille collante qui nous donne mauvaise conscience. Peut être a-t-elle faim ?
Chorale
Une chorale religieuse s’est installée sous les flamboyants. C’est un patronage de Tarrafal qui a passé ce jour férié à la campagne.
Nous attendons l’aluguer du retour en compagnie de vendeuses de bonbons à l’unité, de T-shirts et même de chaussures, installées sur le bord de la route.
Une femme descend portant sur sa tête une bassine remplie de plantes vertes. Elle prend le minibus avec nous. Je commence à mieux comprendre le fonctionnement de l’aluguer. Le passager près de la porte se charge de l’ouvrir, de placer les passagers, de répartir les paquets, de recruter de nouveaux passagers et d’encaisser le prix du passage. Le chauffeur n’a plus qu’à s’occuper de la conduite. Comment ces receveurs se recrutent-ils ? Est ce que ce sont des habitués de la ligne ? Des amis du chauffeur ? Des passagers plus débrouillards ? La question reste en suspens.
Retour rua Banana
Après la lessive j’installe ma chaise au milieu de la rue pour une aquarelle. Les petites filles m’entourent. Pendant le dessin, elles me laissent à peu près la paix. Dès que j’utilise la couleur, elles reconnaissent les différentes maisons : « casa Nono » commentent les couleurs, l’une d’elles veut tenir le gobelet.
Pendant ce temps Dominique court le village à la recherche de notre dîner, cherche des yaourts (sans succès), va trouver les femmes qui font des grillades sur un barbecue sur la place (trop tard) et finalement commande à Bab un poulet grillé que nous mangerons sur la plage.
Joseph, le fils d’Abel, me trouve entourée des petites filles. Il est ravi que nous nous liions d’amitié avec les enfants.
Coucher de soleil sur la plage
Nous dînons assises sur le parapet à la limite de la plage… Les pêcheurs poussent leurs barques à l’eau pour aller pêcher de nuit. Cinq petits jouent sur les rochers. Leurs silhouettes noires se détachent sur le ciel. Ce serait un beau sujet de photo. Dominique raffole de contre-jours.
Nous observons le manège des fillettes qui descendent en chantant et en dansant en file indienne portant des seaux sur la tête, les plus petites des boîtes de conserve. Tout le monde pose le chargement, elles s’accroupissent les fesses en l’air. Que font elles ? La vaisselle ? La lessive ? Remontent elles de l’eau de mer ? Du sable ? La caravane revient à maintes reprises, toujours en chansons. Elles peuvent danser avec leur chargement qui ne s’écroule pas. Un petit garçon en T-shirt rayé se mêle à elles mais lui ne porte rien.
En rentrant nous croisons Joseph qui téléphone en français. Il nous annonce qu’il s’est fâché avec «son cuisinier» et que nous mangerons à la maison de ses parents. Nous plaidons pour Bap charmant, serviable et gentil.