Après une belle sieste, je me perds dans les ruelles de la ville historique et aboutis au Duomo.
Façade 19ème (on a vu mieux à Florence), intérieur baroque me laissent froide. Je dédaigne San Gennaro et ses liquéfactions de sang qui me répugnent.
Je découvre la chapelle Minutolo du 13ème avec un très beau monument funéraire toscan polychrome et les fresques de Montano d’Arezzo. Un peu de Toscane à Naples ! du gothique préservé !
Il y a encore beaucoup plus ancien : la chapelle Santa Restituta, basilique du 4ème siècle. La merveille est le baptistère décoré de mosaïques à fond bleu avec des oiseaux extraordinaires et des personnages en toge romaine.
Cette mosaïque assure la liaison entre le monde romain et la Naples chrétienne, chaînon qui m’entraîne dans l’antiquité. Sous le Duomo, tout un ensemble antique est préservé : mosaïques d’une basilique romaine, canalisation et canal pour les eaux pluviales, greniers et même les murailles grecques. Comme ce matin, me voilà projetée dans l’Antiquité par mégarde.
La propriétaire de l’appartement nous donné rendez vous à 19 heures pour un tour de Naples en voiture. Elle m’entraîne sur les hauteurs du Posilippo.
Au coucher du soleil, la vue est merveilleuse sur les îles : Nisida, la plus petite reliée à Naples ; Procida et Ischia la plus grande avec son volcan. Le cap est érodé par le vent qui a creusé des figures irrégulières dans le tufo clair (sable sédimentaire ou cendres volcaniques ?). Un rocher émerge : c’est le domaine des oiseaux marins.
Le Parc de la Remembrance est très fleuri. Nous comparons les noms des fleurs en Italien et en Français. Le laurier rose a un nom très différent : Oleander. Au belvédère, face au cap Misène, la propriétaire, professeure d’Italien et de Lettres Classiques, me fait un cours sur Enée, l’Enéide et l’Odyssée. J’apprécie ces références antiques.
Quand nous rentrons, les lumières s’allument dans la baie . Une promenade parfaite (ou presque, des barres nuageuses ont caché le coucher du soleil).
Le réseau des autobus n’a plus de secret pour nous : munies d’un ticket giornaliere on peut sauter d’un métro dans un bus, faire quelques centaines de mètres et descendre. Il suffit de consulter la liste des arrêts principaux et de suivre les panneaux lumineux à l’intérieur du véhicule qui indiquent l’arrêt suivant. Ce matin le 178 nous conduit directement à Capodimonte.
Nous suivons les indications du Guide bleu, négligeant les œuvres les moins connues. C’est une sorte de jeu que de retrouver les tableaux : les étiquettes italiennes ne correspondent pas toujours à leur équivalent français. Quel est le véritable nom du Titien ? Tiziano Vecellio et celui de Raphaël ou du Pérugin ? Le cadre a parfois changé de salle comme la Madeleine de Titien.Titien est ma première découverte. Nous avions bien dû en voir au Palais Pitti mais je n’en avais plus le souvenir. Ses portraits de PaulIII sont frappants.
Titien portrait de Paul III
En revanche, Botticelli, Martini, Masaccio sont d’anciennes connaissances que je suis heureuse de retrouver. La Vierge à l’enfant avec des Anges de Botticelli était à l’exposition de Florence. Masaccio et Maselino étaient les auteurs des fresques de la Chapelle Brancacci. Martini est un souvenir de Sienne.
J’ai aussi plaisir à reconnaître Signorelli (de Cortone), Vasari, Sodoma et Andrea de Sarto (Volterra). Même si ce ne sont pas des peintres aussi fameux que les premiers.
Deux salles sont consacrées au maniérisme, mouvement pictural que j’ai du mal à cerner. Je lis que le Greco était la quintessence du maniérisme avec le Corrège et le Parmesan.
Breughel : parabole des Aveugles
Complètement différent mais extraordinaire, la Parabole des Aveugles et le Misanthrope de Breughel. Ces tableaux sont saisissants. Pas besoin d’étoiles dans un guide pour marquer le chef d’œuvre !
En réaction avec le maniérisme : les Carrache (Caraccio), une découverte, mais je suis moins convaincue !
Caravage Flagellation
J’avais rendez vous à Naples avec le Caravage. J’avais lu sa biographie romancée par D Fernandez avant notre voyage en Toscane. Hormis un bébé mort, grisâtre et peu avenant au Palais Pitti, je n’avais rien vu de lui. Ce rendez vous est à la hauteur de mon attente. Je goûte peu la peinture du 17ème siècle, le plus souvent sombre et bigote, les yeux révulsés vers le ciel. Le Caravage a beaucoup trop de personnalité pour être confondu avec des peintres de moindre importance. Son éclairage caractéristique anime le tableau.
