J’arrête une capote,3 LE pour deux.
Le ciel est à nouveau gris. Le petit temple est décevant. Ses colonnes sont très abîmées. Beaucoup de visages des divinités ont été martelés. Les couleurs sont passées. Nous sommes un peu déçues, sans doute blasées. Le gardien est collant; Nous essayons de décourager ses tentatives de commentaires en nous asseyant fréquemment pour lire à haute voix le Guide Bleu. Il continue à nous escorter. On lui montre le guide Gallimard et sa belle carte à déplier illustrée, les dessins des oiseaux. Pour gagner sa pièce il fait un effort d’imagination et me conduit sur le toit du temple en sautant comme un cabri de bloc en bloc. C’est vraiment de l’escalade et je dois m’aider des mains. Je l’admire, il est vieux, corpulent en longue galabieh et chaussé de savates.
Du haut du temple la vue est magnifique, on voit le Ramesseum, le temple d’Hatshepsout, tous les petits villages.
Nous rentrons à pied à travers le village. Des femmes toutes voilées de noir de la tête aux pieds passent en groupe. Le chemin est long, on arrête un taxi collectif.
Voyage en convoi
Le convoi pour Assouan part à7h. Il est formé d’une voiture militaire, de trois microbus, d’une voiture particulière et de trois cars. Il est tout sauf discret. Il brûle les feux rouges en ville, roule sans se soucier des bandes blanches … Avantage : on roule vite. Ce n’est guère plaisant de payer un taxi sans pouvoir lui demander de ralentir pour prendre une photo. Nous passons plusieurs barrages, le dispositif policier est impressionnant. Un convoi à heures fixes ne me paraît pas être la meilleure garantie contre les embuscades. Nous sommes annoncés par une sirène.
Nous traversons donc la campagne, le Nil est le plus souvent caché par une digue de remblais. Les écoliers vont à l’école en uniforme soit bleu marine pour les plus grands, beige pour les petits souvent en tabliers. Ils sont très soignés. Les écoles sont construites sur le même modèle : un grand immeuble de brique rouge d’environ quatre étages avec une grande cour, un peu genre caserne, sur les vitres on voit des dessins d’enfants.
Les luzernes sont vert très vif presque fluo. On récolte en ce moment la canne à sucre. On en fait de grands tas un peu desséchés que l’on charge sur des wagonnets qui circulent sur une voie à rails peu écartés. En passant à la sucrerie de Kom Ombo, on verra des hommes qui se jettent sur les chargements des camions entrant à l’usine, pour arracher des tiges à pleines mains. Personne n’intervient pour empêcher ces larcins.
Les villages sont construits en bordure du désert pour ne rien perdre de la très mince bande cultivée verte. Certains villages sont tellement pauvres qu’ils ressemblent aux villages antiques, murs bas, courettes et toits plats encombrés de sortes de branchages de palmes et saletés diverses. Sur le bord de la route on voit des cafés de plein air ombragés par des bâches.
Il y a très peu de circulation, pratiquement pas de voitures particulières, surtout des ânes tirant de petites charrettes, portant de la luzerne ou des cavaliers.
Edfou
Edfou
Nous passons à côté d’Esna sans nous arrêter. A Edfou, nous traversons le Nil. Edfou est une grande ville ; il y a des embouteillages de calèches et de véhicules divers traversant le marché. Le temple d’Edfou est rempli de groupes de touristes et nous n’avons qu’une heure pour le visiter.
C’est dommage qu’on soit si pressé, il est énorme et bien préservé. D’énormes faucons en granite en gardent les entrées du temple d’Horus. Pour la photo il faut prendre son élan. Chacun veut se faire photographier en compagnie du faucon,
.
Sur le pylône d’immenses Horus, le Pharaon et d’autres divinités sont gravés. Nous n’avons pas le temps de sortir le Guide Bleu, pas non plus la possibilité de suivre un groupe. Nous arpentons donc les cours et la salle hypostyle au pas de charge. Les chapiteaux hellénistiques me plaisent beaucoup, les bas reliefs moins. Le style des bas reliefs est plus « baroque », plus surchargé, moins lisible que dans les temples du Nouvel Empire. Les pharaons me sont inconnus, les corps sont plus gras les chairs plus molles.
Achats
C’est l’occasion de faire des achats. Ici tout se marchande en Euros. Une belle galabieh bleue me tente ainsi qu’une chemise blanche toute simple.
Je cherchais des nappes damassées. Dans la queue des tickets, j’entends une guide conseiller des touristes : 3 m, 12 serviettes doivent se négocier autour de 100 livres. Les coloris ne me plaisent pas. Celles qui sont imprimées sont jolies. Le vendeur prétend les vendre 50 Euros, il veut bien baisser à 40 Euros. Je sors de l’échoppe, à 40 LE je prends. Le vendeur nous poursuit jusqu’au taxi. En route, je me suis exercée à compter avec le chauffeur (jeu que j’ai déjà pratiqué au Maroc avec les femmes) je prends donc à témoin le chauffeur en comptant en arabe, 40 livres lui paraît un bon prix, le vendeur cède. Je suis ravie. Je commence à bien me débrouiller : deux règles, ne marchander qu’un objet qu’on est décidé à acheter et ne tenir aucun compte du prix initial puis éconduire fermement mais avec le sourire toutes les propositions pour des objets qui ne conviennent pas. D’un geste de la main ou d’un claquement de langue cela suffit.
Kom Ombo
Koum Ombo sobek
Le convoi s’ébranle à nouveau. La plaine du Nil a pratiquement disparu, nous roulons dans le désert. La ville de Kom Ombo est précédée par une grande sucrerie. A l’écart dans une boucle du Nil, le petit temple dédié au dieu-crocodile Sobek et à Horus est beaucoup plus tranquille, plus petit et plus charmant que l’énorme temple d’Edfou. Nous n’avons que trente minutes.
Je cherche des crocodiles et les instruments de médecine, un jeune militaire nous les montre, ainsi que le cartouche de Cléopâtre ; il demande discrètement son dû dans un couloir tranquille.
Avant d’atteindre Assouan les villages changent complètement, ils sont tout blancs avec un curieux toit en demi-cylindre: voûte nubienne.
Cette phrase nous allons l’entendre à de nombreuses reprises. Le minibus s’arrête devant un dais qui abrite une allée carrelée. Nous passons sous un portique de sécurité (nous en avons l’habitude). Nous voici à Isis Corniche. C’est encore plus luxueux que je l’imaginais. La réception est en marbre. On nous offre un verre de jus de fruit de bienvenue.
Nous logeons dans un petit bungalow au toit nubien avec un fronton peint de façon hideuse. Nous avons un jardin charmant. Une petite cascade fait un frais bruit d’eau. La chambre est quelconque, sauf un très joli pliage de serviettes, une fleur sur chaque lit et deux gravures anciennes du Caire. La salle de bain est carrelée de faux marbre presqu’aussi beau que du vrai.
Le petit déjeuner, avalé à 5h45 est déjà loin. On sert au bord de la piscine, un menu très cher et quelconque : une salade de thon et des spaghettis bolognese pour . Je regarde avec méfiance la tomate finement découpée pour décorer qui a une drôle d’allure .
Baignade, depuis des mois, j’attends cette étape avec piscine. A Kom Ombo, il faisait très chaud sur le site, mais au bord du Nil, il fait frais. L’eau est glaciale. J’ose y plonger, je fais trois tours de piscine ronde et, je suis rejointe alors par des Anglais. Pour plaisanter je leur dis « je mérite un bakchich pour avoir montré que c’était possible ! »Aucune réaction de leur part, les Egyptiens auraient ri de la plaisanterie. Ils font sans arrêt des blagues pas toujours très fines mais gentilles. Les soldats« no bombs ? « invariablement en ouvrant nos sacs et je leur réponds « two machine-guns », cela les fait rire .