Découverte aussi, Ribera, le Napolitain espagnol.
Comme à mon habitude, je fais ensuite une révision de mes tableaux préférés.
Aux Catacombes de San Gennaro, basilique paléochrétienne, je suis la seule visiteuse, le guide ne se dérange pas pour si peu.
Il y a d’autres catacombes à Santa Maria alla Sanita : la grande église coiffée d’une coupole de tuiles jaunes vernissées qui émerge à côté de la rue qui va à Capodimonte.
L’église et le quartier de la Sanita sont au creux d’une vallée profonde. On y accède par un ascenseur. C’est un quartier très populeux, très pittoresque, et paraît-il, mal famé.
L’église est très grande, très baroque, très décorée, avec un escalier magnifique en incrustation de marbres précieux. Des œuvres contemporaines complètent la décoration, pourquoi pas ?
Un gamin s’échappe des mains de sa mère et s’élance bruyamment vers l’autel. Je bougonne mon couplet (ou plutôt mon refrain) sur les enfants mal élevés. Ce n’est pas du tout le cas de cet enfant qui prie avec ferveur. Il courrait pour aller plus vite prier ! Ici aussi pas de visite de catacombes si je suis seule.
Tour de la ville close, cernée de grosses tours rondes et noires. Nous passons près de l’Albergho dei Poveri, l’énorme bâtiment est caché par des échafaudages, en restauration.
A six heures, une manifestation organisée par le Comité des Chômeurs, se réunit Place Cavour.
Bandiera Rossa, les Partisans, l’Extrême Gauche a sorti son répertoire, deux voitures, un mégaphone, deux banderoles un service d’ordre efficace mais bien peu de manifestants, quelques centaines peut être un millier en étant très optimiste. Quand on sait combien il y a de chômeurs à Naples !
Fait et colonne confrontation du monde antique et moderne
CARNET NAPOLITAIN/ 8 JOURS EN JUILLET 2005
Partout des affiches manuscrites protestent contre la saleté.
Les ordures ne sont pas ramassées : Vergogna !
D’autres ont collé des tracts ronéotés : rendre à la place Cavour sa dignité ! Qui sont les défenseurs de la propreté ? Après les déclarations de Sarkozy qui veut laver La Courneuve au Karscher, j’ai un peu tendance à croire que la propreté est une valeur de Droite. Ici, il ne s’agit pas de dealers ou de criminels, tout simplement d’ordures ménagères.
Ces ordures sont une source d’inspiration linguistique : j’admire la richesse de la langue italienne qui utilise sur les panneaux des expressions variées et des tournures diverses qui traduites en français seraient du langage soutenu presque littéraire « l’immondizii ». J’imagine en français un écriteau : Prière de déposer l’immondice dans les conteneurs. On est à l’opposé du Globish en 600 mots ! Les affiches sont souvent manuscrites.
La protestation est individuelle, pas encore stéréotypée. Devant une porte quelqu’un a demandé de ne pas garer les voitures. Au lieu du symbole « Interdit de stationner », il a écrit « Ici vivent des êtres humains, nous aimerions bien vivre ! ». En effet, dans les bassi, la porte est souvent la seule ouverture qui éclaire l’appartement. Si une voiture les bloque, les habitants sont emprisonnés.
Baie de Naples (on n'allait quand même pas photgraphierles autos!)
Après une semaine passée à Naples, nous avons acquis de l’assurance dans l’art de traverser les rues.
Au début du séjour, cela nous semblait une entreprise périlleuse. Avec l’expérience on acquiert des réflexes : chercher le feu rouge, impérativement le rejoindre, même si il est loin. Utiliser les bandes blanches de passage-piéton, négligées par les automobilistes, elles ne doivent pas être ignorées, elles sont disposées là où le passage est le plus facile. Sans être une protection, c’est quand même, une indication. Attendre que d’autres passants se décident : l’union fait la force !
Passer sans hésiter en indiquant d’un geste aimable de la main qu’on remercie l’automobiliste qui aura la gentillesse de ne pas nous écraser. Et cela a l’air de marcher ! D. agite un bandana blanc. Avec les voitures et les autobus seulement ! Les motos et les vespas ne respectent rien, ni les trottoirs, ni feu rouge, encore moins les passages piétons. Au sein d’une file de voiture, il suffit d’un autobus ou d’un camion et c’est l’embuscade mortelle !