Nous paressons à la piscine jusqu’à 16 h puis partons à la découverte d’Assouan. Les felouques passent avec leur belle voile. Les Nubiens sont différents des Egyptiens. Presque tous sont très grands, très noirs et ont une belle allure. Tout le monde est aussi très gentil: « Where are you from ? – France !– Welcome to Aswan ! »
Nous regardons le coucher de soleil depuis un jardin public. La vue sur les îles est très belle. Nous sommes en face du Nilomètre près de l’Old Cataract, l’hôtel que fréquentait Mitterrand.
Musée Nubien
reconstitution d’un village nubien
Le Musée Nubien est l’antithèse du Musée du Caire. Il ressemble à un Musée américain. Salles de granite rose poli, grands panneaux explicatifs bilingues anglais-arabe. Peu de pièces sont exposées, toutes bien mises en valeur et bien exposées dans de jolies vitrines.
Le fil conducteur est l’histoire de la Nubie, des chasseurs préhistoriques à la construction du haut barrage qui a noyé toute la Nubie.
Les collections alternent avec des maquettes et des plans.
Ce qui est étonnant c’est l’affluence des Nubiens qui viennent en famille retrouver leur civilisation noyée. Il y a très peu de blancs dans le public. C’est une ambiance très différente des sites archéologique. Je prends mon temps.
Ferry
Pour aller à l’île Eléphantine en felouque, je marchande avec un homme et tiens ferme pour 5 LE. Il nous dit d’attendre ! On prendra les transports en commun avec les cagettes de tomates, de petits pois, les pains…Les femmes montent à l’avant, les hommes derrière.
Nous débarquons dans le petit village nubien : quelques maisons peintes en blanc ou en jaune. Les jardins sont ombragés par d’immenses palmiers, des ficus et des essences africaines inconnues. Le sentier serpente entre de fins murs de terre séchée.
Un jeune garçon nous emboîte le pas, puis nous précède. Il est fin, mince, très noir de peau, souriant. C’est une escorte très discrète. Il ne cherche pas à nous parler, il marche une dizaines de pas devant nous, et nous attend quand nous faisons des photos. Au village suivant, il prend congé d’un sourire. Promenade dans le calme et le silence qui me rappelle la palmeraie d’Agdz au Maroc .
Ile Elephantine village nubien
Le village où nous arrivons est animé : de nombreuses femmes complètement voilées de noir passent..Elles se rassemblent dans une maison (un enterrement ?), d’autres femmes s’affairent. Les seuls mots que nous entendons sont des souhaits de bienvenue soit en arabe (les femmes) ou « Welcome to Aswan ! » (les hommes).
Musée
L’ancien musée est installé dans un pavillon colonial ressemblant à une pagode ceint d’une balustrade de bois bleue.
Le musée est vieillot, les vitrines poussiéreuses, les étiquettes jaunies. Beaucoup de poteries, des bijoux, quelques sculptures, une salle de momies : une gazelle, un bébé et une tête d’homme, trois autres momies gisent enveloppées et décorée. Bien sûr nous sommes suivies, le gardien attire notre attention sur les pièces intéressantes.
Jardin
A notre venue dans le jardin attenant au musée, un jeune jardinier se précipite, court d’arbre en arbre, m’offre des fleurs, de grosses cloches jaunes, des roses, du jasmin. Il sautille et revient avec des trésors odorants : de la menthe, du basilic, de la citronnelle « for mosquitos !» (Il y en a, j’ai été piquée cette nuit). Cet accueil me ravit autant qu’il irrite D. Je place mon bouquet coloré à ma boutonnière et respire avec plaisir les senteurs de jasmin. Il me montre le latex qui coule de l’hévéa, un curieux arbre « camel foot » avec des fleurs roses et nous offre du thé.
Temple de Khnoum – Nilomètre
Knoum
Après cette halte à l’ombre, nous allons dans la chaleur au site archéologique qui occupe tout le sud de l’île Eléphantine. Le temple de Knoum, un dieu-bélier et le fameux Nilomètre. Nous admirons le travail des archéologues qui ont retracé les figures à partir de fragments isolés. Sur le ciment qui relie les fresques, ils ont tracé d’un fin trait les personnages à partir d’une épaule, d’un pied, d’un fragment de coiffure.
Tout un village antique a été dégagé. Les jarres à eau dans les courettes sont les mêmes que celles qui existent encore aujourd’hui (trois jarres avec un couvercle, une tasse en alu sont à la disposition des passants qui peuvent se désaltérer). Les fours ronds sont les mêmes qu’aujourd’hui. Les escaliers mènent aux terrasses.
Trouverons nous une felouque ou un bac pour aller sur l’île toute proche?
Au musée, un policier plus âgé que les autres, nous conseille de reprendre la ferry jusqu’au débarcadère et d’y chercher une felouque. Je tends 2 livres pour le ferry, cela suffit bien pour ce court passage.
A quai, un homme nous propose une felouque. Pour 30 livres, il nous conduira et attendra 45 minutes. Il nous confie au Captain Rabi, un beau nubien souriant.
La traversée est très agréable, nous faisons le tour de l’île Eléphantine à très petite vitesse pour que nous puissions prendre des photos.
felouques
Le parc botanique occupe toute l’île Kitchener. Il est parcouru par trois longues allées bordées de palmiers variés à troncs lisses et blancs comme des colonnes. Sur la rive faisant face à l’île Eléphantine les bougainvilliers sont en fleur. A l’intérieur du parc poussent des arbres immenses d’essences inconnues : deux d’entre eux portent une floraison rouge vif. Quand les fleurs tombent à terre elles font du bruit. On en ramasse une, son calice est dur et ressemble à un demi citron vert, la corolle de pétales charnus de 7 à 8 cm de long, les étamines forment une brosse épaisse. Des Egyptiens pique-niquent en famille. Nous nous attarderions volontiers si notre bateau ne nous attendait pas au sud de l’île. De gros blocs de granite affleurent formant de nombreux îlots portant des chaos rocheux ou des roseaux. Nous passons devant des hérons ou des aigrettes . C’est vraiment un batelier très agréable ! Nous prenons rendez vous pour demain matin 8 heures.
Sur la corniche/ « felouca ! taxi ! » La même personne propose les deux ; nous avons compris pourquoi : il seulement un intermédiaire. Nous organisons notre excursion à Philae pour 14 heures, un taxi passera nous chercher à l’hôtel. Le marchandage marche bien ici, ides dizaines de bateaux attendent à quai et très peu de touristes indépendants.
14 heures- une 404 blanche nous attend. Elle est poussive mais le chauffeur est sympathique. Après les cimetières, nous arrivons dans la montagne couverte de grosses boules granitiques. Je vois enfin les affleurements du granite rose si célèbre.
L’embarcadère pour Philae se trouve proche de l’ancien barrage. Un homme âgé joue l’intermédiaire, il lui manque des dents et des doigts mais il fait autorité sur tous les bateliers. Comme nous avons baissé le prix, il nous confie à des gamins : le moteur de leur barque est à moitié démonté, ils tirent sur une ficelle sans réussir à démarrer. Le « chef » se désintéresse de notre sort. Heureusement un autre gamin vient à la rescousse, nous changeons de bord sous les regards furieux des enfants. Notre petit capitaine pourrait être élève de 5ème ou de 4ème, sa peau est très brune, son sourire éclatant. Il porte une galabieh beige et se prend au sérieux. D’entrée il demande une cigarette. Il nous attendra jusqu’à 16 heures.
Sur l’île de Philae, il y a une foule de touristes, c’est dommage. L’île est ravissante avec ses temples. Le temple d’Isis a été remonté ici, il est massif avec ses deux pylônes. Les personnages des bas-reliefs ont été martelés mais colonnes et chapiteaux sont intacts. Nous visitonss un troisième temple hellénistique en deux jours. Il est plus difficile de retrouver des anecdotes avec les figures souvent abîmées. Ces sculptures ptolémaïques ont des corps plus exubérants, le nombril s’enfonce dans des ventres plus gras, les seins d’Isis ou d’Hathor sont plus arrondis, les chairs rebondies. Les vêtements et ornements sont moins fins.
En revanche les chapiteaux sont plus variés, les motifs floraux stylisés me plaisent énormément.
J’ai préféré le kiosque de Trajan, jolie colonnade aérée plutôt que le temple d’Isis massif derrière ses pylônes. Le sanctuaire d’Isis est bien éclairé, dans la pénombre donne une impression de mystère, l’éclairage venant du bas fait ressortir les bas reliefs.
Nous sommes un peu saturées de visites de temples. Nous préférons donc nous asseoir, regarder le Nil, ses berges rocheuses et les villages au loin.
Je termine la soirée à écrire sur notre terrasse, les nuages ont complètement couvert le ciel, pas de coucher de soleil.
Dîner au souk, shwarma et goyaves pour moi, yaourts pour D.
Nous ne savons plus très bien où trouver Captain Rabi ni comment s’appelle son bateau. Des felouquiers nous viennent en aide. Le chauffeur de taxi de Philae propose la felouque de son fils. Sur ces entrefaites, Rabi arrive . Pour arriver sur la rive occidentale,nous contournons des îles. Rabi appelle les hérons des ibis.
Méharée
méharée
Les chameliers attendent sur la plage de sable . Le prix est fixe, pas de discussion possible : 25 LE pour une, 35LE pour deux. Le « chef » hèle un jeune qui traîne un chameau très haut et très maigre. De nombreuses bêtes sont harnachées avec des pompons colorés et un poil épais. Voici qu’on me donne une vieille rossinante !
Il faut trois personnes pour faire coucher la bête récalcitrante et me hisser. Ils prodiguent leurs conseils, se tenir d’abord à l’avant puis à l’arrière, tandis que le chameau se lève en deux temps. Je fais la fière. Ce n’est pas ma première expérience de dromadaire.
Le chamelier tire la longe de toutes ses forces. Quand l’animal semble décidé à avancer, il me tend la corde et passe derrière en tapant doucement sur le flanc. Mon chameau est une vieille carne têtue, il fait demi tour chaque fois qu’on le lâche. Vers le monastère, je trottine enfin fièrement.
Visite du monastère saint Siméon
La visite du monastère Saint Siméon est guidée par un vieux petit bonhomme très sympathique qui agite les manches de sa galabieh comme des ailes d’oiseaux et avance en chantonnant. L’église assez vaste pour contenir 300 moines. L’iconostase est un mur de pierre percé d’un guichet pour la communion. Le guide mime le communiant, tirant la langue puis il passe de l’autre côté et imite le prêtre. Les fresques sont assez pâlichonnes. Dans une cellule, il montre un trou où le moine était suspendu par les cheveux pour prier sans s’assoupir. Nous allons voir le dormitorium et les cellules, toujours voletant des manches et chantonnant. Au fond se trouve la pièce destinée aux hôtes de passage avec des inscriptions en arabe et des étoiles de David. Chacun était accueilli, quelle que soit sa communauté. On peut également voir les cuisines, le moulin, le four … Je le remercie en lui donnant 20 livres, il embrasse le billet puis se touche le cœur et le front.
Démêlés avec les chameliers
Au retour je paie les 25 LE convenues. Le chamelier qui insiste pour avoir un pourboire. J’ajoute 1 livre. Ce n’est pas beaucoup, certes, mais le service n’était pas très satisfaisant. Dominique m’entraîne sur le bord du Nil où elle a repéré une promenade en attendant le retour de Rabi.
Dès que nous quittons la « plage » habitée, nous sommes rejointes par mon chamelier et un acolyte. Ils me montrent un billet de 10 LE, un de 5 et deux d’une livre. Soit disant, je me serais trompée de billets en payant et j’aurais confondu 1 et10 livres. On nous a déjà fait le coup de sa substitution de billets à Istanbul. Nous ne cédons pas. Dominique menace d’aller à la police (pour une fois qu’ils ont une certaine utilité !). Les chameliers ne se démontent « OK, la bolis ! ». Nous leur emboîtons le pas. D raconte notre version à un vieux policier qui nous donne raison « I am the captain ! » Il fait signe de la main aux chameliers de circuler.
Notre promenade est bien compromise. Nous avons hâte de quitter les lieux et Rabi qui n’arrive pas !
Nous allons à pied au cimetière où se trouvent les mausolées fatimides en briques à coupoles cannelées. C’est le cimetière encore en fonction. Nous nous sentons intruses. Une femme est accroupie devant une tombe. Pas de dalles de pierre, nous sommes pourtant dans un pays de granite. Des petits murets de ciment délimitent des rectangles de terre. Quelquefois une plaque de marbre est calligraphiée, pas toujours. Des palmes sèchent, des aloès ont été plantés dans des pots, certains sont en fleurs et portent une belle hampe jaune. Un homme surgit et propose de nous guider aux tombes fatimides. Pour une fois nous sommes ravies de la présence d’un guide autoproclamé. Il nous explique aussi comment arriver à l’obélisque inachevé.
mausolée fatimide
Obélisque inachevé
Celui se trouve encore dans sa carrière. Qui n’offre que peu d’intérêt sauf pour la géologue qui se réveille en moi Je constate la quasi-absence de diaclases. L’affleurement est massif, on y a extrait des blocs géants. La longue aiguille brisée repose sur place entre deux tranchées creusées par les carriers antiques.
Vers 15h30 nous retournons par le ferry à l’île Eléphantine (1LE pour deux) .Nous déambulons tranquillement dans les ruelles du Village Nubien. C’est un endroit enchanteur, celui que je préfère à Assouan. De grands arbres à feuilles étroites, longues et épaisses, exhalent un parfum très agréable. La fraîcheur est accentuée par la présence de l’eau dans de petits canaux. J’aimerais photographier les belles jarres brunes vernissées disposées soit sur des portoirs métalliques soit dans des tous creusés dans une simple planche. Elles sont fermées par un couvercle sommaire, au dessus est posé un gobelet. Sont-elles destinées aux passants assoiffés ? Servent-elles à désaltérer les bêtes ? Est ce la réserve d’eau de la maison ? On les trouve partout, même en ville.
Des femmes toutes de noir voilées, très belles, de type africain, sont assises sur des banquettes de terre. Certaines épluchent leur salade (elles découpent au ciseau des feuilles qui ressemblent à de la luzerne). D’autres font de la vannerie très colorée en mêlant à la paille de la laine. D’autres, enfin, surveillent de petits étals de souvenirs.
Par hasard, nous découvrons l’école. Un groupe de touristes français la visite, camescope en action. Nous entrons donc à leur suite dans la cour toute pavoisée de papiers découpés colorés. Aux murs, toutes sortes de panneaux éducatifs bricolés très ingénieusement : un œil disséqué, des miroirs figurent les rayons lumineux, des tuyaux en plastique rouge et bleus expliquent la circulation du sang. Tous ces panneaux sont faits avec les moyens du bord avec beaucoup de couleurs, de goût et d’invention.
Les classes sont ouvertes. Nous entrons d’abord dans la salle informatique. Les trois ordinateurs sont protégés de la poussière par des housses plastiques. Aux murs, encore des panneaux bricolés expliquent le maniement de la souris « THE MOUSE » imitée en polystyrène avec les icônes habituelles.
Je rencontre mes collègues, les professeurs de bio et de physique, je demande à quels enfants sont destinés les panneaux du cycle de l’eau et ceux de la reproduction humaine , – 11 à 13 ans- comme chez nous, les programmes ne semblent pas très différents ;
Nous assistons à un cours de maths, le professeur, barbu en galabieh beige – la même que celle des paysans – écrit des équations au tableau. Les gamins n’ont ni cahiers ni crayons. Tout se passe à l’oral dans le plus grand enthousiasme et le plus grand calme. Facile, ils ne sont que cinq élèves ? cette école scolarise 120 enfants. Au centre de la cour : une table portant une boite pour récolter les donations des touristes. Je laisse 20 livres avec un peu d’hésitation, c’est si peu pour nous. Peut être aurais je dû me montrer plus généreuse ?
Nous flânons dans les jardins et atteignons l’autre rive du Nil. Tout est calme. Beaucoup d’habitants sont sortis prendre l’air. Les enfants et les vieilles femmes quémandent des « bonboni ». On distribue de très bonne grâce les chewing gum que nous avons dans nos poches ? Une femme très belle se laisse filmer par des touristes, elle nous propose « photo-bakchich », cela paraît un peu indécent, nous l’évitons.
Les nuages se sont enfin dissipés. La lumière du soir est très belle. Dommage qu’Assouan ne soit pas très photogénique défigurée par un hideux bâtiment en hauteur, l’immeuble de la police, et surtout par les bateaux de croisière massifs et très laids. Les felouques sont nombreuses.
Nous reprenons le ferry (1 LE). Sur un banc de la Corniche, nous regardons passer les bancs de nuages roses et orange, saumon, violets au dessus des montagnes de la rive en face.
Dans la première boutique nous achetons deux coupelles d’albâtre pour 10 euros.
Les marchands d’épice ont allumé des morceaux d’encens qui fument. Les odeurs d’épice et d’encens se mélangent dans un parfum très fort. Pour nous appâter, un commerçant dépose une pincée de poudre dans la main et fait deviner. Nous reconnaissons l’anis, le cumin (facile !) mais nous calons devant une masse grisâtre de racines et de tiges emmêlées : c’est du lotus. Si nous la plongeons dans l’eau elle reprendra son volume et dégagera son parfum.Cela se vend au poids et vaut quelques piastres le gramme. Sur la balance deux pieds atteignent 20 LE. Il ne faut pas oublier de marchander, nous les emportons pour dix. Cela vaut sans doute moins et qu’est -ce que cela donnera de retour à la maison ? Mystère !
nappes
J’ai envie d’une nappe damassée . La mise à prix est de 19 euros, on arrive à s’entendre pour 20 euros les deux nappes. Malheureusement le marchand n’a pas en magasin le bleu foncé que je souhaite. Nous renonçons – pensant trouver du bleu ailleurs – quoique le vert foncé et le jaune me plaisent bien,. Bien que le souk soit grand, il y a peu de marchands de nappes. Un autre commerçant veut faire affaire. Il assure « du bleu, il y en a ! » nous discutons du prix, il demande 35 livres, je maintiens mon offre à 20 Euros les deux. Nous nous en allons, il ne nous rappelle pas. Nous cherchons ailleurs. Puis revenons, acceptons un compromis 20 euros et 5 LE. Il nous offre des chaises et nous plante seules dans son magasin. Il y a plein de bondieuseries coptes très kitsch, un crucifix électrique comme veilleuse, des fioles à parfum, des animaux sculptés. On pourrait tout embarquer. On nous fait confiance. Au bout de dix minutes, il revient bredouille, il a cherché des nappes bleues chez tous ses collègues. Dommage ! En tout cas je me suis bien amusée.